9 novembre 2023

De grandes espérances (2022) de Sylvain Desclous

De grandes espérancesTout juste diplômée de Sciences Po, Madeleine part préparer les oraux de l’ENA en Corse avec Antoine, son amoureux avec qui elle partage des convictions politiques très à gauche. Elle vient d’un milieu très modeste tandis que lui est le fils d’un riche avocat. Mais une altercation avec un automobiliste violent sur une petite route tourne au drame et va sceller leur destin…
De grandes espérances est un film français coécrit et réalisé par Sylvain Desclous. Le film n’a aucun lien avec le roman de Charles Dickens dont le réalisateur s’est, sans vergogne, approprié le titre. Il s’agit d’un thriller sur la réussite personnelle dans le domaine de la politique et sur la confrontation de l’idéalisme avec la réalité. Après une belle mise en place, la tension se maintient tout au long du récit. L’interprétation est de bonne facture. Si le film est convaincant dans sa forme, il y aurait beaucoup à redire sur le fond. Le réalisateur justifie le manque d’éthique de ses deux jeunes personnages principaux et leur individualisme en déclarant : « Je considère qu’en matière politique, la justesse d’une cause justifie les moyens mis en œuvre pour que celle-ci triomphe ». Brrr…
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Marc Barbé, Cédric Appietto
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Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe dans De grandes espérances de Sylvain Desclous.

12 mars 2023

Les Promesses (2021) de Thomas Kruithof

Les promessesClémence Collombet (Isabelle Huppert) est dans la phase finale de sa carrière politique de maire de banlieue parisienne. Avec l’aide de son directeur de cabinet (Reda Kateb) elle veut, avant la fin de son mandat, essayer de sauver une cité du délabrement. C’est à ce moment qu’elle est approchée pour un ministère…
Les Promesses est un film français coécrit et réalisé par Thomas Kruithof. Il s’agit de son deuxième long métrage après un thriller La Mécanique de l’ombre (2016). Ici, il s’attache, non pas à créer une intrigue, mais plutôt à décrire le milieu de la politique. Le plus remarquable est qu’il évite tout manichéisme et toute facilité sans pour autant cacher les tractations peu reluisantes et les conflits d’ambitions personnelles. Le camp politique n’est pas précisé. La mise en scène est assez froide, sans édulcorant mais l’ensemble est assez prenant, quelquefois difficile à suivre. Bien interprété, Les Promesses constitue une chronique politique et sociale plutôt intéressante.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Reda Kateb, Naidra Ayadi, Laurent Poitrenaux
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Les promessesReda Kateb et Isabelle Huppert dans Les promesses de Thomas Kruithof.

18 octobre 2022

Les Cannibales (1970) de Liliana Cavani

Titre original : « I cannibali »

Les cannibales (I cannibali)Dans une société ultra-totalitaire, les cadavres des rebelles sont laissés dans les rues en exemple. La population a l’interdiction des les déplacer. Une jeune femme décide de braver l’interdit pour enterrer son frère. Pour ce faire, elle va recevoir l’aide d’un homme étrange, venu de la mer et parlant une langue inconnue…
Les Cannibales est le deuxième long métrage de fiction réalisé par l’italienne Liliana Cavani. Le film est inspiré de la tragédie Antigone de Sophocle. L’influence de Pasolini, qui avait donné sa propre version de Oedipe trois ans plus tôt, se ressent ici et là mais Les Cannibales est avant tout un film politique, un pamphlet contre les dictatures militaires. La toute première scène et le générique sont assez stupéfiants (surtout si l’on ne connait pas le thème à l’avance comme ce fut mon cas) et tout le premier tiers du film impressionne et montre une certaine force dans le message délivré. Hélas, il faut reconnaitre que l’histoire tourne ensuite en rond, sans développement majeur ; les quelques prolongements ou pistes explorées se révèlent décevantes. Les Cannibales aurait fait un excellent court ou même moyen métrage. Même s’il ne parvient pas à garder notre intérêt, c’est aujourd’hui une curiosité qui s’inscrit pleinement dans son époque. Musique de Ennio Morricone.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Britt Ekland, Pierre Clémenti, Tomas Milian, Delia Boccardo, Marino Masé
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Les cannibales (I cannibali)Les cannibales (I cannibali) de Liliana Cavani.
Les cannibales (I cannibali)Britt Ekland et Pierre Clémenti dans Les cannibales (I cannibali) de Liliana Cavani.

28 août 2022

Z (1969) de Costa-Gavras

ZDans un pays qui n’est pas nommé, un député de l’opposition vient de la capitale pour tenir une conférence en faveur du désarmement. Une violente contre-manifestation se déroule sous les yeux de la police qui reste passive. Le député est frappé et renversé par un triporteur motorisé…
Z est un film français réalisé par Costa-Gavras, son premier film politique. Le cinéaste franco-grec en a coécrit le scénario avec l’espagnol Jorge Semprún. Il est basé sur le roman homonyme de Vassílis Vassilikós, écrit à la suite de l’assassinat du député grec Grigóris Lambrákis à Thessalonique en mai 1963, avec comme juge d’instruction dans cette affaire Chrístos SartZetákis (qui deviendra président de la République de Grèce de 1985 à 1990). Lorsque le film sort, la Grèce est depuis deux ans sous la Dictature des Colonels (1967-1974) et il marqua fortement les esprits, non seulement en France mais aussi dans le reste du monde, notamment aux Etats-Unis. Costa-Gavras dénonce les collusions entre la police et les groupuscules d’extrême-droite et il le fait de façon directe et simplificatrice mais terriblement efficace, calquant ses méthodes sur celles du cinéma commercial. Le film eut ainsi un énorme impact. Le succès auprès du public fut immense, les critiques vinrent plutôt de la gauche qui lui reprochait son manichéisme et l’absence d’analyse politique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Irene Papas, Jean-Louis Trintignant, François Périer, Jacques Perrin, Charles Denner, Pierre Dux, Georges Géret, Bernard Fresson, Marcel Bozzuffi, Julien Guiomar, Renato Salvatori, Jean Bouise, Jean Dasté
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Remarque :
* L’explication du titre est donnée à toute fin : la lettre Z est l’initiale du mot grec ancien « ζῇ / Zi », qui signifie « il est est vivant ». Les opposants au régime inscrivaient cette lettre sur les murs pour protester contre l’assassinat de Grigóris Lambrákis.

ZJean-Louis Trintignant et François Périer dans Z de Costa-Gavras.

26 janvier 2022

The Spy Gone North (2018) de Yoon Jong-bin

Titre original : « Gongjak »

The Spy Gone North (Gongjak)Séoul, 1993. Un ancien officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code « Black Venus ». Chargé de collecter des informations sur le programme nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang en se faisant passer pour un homme d’affaires et réussi progressivement à gagner la confiance du Parti…
The Spy Gone North est un film sud-coréen coécrit et réalisé par Yoon Jong-bin. Il relate l’histoire vraie de Park Chae-seo, ancien agent sud-coréen infiltré dans les installations nucléaires nord-coréennes. C’est donc un film d’espionnage mais du type espionnage politique ; il n’y a aucune scène d’action. L’atmosphère rappelle celle des romans de John Le Carré. On assiste au long travail d’infiltration, le récit décrit précisément comment l’agent a su susciter l’intérêt de cadres du Parti et même rencontrer plusieurs fois le dirigeant suprême de la Corée du Nord. Il met aussi en scène les tractations politiques secrètes entre les deux pays. Le scénario se déroule impeccablement avec toujours des nouveaux éléments qui maintiennent notre pleine attention. Accessoirement, le film permet de familiariser avec l’histoire de la Corée dont on ne connait souvent que les grandes lignes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Hwang Jung-min, Lee Sung-min, Cho Jin-woong, Ju Ji-Hoon
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The Spy Gone North (Gongjak)Hwang Jung-min dans The Spy Gone North (Gongjak) de Jong-bin Yoon.

The Spy Gone North (Gongjak)The Spy Gone North (Gongjak) de Jong-bin Yoon.

7 janvier 2022

Le Grand Jeu (2015) de Nicolas Pariser

Le Grand jeuPierre Blum, un écrivain en panne d’inspiration, rencontre sur la terrasse d’un casino un homme mystérieux. Influent dans le monde politique, charismatique, manipulateur, il passe bientôt à Pierre une commande étrange qui le replongera dans un passé qu’il aurait préféré oublier et mettra sa vie en danger…
Le Grand jeu est un film français écrit et réalisé par l’ex-journaliste Nicolas Pariser qui signe là son premier long métrage. Il s’agit d’un film ambitieux de politique-fiction. Ses précédents court-métrages, dont La République, étaient déjà sur le monde de la politique. Il s’inspire partiellement de l’affaire de Tarnac (qui ne sera définitivement jugée qu’en 2018) pour créer un thriller mettant en scène des luttes de pouvoir et des manipulations cachées. Nicolas Pariser dit avoir cherché à défendre tous les personnages sans porter de jugement. L’ensemble est hélas un peu trop brouillon, semble partir dans plusieurs directions et manque de dosage. Son personnage principal, très désillusionné, est plutôt réussi mais les dialogues restent le plus souvent assez superficiels (à quelques exceptions près, notamment avec certaines réflexions sur l’engagement politique). La fin est rocambolesque. Nicolas Pariser montrera beaucoup plus d’étoffe dans le propos de son film suivant, Alice et le maire (2019).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy, Sophie Cattani
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Le Grand jeuMelvil Poupaud et Clémence Poésy dans Le Grand jeu de Nicolas Pariser.

Homonymes :
Le Grand jeu de Jacques Feyder (1934)
Le Grand jeu de Robert Siodmak (1954)
The Full Monty : Le Grand jeu de Peter Cattaneo (1997)
Le Grand jeu de Nicolas Pariser (2015)
Le Grand jeu (Molly’s Game) d’Aaron Sorkin (2017)

26 août 2021

Des oiseaux, petits et gros (1966) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Uccellacci e uccellini »

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et son fils Ninetto errent dans la périphérie et les campagnes qui entourent Rome. Chemin faisant, ils rencontrent un corbeau qui leur parle…
Des oiseaux, petits et gros est réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1966. Montrant dès le générique un visage burlesque, le film rompt avec le ton sérieux donné par ses films précédents. Cela ne signifie pas pour autant que Pasolini ne délivre pas un message car il s’agit d’une fable qui tourne en dérision le rationalisme idéologique que le volatile représente. Pour ce faire, il utilise une star du cinéma comique, Totò, et lui adjoint Ninetto Davoli qui interprète ici son premier grand rôle, en innocent joyeux. Les cibles de Pasolini sont le communisme radical dont il se détache (les images d’archives incluses sont celles des funérailles de Palmiro Togliatti, fondateur du Parti Communiste italien décédé en 1964) et aussi l’intelligentsia parisienne de gauche qui avait descendu son Evangile selon saint Matthieu l’année précédente (la charge aurait été encore plus nette avec la séquence de Toto au cirque que Pasolini a finalement supprimé du montage final (1)). Le cinéaste attend que l’idéologie renaisse de ses cendres pour suivre la voie des « Temps modernes », belle référence à Chaplin dont il emprunte le plan final. Pasolini filme tout cela très simplement : à cette époque, il s’opposait à la sémiologie de Christian Metz qui défendait l’idée d’un langage de cinéma. Pour Pasolini, la seule langue de cinéma devait être une « langue écrite de la réalité ».
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Ninetto Davoli
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(1) Dans Toto au Cirque, finalement monté en court métrage de 8 min, M Cournot (Totò) tente de faire parler un aigle et de l’instruire mais, en fait, c’est lui qui devient sauvage. Or (Michel) Cournot est le nom d’un critique français qui a éreinté L’Evangile selon saint Matthieu, déclarant qu’il n’y voyait que de « l’art pédé ».

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Ninetto Davoli et Totò dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et Ninetto Davoli dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et Ninetto Davoli dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.

9 juillet 2021

La Conquête (2011) de Xavier Durringer

La ConquêteLa Conquête raconte l’irrésistible ascension de Sarkozy, de sa nomination au ministère de l’Intérieur par Jacques Chirac en 2002 à son élection à la présidence de la République en 2007…
Le scénario est signé Patrick Rotman. Il faut d’abord noter que le film de Xavier Durringer est sorti sur les écrans alors que Nicolas Sarkozy était le président en exercice, cas unique dans le cinéma français. Inévitablement, les critiques de l’époque ont donc été fortement influencées par les affinités politiques de chacun. Assez naïvement, réalisateur, scénariste et interprète ont affirmé haut et fort avoir posé un regard neutre (1). Avec le recul (le sujet étant aujourd’hui dépassionné), on mesure d’autant plus à quel point cette recherche de la neutralité est illusoire. Leur personnage principal est d’ailleurs indéniablement sympathique car l’accent est mis sur sa ténacité à tenir tête face à l’adversité, malgré les embuches et les coups bas (venus de son propre camp). Le principal reproche que l’on peut faire au film est d’ailleurs de ne proposer qu’une facette de la politique, la moins reluisante, celle des manœuvres en coulisses et des bassesses. Le récit calque sa forme sur celle d’un thriller, mâtiné de touches récurrentes de comédie, principalement nichées dans les dialogues. La réalisation est parfaite et il faut saluer l’extraordinaire performance de Denis Podalydès qui parvient à reproduire toute la gestuelle et le phrasé de son personnage.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq, Samuel Labarthe, Hippolyte Girardot
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(1) Patrick Rotman et Xavier Durringer affirment que La Conquête n’est aucunement un pamphlet, un tract politique de dénonciation, une œuvre à charge ou un panégyrique. « Le spectateur ne changera pas d’opinion politique après avoir vu le film ! » certifie le scénariste.

La ConquêteDenis Podalydès et Florence Pernel dans La Conquête de Xavier Durringer.

8 septembre 2020

Adults in the Room (2019) de Costa-Gavras

Adults in the RoomEn 2015, suite à la victoire du parti Syriza aux élections législatives grecques, le nouveau ministre des finances Yánis Varoufákis a pour mission de négocier une révision du Memorandum of Understanding (MoU) signé par le gouvernement précédent avec les institutions européennes et internationales et de sortir ainsi son pays d’une grave crise de la dette…
Exactement 50 ans après son film Z qui dénonçait le coup d’état et l’instauration de la dictature des colonels, Costa-Gavras traite à nouveau d’un sujet politique brûlant de son pays la Grèce. Adults in the Room est adapté du livre Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe de Yánis Varoufákis. Tous les noms réels des hommes politiques européens ont été conservés, à ceci près que seuls les prénoms sont prononcés. Le cinéma de Costa-Gavras est un cinéma engagé, qui ne donne pas toujours dans la nuance et il épouse ici entièrement la ligne de Yánis Varoufákis, qui est montré pugnace et très brillant, au détriment de tous les autres personnages, Aléxis Tsípras compris. Mais le plus remarqué dans ce film a été la dextérité du cinéaste à donner une dimension théâtrale à ces difficiles et rébarbatives négociations. Il pousse l’allégorie jusqu’à donner à son film un épilogue dansé. Afin de tourner en anglais et en grec, Costa-Gavras a choisi un casting sans star internationale. Le grec Christos Loulis fait une belle interprétation.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Christos Loulis, Alexandros Bourdoumis, Ulrich Tukur, Daan Schuurmans
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Adults in the RoomChristos Loulis (Yánis Varoufákis) et Alexandros Bourdoumis (Aléxis Tsípras) dans Adults in the Room de Costa-Gavras.

9 octobre 2019

El presidente (2017) de Santiago Mitre

Titre original : « La Cordillera »

El presidenteSe rendant à un sommet des chefs d’états latino-américains au Chili, le président argentin Hernán Blanco se voit impliqué dans une affaire de corruption révélée par l’ex-mari de sa fille Marina. Il fait venir celle-ci au Chili pour l’interroger et définir une stratégie pour contrer les rumeurs…
Il faut préciser d’emblée que, malgré le sujet et les personnages, El presidente n’est pas vraiment un film politique. Difficile à définir, le sujet principal serait plutôt la solitude du pouvoir. Ce président doit en effet faire face à plusieurs problèmes de natures très différentes : personnel, judiciaire, de politique intérieure, stratégique au niveau mondial. Le père du jeune réalisateur argentin Santiago Mitre a travaillé longtemps pour le Mercosur et lui a fourni de précieuses informations sur le déroulement d’un sommet international. Ricardo Darín est parfait pour incarner le président ; c’est un acteur qui a toujours une grande présence à l’écran et il émane de lui une puissance intérieure qui sied bien au personnage. Le seul problème du film est qu’il semble n’aboutir sur rien. Plus que le récit, le réalisateur semble surtout avoir soigné la forme, précise et soignée, presque documentaire par moments. Il a créé une atmosphère très particulière, chargée d’étrangeté, à la lisière du fantastique mais nous laisse, certainement volontairement, en état de légère frustration.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ricardo Darín, Dolores Fonzi, Erica Rivas
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Remarques :
* Même si ce n’est pas le sujet principal du film, ce président argentin évoque Néstor Kirchner (2003-2007), le président brésilien semble inspiré de Luiz Inácio Lula da Silva alias Lula (2003-2011),  et le mexicain nous fait penser à Felipe Calderón (2006-2012). Mais ce ne sont que des inspirations pour la définition des personnages, pas pour leurs actions ou les évènements auxquels ils font face. Même le sommet en question, sorte de Mercosur étendu, ne semble pas avoir d’équivalent réel.

* Le réalisateur précise : « Généralement, quand on parle des politiques, on fait plutôt des thrillers ; ici, j’avais envie d’aborder le politique à travers des éléments fantastiques. Il faut savoir que je me sens héritier de la tradition de la littérature fantastique qui est extrêmement forte en Argentine. Le fantastique me paraissait donc être une très bonne manière d’apporter de l’étrangeté et de l’inquiétude dans ce milieu du pouvoir. Mes inspirations ont été autant Polanski que Kubrick ou Julio Cortazar. » (Note : Julio Cortaza est un écrivain argentin qui a, entre autres, écrit la nouvelle à la base de Blow Up d’Antonioni et il cite Kubrick certainement en pensant à Shining et à son hôtel).
L’affiche argentine du film avec le texte « Le Mal existe » montre bien cet attrait pour le fantastique et sur l’intention de laisser planer un doute. Elle place en tous cas le spectateur argentin dans un certain état d’esprit (ce qui ne fut pas notre cas puisque nous n’avons vu cette affiche qu’après visionnage).

El presidenteRicardo Darín dans El presidente de Santiago Mitre.