26 septembre 2017

Trois enterrements (2005) de Tommy Lee Jones

Titre original : « The Three Burials of Melquiades Estrada »

Trois enterrementsAu Texas, près de la frontière mexicaine, le vaquero Melquiades Estrada est tué par erreur par un jeune garde-frontière plutôt tête brulée. Son contremaître et ami n’accepte pas qu’il soit enterré rapidement sans aucune enquête, d’autant plus qu’il lui avait fait une promesse… Sur un scénario écrit par Guillermo Arriaga (scénariste de plusieurs films d’Iñárritu), ce premier long métrage du comédien Tommy Lee Jones ne manque pas d’intérêt. A la fois western moderne et fable humaniste, il prend place dans une région que l’acteur connaît bien : il y est né et y possède un ranch où certaines scènes du film ont été tournées. Il campe un personnage qui n’est pas sans rappeler ceux que personnifiait Clint Eastwood, c’est-à-dire un personnage avec de grandes valeurs morales, un grand sens de l’amitié et de la parole donnée. Son film démontre comment, dans ces régions qui paraissent si peu favorisées par la nature, ces valeurs humaines deviennent primordiales. Il souligne la différence de mentalités avec « ceux du nord » (le nord étant pris dans un sens très large, soit tout ce qui est au-dessus de la moitié sud du Texas). Débutant avec une construction habile en flashbacks, le déroulement devient ensuite plus linéaire dans un long cheminement. La belle photographie et l’excellente musique génèrent un certain envoutement. Un film d’une belle puissance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Julio Cesar Cedillo, Dwight Yoakam, January Jones, Melissa Leo
Voir la fiche du film et la filmographie de Tommy Lee Jones sur le site IMDB.

Remarques :
* Tout le film (y compris la partie mexicaine) a été tourné dans le sud du Texas, notamment dans le Big Bend National Park qui jouxte la frontière mexicaine. La ville de Van Horn se situe à environ 40 kms de la frontière, non loin de El Paso, la ville la plus à l’ouest du Texas.
* Prix du meilleur acteur pour Tommy Lee Jones et Prix du meilleur scénario pour Guillermo Arriaga au Festival de Cannes 2005.

Trois enterrements
Barry Pepper et Tommy Lee Jones dans Trois enterrements de Tommy Lee Jones.

Levon Helm - Trois enterrements
Nota : Le vieil homme aveugle est interprété par Levon Helm, bien connu pour avoir été le batteur (et chanteur) du groupe The Band. A gauche, Levon Holm dans Trois enterrements de Tommy Lee Jones. A droite, Levon Helm dans les années soixante-dix. Levon Helm est certainement vieilli par maquillage puisqu’il n’avait que 65 ans au moment du tournage. Le musicien est décédé en 2012. 

18 juin 2017

Tutti dentro (1984) de Alberto Sordi

Tutti dentroLe juge Annibale Salvemini est entièrement dévoué à sa tâche de lutte contre la corruption. Promu à la suite du départ en retraite de son supérieur, il émet rapidement une centaine de mandats d’arrêts et se concentre sur une affaire de détournement de pots de vin qui met en cause un de ses anciens amis… Acteur bien connu des meilleures comédies italiennes, Alberto Sordi a également réalisé une quinzaine de long métrages dont cet assez rare Tutti dentro (= Tout le monde au trou). Il en a écrit le scénario avec son vieux compère Rodolfo Sonego (qui a beaucoup écrit pour lui depuis 1954 dont le fameux L’Argent de la vieille de Comencini). L’histoire prophétise l’opération Mains propres du début des années quatre vingt-dix : une série d’enquêtes judiciaires visant des personnalités qui mirent au jour tout un système de corruption. Alberto Sordi mêle habilement sérieux et comédie, tout l’humour étant apporté par son propre personnage : le juge est un original aux cheveux longs qui emploie des ruses assez personnelles pour parvenir à ses fins. De façon inattendue, c’est l’acteur cher à Scorsese, Joe Pesci, qui lui fait face (doublé en italien bien entendu).
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Joe Pesci, Dalila Di Lazzaro, Giorgia Moll
Voir la fiche du film et la filmographie de Alberto Sordi sur le site IMDB.

 

Tutti Dentro
Alberto Sordi et Joe Pesci dans Tutti dentro de Alberto Sordi.

23 février 2017

Les cadavres ne portent pas de costard (1982) de Carl Reiner

Titre original : « Dead Men Don’t Wear Plaid »

Les cadavres ne portent pas de costardLes affaires sont calmes pour le détective John Forrest lorsqu’une cliente frappe à sa porte. Il s’agit de la fille d’un scientifique renommé (et fabriquant de fromages) qui vient de périr dans un accident automobile. Elle pense qu’il a été assassiné… L’idée a germé dans les esprits de Carl Reiner, George Gipe et Steve Martin : faire un film parodique qui incorporerait des extraits de films noirs des années quarante. Bien évidemment, il fallait que le film soit en noir et blanc et c’est grâce à l’usage subtil des champs-contrechamps que l’illusion est créée :  nous avons l’impression que ces acteurs des années quarante donnent la réplique à Steve Martin. L’histoire est totalement farfelue, elle est surtout un prétexte non seulement pour inclure les différents extraits mais aussi pour placer une multitude de clins d’œil qu’il est impossible de tous repérer tant il y en a. Les scénaristes ont toutefois réussi à introduire de très bons gags, le plus célèbre étant cette méthode si particulière  de Rachel Ward pour extraire les balles. La voix off contribue à recréer l’atmosphère des films de détective privé. Steve Martin ressemble plus que jamais à Dana Andrews mais l’acteur a pris soin de ne pas calquer son jeu sur tel ou tel acteur pour éviter le mimétisme (par exemple, il aurait pu se gratter l’oreille et on se serait tous pâmé… mais non, il ne le fait pas). Face à lui, Rachel Ward ne présente aucune ressemblance particulière ; par ailleurs, on peut se demander pourquoi il a été choisi de lui laisser une coupe de cheveux typique des années soixante-dix. Même si on ne peut nier que Les cadavres ne portent pas de costard est un film pour cinéphiles (si on ne reconnait pas les acteurs, l’humour tombe, c’est inévitable), il est au final très amusant et unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Martin, Rachel Ward, Carl Reiner
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Reiner sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carl Reiner chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* L’humour du titre ne passe pas vraiment dans la traduction : « plaid » (morceau de tissu écossais porté) peut être un costume, certes, mais un costume en tissu écossais (qu’il faut être américain pour porter, soit-dit en passant !) Or, les cadavres sont toujours habillés à la morgue avec un costume plus habillé qu’un « plaid ». Une meilleure traduction aurait pu être « Les cadavres ne portent pas de blouson vert » ou  même « Les cadavres portent toujours un costard ». 🙂
* Ceci dit, le titre n’a pas de sens particulier (même si Steve Martin arrive à le placer dans une scène). C’est une parodie des titres de romans policiers.
* La série Dream On a repris un peu le principe dans les années 90 mais différemment : les extraits de films servent à exprimer les pensées intérieures du personnage principal.

Les cadavres ne portent pas de costard
Rachel Ward et Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Les cadavres ne portent pas de costard
Steve Martin censé faire face à Ingrid Bergman dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Acteurs /extraits de films :
– Alan Ladd dans Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
– Barbara Stanwyck dans Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, wrong number) d’Anatole Litvak et Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– Ray Milland dans Le Poison (The Lost Weekend) de Billy Wilder
– Ava Gardner dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak et L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard
– Burt Lancaster dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak
– Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Le Violent (In a Lonely Place) et Les Passagers de la nuit (Dark Passage)
– Cary Grant dans Soupçons (Suspicion) d’Alfred Hitchcock
– Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock
– Veronica Lake dans La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
– Bette Davis dans Jalousie (Deception) d’Irving Rapper
– Lana Turner dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy et Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
– Edward Arnold dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy
– Kirk Douglas dans L’Homme aux abois (I Walk Alone) de Byron Haskin
– Fred MacMurray dans Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– James Cagney dans L’enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
– Joan Crawford dans Humoresque de Jean Negulesco
– Charles Laughton et Vincent Price dans  L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard

Les cadavres ne portent pas de costard
A gauche : Dana Andrews dans Laura (1944). A droite : Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner. Je suis étonné que personne ne mentionne cette ressemblance vraiment frappante (que Carl Reiner a certainement cultivée).

14 février 2017

Le Chien des Baskerville (1959) de Terence Fisher

Titre original : « The Hound of the Baskervilles »

Le Chien des BaskervilleEn l’an 1790, Sir Hugo Baskerville, un aristocrate cruel, est attaqué par un énorme chien alors qu’il vient de poignarder une paysanne sur la lande. De là naît la légende du chien des Baskerville. Plusieurs décennies plus tard, Charles Baskerville meurt sur la lande dans des circonstances mystérieuses. Son neveu, Sir Henry hérite du domaine familial. Le détective Sherlock Holmes est contacté pour veiller sur lui… Le Chien des Baskerville de Terence Fisher est la deuxième grande adaptation du célèbre roman de Conan Doyle. Cette version prend quelques libertés par rapport au roman, sans le dénaturer toutefois. Le film étant issu des studios Hammer, on peut s’attendre à ce que le côté terrifiant soit développé mais il n’en est rien. Même l’apparition de la bête ne fait pas frémir. Le film est plutôt remarquable par son atmosphère, vraiment inquiétante, due à la précision du scénario, au jeu des acteurs et à leur forte présence. Le film joue beaucoup plus sur les nuances que sur le démonstratif. C’est sans doute pour cette raison que le film a plutôt déçu les amateurs des films de la Hammer et les suites prévues ne furent pas mises en chantier. Aujourd’hui, il est mieux considéré. A juste titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Peter Cushing, André Morell, Christopher Lee, John Le Mesurier
Voir la fiche du film et la filmographie de Terence Fisher sur le site IMDB.

Voir les livres sur la Hammer

Le Chien des Baskerville
André Morell (Watson) et Peter Cushing (Sherlock Holmes) dans Le Chien des Baskerville de Terence Fisher.

Le Chien des Baskerville
Peter Cushing (Sherlock Holmes) et Christopher Lee (Sir Henry Baskerville) dans Le Chien des Baskerville de Terence Fisher.

Les plus grandes adaptations du roman à l’écran :
1. Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) de Sidney Lanfield (USA 1939) avec Basil Rathbone, Nigel Bruce et Richard Greene
2. Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) de Terence Fisher (UK 1959) avec Peter Cushing et Christopher Lee
3. Priklyucheniya Sherloka Kholmsa i doktora Vatsona: Sobaka Baskerviley d’Igor Maslennikov (TV russe, 1981) avec Vasiliy Livanov et Nikita Mikhalkov
4. The Hound of the Baskervilles de Douglas Hickox (TV UK, 1983) avec Ian Richardson et Denholm Elliott
5. The Hound of the Baskervilles de Brian Mills (TV UK, 1988) avec Jeremy Brett et Edward Hardwicke
6. The Hound of the Baskervilles de Dave Attwood (TV UK, 2002) avec Richard Roxburgh et Ian Hart

22 décembre 2016

Gone Girl (2014) de David Fincher

Gone GirlNick Dunne signale la disparition de sa femme Amy, auteur connue de livres pour enfants. Les médias s’emparent de l’affaire, des zones d’ombre apparaissent. Une affaire qui va devenir de plus en plus étrange… Gone Girl est l’adaptation de l’excellent roman homonyme de Gillian Flynn (Les Apparences en français). Le film est très fidèle au livre, ce qui n’est guère étonnant quand on sait que c’est l’auteure elle-même qui en a écrit l’adaptation. C’est indéniablement le scénario qui fait la force de ce thriller. L’apport de David Fincher semble plus mineur mais il sait trouver le ton juste avec une réalisation simple, sans esbroufe, servie par la bonne interprétation de Ben Affleck. L’histoire met à mal l’image du couple parfait, fustige les médias, met en relief les défauts d’une société trop souvent basée sur les apparences. Comme dans le livre, la fin (ou devrais-je dire l’absence de fin ?) est surprenante ; elle n’en est que plus terrifiante.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Tyler Perry, Carrie Coon, Kim Dickens
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Remarques :
Gone Girl est le premier long métrage tourné avec des caméras numériques 6K. (En vidéo, les termes 2K, 4K, 6K, 8K indiquent la largeur en nombre de pixels avec K=1024 : la caméra utilisée ici capte des images en 6144 x 3160 soit presque 20M de pixels. On estime généralement que le 35mm classique équivaut en qualité à 12M de pixels, donc proche du 4K. Au-delà, les différences vont être de plus en plus difficiles à détecter, du moins pour un œil humain.)

Gone Girl
Ben Affleck et Rosamund Pike dans Gone Girl de David Fincher.

25 octobre 2016

Identification d’une femme (1982) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Identificazione di una donna »

Identification d'une femmeNiccolò, un cinéaste, revient à Rome. Il cherche le personnage féminin à partir duquel, il en est persuadé, il pourra écrire le scénario de son prochain film. Il rencontre Mavi, jeune femme issu d’un milieu aristocratique, dont il s’éprend. Un mystérieux inconnu lui fait des menaces à peine voilées pour qu’il ne la revoie plus… Coécrit par Antonioni et Gérard Brach, Identification d’une femme peut par certains aspects évoquer L’Avventura (la recherche d’une femme aimée qui a disparu) mais le propos est en réalité tout autre. Point de crise existentialiste, il est question ici de processus créatif, du désir de recherche, de paternité, d’idéalisme. Antonioni s’intéresse plus à l’impact du mystère que sur son explication. C’est la recherche qui importe, l’amour devenant alors un inépuisable champ à explorer : Niccolò n’est attiré que par des femmes qu’il ne parvient pas à cerner. Antonioni parsème le film de petits éléments qui nous intriguent (comme cette étonnante excroissance sur l’arbre), se plaît à utiliser les reflets (fenêtres, miroirs, …) dans une belle recherche visuelle et use de symbolismes (l’allégorie peut certes sembler facile, mais la scène du brouillard est assez belle). Identification d’une femme est ainsi un film particulièrement riche
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tomas Milian, Daniela Silverio, Christine Boisson, Marcel Bozzuffi
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Identification d'une femme
Tomas Milian et Daniela Silverio dans Identification d’une femme de Michelangelo Antonioni.

Identification d'une femme
Tomas Milian et Christine Boisson dans Identification d’une femme de Michelangelo Antonioni.

23 juin 2016

Musique pour madame (1937) de John G. Blystone

Titre original : « Music for Madame »

Musique pour madameVenu tenter sa chance à Hollywood, un jeune ténor italien est repéré par des truands qui l’utilisent pour faire diversion dans une réception où ils volent un collier d’une grande valeur. Le ténor est recherché activement par la police comme principal suspect… Music for Madame est produit par Jesse L. Lasky, l’un des grands pionniers d’Hollywood. Il s’agit de sa première production pour la RKO. Le scénario est paresseux, l’histoire n’est guère développée, assez décevante même. Le plus remarquable dans ce film est la présence du ténor Nino Martini que Lasky avait découvert à Paris et encouragé, au moment des débuts du parlant, à venir faire carrière à Hollywood. Le ténor, qui s’est souvent produit au Metropolitan Opera de New York, n’est en fait apparu notablement que dans trois ou quatre films et Music for Madame est l’un d’eux. Le scénario a ménagé plusieurs opportunités de le voir (et entendre) chanter ; sa prestation sur ce point est remarquable. Joan Fontaine, âgée de 19 ans, est ici dans l’un de ses premiers films, 1937 sera pour elle l’année du lancement réel de sa carrière ; ce n’est pas en tous cas grâce à Music for Madame car le film n’eut aucun succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Nino Martini, Joan Fontaine, Alan Mowbray, Billy Gilbert, Alan Hale, Grant Mitchell
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Remarques :
* On remarquera le clin d’oeil appuyé à It Happened one Night de Capra dans la scène de l’auto-stop.
* John G. Blystone n’est pas un débutant non plus puisqu’il a débuté sa carrière dans les années dix et doit sa réputation à une coréalisation avec Buster Keaton (Les Lois de l’hospitalité) et deux films de Laurel et Hardy, postérieurs à ce film et qui termineront sa carrière.

Music for Madame
Joan Fontaine et Nino Martini dans Musique pour madame de John G. Blystone.

Music for Madame
Nino Martini sur le tournage de Musique pour madame de John G. Blystone.

29 mai 2016

Chinatown (1974) de Roman Polanski

ChinatownEn 1937, alors que la sècheresse sévit à Los Angeles, le détective privé Gittes est engagé par une femme pour faire suivre son mari qu’elle soupçonne d’adultère. Le détective le surprend effectivement avec une jeune femme et l’histoire fait la une des journaux car l’homme est à la tête du service des eaux. Le détective découvre alors qu’il a été utilisé… Avec Chinatown, Roman Polanski rend un superbe hommage au film noir avec une intrigue digne de Dashiell Hammett ou de Raymond Chandler. Tout comme ces deux maitres, il a écrit avec Robert Towne une histoire aux couches multiples prenant des tournures inattendues. Elle nous plonge dans la « California Water War », une guerre de l’eau où un aqueduc, construit à la fin du XIXe depuis l’Owens River pour alimenter Los Angeles, eut pour résultat d’assécher totalement la verdoyante et fertile Owens Valley. La reconstitution est magnifique avec une superbe photographie qui génère une atmosphère particulièrement prenante. On n’a absolument pas l’impression qu’il s’agit de décors. Polanski utilise fréquemment le principe de la caméra subjective pour mieux nous mettre dans la peau du détective (et aussi, sans doute, pour mieux coller à l’esprit Chandler dont tous les romans sont écrits à la première personne), un détective personnifié avec brio par un Jack Nicholson tout en retenue, très juste dans son jeu. Faye Dunaway forme avec lui un couple assez fascinant, plutôt électrique. Le réalisateur John Huston complète le tableau, il est ici l’un de ses grands rôles en tant qu’acteur (1). La musique de Jerry Goldsmith contribue à rendre l’atmosphère encore plus envoutante. Le déroulement du scénario est d’une grande perfection. Gros succès populaire, Chinatown est le dernier film que Roman Polanski tourna aux Etats-Unis.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Faye Dunaway, John Huston, Perry Lopez
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Remarques :
* Roman Polanski tient le rôle du sinistre petit malfrat manieur de couteau.
* Seule la scène finale se déroule à Chinatown. Dans la première version du script, il n’y avait même aucune scène se déroulant à Chinatown.
* La première version du script a été écrite par Robert Towne seul mais, à son grand dam, Polanski a voulu revoir tout avec lui.
* La fin est un peu étrange, très noire. Polanski a déclaré qu’elle traduisait un peu son désespoir après le meurtre de sa femme Sharon Tate.
* Jack Nicholson donnera une suite à Chinatown avec The Two Jakes (1990), film bien moins réussi.

(1) Rappelons que le grand John Huston, qui a débuté sa carrière de réalisateur en adaptant un roman noir de Dashiell Hammett Le Faucon Maltais (1940), a eu une carrière intermittente d’acteur en plus de celle de réalisateur. Il fut d’ailleurs nominé pour un oscar en tant qu’acteur pour The Cardinal d’Otto Preminger (1963).

Chinatown
Jack Nicholson dans Chinatown de Roman Polanski.

Chinatown
Jack Nicholson et Faye Dunaway dans Chinatown de Roman Polanski.

John Huston dans Chinatown
John Huston dans Chinatown de Roman Polanski.

2 mai 2016

Coeur de lilas (1932) de Anatole Litvak

Coeur de lilasPersuadé de l’innocence du principal suspect dans une affaire de meurtre, un inspecteur de police s’introduit sous une fausse identité dans le milieu interlope parisien. Il veut faire la connaissance de Coeur de lilas, une jeune femme qui fut la maitresse de la victime… Adapté d’une pièce de Tristan Bernard, Coeur de lilas est le premier film de l’ukrainien Anatole Litvak qui venait de fuir l’Allemagne. Le gros point faible du film est un déroulement de scénario très mou ; l’histoire semble faire du surplace. Elle s’efface pour laisser la place à de nombreuses scènes d’atmosphère des milieux populaires de l’époque : on danse, on chante et tout ce joli monde s’égaye quand la police arrive. Coeur de lilas Jean Gabin, encore peu connu, interprète un arrogant mauvais garçon ; il manifeste beaucoup de présence à l’écran, beaucoup plus que l’acteur principal André Luguet, plutôt fade. Il chante aussi avec Frehel « La Môme Caoutchouc ». Fernandel n’a qu’un tout petit rôle, garçon d’honneur à un mariage qui pousse la chansonnette. On remarquera un très beau plan d’ouverture qui nous fait suivre deux mouvements simultanés et inverses (la fanfare et le cortège des enfants). On notera également l’utilisation des guinguettes de bord de Marne qui seront un lieu privilégié de tournage pendant plusieurs décennies.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marcelle Romée, André Luguet, Jean Gabin, Fernandel
Voir la fiche du film et la filmographie de Anatole Litvak sur le site IMDB.

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Remarques :
* L’actrice Marcelle Romée a mis fin à ses jours quelques mois après la sortie du film. Elle était âgée de 29 ans.

Coeur de lilas
Marcelle Romée dans Coeur de lilas d’Anatole Litvak.

coeur de Lilas
Fréhel et Jean Gabin dans Coeur de lilas d’Anatole Litvak.

23 avril 2016

Que la bête meure (1969) de Claude Chabrol

Que la bête meurePour venger la mort de son enfant, un homme se met à la recherche du chauffard qui l’a percuté sur une petite route de Bretagne. Il est déterminé, il le recherche pour le tuer et n’a pas l’intention d’abandonner avant de l’avoir trouvé…
Que la bête meure est au départ un roman de Nicholas Blake (1) paru en 1938. L’adaptation est signée Claude Chabrol et Paul Gégauff. C’est un film intense où Chabrol approche la perfection. Cela lui a valu d’être comparé à Hitchcock et à Fritz Lang, le premier pour l’habileté dans le dosage des éléments qui génère une tension croissante et le second pour le portrait du Mal et pour la réflexion induite sur la culpabilité. La détermination froide de son justicier et l’animalité de la « bête » qu’il va débusquer forment un antagonisme absolu. L’être abject personnifié par Jean Yanne symbolise aussi un style de vie archaïque ; il accumule tout ce qu’il y a de plus détestable. On aimerait pouvoir parler de caricature mais, hélas, ce n’en est pas vraiment une. Par sa réflexion sur les traits du caractère humain, par les sentiments contradictoires qu’il génère en nous, Que la bête meure va plus loin que la simple critique de la bourgeoise poujadiste de province dans laquelle on cantonne trop souvent Claude Chabrol ;  les pulsions parricides du fils lui donneraient même un petit air de tragédie grecque…
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Michel Duchaussoy, Caroline Cellier, Jean Yanne
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Remarque :
* L’inspecteur de police est interprété par Maurice Pialat, l’une de ses rares apparitions en tant qu’acteur. Pialat venait de réaliser son premier long métrage, L’Enfance nue, l’année précédente.

(1) Nicholas Blake est le pseudonyme du poète britannique Cecil Day-Lewis (le père de l’acteur Daniel Day-Lewis). Il a écrit une vingtaine de romans policiers entre 1935 et 1968 sous ce pseudonyme.

Que la bête meure
Caroline Cellier et Michel Duchaussoy dans Que la bête meure de Claude Chabrol.

Que la bête meure
Michel Duchaussoy et Jean Yanne dans Que la bête meure de Claude Chabrol.

Précédente adaptation :
La bestia debe morir (1952), film argentin de Román Viñoly Barreto.