25 avril 2019

La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre (1939) de Michael Curtiz

Titre original : « The Private Lives of Elizabeth and Essex »

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre1596. Après avoir vaincu l’Armada espagnole, le comte d’Essex rentre en Angleterre sous les acclamations. Il est aussitôt reçu par la reine, heureuse de voir revenir l’homme qu’elle aime. Mais, à la surprise générale, au lieu de le féliciter, elle le tance publiquement et accorde des promotions à ses rivaux… Adaptation d’une pièce du dramaturge américain Maxwell Anderson, La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre met en scène une romance fictive entre la reine Elisabeth et Robert Devereux, 2e comte d’Essex. Le film réunit les deux plus grosses stars du moment de la Warner. Bette Davis aurait souhaité être opposée à Laurence Olivier mais les studios préfèrent opter pour Errol Flynn, alors au faîte de sa gloire après Robin des Bois. Bette Davis fait une personnification puissante et déterminée de son personnage, avec un petit grain de folie sous-jacent, parfois presque à la limite du grotesque. L’actrice s’est beaucoup investie dans son rôle, allant jusqu’à s’épiler elle-même les sourcils et travaillant longuement son accent. Son jeu est riche, complexe, intense. Face à elle, le jeu d’Errol Flynn paraît plus simple, jouant principalement sur le charme, le naturel. Cette opposition de jeu rend l’idylle plus improbable, déséquilibrée mais cela sert finalement le propos (de plus, les deux stars ne s’entendaient guère). Le film fut tourné en Technicolor et il est assez étonnant que la Warner ait mis tant de moyens à la disposition d’un film finalement assez statique. Le film fut un succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Errol Flynn, Olivia de Havilland, Donald Crisp, Vincent Price
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Curtiz sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michael Curtiz chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Michael Curtiz

Remarques :
* Cette histoire d’amour n’a pas existé. La légende parle seulement d’une bague donnée par la Reine à Essex mais, même sur ce simple don, les historiens sont divisés car il n’y a aucune preuve, aucun témoignage pour attester de sa réalité.

* Bette Davis était âgée de 31 ans au moment de tournage alors que son personnage en avait 63 en 1596, d’où le maquillage important. Errol Flynn était alors âgé de 30 ans soit l’âge de son personnage.

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre
Bette Davis dans La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre de Michael Curtiz.

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre
Bette Davis et Errol Flynn dans La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre de Michael Curtiz.

17 février 2018

Ex-Lady (1933) de Robert Florey

Ex-LadyHelen est une jeune femme indépendante, qui dessine avec brio des illustrations pour des magazines. Courtisée par plusieurs hommes, c’est Don, un jeune publicitaire, qu’elle aime et qui la presse d’accepter de l’épouser. Elle finit par lui céder…
La base du scénario de Ex-Lady est un projet de pièce co-écrite par Robert Riskin, scénariste qui a beaucoup travaillé pour Capra (It Happened One Night, Mr. Deeds, You Can’t Take It with You, et beaucoup d’autres…) Le propos est très inhabituel pour son époque car il montre une jeune femme très moderne, qui refuse le mariage pour rester libre et indépendante, ne veut pas d’enfants avant 40 ans et tient à sa carrière où elle réussit. Il s’agit certes d’un film pré-Code, c’est-à-dire tourné juste avant la généralisation du code de censure Hays en 1934, mais la façon dont le père rétrograde est montré hostile et buté ne laisse guère d’ambigüité. Ex-Lady est le premier film où Bette Davis est en tête d’affiche et Robert Florey (qui n’a eu le scénario que quelques heures avant le début du tournage) sait la mettre en valeur : il la filme souvent en légère contre-plongée dans des robes longues ce qui accentue le caractère longiligne de sa silhouette et la fait paraître très grande (alors qu’en réalité Bette Davis mesure 1m60). Par son apparence et son jeu, l’actrice donne beaucoup de personnalité à son personnage. Sa présence paraît d’autant plus grande que les autres acteurs sont un peu fades, à l’exception de Frank McHugh toujours délectable dans ses rôles d’excentriques.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Gene Raymond, Frank McHugh, Monroe Owsley, Claire Dodd
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Florey sur le site IMDB.

Voir les autres films de Robert Florey chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Ex-Lady est un remake (non annoncé) de Illicit d’Archie Mayo (1931) avec Barbara Stanwyck.

Ex-Lady
Bette Davis et Monroe Owsley dans Ex-Lady de Robert Florey.

Ex-Lady
Gene Raymond, Bette Davis et Robert Florey sur le tournage de Ex-Lady de Robert Florey.

23 février 2017

Les cadavres ne portent pas de costard (1982) de Carl Reiner

Titre original : « Dead Men Don’t Wear Plaid »

Les cadavres ne portent pas de costardLes affaires sont calmes pour le détective John Forrest lorsqu’une cliente frappe à sa porte. Il s’agit de la fille d’un scientifique renommé (et fabriquant de fromages) qui vient de périr dans un accident automobile. Elle pense qu’il a été assassiné… L’idée a germé dans les esprits de Carl Reiner, George Gipe et Steve Martin : faire un film parodique qui incorporerait des extraits de films noirs des années quarante. Bien évidemment, il fallait que le film soit en noir et blanc et c’est grâce à l’usage subtil des champs-contrechamps que l’illusion est créée :  nous avons l’impression que ces acteurs des années quarante donnent la réplique à Steve Martin. L’histoire est totalement farfelue, elle est surtout un prétexte non seulement pour inclure les différents extraits mais aussi pour placer une multitude de clins d’œil qu’il est impossible de tous repérer tant il y en a. Les scénaristes ont toutefois réussi à introduire de très bons gags, le plus célèbre étant cette méthode si particulière  de Rachel Ward pour extraire les balles. La voix off contribue à recréer l’atmosphère des films de détective privé. Steve Martin ressemble plus que jamais à Dana Andrews mais l’acteur a pris soin de ne pas calquer son jeu sur tel ou tel acteur pour éviter le mimétisme (par exemple, il aurait pu se gratter l’oreille et on se serait tous pâmé… mais non, il ne le fait pas). Face à lui, Rachel Ward ne présente aucune ressemblance particulière ; par ailleurs, on peut se demander pourquoi il a été choisi de lui laisser une coupe de cheveux typique des années soixante-dix. Même si on ne peut nier que Les cadavres ne portent pas de costard est un film pour cinéphiles (si on ne reconnait pas les acteurs, l’humour tombe, c’est inévitable), il est au final très amusant et unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Martin, Rachel Ward, Carl Reiner
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Reiner sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carl Reiner chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* L’humour du titre ne passe pas vraiment dans la traduction : « plaid » (morceau de tissu écossais porté) peut être un costume, certes, mais un costume en tissu écossais (qu’il faut être américain pour porter, soit-dit en passant !) Or, les cadavres sont toujours habillés à la morgue avec un costume plus habillé qu’un « plaid ». Une meilleure traduction aurait pu être « Les cadavres ne portent pas de blouson vert » ou  même « Les cadavres portent toujours un costard ». 🙂
* Ceci dit, le titre n’a pas de sens particulier (même si Steve Martin arrive à le placer dans une scène). C’est une parodie des titres de romans policiers.
* La série Dream On a repris un peu le principe dans les années 90 mais différemment : les extraits de films servent à exprimer les pensées intérieures du personnage principal.

Les cadavres ne portent pas de costard
Rachel Ward et Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Les cadavres ne portent pas de costard
Steve Martin censé faire face à Ingrid Bergman dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Acteurs /extraits de films :
– Alan Ladd dans Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
– Barbara Stanwyck dans Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, wrong number) d’Anatole Litvak et Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– Ray Milland dans Le Poison (The Lost Weekend) de Billy Wilder
– Ava Gardner dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak et L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard
– Burt Lancaster dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak
– Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Le Violent (In a Lonely Place) et Les Passagers de la nuit (Dark Passage)
– Cary Grant dans Soupçons (Suspicion) d’Alfred Hitchcock
– Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock
– Veronica Lake dans La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
– Bette Davis dans Jalousie (Deception) d’Irving Rapper
– Lana Turner dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy et Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
– Edward Arnold dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy
– Kirk Douglas dans L’Homme aux abois (I Walk Alone) de Byron Haskin
– Fred MacMurray dans Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– James Cagney dans L’enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
– Joan Crawford dans Humoresque de Jean Negulesco
– Charles Laughton et Vincent Price dans  L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard

Les cadavres ne portent pas de costard
A gauche : Dana Andrews dans Laura (1944). A droite : Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner. Je suis étonné que personne ne mentionne cette ressemblance vraiment frappante (que Carl Reiner a certainement cultivée).

22 novembre 2016

Dernier Round (1937) de Michael Curtiz

Titre original : « Kid Galahad »

Le Dernier roundUn manager de boxe se sépare de son meilleur poulain qui s’était laissé acheter par son concurrent aux méthodes de gangster. Il ne tarde pas à lui trouver un remplaçant, un groom de son hôtel, jeune garçon naïf et séduisant… Kid Galahad mêle deux genres de prédilection de la Warner : le film de gangsters et le film de boxe. Il retient l’attention par son beau plateau d’acteurs sous la direction efficace de Michael Curtiz. Edward G. Robinson et Bette Davis ne se sont pas très bien entendu, l’acteur tentant dès le premier jour de la faire remplacer et persistant jusque dans ses mémoires à déclarer qu’elle ne savait pas jouer. L’actrice fait pourtant preuve de beaucoup de présence à l’écran avec une indéniable personnalité. Elle illumine le film. Humphrey Bogart a son rôle habituel, d’avant sa notoriété du moins (qui viendra deux ou trois ans plus tard), celui d’un gangster antipathique, destiné à mourir sans gloire. Warner mettait alors beaucoup d’espoir dans le jeune Wayne Morris dont la carrière sera stoppée par la guerre pour rester ensuite cantonnée dans les rôles mineurs. La censure fut très vigilante pour que soit gommé tout ce qui aurait laissé supposer une relation entre le jeune boxeur et l’amie de son manager. Le déroulement de l’histoire est sans grande surprise, l’intérêt du film étant plus dans son interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edward G. Robinson, Bette Davis, Humphrey Bogart, Wayne Morris, Jane Bryan, Harry Carey
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Curtiz sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michael Curtiz chroniqués sur ce blog…

Remakes :
The Wagons Roll at Night de Ray Enright (1941) avec Humphrey Bogart et Sylvia Sydney (histoire transposée dans le monde du cirque, Bogart ayant un meilleur rôle)
Kid Galahad (Un direct au coeur)de Phil Karlson (1962) avec Elvis Presley en boxeur.
Après ce film Paramount, Warner a renommé le sien The Battling Bellhop pour éviter toute confusion entre les deux films.

Homonyme français :
Le dernier round (Battling Butler) de Buster Keaton (1926) vec Buster Keaton, adaptation d’une comédie musicale anglaise.

Kid Galahad
Harry Carey, Wayne Morris et Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz.

Kid Galahad
Bette Davis et Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz.

Kid Galahad
Humphrey Bogart face à Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz (au centre : William Haade).

8 août 2016

L’intruse (1935) de Alfred E. Green

Titre original : « Dangerous »

L'intruseDon Bellows est un brillant jeune architecte plein d’avenir. Il rencontre fortuitement une ancienne grande actrice de théâtre, Joyce Heath, dont la performance avait influé sur le cours de sa vie. L’actrice est devenue une paria, on dit d’elle qu’elle porte la poisse, elle traine dans des bars. Ne pouvant supporter de la voir dans une telle déchéance, il l’héberge dans sa maison de campagne… Le scénario de Dangerous n’est sans doute pas franchement remarquable mais le film est rendu assez prenant par l’interprétation très authentique de Bette Davis. L’actrice de 27 ans, alors en pleine ascension, se plaignait déjà auprès de la Warner de ne pas se voir offrir de grands rôles. Pour ce « petit » rôle, elle est néanmoins parvenue à imposer ses vues, par exemple de n’utiliser, dans la première moitié du film, que des vêtements simples et usagés qui la font paraître très ordinaire. Cela va dans le sens d’une plus grande authenticité, au détriment du glamour que le public de l’époque attendait. Bette Davis donne de l’intensité à toutes les scènes où elle apparait, c’est-à-dire presque toutes, sans surjouer. La réalisation d’Alfred Green n’a rien de remarquable. La fin a semble t-il été imposée par le Code Hays.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Franchot Tone, Margaret Lindsay, Alison Skipworth
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred E. Green sur le site IMDB.

Voir les autres films de Alfred E. Green chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Bette Davis …..

intruse-large
Bette Davis et Franchot Tone dans Dangerous / L’intruse de Alfred E. Green.

Remarques :
* Dangerous permit à Bette Davis de remporter son premier Oscar. Elle a toujours eu le sentiment qu’elle le devait surtout à sa prestation dans Of Human Bondage (L’Emprise) de John Cromwell l’année précédente. Elle remportera son second Oscar trois ans plus tard avec Jezebel (L’Insoumise) de Williams Wyler. Elle sera par la suite nominée pas moins de huit fois mais sans en remporter un troisième.
* Une liaison s’est nouée entre Bette Davis et Franchot Tone sur le tournage alors que l’acteur était déjà engagé avec Joan Crawford. La haine légendaire entre les deux actrices serait ainsi née.

* Remake :
Singapore Woman de Jean Negulesco (1941) avec Brenda Marshall et David Bruce.

7 juin 2015

Victoire sur la nuit (1939) de Edmund Goulding

Titre original : « Dark Victory »

Victoire sur la nuitRiche héritière, Judith Traherne mène une vie oisive et mondaine. Fréquemment, elle est prise de fortes migraines et a des troubles de la vue. Le docteur Steele lui annonce qu’il faut l’opérer… Dark Victory fait partie de ces grands mélodrames hollywoodiens qui ont massivement drainé des foules vers les cinémas. Bette Davis a harcelé la Warner pour qu’elle achète les droits de cette pièce jouée à Broadway : elle était persuadée que ce rôle serait magnifique pour elle. Jack Warner dut se faire prier car il était convaincu que le film ne marcherait pas (1). Bette Davis est effectivement remarquable dans ce rôle d’héritière assez irritante, elle trouve toujours le ton juste, elle ne sur-joue jamais, elle montre la prodigieuse étendue de son registre. Dans la fameuse scène des bulbes de jacinthe, à la fin du film, elle fait passer beaucoup d’émotion tout en restant très sobre dans son jeu. C’est magnifique (et très émouvant). Face à elle, George Brent est comme toujours bien fade. Humphrey Bogart n’a qu’un petit rôle dans un registre plutôt inhabituel pour lui. La musique est de Max Steiner. Dark Victory fut l’un des plus grands succès de la décennie pour la Warner.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, George Brent, Humphrey Bogart, Geraldine Fitzgerald, Ronald Reagan
Voir la fiche du film et la filmographie de Edmund Goulding sur le site IMDB.

Voir les autres films de Edmund Goulding chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Les auteurs de la pièce sont George Emerson Brewer Jr. et Bertram Bloch. A noter que Brewer est le fils d’un chirurgien.

* 1939 fut une grande année pour Bette Davis : Dark Victory (Goulding), The Old Maid (Goulding) et The Private Lives of Elizabeth and Essex (Michael Curtiz) furent trois grands succès. Deux fois Oscarisée (Dangerous et Jezebel), Bette Davis était alors l’actrice numéro un au box office. Seule ombre au tableau : elle n’a pu décrocher le rôle qu’elle convoitait dans Autant en emporte le vent.

(1) « Qui a envie d’aller voir une femme devenir aveugle ? » Tel était le jugement de Jack Warner sur le potentiel commercial du film. Il se trompait… Avec les seuls bénéfices du film, la Warner a dit-on pu construire trois nouveaux studios de tournage !

Dark Victory
Geraldine Fitzgerald (à gauche) est la meilleure amie de Bette Davis (à droite) dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
George Brent est un brillant chirurgien dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Humphrey Bogart est un gentlemen farmer dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Ronald Reagan est un alcoolique mondain dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding (à gauche : Bette Davis)

13 octobre 2012

Ève (1950) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « All about Eve »

ÈveAlors que l’actrice de théâtre Eve Harrington reçoit une récompense lors d’une soirée, plusieurs personnes se remémore sa rapide ascension… L’un des plus célèbres films de Joseph Mankiewicz, All about Eve fait partie de ces films qui semblent approcher une certaine perfection. Tout est brillant, à commencer par le scénario très intelligemment écrit par Mankiewicz sur la base d’une nouvelle de Mary Orr. La construction repose sur un flashback raconté par plusieurs personnages, une construction élégante que le réalisateur reprendra encore plus brillamment pour La comtesse aux pieds nus. Les dialogues sont d’une grande richesse avec de nombreuses répliques mémorables. La mise en scène est très maitrisée et l’interprétation admirable : c’est bien entendu Bette Davis qui est la plus remarquable dans son rôle d’actrice hantée par son âge avec ses accès d’humeur et son penchant pour l’alcool mais tous les rôles de premier et second plans sont parfaitement tenus. Cette peinture du monde du spectacle n’est pas dénuée d’acidité, c’est un monde où le mensonge côtoie l’arrivisme et le cynisme, même quand le talent est là. Film presque parfait, All about Eve connut un très grand succès et reçut de nombreux prix.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Anne Baxter, George Sanders, Celeste Holm, Gary Merrill, Hugh Marlowe, Gregory Ratoff, Thelma Ritter, Marilyn Monroe
Voir la fiche du film et la filmographie de Joseph L. Mankiewicz sur le site IMDB.

Voir les autres films de Joseph L. Mankiewicz chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Mankiewicz a dit s’être inspiré de son ami Elian Kazan pour le personnage de Bill, le metteur en scène.
* La Sarah Siddons Society n’existait pas encore au moment du tournage de Eve. C’est une pure création de Mankiewicz. Du fait du succès du film, des amateurs de théâtre créèrent la vraie Sarah Siddons Society en 1952 et commencèrent à décerner un prix à une actrice particulièrement remarquée au cours de la saison passée. C’est maintenant l’un des prix les plus importants dans le monde du théâtre. Et la statuette remise est identique à celle du film!

23 juillet 2012

L’argent de la vieille (1972) de Luigi Comencini

Titre original : « Lo scopone scientifico »

L'argent de la vieilleTous les ans, une riche américaine vient passer quelques jours dans une somptueuse villa de Rome. Elle a pour habitude de jouer aux cartes avec un couple habitant le bidonville situé au pied de la colline. La vieille dame leur donne à chaque début de soirée un million de lires qu’ils perdent invariablement mais ils nourrissent l’espoir de gagner un jour… L’argent de la vieille est un film ambivalent à plus d’un titre. D’abord, sous couvert d’une comédie, le film a un contenu politique puissant ; ensuite, à l’aide d’un cas très particulier, il propose une vision on ne peut plus générale. Ce que l’on peut prendre au départ comme le gentil passe-temps d’une vieille dame est donc en réalité un jeu cruel dont les dés sont pipés, parabole sur les différences de classe entre riches et pauvres, capitalisme américain contre vieille Europe. Il faut tout l’art d’un grand metteur en scène pour parvenir à ce subtil équilibre entre les multiples composantes mises en œuvre, entre la comédie et le drame, entre la légèreté et la profondeur. Le film est très prenant. Les personnages sont hauts en couleur, avec de très nombreux seconds rôles très typés mais sans excès. Comencini dit avoir soigné les personnages des enfants, les seuls à ne pas tomber dans le panneau et desquels vient la solution ultime et radicale (qui est bien entendu une image : c’est le capitalisme qu’il faut tuer selon Comencini). L’argent de la vieille connut un beau succès. Il paraît toujours aussi actuel aujourd’hui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Silvana Mangano, Joseph Cotten, Bette Davis, Mario Carotenuto
Voir la fiche du film et la filmographie de Luigi Comencini sur le site IMDB.

Voir les autres films de Luigi Comencini chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Oublié par les distributeurs, L’argent de la vieille n’est sorti en France qu’en 1977.
* Le scénario a été écrit par Rodolfo Sonego qui s’est inspiré d’un fait divers dont il avait été lui-même le témoin.
* Joseph Cotten a un rôle plutôt réduit : « Est-ce que mon dos a bien joué? » demandait-il à Comencini sur le tournage.

26 septembre 2011

Qu’est-il arrivé à Baby Jane? (1962) de Robert Aldrich

Titre original : « What ever happened to Baby Jane? »

Qu'est-il arrivé à Baby Jane?Blanche Hudson et Baby Jane Hudson sont deux sœurs ennemies, ex-stars du cinéma et du music hall. Elles vivent recluses dans une maison de Los Angeles. Blanche est paralysée à la suite d’un accident où sa sœur a tenté de la tuer…
Qu’est-il arrivé à Baby Jane? a quelque peu surpris à sa sortie. Plusieurs critiques paraphrasèrent le titre en écrivant « Qu’est-il arrivé à Robert Aldrich ? ». Cette histoire macabre de rivalité féroce a effectivement des côtés grand-guignolesques et va très loin dans la caricature monstrueuse. Hollywood fabrique des monstres…(1) Aldrich eut la bonne idée de choisir deux actrices qui se vouaient déjà une haine féroce et cela se sent à l’écran (2). Les deux actrices n’hésitent pas à jouer avec leur image et leur âge, c’est surtout vrai pour Bette Davis qui est visuellement monstrueuse. L’actrice réalise un véritable tour de force d’interprétation. Le film est aussi célèbre pour son retournement final, les trois dernières minutes obligent le spectateur à se repasser mentalement tout le film pour le voir d’un nouvel œil, c’est alors que l’on réalise que le regard d’Aldrich sur ses personnages est bien plus subtil qu’il nous semblait. Malgré certaines critiques réservées, le succès fut immense. Qu’est-il arrivé à Baby Jane? a d’ailleurs inauguré une vague de films que l’on pourrait appeler psycho-angoissants. Aldrich lui-même tournera deux ans plus tard Chut, Chut Chère Charlotte sur une trame similaire avec, à nouveau, deux sœurs rivales et, à nouveau, Bette Davis (mais pas Joan Crawford qui se fera porter malade dès le premier jour de tournage).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Joan Crawford, Victor Buono, Maidie Norman
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Aldrich sur le site IMDB.
Voir les autres films de Robert Aldrich chroniqués sur ce blog…

(1) Sur ce point, le film fait penser à Sunset Boulevard de Billy Wilder.
(2) Joan Crawford dut être soignée après la scène où Bette Davis lui donne des coups car l’actrice tapait réellement! On raconte aussi que Joan Crawford avait placé de lourds poids dans ses poches pour la scène où Bette Davis la traîne sur le sol. Conséquence : Bette Davis eut un terrible mal de dos.

Remarques :
* L’actrice qui interprète la jeune fille de la voisine n’est autre que Barbara Merrill, la fille de Bette Davis.
* Robert Aldrich a tourné la scène finale, sur la plage, exactement au même endroit que la scène finale de son Kiss me Deadly. La maison que l’on voit en arrière plan lors du dialogue entre les deux sœurs est la maison où la fameuse boîte est ouverte.
* Le « mauvais film » visionné par le producteur mécontent est composé d’extraits de Parachute Jumper (1933) d’Alfred Green avec Bette Davis et Douglas Fairbanks Jr. et de Ex-Lady (1933) de Robert Florey avec Bette Davis et Gene Raymond.
Le film regardé à la télévision par la voisine est Sadie McKee (1934) de Clarence Brown avec Joan Crawford, Gene Raymond et Franchot Tone.