5 octobre 2022

Les hommes le dimanche (1930) de Robert Siodmak, Edgar G. Ulmer et Rochus Gliese

Titre original : « Menschen am Sonntag »

Les hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)A Berlin, un samedi, Erwin aborde une jeune femme dans la rue et ils sympathisent. Ils se donnent rendez-vous pour aller passer le dimanche au bord du lac. Ils viennent chacun avec un(e) ami(e)…
Les hommes le dimanche est un film muet allemand réalisé par Edgar G. Ulmer et Robert Siodmak, c’est le premier long métrage de chacun des deux. Le scénario est signé par le jeune Billy Wilder (23 ans) sur une idée de départ de Curt Siodmak, frère de Robert. Le film se situe entre le documentaire et la fiction. Le générique du début indique qu’il s’agit d’un « film sans acteur » et présente le vrai métier des interprètes des cinq personnages principaux. Le film a deux aspects : d’une part, l’histoire de l’escapade dominicale de ces personnages avec une approche très cinématographique des plans et des cadrages ; d’autre part, des scènes plus générales, plus documentaires, qui nous montrent la vie de Berlin à cette époque. Le film a été tourné sous la république de Weimar (donc avant que les nazis prennent le pouvoir), à la fin d’une période plutôt faste (seconde moitié des années 20, juste avant la crise de 1929). Par ses scènes documentaires, Les hommes le dimanche s’inscrit dans le mouvement de la Nouvelle Objectivité qui délaissait l’expressionnisme pour revenir au réel et au quotidien (on peut considérer ce mouvement comme précurseur du néoréalisme italien des années 40). Le film a été récemment restauré dans un état proche de celui d’origine.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erwin Splettstößer, Brigitte Borchert, Wolfgang von Waltershausen, Christl Ehlers
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Siodmak sur le site IMDB.

Remarque :
Non crédité au générique, Rochus Gliese aurait tourné certaines scènes documentaires.

Les hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)Wolfgang von Waltershausen, Christl Ehlers et Brigitte Borchert dans Les hommes le dimanche (Menschen am Sonntag) de Robert Siodmak & Edgar G. Ulmer.

13 octobre 2020

Au nom de la loi (1932) de Maurice Tourneur

Au nom de la loiUn inspecteur qui enquêtait sur un trafic de drogues est retrouvé mort. Ses collègues identifient les coupables et le jeune Marcel est envoyé pour suivre une jeune femme, la belle Sandra. Il en tombe amoureux…
Au nom de la loi est adapté d’un roman de Paul Bringuier qui a écrit le scénario avec Maurice Tourneur. C’est un film assez remarquable dans la production française de l’époque, il nous plonge dans les milieux louches et obscurs des petits trafics. Le cinéaste a adopté une approche descriptive qui rend son film très réaliste que ce soit sur le travail de la police ou sur les endroits sombres fréquentés par la pègre. La scène finale d’affrontement avec un truand retranché dans une chambre fait furieusement penser aux films d’outre-Atlantique de la même époque. Avec ses très nombreuses scènes de nuit, l’image est belle, sans travail excessif, naturelle aurait-on envie de dire. L’actrice Marcelle Chantal, habituée aux rôles de grande bourgeoise, est ici utilisée à contre-emploi. Elle fait une très belle prestation. Au nom de la loi est un film à (re)découvrir !
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marcelle Chantal, Gabriel Gabrio, Jean Marchat, Pierre Labry, Charles Vanel
Voir la fiche du film et la filmographie de Maurice Tourneur sur le site IMDB.

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Au nom de la loiPierre Labry, Charles Vanel, Jean Marchat et Marcelle Chantal  dans Au nom de la loi de Maurice Tourneur.

13 février 2020

La Loi du marché (2015) de Stéphane Brizé

La Loi du marchéRécemment licencié pour raisons économiques, Thierry est bien décidé à retrouver un emploi. Malgré les stages inutiles et les difficultés du parcours, il parvient à se faire embaucher comme vigile dans un hypermarché…
Le film de Stéphane Brizé nous immerge dans la réalité d’une façon peu commune. C’est un film qui nous vivre l’injustice sociale et certaines humiliations. Une tragédie ordinaire. Le film est construit comme une succession de petites scènes sans transition : un rendez-vous à pôle emploi, un entretien d’embauche par Skype, les visites chez la banquière, les interrogatoires des fautifs au supermarché mais aussi quelques éléments de sa vie personnelle, un cours de danse, la revente d’un bien. Stéphane Brizé a pris le parti de tout centrer sur son personnage, laissant par exemple la caméra sur lui, même lorsque l’objet de la scène est ailleurs. Vincent Lindon est absolument remarquable d’authenticité. Tous les autres acteurs (sauf deux) sont non-professionnels et dans des rôles qui correspondent à leur position dans la vie réelle. Le film a connu un net succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Lindon
Voir la fiche du film et la filmographie de Stéphane Brizé sur le site IMDB.
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Remarques :
* Vincent Lindon a été récompensé par un Prix d’interprétation masculine à Cannes et un César du meilleur acteur.
* Hormis Vincent Lindon, seuls Soufiane Guerrab (le jeune homme voleur du chargeur) et Xavier Mathieu (ex-délégué syndical de l’usine Continental, devenu comédien qui interprète ici le délégué syndical) sont des acteurs professionnels.

La Loi du marchéVincent Lindon dans La Loi du marché de Stéphane Brizé.

30 juillet 2018

Asphalte (1929) de Joe May

Titre original : « Asphalt »

AsphalteDans une bijouterie berlinoise, un jeune policier intervient pour arrêter une voleuse richement vêtue qui tente de l’attendrir sur son sort : elle prétend être sur le point d’être jetée à la rue par manque d’argent et lui demande de passer chez elle pour prendre ses papiers d’identité…
Le réalisateur autrichien Joe May a tenu une bonne place dans les deux premières décennies du cinéma allemand. On lui doit notamment la première version du Tombeau hindou (1921, coécrit avec Fritz Lang qui tournera sa version quelque quarante ans plus tard). Asphalt est l’un de ses films les plus remarqués. L’histoire en elle-même n’est pas des plus originales, énième variation sur le thème de la femme fatale et de l’amour impossible. Le traitement est, en revanche, bien plus remarquable à la fois par l’atmosphère générale de réalisme social et aussi par les expérimentations diverses de montage et de cadrages : l’avant-garde russe n’est pas loin. Le prologue, récemment restauré, en est le meilleur exemple. Joe May nous gratifie aussi de surprenants travelings et abuse quelque peu des effets d’ombres et des cadrages très serrés. Hélas, tous ces effets sont vraiment très visibles, mal intégrés à l’histoire et, dès lors, apparaissent quelque peu artificiels. Du côté des acteurs, Gustav Fröhlich (propulsé deux ans auparavant par Metropolis) fait une bonne prestation, bien qu’un peu terne du fait de son personnage, et la jeune Betty Amann montre une belle présence à l’écran dans un style extrêmement proche de Louise Brooks. Surprenant sans être vraiment notable, le film mérite d’être découvert. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gustav Fröhlich, Betty Amann, Albert Steinrück
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Asphalt
Betty Amann dans Asphalte de Joe May.

Asphalt
Gustav Fröhlich dans Asphalte de Joe May.

15 mai 2018

Police judiciaire (1958) de Maurice de Canonge

Police judiciaireAu 36 Quai des Orfèvres, le commissaire Frédéric enquête sur une affaire criminelle tandis que le commissaire Dupuis traque l’assassin d’un de leurs inspecteurs, tué en service plusieurs mois auparavant…
Si ce Police judiciaire de Maurice de Canonge repose bien sur un scénario écrit, le film se place entre le film d’enquête et le documentaire tant il décrit avec précision les méthodes utilisées en insistant tout particulièrement sur leur modernité. Bien entendu, le modernisme de certaines, telles les cartes perforées, peut faire sourire aujourd’hui mais le film montre bien la minutie et l’expertise nécessaires pour venir à bout des enquêtes. Les commissaires ne sont ainsi pas présentés comme des êtres au flair exceptionnel mais comme de grands professionnels qui utilisent toute une panoplie d’outils modernes pour les aider à avancer. Le scénario mêle habilement quatre histoires, les deux principales se révélant assez prenantes ; l’une d’entre elles permet d’ailleurs de démasquer un ripou. Hormis Anne Vernon, les acteurs ne sont guère connus mais tous les rôles sont bien tenus. Robert Manuel n’a qu’un petit second rôle et Jean Tissier fait une apparition (en mondain aviné, ce qui est très classique pour lui). Au delà de son indéniable aspect historique, ce film policier très réaliste  se regarde toujours sans déplaisir aujourd’hui.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Vernon, Henri Vilbert, Robert Manuel, Yves Vincent, Jean Tissier, Daniel Cauchy
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Remarque :
* Le scénario est basé sur une histoire écrite par Marcel Rivet, adaptée par Pierre Léaud (le père de Jean-Pierre Léaud) et Maurice de Canonge. Les dialogues sont de Jean Frank.

Police judiciaire
Yves Vincent, Daniel Cauchy, Albert Rémy et Henri Vilbert dans Police judiciaire de Maurice de Canonge.

Police judiciaire
Jean Lara et Anne Vernon dans Police judiciaire de Maurice de Canonge.

7 janvier 2018

La Cité sans voiles (1948) de Jules Dassin

Titre original : « The Naked City »

La Cité sans voilesAlors que la ville de New York est assoupie, une jeune femme est assassinée par deux hommes dans son appartement. L’enquête est confiée à un lieutenant aguerri et à son adjoint, une jeune recrue prometteuse… The Naked City est au départ une volonté du producteur Mark Hellinger (connu pour avoir produit The Killers de Robert Siodmak) de faire un film sur sa ville, New York. Ce film policier a ainsi un parfum de documentaire qu’il présente lui-même en voix off comme tourné in situ, dans les rues de New York, avec de vrais newyorkais. Il fait partie de ces films qui cherchent à nous montrer sans fard le fonctionnement de la police. Nous suivons ainsi l’enquête avec ses tâtonnements, ses longues recherches sur le terrain avec une belle poursuite en bouquet final. Pour ne pas écorner son authenticité, il n’y a pas d’acteurs connus. Le contrôle de la version finale a échappé à Jules Dassin, le montage ayant été totalement refait : selon ses propres mots, « on a arraché le cœur du film ». Ce n’est donc pas un film aussi personnel que Brute Force ou Night and the City mais l’ensemble est plutôt prenant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barry Fitzgerald, Howard Duff, Dorothy Hart, Don Taylor, Frank Conroy, Ted de Corsia
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Remarques :
* Mark Hellinger décèdera quelques semaines avant la sortie du film ; il était âgé de 44 ans.

* The Naked City a reçu deux Oscars : l’un à Paul Weatherwax pour le montage (!) et l’autre pour le grand directeur de la photographie William H. Daniels (oui, celui qui a si bien photographié Greta Garbo… The Naked City n’est certainement pas son meilleur travail mais l’homme méritait bien un Oscar).

* The Naked City était le titre d’un livre sur New York du photographe Arthur ‘Weegee’ Fellig. Le producteur Mark Hellinger l’a engagé pour faire des photos sur le tournage en échange du droit d’utiliser le titre. C’est pour cette raison qu’elles sont si nombreuses. Voir sur Google Images


Barry Fitzgerald et Howard Duff dans La Cité sans voiles de Jules Dassin.

The Naked City
Images réelles de la sortie des bureaux dans La Cité sans voiles de Jules Dassin.

The Naked City
Tom Pedi, Don Taylor, Dorothy Hart et Barry Fitzgerald dans La Cité sans voiles de Jules Dassin (photo publicitaire).

18 janvier 2015

Histoire de détective (1951) de William Wyler

Titre original : « Detective Story »

Histoire de détectiveUne journée ordinaire dans un commissariat de New York. Des habitants viennent porter plainte, d’autres sont ramenés par les policiers pour des délits très divers. Le détective MacLeod est l’un des piliers de la brigade, c’est un homme d’une grande intransigeance morale… Histoire de détective (Detective Story) est adapté d’une pièce à succès écrite par Sidney Kingsley dont William Wyler avait déjà adapté Dead End quatorze ans plus tôt. C’est un film très original par son sujet et par sa forme. Prendre comme sujet le travail quotidien des policiers était alors plutôt novateur. Le film prend même tout d’abord des allures de documentaire (on peut trouver que le film est plus proche du néoréalisme que du film noir) mais évolue peu à peu, sans que l’on n’y prenne garde, en un drame personnel assez puissant qui introduit un certain questionnement sur la rigueur morale, sous tendue d’une légère trame psychanalytique. Kirk Douglas a beaucoup de présence dans ce rôle d’anti-héros. La forme est elle aussi originale puisque tout le film (hormis quelques plans) se déroule dans un même lieu et se déroule en temps réel, sans ellipse : unité de temps et unité de lieu donc. William Wyler fait preuve de virtuosité de cadrage et de découpage, d’autant plus qu’il n’y a aucun temps mort, aucun relâchement dans la tension et aucun effet spectaculaire. Seule la fin est un peu trop appuyée mais cela n’empêche Detective Story d’être assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kirk Douglas, Eleanor Parker, William Bendix, Cathy O’Donnell, George Macready, Horace McMahon, Lee Grant
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Histoire de détective (1951) de William Wyler
Horace McMahon et Kirk Douglas dans Histoire de détective de William Wyler

Remarques :
* Detective Story a été nominé pour les Oscars dans quatre catégories (mais n’en a gagné aucun). A Cannes, c’est Lee Grant (la voleuse d’un sac à main) qui a reçu le prix de la meilleure actrice en 1952. Son rôle est certes assez mineur mais il est plus complexe qu’il ne paraît car c’est celui qui apporte une touche d’humour ; Lee Grant le tient parfaitement, souvent par des expressions de visage ou des petits gestes. Il s’agit de sa première apparition au cinéma. L’actrice ayant refusé de témoigner contre son mari Alan Manoff lors des auditions HUAC (House Un-American Activities Committee), Lee Grant sera sur liste noire et ne pourra pas tourner d’autres films avant quelques années.

* Le film eut beaucoup de problème avec la censure car le code Hays interdisait le sujet de l’avortement. Le terme « abortion » n’est ainsi jamais utilisé, le docteur inculpé est présenté comme faisant du « baby farming » (trafic de nouveau-nés) mais cela ne colle guère avec les dialogues (il est qualifié par exemple de boucher) et tout le monde a bien compris qu’il s’agissait d’avortement.

* Lee Grant (la voleuse d’un sac à main), Joseph Wiseman (l’un des deux cambrioleurs, celui qui coopère), Michael Strong (le coéquipier de Douglas) and Horace McMahon (le lieutenant) ont repris le rôle qu’ils tenaient sur les planches (où Ralph Bellamy tenait le rôle principal).

Lee Grant dans Histoire de détective (1951) de William Wyler
Lee Grant dans Histoire de détective de William Wyler

Kirk Douglas et Eleanor Parker dans Histoire de détective (1951) de William Wyler
Kirk Douglas et Eleanor Parker dans Histoire de détective de William Wyler (dans une des très rares scènes extérieures au commissariat)

8 novembre 2013

L.627 (1992) de Bertrand Tavernier

L.627Lucien est enquêteur de police, un policier de terrain qui fait son métier avec passion. Muté à la suite d’une insubordination, il est affecté à une petite brigade chargé d’arrêter les dealers de drogue en flagrant délit… L.627 est un film étonnant, à la fois très proche du documentaire mais également solidement écrit, joué et interprété. Bertrand Tavernier en a écrit le scénario avec Michel Alexandre, lui-même ancien policier. Le film dresse ainsi un portrait très réaliste des conditions de travail vraiment précaires dans lesquelles les policiers doivent travailler, les astuces dont ils doivent faire preuve, leurs rapports avec les indics. S’il montre essentiellement les scènes vues du côté des policiers, L.627 laisse entrevoir l’environnement social des petits trafiquants. L’interprétation de Didier Bezace est très solide dans son jeu, bien soutenu par les seconds rôles, Philippe Torreton en tête. Tavernier a volontairement écarté tous les clichés du film policier, tant sur le fond que sur la forme, et trouvé ainsi un style nouveau qui est propre au film, empreint de réalisme, tout en énergie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Didier Bezace, Philippe Torreton, Jean-Paul Comart, Charlotte Kady, Jean-Roger Milo
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Remarques :
* L.627 désigne un article du Code de la Santé publique français qui prévoit les sanctions pénales liées à la drogue.
* Si L.627 a été son premier scénario, Michel Alexandre a ensuite continué dans ce domaine pour faire une belle carrière de scénariste, réalisateur et maintenant producteur.