13 mai 2023

Conte de printemps (1990) de Eric Rohmer

Conte de printempsJeanne, jeune professeur de philosophie, fait son année de stage dans un lycée de la région parisienne. Le plus souvent, elle habite chez son fiancé Mathieu. Comme il est absent pour une semaine, elle préfère rejoindre son propre studio mais celui-ci est occupé par sa cousine et son fiancé. Jeanne n’ose pas mettre le couple dehors. Elle se rend à la pendaison de crémaillère d’une ancienne amie de l’université et y rencontre Natacha qui l’invite chez elle…
Après les Six contes moraux (1962-1972) et Comédies et Proverbes (1981-1987), Rohmer entame son troisième et dernier cycle de films, les Contes des quatre saisons. Le cinéaste montre de nouveau son intérêt pour la philosophie et met en place une situation où interviennent certains des concepts énoncés par Kant. Ce n’est toutefois pas un exposé didactique car le film est suffisamment léger en apparence, avec des dialogues qui restent simples. L’ensemble n’est hélas pas aussi éclairant qu’on pourrait le souhaiter et une certaine artificialité pointe toutefois ici et là. Le film reste plaisant par son style, si spécifique au cinéma d’Eric Rohmer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Teyssèdre, Hugues Quester, Florence Darel, Eloïse Bennett
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Conte de printempsAnne Teyssèdre dans Conte de printemps de Éric Rohmer.

Conte de printempsAnne Teyssèdre et Florence Darel dans Conte de printemps de Éric Rohmer.

29 janvier 2023

Ma nuit chez Maud (1969) de Eric Rohmer

Ma nuit chez MaudClermont-Ferrand, quelques jours avant Noël. Un jeune ingénieur, récemment revenu de l’étranger, remarque à la messe une jeune femme blonde et décide qu’elle sera sa femme. Il retrouve ensuite par hasard un ancien ami qui l’invite à un dîner le soir de Noël chez une amie divorcée, Maud…
Ma nuit chez Maud est un film français écrit et réalisé par Éric Rohmer. C’est le troisième des Six contes moraux du réalisateur (bien qu’il ait été réalisé après le quatrième, La Collectionneuse) et sans nul doute le plus profond des six, le plus philosophique. On y parle de l’existence de Dieu et du pari de Pascal (1), de probabilités mathématiques, de l’amour. L’art de Rohmer est de rendre cela très naturel et assez attrayant. Il nous fait suivre les discussions de trois personnages aux convictions très fortes : il y a l’ingénieur croyant (Jean-Louis Trintignant), rigoriste, janséniste malgré lui, enfermé dans des principes tristes qu’il énonce joliment, le professeur de philosophie marxiste qui cultive ses illusions sources d’espoir (Antoine Vitez) et la femme libre (Marie-Christine Barrault) auprès de laquelle l’ingénieur va perdre de sa raideur le temps d’une nuit. Leurs discussions sont passionnantes à suivre et prêtent délicieusement à réflexion. Certains seront tentés d’y voir un éloge du mariage et de la famille mais, une fois de plus, Rohmer ne fait pencher la balance dans aucun sens, il nous place en observateur (même si on peut s’amuser de la pirouette finale). L’interprétation est aussi excellente que le sujet.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Françoise Fabian, Marie-Christine Barrault, Antoine Vitez
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(1) Ces dialogues au sujet de Pascal sont directement inspirés de l’émission L’Entretien sur Pascal (1965), un dialogue entre Brice Parain, auteur d’essais de philosophie, et le père dominicain et mathématicien Dominique Dubarle. L’émission était réalisée par Rohmer pour la télévision. (Visible sur Gallica).

Ma nuit chez MaudAntoine Vitez, Françoise Fabian et Jean-Louis Trintignant dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Ma nuit chez MaudFrançoise Fabian et Antoine Vitez dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Ma nuit chez MaudFrançoise Fabian et Jean-Louis Trintignant dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Six Contes moraux d’Eric Rohmer :
1963 : La Boulangère de Monceau
1963 : La Carrière de Suzanne
1967 : La Collectionneuse
1969 : Ma nuit chez Maud
1970 : Le Genou de Claire
1972 : L’Amour l’après-midi

9 novembre 2022

Jamais plus toujours (1976) de Yannick Bellon

Jamais plus toujoursAprès une longue absence, Claire est revenue à Paris après la disparition de son amie Agathe, actrice de théâtre. A l’Hôtel Druot, elle déambule parmi ses objets qui vont être mis en vente. Elle retrouve Matthieu qui a été, et est toujours, secrètement amoureux d’elle…
Jamais plus toujours est un film français écrit et réalisé par Yannick Bellon. Plus encore que dans ses autres films, la cinéaste donne une grande importance aux objets qui ont des multiples fonctions : ils nous accompagnent dans une vie mais peuvent en démarrer une autre après notre disparition (revente), ou être détruits (machine à broyer), ou transformés (cas du jeune couple), ou encore faire office de mémoire (cartes postales, scène finale dans le futur). Ils créent les rapports entre les personnes, ils sont un lien dans le temps. Car c’est aussi une réflexion sur le temps, sur la fragilité des sentiments, sur les échanges fugaces. Yannick Bellon filme tout cela avec douceur et délicatesse, avec de lents travelings qui nous enveloppent et même nous envoutent. Une belle réflexion philosophique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Loleh Bellon, Jean-Marc Bory, Marianne Epin, Bernard Giraudeau, Roger Blin
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Jamais plus toujoursBulle Ogier et Loleh Bellon dans Jamais plus toujours de Yannick Bellon.

Jamais plus toujoursBulle Ogier et et Jean-Marc Bory dans Jamais plus toujours de Yannick Bellon.

26 septembre 2022

Drive My Car (2021) de Ryûsuke Hamaguchi

Titre original : « Doraibu mai kâ »

Drive My Car (Doraibu mai kâ)Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre d’un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeur…
Drive My Car est un film japonais coécrit et réalisé par Ryūsuke Hamaguchi, sorti en 2021. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle du même nom de l’écrivain japonais Haruki Murakami parue dans le recueil Des hommes sans femmes. C’est un film d’une profondeur inhabituelle, assez littéraire dans son sujet, plutôt abstrait tout en restant réaliste, avec des personnages forts et des connotations philosophiques. Hamaguchi utilise de façon inattendue la pièce de Tchekov L’oncle Vania qui devient une pure abstraction pour mieux rebondir sur la mélancolie des personnages principaux. Les quelque trois heures de film passent rapidement. Le film a été très bien reçu par la critique et le public.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Hidetoshi Nishijima, Tôko Miura, Reika Kirishima, Masaki Okad
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Drive My Car (Doraibu mai kâ)Hidetoshi Nishijima et Tôko Miura dans Drive My Car (Doraibu mai kâ) de Ryûsuke Hamaguchi.
Drive My Car (Doraibu mai kâ)Masaki Okada et Hidetoshi Nishijima dans Drive My Car (Doraibu mai kâ) de Ryûsuke Hamaguchi.

16 septembre 2022

La Panthère des neiges (2021) de Marie Amiguet et Vincent Munier

La Panthère des neigesLe photographe Vincent Munier a proposé à l’écrivain Sylvain Tesson de l’accompagner au Tibet à la recherche de la panthère des neiges, un animal sauvage extrêmement rare qu’il n’a jamais réussi à photographier. Ce documentaire nous permet de les suivre dans cette traque faite de très longues attentes. Pourtant, on ne s’ennuie pas une seconde car les paysages sont d’une beauté à couper le souffle et Sylvain Tesson nous fait part des réflexions que lui inspire cette expérience. Le film est ainsi une ode à la nature et à la beauté, dotée d’une dimension philosophique. Les images sont superbes, il faut saluer le travail remarquable de Marie Amiguet. La réalisatrice est la compagne de Vincent Munier, ce détail a de l’importance car une équipe très réduite dans de telles conditions extrêmes exige une grande cohésion (1). Le résultat est enchanteur, un des plus beaux films qui soient.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vincent Munier, Sylvain Tesson
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(1) L’équipe était composée de quatre personnes seulement, le quatrième étant un assistant (et ancien étudiant en philosophie), Léo-Pol Jacquot.

La Panthère des neigesVincent Munier et Sylvain Tesson et dans La Panthère des neiges de Marie Amiguet & Vincent Munier.

21 octobre 2021

Vers l’autre rive (2015) de Kiyoshi Kurosawa

Titre original : « Kishibe no tabi »

Vers l'autre rive (Kishibe no tabi)Mizuki, veuve depuis trois ans, vit seule en donnant des cours de piano aux enfants. Un soir, son mari revient à la maison. Il lui annonce que son corps a bien disparu en mer, mangé par les crabes mais que, depuis, il a parcouru le Japon et sympathisé avec des vivants et d’autres personnes « comme lui ». Il demande à Mizuki de l’accompagner pour découvrir tout ce qu’il a fait et vu…
Vers l’autre rive est un film japonais réalisé par Kiyoshi Kurosawa (qui, rappelons-le, n’a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa). C’est l’adaptation d’un roman de Kazumi Yumoto, auteure japonaise qui semble avoir beaucoup écrit de romans pour la jeunesse (assez étrangement, car ce film n’est pas vraiment un film pour enfants). Si le début nous intrigue surtout, c’est assez subtilement que la suite du récit nous touche plus profondément sans que l’on prenne conscience de ce changement de registre. L’art de Kiyoshi Kurosawa est de donner une apparence naturelle à des situations surnaturelles, de donner un visage très simple à des réflexions plus complexes. Il n’utilise aucun effet, évite le spectaculaire ; ses paisibles scènes du quotidien évoquent le cinéma d’Ozu. Avec subtilité et délicatesse, le récit se nourrit d’une réflexion philosophique sur l’existence, le couple, la mort, l’absence mais aussi les rencontres et les petits riens qui sont le sel de nos vies. Le film peut dérouter mais il peut aussi nous emmener assez loin et avec douceur.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Eri Fukatsu, Tadanobu Asano
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Vers l'autre rive (Kishibe no tabi)Eri Fukatsu et Tadanobu Asano dans Vers l’autre rive (Kishibe no tabi) de Kiyoshi Kurosawa.

1 octobre 2021

Vacances portugaises (1963) de Pierre Kast

Vacances portugaisesPour tromper l’ennui, Françoise et Jean-Pierre invitent plusieurs de leurs amis à passer un week-end dans leur grande villa de vacances sur la côte portugaise. Il s’ensuit un chassé-croisé amoureux pour certains, chaque personnage se découvrant un peu au fil de l’histoire…
Vacances portugaises (ou Les Égarements) est un film franco-portugais coécrit et réalisé par Pierre Kast. Cet ex-collaborateur aux Cahiers du Cinéma a réalisé de superbes courts-métrages sur l’Art dans les années cinquante mais l’on connait généralement moins ses longs métrages. L’amour est multiforme et le chemin pour le trouver peut présenter bien des méandres… Tel pourrait être l’enseignement de cette histoire. Le scénario parvient bien à placer dans un même lieu plusieurs types de relation amoureuse : l’amour possessif, la rupture, la réconciliation, l’amour irraisonné, l’amour sage etc. La forme générale du film pourra paraître trop intellectualisée à certains spectateurs car c’est une succession de discussions à deux ou trois personnages, rarement plus, entre marivaudage et philosophie. Le propos va souvent assez loin de telle sorte que limites et contradictions apparaissent. Bien écrit, le scénario montre une observation assez fine des comportements humains (même si on pourra lui reprocher de ne se situer que dans un seul milieu). Le film bénéficie d’une belle distribution, aucun acteur n’étant vraiment au premier plan ; presque tous les acteurs ont gardé leur prénom. A noter que la jeune Catherine Deneuve n’est pas encore connue. Jacques Doniol-Valcroze (fondateur des Cahiers du Cinéma) a coécrit le scénario, la photographie est de Raoul Coutard, la musique de Georges Delerue et le montage de Yannick Bellon. Du beau monde! Sans succès à sa sortie, le film reste aujourd’hui méconnu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Françoise Arnoul, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Jean-Marc Bory, Françoise Brion, Catherine Deneuve, Jacques Doniol-Valcroze, Daniel Gélin, Michèle Girardon, Barbara Laage, Françoise Prévost, Pierre Vaneck, Bernhard Wicki
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Vacances portugaisesFrançoise Brion et Barbara Laage dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

Vacances portugaisesCatherine Deneuve et Bernhard Wicki dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

Vacances portugaisesBarbara Laage et Daniel Gélin dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

20 juillet 2021

Dans un jardin qu’on dirait éternel (2018) de Tatsushi Ohmori

Titre original : « Nichinichi kore kôjitsu »

Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi kore kôjitsu)Noriko est une jeune étudiante japonaise peu sûre d’elle qui se destine à une carrière dans l’édition. Recommandée par sa mère, elle va se former à l’art de la préparation du thé auprès du professeur Takeda avec sa cousine Michiko. Peu convaincue de l’utilité de ce cérémonial très codifié et lent, elle découvre petit à petit les bienfaits de ces gestes minutieux et va trouver en sa formatrice une figure apaisante et sage…
Dans un jardin qu’on dirait éternel est scénarisé et réalisé par le japonais Tatsushi Ohmori d’après l’essai autobiographique homonyme de Noriko Morishita publié en 2008. C’est un film particulièrement original et étonnant. Il parvient à nous montrer comment les rituels de la cérémonie du thé peuvent être une passerelle vers une certaine quiétude, un apaisement qui appelle à profiter de l’instant présent et être à l’écoute de la nature et de ses saisons. C’est une démarche inhabituelle, qui peut même paraître incongrue pour nous occidentaux, mais le grand mérite du film est de nous faire percevoir cette possibilité. Tatsushi Ohmori, que l’on découvre en France avec ce film, fait preuve d’une grande délicatesse et ses trois actrices jouent toujours très juste. Dans un jardin qu’on dirait éternel est un film initiatique dans le sens où il nous fait découvrir une « discipline » dont la plupart d’entre nous ignorait l’existence.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Haru Kuroki, Mikako Tabe, Kirin Kiki
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Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi kore kôjitsu)Haru Kuroki et Kirin Kiki dans Dans un jardin qu’on dirait éternel (Nichinichi kore kôjitsu) de Tatsushi Ohmori.

Remarque :
* La cérémonie du thé au Japon, ou « service japonais du thé », est un art traditionnel inspiré en partie par le bouddhisme zen dans lequel le thé vert en poudre, ou matcha, est préparé de manière codifiée par un praticien expérimenté et est servi à un petit groupe d’invités dans un cadre calme, ce qui, vu d’Occident, peut évoquer une cérémonie.
Chanoyu (littéralement « eau chaude pour le thé »), se réfère habituellement à l’art, alors que sadō ou chadō (« chemin du thé ») représente l’étude ou la doctrine de la cérémonie du thé sur le mode d’une « voie » spirituelle. Le terme chaji se rapporte quant à lui au service du thé complet comprenant le kaiseki (« repas léger »), le service de l’usucha (« thé léger ») et du koicha (« thé fort » ou « thé épais »), durant approximativement quatre heures ; il comprend également sumi demae, à savoir la mise en place et le réajustement, en présence des invités, des charbons de bois permettant de chauffer la bouilloire. Celui de chakai (littéralement une « rencontre autour du thé »), n’inclut pas le kaiseki et se résume le plus souvent au service de l’usucha, le koicha, suivi alors de l’usucha, est plus rarement servi à cette occasion.

Du fait qu’un praticien du chanoyu doit être familier avec la production et les différents types de thés, avec les kimonos, la calligraphie, les arrangements floraux, les céramiques, l’encens, et un large ensemble d’autres disciplines et arts traditionnels en plus des pratiques du thé enseignées dans son école, l’étude de la cérémonie du thé prend de nombreuses années, de fait toute une vie. Même pour participer en tant qu’invité dans une cérémonie du thé formelle, une connaissance du sadō est requise, incluant les gestes recommandés, les phrases à dire par les invités, la bonne manière pour boire le thé et la tenue générale à adopter dans la salle où est servi le thé. (Extraits de Wikipédia)

18 juin 2021

Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020) de Emmanuel Mouret

Les choses qu'on dit, les choses qu'on faitMaxime rend visite à son cousin François à la campagne, mais celui-ci a dû s’absenter et c’est sa compagne, Daphné, enceinte de trois mois, qui l’accueille. Pendant quatre jours, Maxime et Daphné font connaissance en se racontant leurs récentes histoires amoureuses aux multiples rebondissements…
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait est le dixième long métrage d’Emmanuel Mouret. Une fois de plus, il s’agit d’une « histoire de sentiments » pour reprendre l’expression qu’il met dans la bouche de son personnage principal, expression qu’il préfère aux réductrices « histoires d’amour ». Son scénario est joliment écrit, décrivant avec beaucoup de délicatesse les liaisons qui se font et se défont. Le film cherche à illustrer une thèse du philosophe René Girard sur le caractère mimétique du désir (1), concept qui, il faut bien l’avouer, n’est pas facile à appréhender rapidement et les quelques extraits habilement insérés dans deux ou trois scènes restent un peu obscurs sans que toutefois cela soit gênant. Par beaucoup de points, notamment la direction d’acteurs, Emmanuel Mouret se situe dans la lignée d’Eric Rohmer ou encore d’Alain Resnais. Son cinéma montre plus que jamais une indéniable maturité. A noter, une très belle utilisation de la musique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne, Émilie Dequenne, Jenna Thiam, Guillaume Gouix, Julia Piaton, Louis-Do de Lencquesaing
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(1) Professeur de littérature à la fin des années cinquante, René Girard (1923-2015) a conçu cette thèse à partir de l’étude des personnages créés par les écrivains. Le philosophe décrit « le caractère mimétique du désir » dans son premier livre, Mensonge romantique et vérité romanesque (1961).
Selon Girard, tout désir est l’imitation du désir d’un autre. Loin d’être autonome (c’est l’illusion romantique), notre désir est toujours suscité par le désir qu’un autre – le modèle – a d’un objet quelconque. Le sujet désirant attribue un prestige particulier au modèle : l’autonomie métaphysique ; il croit que le modèle désire par lui-même. Le rapport n’est pas direct entre le sujet et l’objet : il y a toujours un triangle. À travers l’objet, c’est le modèle, que Girard appelle médiateur, qui attire ; c’est l’être du modèle qui est recherché. (Merci Wikipédia)
Le philosophe a ensuite étendu son analyse au sacré et à la violence collective.

Les choses qu'on dit, les choses qu'on faitJulia Piaton, Niels Schneider et Jenna Thiam dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait de Emmanuel Mouret.

30 décembre 2020

Douleur et gloire (2019) de Pedro Almodóvar

Titre original : « Dolor y gloria »

Douleur et gloire (Dolor y gloria)Souffrant d’un mal de dos persistant, le réalisateur Salvador Mallo n’a plus le désir de se lancer dans un nouveau projet. C’est pour lui l’occasion d’une introspection et de porter un regard nouveau sur certaines périodes de sa vie. En outre, le hasard lui permettra de renouer avec certaines personnes qui ont beaucoup compté pour lui…
Ce réalisateur, personnage principal de Douleur et gloire, est bien entendu Pedro Almodóvar lui-même qui a nourri son film de ses propres réflexions. Il est même allé jusqu’à reproduire son propre appartement pour y placer son alter ego. Le résultat est très riche, abordant de nombreux thèmes sans étalage ni lourdeur : les souvenirs d’enfance, la relation à la mère, l’apprentissage, le désir et surtout la relation d’un créateur à son œuvre, son appropriation par d’autres ou encore la maturité de jugement, sans oublier l’inévitable corollaire de l’âge que sont les dérèglements physiques. Il nous livre toutes ces réflexions de façon non ostentatoire, très finement. L’autofiction est un genre rarement aussi riche et aussi nourrissant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Antonio Banderas, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia, Nora Navas, Julieta Serrano, Penélope Cruz
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Remarque :
* Douleur et gloire peut se placer dans la lignée de La Loi du désir (1987) et La Mauvaise Éducation (2004), deux films personnels où le personnage principal est un réalisateur. Parler de « trilogie » est certainement inapproprié mais, comme disait Bergman, les journalistes raffolent des trilogies…!

Douleur et gloire (Dolor y gloria)Antonio Banderas et Leonardo Sbaraglia dans Douleur et gloire (Dolor y gloria) de Pedro Almodóvar.

Douleur et gloire (Dolor y gloria)le réalisateur et son alter ego :
Pedro Almodóvar et Antonio Banderas sur le tournage de Douleur et gloire (Dolor y gloria) de Pedro Almodóvar.