7 août 2023

Les Chiffres (1966) de Wojciech Has

Titre original : « Szyfry »
Autre titre français Parfois utilisé : « Les Codes »

Les chiffres (Szyfry)Après avoir reçu une lettre de son fils, Tadeusz, qui vit en France depuis vingt ans, décide de rendre visite à sa famille en Pologne. Le père et le fils sont maintenant très distants, la femme de Tadeusz est en clinique. Lui, il veut comprendre ce qui est arrivé à son second fils. Est-il vraiment mort pendant la guerre ?
Les chiffres (titre à comprendre dans le sens « langage chiffré ») est un film écrit et réalisé par Wojciech J. Has. Il traite de la question de la mémoire collective polonaise sur la Seconde Guerre mondiale. Le personnage principal, qui a coupé tous liens avec son pays pendant la guerre, cherche à obtenir des informations sur les circonstances de la mort de son fils cadet mais n’obtient pas de réponses franches, y compris de sa propre famille. Les explications données lui paraissent cacher quelque chose, comme s’il s’agissait d’un langage codé. La question soulevée par ce récit est  donc l’attitude de la population durant l’Occupation, une question qui a été évitée en Pologne pendant les vingt ans qui ont suivi, escamotée au profit des faits de combat. A cette histoire, Wojciech Has ajoute un deuxième niveau, qui mériterait tout autant d’être qualifié de « langage codé » : le cinéaste insère des plans oniriques dont le sens profond ne saute pas immédiatement aux yeux (j’avoue avoir eu besoin d’aide pour comprendre, voir le lien ci-dessous). En fait, il aborde par ces séquences le thème de l’occultation faite par les régimes socialistes de la Shoah, le discours officiel étant axé sur la lutte et la souffrance du peuple en tant qu’ensemble unique. Les autorités polonaises de l’époque ont bien perçu le caractère subversif du film puisqu’il fut écarté des circuits de distributions. Les chiffres est un film très riche, son principal défaut est certainement un manque d’accessibilité. Sur le plan cinématographique, c’est une fois de plus remarquable et la façon dont Wojciech Has exprime les rapports empreints de distance entre le père et son fils est admirable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jan Kreczmar, Zbigniew Cybulski, Ignacy Gogolewski, Irena Horecka, Janusz Klosinski
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

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Remarques :
* Film vu sur le site de la Cinémathèque polonaise (sous-titres polonais ou anglais seulement).
* Pour appréhender toute la richesse de Szyfry (… et tout comprendre), voir la remarquable analyse du film par Anne Guérin-Castell qui a consacré un site à Wojciech Has.

Les chiffres (Szyfry)Jan Kreczmar et Zbigniew Cybulski dans Les chiffres (Szyfry) de Wojciech Has.

10 juillet 2023

La Bataille de Midway (1976) de Jack Smight

Titre original : « Midway »

La Bataille de Midway (Midway)En juin 1942, l’amiral japonais Isoroku Yamamoto élabore un plan complexe pour surprendre et éliminer les porte-avions américains restants après la bataille de la mer de Corail. Il ignore que les Américains ont partiellement décrypté le code japonais et savent que l’attaque aura lieu à Midway…
La Bataille de Midway (Midway) est un film de guerre américain réalisé par Jack Smight en 1976. Le film a été conçu comme un film à grand spectacle avec un large plateau de vedettes. Par-dessus les faits historiques, une petite histoire inventée de toutes pièces a été greffée. Elle est plutôt ridicule : le fils du personnage principal (un officier) s’est emmouraché d’une américano-japonaise soupçonnée par le FBI d’être une militante anti-américaine (de beaux dilemmes en vue). Mais le problème principal du film est ailleurs : l’ensemble est particulièrement confus et disparate, et évoque plus le bric-à-brac narratif que le récit historique. Des scènes réelles, parfois coloriées à la hâte, ont été intégrées dans les scènes d’action ; elles sont très repérables, certaines étant même intégrées plusieurs fois. La production a également acheté plusieurs séquences du film Tora ! Tora ! Tora ! de Richard Fleisher (1970). Les dialogues sont très conventionnels.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Charlton Heston, Henry Fonda, James Coburn, Glenn Ford, Hal Holbrook, Toshirô Mifune, Robert Mitchum, Cliff Robertson, Robert Wagner, Robert Webber
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Remarque :
* Ce long-métrage fut l’un des rares à avoir exploité le dispositif d’effets spéciaux sonores Sensurround, inauguré avec le film Tremblement de terre (Earthquake, 1974). Le système consistait à utiliser des infrabasses, inaudibles à l’oreille mais ressentis par les spectateurs en vibrations. Seules certaines salles étaient équipées.

La Bataille de Midway (Midway)Charlton Heston dans La Bataille de Midway (Midway) de Jack Smight.

Les autres évocations de la bataille de Midway au cinéma :
La Bataille de Midway (Battle of Midway) de John Ford (1942), film documentaire de 18 minutes.
Midway de Roland Emmerich (2019).

6 mai 2023

L’Armée du crime (2009) de Robert Guédiguian

L'armée du crimeÀ Paris, sous l’occupation allemande, un groupe disparate de résistants commet des attentats désorganisés. Sous l’impulsion de Missak Manouchian, un Arménien exilé, le groupe se structure et planifie ses actions. Le réseau Manouchian est né…
L’Armée du crime est un film français coécrit et réalisé par Robert Guédiguian. Le film retrace l’histoire du groupe Manouchian, surnommé « l’armée du crime » sur une affiche de la propagande allemande placardée massivement en France sous l’Occupation (surnommée « L’affiche rouge »). Le film met en lumière l’action et le sacrifice des membres des Francs-Tireurs et Partisans Main-d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI), résistants de la région parisienne. Dans une optique de toute évidence pédagogique, le réalisateur a cherché à les présenter comme des héros de légende, au prix de certaines libertés ou raccourcis historiques. Si les intentions sont louables, le résultat est hélas un peu décevant : l’ensemble est très froid, rigide et sans émotions. Plus gênant encore, le contexte historique paraît absent. Seule l’action répressive de la police française est bien montrée. Pour avoir un rôle de mémoire, un documentaire aurait probablement été plus efficace que cette reconstitution qui ne sonne pas très vrai.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Simon Abkarian, Virginie Ledoyen, Robinson Stévenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet, Adrien Jolivet
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L'armée du crimeSimon Abkarian et Robinson Stévenin dans L’Armée du crime de Robert Guédiguian.

Remarque :
L’histoire du groupe Manouchian avait déjà été l’objet d’un film : L’Affiche rouge de Frank Cassenti (1976) avec Pierre Clementi. Ce film, peu connu, a été récompensé par le Prix Jean Vigo 1976.

21 février 2023

Le Train (1964) de John Frankenheimer

Titre original : « The Train »

Le Train (The Train)En août 1944, un colonel allemand, grand amateur d’art, fait évacuer pour les envoyer en Allemagne des tableaux de maîtres de la galerie nationale du Jeu de paume et des œuvres dites « dégénérées » issues de spoliations en France. Des cheminots de la Résistance vont tout faire pour que le train de marchandises qui les transporte n’arrive pas à destination…
Le Train est un film américain de John Frankenheimer. Le scénario, signé Franklin Coen et Frank Davis, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, le déraillement en France du train dit « d’Aulnay » en août 1944 (1), et relie cet évènement au pillage organisé des œuvres d’art. Hormis le premier rôle tenu par Burt Lancaster, tous les personnages français sont joués par acteurs français (doublés en anglais). Destiné, nous dit-on en exergue, à mettre en valeur l’héroïsme des cheminots de la Résistance, le film n’a pas la force qu’il devrait avoir. L’ensemble paraît en effet un peu artificiel, il manque d’authenticité mais les scènes d’action et de suspense sont réussies.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michel Simon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Charles Millot
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Remarques :
• Bernard Farrel est crédité comme coréalisateur sur les copies (et les affiches) françaises. Exigé par la législation fiscale française, il n’était pas autorisé à mettre les pieds sur le plateau et son nom est totalement absent des copies américaines.
• Dans la VO, tous les personnages parlent anglais (même les allemands entre eux). La version doublée en français n’a pas ce défaut. Il n’est pas donc impossible que la V.F. paraisse plus authentique.
• Lors d’une journée de repos, Burt Lancaster se blessa à la jambe en jouant au golf. Afin qu’il puisse tourner les scènes restantes en claudiquant, il fut décidé de rajouter une scène où son personnage reçoit une balle dans la jambe !

(1) Le « train d’Aulnay » est un fait réel, mais il transportait principalement des meubles.
(2) Le Train est basé sur le livre, paru en 1961, Le front de l’art de Rose Valland, historienne de l’art au Musée du Jeu de Paume, qui raconte avec détails comment les œuvres d’art, qui avaient été pillées par les Allemands dans les musées et les collections privées dans toute la France, y furent triées pour être expédiés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Train (The Train)Albert Rémy, Charles Millot et Burt Lancaster dans Le Train (The Train) de John Frankenheimer.

Homonyme :
Le Train de Pierre Granier-Deferre (1973) avec Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider

17 février 2023

Attaque! (1956) de Robert Aldrich

Titre original : « Attack »

Attaque! (Attack)A la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1944 dans les Ardennes, le lieutenant Joe Costa se trouve sous les ordres du capitaine Erskine Cooney. Ce dernier, terrifié par le combat, fait tuer par sa lâcheté toute une escouade de la section commandée par Costa…
Attaque (avec ou sans point d’exclamation en français) est un film américain réalisé par Robert Aldrich. Le scénario est écrit par James Poe d’après la pièce Fragile Fox de Norman Brooks (pas de relation avec Richard Brooks). Robert Aldrich dit n’avoir jamais vu la pièce mais il l’a lue et a aimé son approche de la guerre. Il n’est pas ici question de mettre en avant les horreurs de la guerre mais de se pencher sur les rapports humains. Le capitaine en question ne doit ses galons qu’au fait d’être fils de notable, son incapacité à diriger et sa peur le rendent dangereux pour les hommes qu’il commande. Le trait peut paraître un peu trop appuyé (le capitaine est vraiment un incapable, certaines scènes paraissent excessives) mais le propos reste assez fort. Il questionne sur la notion de pouvoir dans les situations extrêmes. L’armée a refusé de soutenir le film en prêtant quoi que ce soit pour le tournage ce qui n’empêche pas Robert Aldrich d’être très efficace dans les scènes d’action. L’essentiel du film réside toutefois dans les dialogues ce qui est assez inhabituel pour un film de guerre. Un film assez unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Palance, Eddie Albert, Lee Marvin, Richard Jaeckel, Buddy Ebsen, Jon Shepodd, Peter van Eyck
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Attaque! (Attack)Lee Marvin et Eddie Albert dans Attaque! (Attack) de Robert Aldrich.

6 février 2023

La Princesse errante (1960) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ruten no ôhi »

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Tokyo, 1937. Ryūkō est une jeune fille insouciante d’origine noble qui se rêve en artiste peintre et vit auprès de ses parents et de sa grand-mère. Elle accepte d’épouser le frère de l’empereur de Maundchourie. Ce mariage est destiné à renforcer les relations entre les deux nations et introduire le sang japonais dans la famille impériale mandchoue…
La Princesse errante est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, son quatrième long métrage, son premier en couleurs. Il s’agit de l’adaptation de la biographie homonyme de Hiro Saga, publiée quelques mois plus tôt. Cette princesse a connu un destin peu commun, mouvementé et tragique. La société de production Daiei a voulu ouvertement en faire un film pour les femmes et fait par des femmes : la présentation du film à l’époque en témoigne. Le budget fut assez important. La mise en place est assez longue, s’attardant sur les protocoles des familles impériales. La suite est plus tragique, lorsque survient la guerre, avec la difficile position mandchoue dans un conflit qui déchire le pays. Pour le premier rôle, Kinuyo Tanaka a choisi Machiko Kyô, l’actrice qui l’a remplacée comme égérie de Mizoguchi. L’actrice est de tous les plans ou presque, elle fait une très belle prestation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Machiko Kyô, Eiji Funakoshi, Chieko Higashiyama, Kuniko Miyake, Mitsuko Mito, Chishû Ryû, Tatsuya Ishiguro
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Remarque :
• La fin est un peu abrupte car l’histoire était encore en cours : en 1961, soit un an après la sortie du film, le couple fut enfin réuni grâce à la permission du Premier ministre chinois et s’installe à Pékin. Hiro Saga y vivra jusqu’à sa mort en 1987, à l’âge de 73 ans. Son mari lui survivra quelques années. Leur deuxième fille (totalement absente du film), née en 1940 deux ans après l’aînée, est toujours en vie.

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Machiko Kyô dans La Princesse errante (Ruten no ôhi) de Kinuyo Tanaka.

5 décembre 2022

Un condamné à mort s’est échappé (1956) de Robert Bresson

Sous-titre : « ou Le vent souffle où il veut »

Un condamné à mort s'est échappé ou Le vent souffle où il veutEn 1943, un résistant, Fontaine, est arrêté par les Allemands et emprisonné à la prison Montluc à Lyon. Il met tout en œuvre pour s’évader, imagine un plan, et parvient à force de courage et de travail à s’en procurer les instruments…
Un condamné à mort s’est échappé ou Le vent souffle où il veut est un film français écrit et réalisé par Robert Bresson. Il s’agit de l’adaptation du récit autobiographique d’André Devigny, paru dans la même année chez Gallimard sous le même titre. Ce film est le premier succès commercial de Robert Bresson. Le fil du récit est assez classique mais sa forme donne une force marquée à cette ode au courage et à la volonté. Robert Bresson a en effet enlevé tout le superflu et parvient à un grand dépouillement sans tomber dans l’austérité. Il préfère avoir des acteurs peu aguerris pour éviter le maniérisme du jeu des acteurs connus, utilise un nombre très réduit de lieux, enlève toute scène intermédiaire pour ne garder que celles qui vont vers le but qu’il s’est fixé. Les dialogues sont également très réduits. Il faut noter la remarquable utilisation des bruitages et de la musique du Kyrie de Mozart. L’approche de Robert Bresson donne à son film une puissance et une authenticité rares. Le film connut un grand succès public et critique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: François Leterrier, Charles Le Clainche
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Remarque :
* François Leterrier ne poursuivra pas sa carrière d’acteur. Il deviendra assistant-réalisateur, puis scénariste et réalisateur. Ses films les plus connus sont certainement les comédies  Je vais craquer et Tranches de vie adaptées des bandes dessinées de Gérard Lauzier.
* Robert Bresson a ajouté le sous-titre, ou Le vent souffle où il veut, phrase tirée de l’Evangile selon Saint Jean : « Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit ». Le vent ne symbolise donc pas ici la liberté mais l’Esprit, au sens biblique du terme.
« Au cœur du cinéma de Bresson, la liberté terrestre et le salut mystique ne font qu’un. » souligne à ce propos Jean-Michel Frodon dans son ouvrage sur Robert Bresson.

Un condamné à mort s'est échappé ou Le vent souffle où il veutFrançois Leterrier et Charles Le Clainche dans Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson.

5 juin 2022

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle (2021) de Arthur Harari

Onoda, 10 000 nuits dans la jungleFormé aux techniques de la guérilla, Hirō Onoda est envoyé fin 1944 sur l’île de Lubang dans les Philippines avec pour mission de rester sur l’île même si elle est vaincue. Peu de temps après cette affectation, la guerre s’achève. Replié dans le centre de l’île avec une poignée d’hommes, privé de tout contact, Onoda reste les armes à la main, prêt à harceler l’ennemi s’il se montre…
Onoda, 10 000 nuits dans la jungle est un film de guerre co-écrit et réalisé par le français Arthur Harari, son second long métrage. Il l’a tourné en langue japonaise avec des acteurs japonais. Le film raconte l’histoire de Hirō Onoda, un soldat japonais qui, ignorant que son pays a capitulé en 1945, a continué jusqu’en 1974 à défendre l’île des Philippines où il avait été affecté, avant d’être retrouvé par un étudiant japonais. Le cas des « soldats japonais restants » avait déjà été l’objet du film Anatahan de Josef von Sternberg en 1953 mais ici le laps de temps est sans commune mesure. Le film d’Arthur Harari est long (2h47) et il n’y a que très peu de scènes d’action et aucune scène de folie ; de plus, Arthur Harari ne cherche pas à émouvoir ou à provoquer l’empathie. Et, pourtant, la longueur du film ne se fait jamais sentir, ce qui traduit une grande qualité d’écriture du scénario. Le regard porté reste extérieur, sans proposer d’axe de réflexion comme c’était le cas du film de Josef von Sternberg. Il n’en est pas moins très réussi.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yûya Endô, Kanji Tsuda, Yûya Matsuura, Tetsuya Chiba
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Remarques :
* Après sa reddition, Hirō Onoda alla s’installer au Brésil, où il devint éleveur de bétail. Il retourna vivre au Japon en 1984 où il créa un camp pour initier les enfants à la vie en pleine nature. Il est décédé en 2014 à l’âge de 91 ans. Il a publié son récit autobiographique en 1974.
* Hirō Onoda a également inspiré à Werner Herzog un roman : « Le Crépuscule du monde » (Séguier 2022)

Onoda, 10 000 nuits dans la jungleYûya Endô dans Onoda, 10 000 nuits dans la jungle de Arthur Harari.

9 mars 2022

Le Train (1973) de Pierre Granier-Deferre

Le TrainMai 1940. Dans une ville des Ardennes, l’invasion allemande précipite Julien Maroyeur et sa famille dans un train qui doit les évacuer hors de la zone des combats. Sa femme et sa fille ont le droit de monter dans une voiture de première classe, mais Julien doit monter dans le dernier wagon du train : un simple fourgon à bestiaux où se trouvent déjà d’autres voyageurs dont une belle et mystérieuse jeune femme sans bagage…
Le Train est un film franco-italien de Pierre Granier-Deferre. Après Le Chat (1971) et La Veuve Couderc (1971), le réalisateur a choisi une nouvelle fois d’adapter un « roman de mœurs » de Georges Simenon. Il a également puisé dans ses propres souvenirs de l’exode de 1940 qu’il a vécu adolescent. De ce fait, il parvient à ajouter de petits éléments de légèreté malgré le dramatique de la situation. Il s’agit de l’histoire d’une liaison extraconjugale dont la délicatesse et la douceur tranchent avec la brutalité et la dangerosité de l’environnement. L’interprétation des deux acteurs principaux est tout en retenue. Romy Schneider et Jean-Louis Trintignant, certes tous deux dans le style de rôles où ils excellent, montrent une grande justesse et apportent beaucoup d’humanité à cette histoire. En revanche, les autres personnages paraissent un peu trop typés. Pierre Granier-Deferre a en outre utilisé quelques images d’archives pour bien établir le cadre de l’histoire avec un passage du noir et blanc à la couleur assez réussi. L’épilogue est tout à fait différent de celui du roman.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Romy Schneider, Maurice Biraud, Anne Wiazemsky, Régine
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Le TrainJean-Louis Trintignant et Romy Schneider dans Le Train de Pierre Granier-Deferre.

Ne pas confondre avec :
Le Train (The Train) de John Frankenheimer (1964) avec Burt Lancaster et Jeanne Moreau

6 février 2022

Lacombe Lucien (1974) de Louis Malle

Lacombe LucienEn juin 1944, dans un petit village du Sud-ouest sous l’Occupation allemande, Lucien Lacombe demande à l’instituteur de le faire entrer dans le maquis. Ce dernier le trouve trop jeune et refuse. Lorsque le jeune garçon est arrêté par hasard par la police le lendemain, il dénonce son instituteur et rejoint la Gestapo française, devenant ainsi un agent de la police allemande…
Lacombe Lucien est un film franco-italo-allemand réalisé par Louis Malle. Il en a écrit le scénario avec Patrick Modiano. A sa sortie, le film a suscité des réactions et polémiques d’une ampleur rare. Il bousculait l’image que nous avions alors de la Résistance et de la Collaboration et les controverses débordèrent largement sur le terrain politique. Hormis l’extrême-gauche qui était systématiquement opposée à la représentation donnée, la polémique faisait rage au sein de chacune des familles politiques, y compris à l’extrême-droite (1). Louis Malle et Patrick Modiano avait pourtant voulu donner une portée plus large à leur récit comme en témoigne la citation qui ouvre le film (2). Toutes les scènes de violence ou d’action ont été écartées, l’histoire est centrée sur les rapports entre le milicien et une famille juive, auparavant tailleur renommé, rapports teintés de revanche sociale. Les décisions des personnages ne sont pas toujours rationnelles, ou du moins expliquées, ce qui a certainement contribué à perturber les esprits. La notion d’engagement politique est remise en cause : Louis Malle montre l’absence de conscience politique, aussi bien de l’adolescent en quête de famille que des autres miliciens, et pose indirectement la question de la responsabilité de l’individu. La mise en scène est simple mais parfaitement maitrisée. Le cinéaste a tenu à employer des acteurs peu connus et même non professionnels : Pierre Blaise est un jeune bûcheron de dix-sept ans issu d’un milieu modeste comme son personnage et Aurore Clément fut la grande découverte du film. Avec le recul, le film prend une dimension beaucoup plus générale, telle que ses auteurs l’ont voulue.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Blaise, Aurore Clément, Holger Löwenadler, Stéphane Bouy, Jean Rougerie
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(1) Ce point est détaillé dans la thèse de Aurélie Feste-Guidon, dont on peut lire des extraits ici : Lacombe Lucien de Louis Malle, histoire d’une polémique ou polémique sur l’Histoire ?
(2) « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre » (Santayana)

Remarque :
* Pierre Blaise perdra la vie peu après dans un accident de la route en 1975. Il venait d’avoir 20 ans. Il a joué dans trois autres films après Lacombe Lucien dont Vertiges de Mauro Bolognini (1975).

Lacombe LucienPierre Blaise et Aurore Clément dans Lacombe Lucien de Louis Malle.