17 juillet 2016

Buffet froid (1979) de Bertrand Blier

Buffet froidDans un couloir de métro, Alphonse (Gérard Depardieu) trouve un homme affalé qu’il avait rencontré quelques minutes auparavant sur le quai désert. L’homme a un couteau dans le ventre, son propre couteau! Quand il rentre dans la tour déserte où il vit seul avec sa femme, Alphonse fait la connaissance de Morvandiau (Bernard Blier), un bien étrange inspecteur de police… Tel est le point de départ de Buffet froid, cinquième long métrage de Bertrand Blier qui en a écrit le scénario. Il s’agit d’une comédie noire dotée d’un bel humour absurde où personne ne se comporte comme il le devrait. La façon d’enchaîner des situations où la logique cède la place à l’inattendu évoque Buñuel (notamment Le Fantôme de la liberté) à ceci près qu’il n’y a pas ici d’allégorie politique : le propos de Bertrand Blier est plus l’incommunicabilité et la difficulté de maitriser les évènements. Dans cet univers déshumanisé, où les repères forts ont disparu (à commencer par l’élémentaire réprobation du meurtre), ses personnages tentent de dominer des situations qui leur échappent constamment. Les dialogues sont particulièrement brillants, jubilatoires même, et on se prend souvent à ressentir l’envie de retourner en arrière pour les réécouter une seconde fois. Ils n’ont en tous cas plus cette vulgarité (et une certaine misogynie) que certains reprochaient aux films précédents de Blier. Il faut des acteurs de premier plan pour mettre ce genre de dialogues en valeur est c’est le cas ici avec le superbe trio Depardieu/Blier/Carmet. Malgré un bon accueil critique, le film a été un échec commercial à sa sortie, déconcertant le public.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Bernard Blier, Jean Carmet, Carole Bouquet, Geneviève Page, Jean Benguigui, Michel Serrault
Voir la fiche du film et la filmographie de Bertrand Blier sur le site IMDB.

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Buffet froid
Gérard Depardieu et Bernard Blier dans Buffet froid de Bertrand Blier.

Remarques :
* Quidam jusqu’au bout, Michel Serrault n’est pas crédité au générique !
* Buffet froid est le deuxième long métrage de Carole Bouquet après Cet Obscur objet du désir (1977), dernier film de Luis Buñuel.
* Bertrand Blier dit avoir écrit le scénario en 15 jours, de façon si précise qu’il l’a ensuite tourné sans en changer une ligne.
* Les tours désertes sont celles de La Défense alors toujours en phase de construction.
* La scène finale se déroule sur le pont de Brion (20 kms au sud de Grenoble), puis en contrebas sur l’Ebron. Voir ce superbe lieu

Buffet froid
Etonnant plan de la scène finale où la barque semble suspendue, de façon irréelle : Gérard Depardieu et Carole Bouquet dans Buffet froid de Bertrand Blier.

3 juillet 2016

Cría cuervos (1976) de Carlos Saura

Cría cuervosDans une vaste demeure madrilène, une petite fille Ana entend son père décéder dans la pièce voisine. Une femme en sort précipitamment. Bizarrement, la fillette entre dans la pièce, regarde son père et prend un verre de lait qu’elle va laver dans la cuisine… Ecrit et réalisé par Carlos Saura dans la dernière année de dictature franquiste, Cria Cuervos est une admirable réflexion sur le deuil, sur le monde de l’enfance, sur les souvenirs qui ne veulent s’effacer. Le récit débute de façon un peu mystérieuse pour dévoiler ensuite peu à peu l’univers de cette fillette seule avec ses deux soeurs : profondément marquée par la mort (ou plutôt par l’absence), elle parvient à se bâtir un monde à part où le rêve se mêle à la réalité, malgré la totale incompréhension du monde des adultes. Mais, comme on le sait, tous les films de Carlos Saura sont également une métaphore politique de son pays sous la chape de plomb du franquisme. Cette grande demeure coupée de l’extérieur représente ainsi l’Espagne, le père (et les hommes en général) le franquisme finissant, la mère est la république réduite au silence, la grand-mère la vie d’avant la dictature, la tante la bourgeoisie qui s’accommode des militaires. Les trois fillettes symbolisent l’avenir de l’Espagne et, en ce sens, le film de Saura est profondément optimiste. Âgée de neuf ans, Ana Torrent est assez inoubliable avec ses grands yeux noirs. Une fois de plus, Carlos Saura signe un film très fort avec sa façon assez unique de mêler inextricablement rêve, réalité, fantasmes et souvenirs.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Geraldine Chaplin, Ana Torrent, Mónica Randall, Florinda Chico
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Remarques :
* Le titre vient d’un proverbe espagnol « Cría cuervos y te sacarán los ojos » qui signifie « Nourrissez des corbeaux et ils vous arracheront les yeux », maxime volontiers utilisée par les adultes pour se plaindre de l’ingratitude des enfants qui est donc détournée ici pour prendre un sens politique et prophétiser que la jeune génération balaiera le franquisme.

* La chanson Porque te vas (Parce que tu pars) a connu un succès international la même année, notamment en France où ce fut le tube de l’été 1976. Les paroles de cette chanson sont sur le thème de l’absence de l’être aimé et du souvenir qu’il laisse.

* Franco est mort à peine deux mois avant la sortie du film (donc après le tournage).

* Carlos Saura avait découvert la jeune Ana Torrent dans le beau film de Victor Erice L’esprit de la ruche (1973).

Cria Cuervos
Géraldine Chaplin et Ana Torrent dans Cría cuervos de Carlos Saura.

28 juin 2016

Le Conformiste (1970) de Bernardo Bertolucci

Titre original : « Il conformista »

Le ConformisteEn 1937, l’italien Marcello Clerici est envoyé en mission à Paris par les services secrets de Mussolini. Il doit obtenir des renseignements sur son ancien professeur de philosophie, devenu leader antifasciste et exilé en France, afin de préparer son assassinat… Le Conformiste est adapté du roman homonyme d’Alberto Moravia. Il nous retrace le parcours d’un homme devenu agent mussolinien, non par conviction mais par un mécanisme de défense psychologique : un épisode de son enfance lui a laissé un profond traumatisme qui le pousse à rechercher la normalité, à se fondre dans la masse. Or, dans l’Italie de l’avant-guerre, le conformisme, c’est d’être un fasciste. Toujours dans cette recherche de normalité, il s’est trouvé une fiancée jolie, bourgeoise et un peu idiote ; il va en revanche être désarçonné par une jeune femme très libérée, l’énigmatique compagne de son ancien professeur. Mais le refoulement sexuel et intellectuel laissé par son traumatisme le pousse à détruire tout ce qui l’attire. Dans sa forme, le film de Bertolucci est très beau. La construction est complexe tout en restant limpide, la photographie est superbe avec des rendus d’images différents selon les périodes du récit. L’image vient souvent renforcer ce sentiment de décadence, comme dans ces plans au grand angle d’intérieurs gigantesques. Production germano-italienne, le film a pourtant une distribution franco-italienne. Trintignant est superbe dans son personnage froid et antipathique auquel il donne une profondeur inouïe. Dominique Sanda est très belle, d’un grande présence à l’écran (on a presque l’impression que Bertolucci s’est laissé envoûter par son actrice tant certaines scènes la mettant en valeur paraissent appuyées). La musique de Georges Delerue apporte une dimension supplémentaire. Le Conformiste est un très beau film, d’une ambiance forte et au propos qui évite toute simplification ou manichéisme.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Gastone Moschin, Enzo Tarascio, Dominique Sanda, Pierre Clémenti
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Remarques :
* Le directeur de la photographie, Vittorio Storaro, est l’un des plus grands, trois fois oscarisé (pour Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur). Il faut citer également Le Dernier tango à Paris, La Stratégie de l’araignée, 1900, Tucker, Dick Tracy, … Le Conformiste est l’un de ses premiers films.

* Les néons du générique et la musique de Georges Delerue peuvent être vus comme un hommage à Jean-Luc Godard (Le Mépris), réalisateur que Bertolucci admire. Il y a un autre clin d’oeil, plus difficile à détecter : le numéro de téléphone que Trintignant demande à l’opératrice pour avoir son ancien professeur est celui de Jean-Luc Godard !

Le Conformiste
Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Enzo Tarascio et Dominique Sanda dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

le Conformiste
Dominique Sanda et Stefania Sandrelli dansent une variante sensuelle de tango dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

20 juin 2016

L’Homme de la loi (1971) de Michael Winner

Titre original : « Lawman »

L'homme de la loiUn shérif arrive dans une petite ville de l’Ouest pour arrêter un groupe de cow-boys qui ont mis à sac une petite ville voisine un soir de beuverie et tué accidentellement un homme. Tous ces cow-boys travaillent pour un riche propriétaire qui possède la ville et que tous respectent… Lawman est le premier film américain de l’anglais Michael Winner. C’est un western assez prenant mais aussi franchement surprenant. La mise en place (un justicier seul contre toute une ville) a un petit air de déjà-vu et laisse augurer d’un développement assez conventionnel mais il n’en est rien. Contre toute attente, Michael Winner ne cherche pas à provoquer l’identification du spectateur à son personnage principal : certes il est incorruptible et ne faiblira pas mais il a une conception tellement haute de sa mission qu’il a en perdu toute humanité. C’est en quelque sorte un Terminator que rien n’arrête. Face à lui, le « méchant » cherche le dialogue pour éviter que le sang coule ; pour lui, le temps des armes est dépassé, l’argent permet d’éviter les conflits afin de préserver une société construite par les armes. Il a ainsi une vision plus moderne, qui évite la spirale où le meurtre appelle le meurtre. Et comme pour enfoncer le clou et bien montrer les contradictions de son héros justicier, Michael Winner lui fait accomplir un geste désespéré (et totalement inattendu) à la toute fin, un geste qui nous laisse pantois. Lawman se place dans le sillage des westerns italiens pour l’étalage d’une certaine violence froide où le sang se montre. L’interprétation de Burt Lancaster est puissante, sorte de colosse inflexible, tout en contraste avec Robert Ryan en shérif fatigué. La façon de filmer est marquée années soixante dix, notamment par un usage immodéré du zoom. Lawman est un western très original, doté d’une belle force.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Robert Ryan, Lee J. Cobb, Robert Duvall, Sheree North
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Remarques :
* Michael Winner est parfois qualifié un peu hâtivement de cinéaste réactionnaire, il doit cette mauvaise image à ses films avec Charles Bronson (notamment Un justicier dans la ville).
* Michael Winner a présenté Lawman comme étant « l’un des westerns les plus authentiques qui aient jamais été fait » (mais sans qu’il ne précise vraiment pourquoi…)
* Dans son encyclopédie du western, Phil Hardy présente Lawman comme étant un remake non déclaré de Man with the Gun (L’Homme au fusil) de Richard Wilson (1955) avec Robert Mitchum, affirmation qui ne me semble pas être reprise ailleurs.

 

Lawman
Robert Ryan et Burt Lancaster dans L’homme de la loi de Michael Winner.

Lawman
Burt Lancaster dans L’homme de la loi de Michael Winner.

2 juin 2016

Serpico (1973) de Sidney Lumet

SerpicoUn homme est conduit à l’hôpital en urgence après avoir pris une balle dans la tête. C’est un policier mais, curieusement, lorsque ses supérieurs apprennent la nouvelle, ils demandent si la balle qu’il a reçue venait d’un policier ou pas. Nous revenons onze ans plus tôt, au moment où Frank Serpico entrait dans la police… Basé sur une histoire vraie et adapté d’un livre de Peter Maas, le film de Sidney Lumet retrace le parcours solitaire et semé d’embûches d’un policier qui a dénoncé la corruption de la police de New-York. Très justement, le cinéaste adopte une mise en scène sobre, classique, quasi documentaire qui sert le sujet. La réussite du film doit aussi beaucoup à la performance d’Al Pacino qui s’est investi entièrement dans la composition de son personnage avec un look aussi changeant qu’inhabituel pour un policier (l’inspecteur avait obtenu de ses supérieurs qu’il adopte une tenue qui lui permette de passer inaperçu dans la rue). Pacino est étonnamment crédible dans son interprétation pleine d’énergie, c’est l’un des ses plus grands rôles au cinéma.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Al Pacino, John Randolph, Tony Roberts
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Remarques :
* Le véritable Frank Serpico a démissionné de la police en 1972 et a préféré quitter son pays. Il est allé vivre en Suisse (comme annoncé à la fin du film). Il a ensuite vécu aux Pays-Bas avant de rentrer aux Etats-Unis.
* Sydney Lumet a de nouveau décrit le parcours d’un policier dénonçant la corruption de la police dans Le Prince de New York (Prince of the City, 1981).

Serpico
Al Pacino dans Serpico de Sidney Lumet.

Serpico
Al Pacino dans Serpico de Sidney Lumet. Serpico n’a pas que des amis parmi ses collègues…

Serpico
Al Pacino et Tony Roberts dans Serpico de Sidney Lumet.

Serpico
Le vrai Frank Serpico lors de sa déposition face à une commission d’enquête en 1971.

29 mai 2016

Chinatown (1974) de Roman Polanski

ChinatownEn 1937, alors que la sècheresse sévit à Los Angeles, le détective privé Gittes est engagé par une femme pour faire suivre son mari qu’elle soupçonne d’adultère. Le détective le surprend effectivement avec une jeune femme et l’histoire fait la une des journaux car l’homme est à la tête du service des eaux. Le détective découvre alors qu’il a été utilisé… Avec Chinatown, Roman Polanski rend un superbe hommage au film noir avec une intrigue digne de Dashiell Hammett ou de Raymond Chandler. Tout comme ces deux maitres, il a écrit avec Robert Towne une histoire aux couches multiples prenant des tournures inattendues. Elle nous plonge dans la « California Water War », une guerre de l’eau où un aqueduc, construit à la fin du XIXe depuis l’Owens River pour alimenter Los Angeles, eut pour résultat d’assécher totalement la verdoyante et fertile Owens Valley. La reconstitution est magnifique avec une superbe photographie qui génère une atmosphère particulièrement prenante. On n’a absolument pas l’impression qu’il s’agit de décors. Polanski utilise fréquemment le principe de la caméra subjective pour mieux nous mettre dans la peau du détective (et aussi, sans doute, pour mieux coller à l’esprit Chandler dont tous les romans sont écrits à la première personne), un détective personnifié avec brio par un Jack Nicholson tout en retenue, très juste dans son jeu. Faye Dunaway forme avec lui un couple assez fascinant, plutôt électrique. Le réalisateur John Huston complète le tableau, il est ici l’un de ses grands rôles en tant qu’acteur (1). La musique de Jerry Goldsmith contribue à rendre l’atmosphère encore plus envoutante. Le déroulement du scénario est d’une grande perfection. Gros succès populaire, Chinatown est le dernier film que Roman Polanski tourna aux Etats-Unis.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Faye Dunaway, John Huston, Perry Lopez
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Remarques :
* Roman Polanski tient le rôle du sinistre petit malfrat manieur de couteau.
* Seule la scène finale se déroule à Chinatown. Dans la première version du script, il n’y avait même aucune scène se déroulant à Chinatown.
* La première version du script a été écrite par Robert Towne seul mais, à son grand dam, Polanski a voulu revoir tout avec lui.
* La fin est un peu étrange, très noire. Polanski a déclaré qu’elle traduisait un peu son désespoir après le meurtre de sa femme Sharon Tate.
* Jack Nicholson donnera une suite à Chinatown avec The Two Jakes (1990), film bien moins réussi.

(1) Rappelons que le grand John Huston, qui a débuté sa carrière de réalisateur en adaptant un roman noir de Dashiell Hammett Le Faucon Maltais (1940), a eu une carrière intermittente d’acteur en plus de celle de réalisateur. Il fut d’ailleurs nominé pour un oscar en tant qu’acteur pour The Cardinal d’Otto Preminger (1963).

Chinatown
Jack Nicholson dans Chinatown de Roman Polanski.

Chinatown
Jack Nicholson et Faye Dunaway dans Chinatown de Roman Polanski.

John Huston dans Chinatown
John Huston dans Chinatown de Roman Polanski.

22 mai 2016

C’était demain (1979) de Nicholas Meyer

Titre original : « Time After Time »

C'était demainLondres 1893. Lorsque H.G. Wells réunit ses amis pour leur exposer sa machine à voyager dans le temps, il est loin de s’imaginer que l’un de ses hôtes n’est autre que Jack l’Éventreur. Il ne l’apprend que lorsque la police vient sonner à sa porte pour fouiller la maison. Trop tard ! Le criminel s’est échappé en utilisant la machine… Mettre H.G. Wells et Jack l’Éventreur dans la même histoire et les envoyer tous les deux dans le futur, il fallait oser ! Nicholas Meyer n’en était pas à son coup d’essai puisque son roman précédent réunissait Sherlock Holmes et Sigmund Freud, une histoire portée à l’écran par Herbert Ross en 1976 sans vraiment convaincre (1). Nicholas Meyer décide donc de passer cette fois derrière la caméra pour les faire les choses lui-même. Et il a eu raison car, aussi saugrenu que puisse paraître le synopsis, l’histoire fonctionne à merveille, en grande partie grâce à un savant dosage des différents éléments. Science-fiction, intrigue policière et humour se mêlent harmonieusement dans cette fantaisie servie par une belle interprétation. L’humour issu du décalage temporel, celui du gentleman anglais de l’ère victorienne parachuté dans le San Francisco des années soixante-dix, fonctionne par petites touches. C’était demain est une belle variation du roman de H.G. Wells sur le voyage dans le temps.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Malcolm McDowell, David Warner, Mary Steenburgen
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Remarques :
* Malcolm McDowell et Mary Steenburgen sont tombés amoureux l’un de l’autre pendant le tournage et se mariés l’année suivante.
* La jeune femme Shirley est interprétée par Patti d’Arbanville (oui, la Lady d’Arbanville de Cat Stevens).
* Cindy Lauper a eu l’idée de son Time after Time  en voyant le titre de ce film sur un programme TV.

(1) Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express (The Seven-Per-Cent Solution) de Herbert Ross (1976) avec Alan Arkin et Vanessa Redgrave.

Time after Time
Mary Steenburgen et Malcolm McDowell dans C’était demain de Nicholas Meyer.

10 avril 2016

Le Tambour (1979) de Volker Schlöndorff

Titre original : « Die Blechtrommel »

Le TambourDès sa naissance dans la ville de Dantzig dans les années vingt, Oskar est lucide. Il est capable de prendre des décisions. A l’âge de trois ans, il reçoit en cadeau un tambour dont il ne va plus se séparer et, par dégoût envers le monde des adultes, décide de ne plus grandir… Le roman de Günter Grass (prix Nobel de littérature en 1999) avait beau avoir la réputation d’être inadaptable, cela n’a pas arrêté Volker Schlöndorff. L’une des difficultés majeures résidait dans le choix de l’acteur principal et le réalisateur eut beaucoup de chance de trouver David Bennent, fils de l’acteur Heinz Bennent, alors âgé de douze ans et qui souffrait de troubles de croissance. L’histoire est particulièrement riche. La toile de fond est une fresque historique allant de 1924 à 1945, l’histoire de Dantzig, ville écartelée entre l’Allemagne et la Pologne. Cette période est marquée par la montée du nazisme et par l’invasion allemande de 1939 qui fait entrer le monde dans la Seconde Guerre mondiale. Mais l’histoire principale est celle d’un petit garçon qui se refuse au monde des adultes. Il faut dire que sa vie, son existence-même, résulte d’un mensonge, d’un amour rendu impossible par les hommes. Son tambour devient son unique moyen d’expression, il ne communique pas autrement. Pire, il proteste si fort que son cri perçant peut briser le verre. En ce personnage, totalement hors du commun (et totalement fictif bien entendu), coexistent une bouffonnerie proche de la folie et une grande clairvoyance puisqu’il porte un regard sur le monde des adultes bien plus acéré que celui des adultes eux-mêmes. Volker Schlöndorff met tout cela en scène avec brio, une certaine splendeur même. Le Tambour fait partie des films qui marquent, ceux que l’on n’oublie pas.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mario Adorf, Angela Winkler, David Bennent, Katharina Thalbach, Daniel Olbrychski
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Remarques :
* Palme d’Or à Cannes 1979 (ex-aequo avec Apocalypse Now).
* L’adaptation a été écrite par Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière et Franz Seitz avec l’accord de l’auteur.
* D’une durée de 2h22 à sa sortie, Le Tambour est visible depuis peu dans une version Director’s Cut comportant environ 20 mn supplémentaires de scènes coupées au montage à la demande du distributeur de l’époque.
* Volker Schlöndorff a renoncé à adapter la partie du livre après 1945 car cela l’aurait obligé de changer d’acteur pour interpréter Oskar.

Le Tambour
David Bennent dans Le Tambour de Volker Schlöndorff.

8 avril 2016

L’Escapade (1974) de Michel Soutter

L'escapadePaul se rend dans un hôtel de montagne pour assister à un colloque de chercheurs. Arrivé sur place, il constate qu’il s’est trompé de date. Plutôt que de revenir chez lui rejoindre sa femme, il décide de lui mentir au téléphone et de rester. Il rencontre Virginie qui vient d’être mise à la porte par son ami Auguste, un écrivain en panne d’inspiration… Ecrit et réalisé par le suisse Michel Soutter, L’Escapade est un chassé-croisé sentimental qui n’a rien de conventionnel. Selon Michel Soutter, c’est « toute une série de sensations, d’évènements, de sentiments qui finiront par constituer la véritable histoire ». Les relations qui s’instaurent entre les personnages sont un peu ambigües, ils semblent se chercher, avancer à tâtons. Comme dans son film précédent Les Arpenteurs, les dialogues ont leur propre musique : souvent inattendus, ils nous charment par leur léger décalage. Mais, hélas, Michel Soutter ne parvient à retrouver l’équilibre subtil des Arpenteurs et, dès lors, le film paraît un peu lent, moins élégant, un brin plus futile.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Antoinette Moya, Philippe Clévenot, Jean-Louis Trintignant
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L'escapade
Marie Dubois et Jean-Louis Trintignant dans L’escapade de Michel Soutter.

7 avril 2016

L’invitation (1973) de Claude Goretta

L'invitationRémy Placet est un modeste employé de bureau avec des manies de vieux garçon, toujours très proche de sa mère. Peu après la mort de cette dernière, il invite ses collègues de bureau à passer une journée dans la luxueuse maison à la campagne qu’il a obtenue en échange de la maison maternelle, convoitée depuis longtemps par des promoteurs. Il engage même un maitre d’hôtel stylé pour bien les recevoir… Dans la filmographie du réalisateur suisse Claude Goretta, L’invitation tient une place un peu à part puisqu’il s’agit d’une satire sociale sous forme de comédie : sous l’effet du cadre champêtre et de l’alcool, les inhibitions vont tomber et chacun va révéler un pan plus ou moins insoupçonné de sa personnalité. Nos yeux modernes pourront trouver que le film a vieilli, notamment parce que ce procédé de « faire tomber les masques » n’est plus aussi original aujourd’hui qu’il pouvait l’être en 1973. Goretta met en relief deux points principaux : la façade sociale et le conformisme. Le propos n’est donc pas si daté que cela, même si les termes ne recouvriraient plus exactement la même chose aujourd’hui. Avec le recul, on peut trouver qu’une certaine naïveté émane du propos, ce qui ajoute à son charme. Les personnages sont suffisamment tranchés et Goretta introduit un maître d’hôtel assez inhabituel et énigmatique. Tous les rôles sont très bien tenus avec une mention particulière à la pétillante Cécile Vassort et à Michel Robin dont le jeu est, comme toujours, aussi juste que délicat.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Luc Bideau, François Simon, Jean Champion, Corinne Coderey, Michel Robin, Cécile Vassort, Rosine Rochette
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L'invitation
Cécile Vassort, Rosine Rochette et Jean-Luc Bideau dans L’invitation de Claude Goretta.

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Jean Champion, Jean-Luc Bideau, , Pierre Collet et Michel Robin dans L’invitation de Claude Goretta.

L'invitation
Debouts : Rosine Rochette, Neige Dolsky, Corinne Coderey et Jean Champion
Penchés : Pierre Collet, Jean-Luc Bideau et François Simon
Au sol : Michel Robin.