9 septembre 2019

Un soupçon de vison (1962) de Delbert Mann

Titre original : « That Touch of Mink »

Un soupçon de visonPar un jour de pluie à New York, la voiture de Philip Shayne, riche homme d’affaires, éclabousse Cathy Timberlake, jeune femme à la recherche d’un emploi qui sortait du métro. Il envoie son directeur financier lui présenter des excuses et lui offrir une nouvelle robe. Outrée par ce manque de galanterie, Cathy décide d’aller à la rencontre de Philip et de le lui faire savoir. Mais au lieu de cela, elle tombe sous son charme…
Le thème de l’homme très riche qui tombe amoureux d’une jeune femme bien moins fortunée que lui n’est pas vraiment nouveau dans le cinéma hollywoodien. Tous les motifs récurrents du thème sont bien présents. hélas, si le film ne manque pas de moments amusants, l’ensemble ne parvient pas à déclencher l’enthousiasme. Doris Day se démène beaucoup (trop sans doute) mais Cary Grant semble peu concerné. En fait, l’humour le plus réussi vient d’un personnage secondaire, un conseiller financier constamment dépressif (Gig Young) qui se réfugie fréquemment chez son psychiatre. A noter que les deux acteurs principaux, choisis pour leur notoriété, sont bien trop âgés pour leur rôle (Doris Day a 38 ans alors que son personnage est censée n’en avoir que 23-25 et Cary Grant a 58 ans). Cette comédie très conventionnelle fut l’un des plus gros succès de l’année 1962.
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Doris Day, Gig Young, Audrey Meadows
Voir la fiche du film et la filmographie de Delbert Mann sur le site IMDB.

Un soupçon de visonDoris Day et Cary Grant dans Un soupçon de vison de Delbert Mann.

26 mai 2018

L’Or et la chair (1937) de Rowland V. Lee

Titre original : « The Toast of New York »

L'or et la chairUn bonimenteur itinérant et son associé font fortune pendant la Guerre Civile américaine en achetant illégalement du coton aux fermiers du Sud pour le vendre aux industriels du Nord. Une fois la guerre finie, ils se lancent dans des opérations financières de plus grande ampleur…
Basé sur un livre de Bouck White, The Toast of New York s’inspire librement de la vie du spéculateur James Fisk et du scandale Fisk-Gould qu’il déclencha en spéculant sur le marché de l’or à la Bourse de New York en septembre 1869. De toute évidence, l’histoire comporte des exagérations et les relations de l’homme d’affaires avec une jeune actrice paraissent bien romancées. Edward Arnold fait une composition très joviale du personnage et montre beaucoup de présence à l’écran. Jack Oakie, et dans une certaine mesure Donald Meek, apportent une bonne dose d’humour. En revanche, Cary Grant est singulièrement fade, la faute ne revenant sans doute pas tant à l’acteur qu’au scénario. Toujours est-il que son personnage est quasiment inexistant. On se désintéresse assez rapidement de cette suite d’opérations douteuses. Le film, qui avait bénéficié d’un beau budget, fut le plus grand échec commercial de l’année 1937 pour la RKO.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Edward Arnold, Cary Grant, Frances Farmer, Jack Oakie, Donald Meek
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Remarque :
* Le projet fut en premier confié à Alexander Hall. Alors que plus de la moitié du tournage était effectué, le metteur en scène tomba gravement malade et dût être remplacé par Rowland V. Lee qui refit la plupart des scènes. La quantité de séquences tournées par Alexander Hall restant dans le montage final n’est pas connue.

Toast of New York
Jack Oakie, Edward Arnold et Cary Grant dans L’or et la chair de Rowland V. Lee.

1 août 2017

Gunga Din (1939) de George Stevens

Gunga DinA la frontière nord de l’Inde, aux alentours de 1880, l’armée britannique est harcelée par les Thugs qui sabotent leurs installations et pillent les villages. Trois sergents, bagarreurs et amis de longue date, sont chargés d’aller les attaquer avec un petit détachement au sein duquel figure un porteur d’eau indien appelé Gunga Din… Avec l’intention de reproduire l’énorme succès des Trois Lanciers du Bengale (Paramount, 1935), la RKO acquiert dès 1936 les droits sur le poème de Kipling, Gunga Din. L’histoire de base a été écrite par Ben Hecht et Charles MacArthur. Le film est empreint de ce colonialisme primaire caractéristique des années trente mais ce n’est pas pour cette raison qu’il déçoit. Tout d’abord, le mélange de genres paraît bien mal dosé : de l’aventure, des batailles et un humour sans finesse. Les acteurs, visiblement en roue libre, cabotinent et sont hilares y compris dans les situations les plus dramatiques, ce qui leur enlève toute intensité. Ensuite, Georges Stevens n’est indéniablement pas très l’aise dans le film de guerre (ce sera sa seule incursion dans le genre) et l’ensemble manque de rythme et de caractère épique. Enfin faire passer Cary Grant pour un anglais semble possible (après tout, il l’est… ou, au moins, l’était) mais pour Victor McLaglen, c’est franchement « mission impossible » (et pourtant il l’est aussi!) et le film n’essaie même pas : tous ces « britanniques » font très américains. Le mauvais goût culmine avec l’apparition de Kipling dans l’épilogue (la famille de l’écrivain a obtenu que la scène soit retirée dans certaines versions). Le succès fut très important et, bizarrement, le film continue d’être tenu en assez haute estime aujourd’hui.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Victor McLaglen, Douglas Fairbanks Jr., Sam Jaffe, Eduardo Ciannelli, Joan Fontaine
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Gunga Din
Cary Grant, Victor McLaglen et Douglas Fairbanks Jr. dans Gunga Din de George Stevens.

Gunga Din
Cary Grant et Sam Jaffe dans Gunga Din de George Stevens.

Remarques :
* Le projet fut d’abord confié à Howard Hawks mais la RKO mais, après le fiasco de Bringing Up Baby, il sera écarté au profit de Georges Stevens. Hawks était également jugé trop lent (donc couteux) mais, au final, Stevens fut encore plus lent que Hawks et Gunga Din fut alors la production la plus coûteuse pour la RKO.
* William Faulkner aurait travaillé sur le scénario.
* Blake Edwards parodie Gunga Din dans la scène d’ouverture de La Party (1969) avec Peter Sellers grimé en indien comme l’est ici Sam Jaffe.
* Remake :
Les 3 Sergents (Sergeants 3) de John Sturges (1962) avec Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis Jr., la même histoire transposée dans l’Ouest américain.

14 juin 2017

Sylvia Scarlett (1935) de George Cukor

Sylvia ScarlettDu fait des malversations de son père, une jeune femme française doit se déguiser en garçon pour le suivre dans fuite vers l’Angleterre. En chemin, ils sympathisent avec un petit escroc et font équipe tous les trois… La notoriété actuelle de cette comédie de George Cukor repose en grande partie sur le travestissement de Katharine Hepburn. Il faut bien avouer que le scénario (adapté d’un roman de Compton MacKenzie paru en 1918) n’est guère vraisemblable et part un peu dans tous les sens. Sylvia Scarlett est finalement un film assez étrange du fait du travestissement de Katharine Hepburn, bien entendu, mais aussi parce que l’actrice parle un peu en français avec une voix haut perchée et le bostonien Cary Grant tente (sans grand résultat, semble t-il) de prendre l’accent cockney londonien. Et il y a ce curieux mélange entre comédie, aventure romantique et tragédie (le père qui sombre peu à peu dans la folie) sans qu’aucun aspect ne prévale vraiment. A sa sortie, le film fut très mal reçu par la critique et par le public, choqué par le travestissement. L’image de Katharine Hepburn en pâtit, l’actrice allait enchaîner ensuite les échecs qui lui vaudraient le surnom de « box-office poison » quelques années plus tard. Elle fait pourtant une belle performance. Seul Cary Grant s’en tira sans dommage, montrant au contraire qu’il avait des talents pour la comédie. Vu aujourd’hui, Sylvia Scarlett apparaît comme une belle curiosité, certainement en avance sur son temps sur le plan de la sexualité et qui explore la frontière entre réalité et illusion.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Katharine Hepburn, Cary Grant, Brian Aherne, Edmund Gwenn
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Remarques :
* Il s’agit d’une nouvelle vision de ce film pour ce blog, la présentation précédente (10 ans auparavant) était bien plus négative, assez sévère même. Lire…
* La scène d’ouverture située à Marseille fut rajoutée après les premières projections-tests pour bien montrer Katharine Hepburn habillée en fille avec des nattes.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Edmund Gwenn, Katharine Hepburn et Cary Grant dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn et Brian Aherne dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn sur le tournage Sylvia Scarlett de George Cukor. Le photographe de cette superbe photo de tournage s’est baissé pour être dans le champ (ce qu’il tient est le trépied de son appareil, au dessus de lui). Cette photo figure dans le très beau livre Tournages 1910-1939 (ed. Le Passage/La Cinémathèque).

23 février 2017

Les cadavres ne portent pas de costard (1982) de Carl Reiner

Titre original : « Dead Men Don’t Wear Plaid »

Les cadavres ne portent pas de costardLes affaires sont calmes pour le détective John Forrest lorsqu’une cliente frappe à sa porte. Il s’agit de la fille d’un scientifique renommé (et fabriquant de fromages) qui vient de périr dans un accident automobile. Elle pense qu’il a été assassiné… L’idée a germé dans les esprits de Carl Reiner, George Gipe et Steve Martin : faire un film parodique qui incorporerait des extraits de films noirs des années quarante. Bien évidemment, il fallait que le film soit en noir et blanc et c’est grâce à l’usage subtil des champs-contrechamps que l’illusion est créée :  nous avons l’impression que ces acteurs des années quarante donnent la réplique à Steve Martin. L’histoire est totalement farfelue, elle est surtout un prétexte non seulement pour inclure les différents extraits mais aussi pour placer une multitude de clins d’œil qu’il est impossible de tous repérer tant il y en a. Les scénaristes ont toutefois réussi à introduire de très bons gags, le plus célèbre étant cette méthode si particulière  de Rachel Ward pour extraire les balles. La voix off contribue à recréer l’atmosphère des films de détective privé. Steve Martin ressemble plus que jamais à Dana Andrews mais l’acteur a pris soin de ne pas calquer son jeu sur tel ou tel acteur pour éviter le mimétisme (par exemple, il aurait pu se gratter l’oreille et on se serait tous pâmé… mais non, il ne le fait pas). Face à lui, Rachel Ward ne présente aucune ressemblance particulière ; par ailleurs, on peut se demander pourquoi il a été choisi de lui laisser une coupe de cheveux typique des années soixante-dix. Même si on ne peut nier que Les cadavres ne portent pas de costard est un film pour cinéphiles (si on ne reconnait pas les acteurs, l’humour tombe, c’est inévitable), il est au final très amusant et unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Martin, Rachel Ward, Carl Reiner
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Remarques :
* L’humour du titre ne passe pas vraiment dans la traduction : « plaid » (morceau de tissu écossais porté) peut être un costume, certes, mais un costume en tissu écossais (qu’il faut être américain pour porter, soit-dit en passant !) Or, les cadavres sont toujours habillés à la morgue avec un costume plus habillé qu’un « plaid ». Une meilleure traduction aurait pu être « Les cadavres ne portent pas de blouson vert » ou  même « Les cadavres portent toujours un costard ». 🙂
* Ceci dit, le titre n’a pas de sens particulier (même si Steve Martin arrive à le placer dans une scène). C’est une parodie des titres de romans policiers.
* La série Dream On a repris un peu le principe dans les années 90 mais différemment : les extraits de films servent à exprimer les pensées intérieures du personnage principal.

Les cadavres ne portent pas de costard
Rachel Ward et Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Les cadavres ne portent pas de costard
Steve Martin censé faire face à Ingrid Bergman dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Acteurs /extraits de films :
– Alan Ladd dans Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
– Barbara Stanwyck dans Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, wrong number) d’Anatole Litvak et Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– Ray Milland dans Le Poison (The Lost Weekend) de Billy Wilder
– Ava Gardner dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak et L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard
– Burt Lancaster dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak
– Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Le Violent (In a Lonely Place) et Les Passagers de la nuit (Dark Passage)
– Cary Grant dans Soupçons (Suspicion) d’Alfred Hitchcock
– Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock
– Veronica Lake dans La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
– Bette Davis dans Jalousie (Deception) d’Irving Rapper
– Lana Turner dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy et Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
– Edward Arnold dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy
– Kirk Douglas dans L’Homme aux abois (I Walk Alone) de Byron Haskin
– Fred MacMurray dans Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– James Cagney dans L’enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
– Joan Crawford dans Humoresque de Jean Negulesco
– Charles Laughton et Vincent Price dans  L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard

Les cadavres ne portent pas de costard
A gauche : Dana Andrews dans Laura (1944). A droite : Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner. Je suis étonné que personne ne mentionne cette ressemblance vraiment frappante (que Carl Reiner a certainement cultivée).

8 juin 2016

La Course au mari (1948) de Don Hartman

Titre original : « Every Girl Should Be Married »

La Course au mariAnabel (Betsy Drake) rêve de rencontrer le mari idéal et de fonder un foyer. Lorsqu’elle rencontre fortuitement le docteur Brown, un célibataire endurci, elle sait instantanément que c’est le bon. Elle commence par enquêter pour connaitre tout de lui et va mettre sur pied des stratagèmes très élaborés pour l’attirer à elle… Sur une histoire imaginée par Eleanor Harris, le scénariste et producteur Don Hartman a écrit et réalisé cette comédie assez farfelue (1). Mettant au premier plan la guerre des sexes, La Course au mari se situe un peu dans la veine des comédies screwball de la décennie précédente. L’histoire est abracadabrante, totalement improbable et c’est cette démesure qui fait le charme du film. Il y a de bonnes trouvailles de scénario et beaucoup de rebondissements inattendus. Sur le fond, on peut voir aussi bien l’expression d’une profonde misogynie (les femmes mentent pour mettre le grappin sur un homme) que celle d’une émancipation des femmes (la femme veut pouvoir choisir son mari au lieu de subir l’inverse). Cette ambiguïté (misogynie ou féminisme?) se retrouve dans nombre de comédies screwball et fait partie de leur richesse. Ce qui est moins ambigu, c’est une certaine glorification béate de la famille, que nos yeux modernes trouveront immanquablement caricaturale. C’est également un thème récurrent dans ce type de comédies. Si Cary Grant, très retenu dans son jeu, était alors une grande vedette, tel n’était pas le cas de Betsy Drake dont c’est le premier rôle à l’écran. En pratique, tout le film repose sur elle, elle est de presque toutes les scènes ; le pari était donc assez risqué. Il fut toutefois payant puisque le film rencontra un grand succès à sa sortie. Il est aujourd’hui plutôt mal considéré. À tort…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Betsy Drake, Franchot Tone, Diana Lynn
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Remarques :
* Betsy Drake épousera Cary Grant l’année suivante dans la vraie vie. Ils resteront mariés jusqu’en 1962. Pour Cary Grant, il s’agissait de son troisième mariage (et pas le dernier…) Ils s’étaient rencontrés à Londres, un an avant le début du tournage.
* Le film utilise à plusieurs reprises le thème de la chanson La Mer que Charles Trénet venait de composer deux ans auparavant.
* Autre orthographe du titre français : La Course aux maris.

(1) En pratique, il semble qu’Howard Hughes, qui venait de racheter la RKO, ait eu une influence importante sur le tournage (allant jusqu’à donner des instructions précise à Hartman) et qu’il ait autorisé son ami Cary Grant à réécrire certaines scènes.

La course au mari
Betsy Drake et Cary Grant dans La Course au mari de Don Hartman. La femme au centre pourrait être Bess Flower (à vérifier), la figurante la plus célèbre d’Hollywood : 879 films au compteur. En 41 ans de carrière (1923-1964), cela fait une moyenne de plus de 20 films par an!

21 mai 2016

Soupçons (1941) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Suspicion »

SoupçonsDans un train, une jeune femme plutôt timide fait la connaissance d’un séduisant dandy. Elle le revoit peu après lors d’une partie de chasse et, bien qu’il ait mauvaise réputation, se sent de plus en plus attirée par lui… Suspicion est le quatrième film américain d’Hitchcock, le premier qu’il tourne avec Cary Grant. Il s’agit de l’adaptation d’un roman d’Anthony Berkeley Cox. Il est impossible de parler de ce film sans évoquer la fin. [Attention, ne lisez pas ce qui suit si vous avez l’intention de voir prochainement le film]. La fin de Suspicion a été beaucoup commentée puisqu’elle diffère du livre et parce qu’Hitchcock a raconté qu’il en avait prévu une autre où Cary Grant était bel et bien coupable. Cette fin aurait été refusée par la RKO qui ne voulait pas qu’une de ses vedettes les plus prometteuses soit un assassin. Il y a sans doute un peu de vrai mais on peut s’interroger si le film n’aurait pas été bien plus banal avec cette fin. Avec la fin gentille que nous connaissons, le film prend une toute autre dimension et s’inscrit pleinement dans la « vague psychologique » des années quarante : la montée d’un sentiment de suspicion par l’interprétation d’indices insignifiants qui emmène la jeune femme jusqu’aux portes du délire paranoïaque. Hitchcock, on le sait, adore mettre les spectateurs sur de fausses pistes, toute l’histoire est ainsi vue du côté de la jeune femme pour que nous partagions ses doutes. Cette volonté de nous tromper est très nette dans la scène la plus célèbre du film, celle du verre de lait : pour focaliser notre attention sur le verre, il met Cary Grant en ombre chinoise et éclaire le verre de lait de l’intérieur (il a fait placer une lampe dans le liquide). Il paraît donc peu probable qu’Hitchcock ait réellement envisagé de terminer avec un Cary Grant coupable ; l’histoire n’aurait alors aucun intérêt. En revanche, même si elle est remarquablement bien filmée, il est indéniable que la fin est un peu faible, la révélation finale n’est pas un choc, loin de là.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Joan Fontaine, Cedric Hardwicke, Nigel Bruce
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Remarque :
Hitchcock cameo : à la 45e minute, lors d’une scène de rue, on le voit poster une lettre.

Suspicion
Joan Fontaine et Cary Grant, la rencontre dans le train de Soupçons d’Alfred Hitchcock. Le contrôleur est Billy Bevan, l’ex-comique des années vingt d’origine australienne, voir par exemple Circus today sur ce blog…

Soupçons
Cary Grant et le célèbre verre le lait de Soupçons d’Alfred Hitchcock.

27 mars 2015

Indiscret (1958) de Stanley Donen

Titre original : « Indiscreet »

IndiscretAnna est une actrice célèbre à Londres mais elle n’a pas réussi à trouver l’homme de sa vie. Grâce à sa soeur, elle fait la connaissance d’un américain spécialiste de questions financières et se sent immédiatement attirée par lui. Hélas, il lui annonce qu’il est déjà marié… Retrouver le couple formé par Ingrid Bergman et Cary Grant douze ans après le très beau Notorious d’Alfred Hitchcock était assez alléchant. Hélas, cette comédie qui se déroule dans la bonne société londonienne se révèle sans grand intérêt et même plutôt ennuyeuse. Adapté d’une pièce de Norman Krasna qui n’avait pas eu grand succès à Broadway, Indiscret est une comédie sans surprise qui tente sans y parvenir de retrouver le ton léger et enlevé des comédies screwball. Le film fut un grand succès. Le charme de ses deux acteurs principaux n’y est certainement pas étranger.
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Ingrid Bergman, Cecil Parker, Phyllis Calvert
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Indiscret (1958) de Stanley Donen
Ingrid Bergman et Cary Grant dans Indiscret de Stanley Donen

 

Indiscret (1958) de Stanley Donen
La censure ayant manifesté son opposition à toute scène montrant Ingrid Bergman et Cary Grant dans le même lit (alors que leurs personnages ne sont pas mariés), Stanley Donen eut recours à l’astuce du split-screen : l’écran est partagé en deux montrant chacun en train de téléphoner à l’autre depuis son lit. Cette astuce sera reprise largement par Michael Gordon pour son film Pillow Talk l’année suivante.

9 mars 2015

Les Enchaînés (1946) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Notorious »

Les enchaînésLa fille d’un américain condamné pour espionnage au profit des nazis fait la rencontre d’un homme séduisant. Celui se révèle être un membre du contre-espionnage qui, sachant ses idées opposées à celles de son père, lui propose d’aller infiltrer au Brésil un groupe composé des anciens amis de son père… Ecrit par le talentueux Ben Hecht (avec le concours de David O. Selznick, Clifford Odets et Alfred Hitchcock), Notorious (Les enchaînés) mêle très habilement amour et espionnage. La construction et le déroulement sont d’une simplicité qui force l’admiration car la tension et le suspense y sont intenses. Comme le souligne très justement Patrick Brion (1), on pourra noter que le personnage du méchant (merveilleusement interprété par Claude Rains) est assez subtilement défini car il apparaît sous bien des aspects plutôt une victime qui reste sincère dans ses sentiments envers celle qu’il aime alors que le gentil Cary Grant apparaît assez cynique. Ingrid Bergman interprète une femme qui se sent indigne de l’amour de celui qu’elle aime et prend de très grands risques pour se racheter à ses yeux. La mise en scène limpide d’Hitchcock contribue à faire de Notorious un film quasiment parfait.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains, Louis Calhern, Leopoldine Konstantin
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Les Enchaînés de Alfred Hitchcock
Claude Rains, Cary Grant et Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock.

Remarques :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparait lors de la réception, buvant une coupe de champagne face à la table des serveurs.
* Alfred Hitchcock raconte avoir été rendre visite avec Ben Hecht en 1944 (soit un an avant l’explosion d’Hiroshima) au Dr. Millikan pour lui demander quelle taille pouvait avoir une bombe atomique. Le scientifique a répondu par une démonstration de près d’une heure que tout cela était impossible. Après cette entrevue, Hitchcock a été surveillé par le FBI pendant trois mois ! (il ne l’a appris que bien plus tard.)
* Sous le Code Hays, un baiser ne devait en aucun cas excéder trois secondes. Alfred Hitchcock y parvient manifestement tout en respectant le code à la lettre… (en plusieurs fois).
* Le plan assez remarquable avec la tasse de café nette au premier plan et Ingrid Bergman assise dans le fauteuil également nette à l’arrière plan a été obtenu grâce à une très grande tasse de café.
* David O. Selznick a cédé juste avant la sortie la moitié de ses droits à la R.K.O. parce qu’il ne croyait guère à l’uranium (qui a finalement peu d’importance dans le film) et aussi parce qu’il devait financer Duel au soleil avec Jennifer Jones qu’il avait récemment épousée. Il a dû sûrement le regretter puisque le film a rapporté près de cinq fois son coût.

(1) Patrick Brion Hitchcock (Editions de la Martinière, 2000)

22 janvier 2015

Le Couple invisible (1937) de Norman McLeod

Titre original : « Topper »

Le couple invisibleMarion et George forment un couple de riches oisifs qui mènent une vie de plaisir. Tués sur le coup dans un accident, ils deviennent des fantômes et doivent accomplir au moins une bonne action pour être acceptés au ciel. Ils décident de changer la vie morne et terne de Monsieur Topper, banquier de son état… L’histoire de Topper est tirée d’un roman de Thorne Smith. L’idée du producteur Hal Roach est de faire un film dans le style de The Thin Man qui avait rencontré un grand succès, c’est-à-dire une comédie légère basée sur un couple fantasque et frivole. L’ensemble est très amusant, bien enlevé, avec de beaux effets de transparence ou d’apparition/disparition des personnages. Si Cary Grant est un peu retenu dans son jeu, Constance Bennett est absolument délicieuse mais le plus remarquable est sans doute Roland Young dans le rôle du banquier qui rêve de s’émanciper. Topper remporta un grand succès qui suscita la mise en production de deux suites. Pour des raisons que j’ignore, les critiques ont tendance à bouder cette comédie. Ils ont tort car elle nous fait vraiment passer un bon moment.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Constance Bennett, Cary Grant, Roland Young, Billie Burke
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Remarques :
* Initialement, le projet était prévu avec Jean Harlow dans le rôle de Marion et W.C. Fields dans le rôle de Topper mais aucun des deux n’étaient libres.
* Lana Turner (alors âgée de 16 ans) apparaît dans un petit rôle de figuration (une cliente du night-club).
* Topper fut (hélas) le premier film à être colorisé en 1985.
* Mrs. Stuyvesant est interprétée par Hedda Hopper,  l’infâme chroniqueuse ultra-réactionnaire et colporteuse de ragots (concurrente de Louella Parsons). Elle débutera sa chronique l’année suivante alors que sa carrière d’actrice marque le pas.

Suites :
1) Fantômes en croisière (Topper takes a trip) de Norman Z. McLeod (1938) avec Constance Bennett, Roland Young mais sans Cary Grant.
2) Le Retour de Topper (Topper returns) de Roy Del Ruth (1941) avec Joan Blondell et Roland Young.
En outre, Topper a été repris plusieurs fois à la télévision.

Le Couple invisible (1937) de Norman Z. McLeod
(de g. à d.) Roland Young, Cary Grant et Constance Bennett dans Topper.

Le Couple invisible (1937) de Norman Z. McLeod
Au début de Topper, Constance Bennett et Cary Grant se sont endormis dans cette superbe voiture qui a été dessinée par Bohman & Schwartz sur le châssis d’une Buick 1936. Il s’agit d’un modèle unique. En outre, un deuxième volant face au passager a été placé de telle sorte qu’il ne puisse être vu par la caméra afin de donner l’impression, dans certaines scènes, qu’elle roule sans conducteur (ou plus exactement avec un conducteur invisible…)