18 septembre 2018

Sonate d’automne (1978) de Ingmar Bergman

Titre original : « Höstsonaten »

Sonate d'automneMariée depuis dix ans à un pasteur, Eva envoie une lettre à sa mère, une grande pianiste internationale, pour l’inviter à passer quelques jours dans le presbytère isolé au bord du lac où elle vit. La mère et la fille ne se sont pas revues depuis sept ans…
Temporairement exilé hors de Suède à cause de différents avec l’administration fiscale, Ingmar Bergman écrit et tourne Sonates d’automne en Norvège. Il retrouve son actrice fétiche, Liv Ullmann, et pour la première fois sa compatriote Ingrid Bergman. Depuis longtemps, Ingmar et Ingrid s’étaient promis de travailler ensemble (1). Le film est surtout remarquable par la force de l’interprétation ; son intensité est décuplée par cette faculté d’Ingmar Bergman de nous faire plonger au plus profond de ses personnages, entre autres grâce à ses cadrages serrés et ses gros plans. Cette puissance nous emporte totalement, elle nous aveugle presque ; il faut repenser au film après sa vision pour réaliser que le propos est finalement très contestable : le principal reproche que fait la fille à sa mère est de ne pas être restée à la maison. C’est un propos très conformiste (dans les pays scandinaves et en Allemagne, une femme avec des enfants qui travaille est jugée être une mauvaise mère). Ingrid Bergman a bien tenté de faire pression pour que le personnage de la mère soit adouci et ne soit pas ce monstre haïssable. Sans résultat (2). La photographie, du fidèle Sven Nykvist, est très belle. Voilà un film qui nous laisse donc sur des sentiments mitigés…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, Liv Ullmann, Lena Nyman, Halvar Björk
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

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(1) Ingrid Bergman et Ingmar Bergman n’ont, rappelons-le, aucun lien de parenté. Anecdote : à cette époque, la femme d’Ingmar Bergman s’appelle aussi Ingrid…
(2) Dans son autobiographie (Ma vie, Fayard 1980), Ingrid Bergman raconte comment Liv Ullmann et elle, toutes deux mères dans la vraie vie, ne comprenaient pas comment la mère pouvait être si dure : « Ingmar, les gens que tu connais doivent être des monstres ! » a lancé Ingrid à Ingmar. La seule réponse du réalisateur était de lui dire « Toutes les femmes ne sont pas comme toi, voyons. La mère que tu interprètes est une femme différente ; mets-toi dans sa peau et joue-la. »

Sonates d'automne
Liv Ullmann et Ingrid Bergman dans Sonate d’automne de Ingmar Bergman.

Sonates d'automne
Liv Ullmann et Ingrid Bergman dans Sonate d’automne de Ingmar Bergman.

23 février 2017

Les cadavres ne portent pas de costard (1982) de Carl Reiner

Titre original : « Dead Men Don’t Wear Plaid »

Les cadavres ne portent pas de costardLes affaires sont calmes pour le détective John Forrest lorsqu’une cliente frappe à sa porte. Il s’agit de la fille d’un scientifique renommé (et fabriquant de fromages) qui vient de périr dans un accident automobile. Elle pense qu’il a été assassiné… L’idée a germé dans les esprits de Carl Reiner, George Gipe et Steve Martin : faire un film parodique qui incorporerait des extraits de films noirs des années quarante. Bien évidemment, il fallait que le film soit en noir et blanc et c’est grâce à l’usage subtil des champs-contrechamps que l’illusion est créée :  nous avons l’impression que ces acteurs des années quarante donnent la réplique à Steve Martin. L’histoire est totalement farfelue, elle est surtout un prétexte non seulement pour inclure les différents extraits mais aussi pour placer une multitude de clins d’œil qu’il est impossible de tous repérer tant il y en a. Les scénaristes ont toutefois réussi à introduire de très bons gags, le plus célèbre étant cette méthode si particulière  de Rachel Ward pour extraire les balles. La voix off contribue à recréer l’atmosphère des films de détective privé. Steve Martin ressemble plus que jamais à Dana Andrews mais l’acteur a pris soin de ne pas calquer son jeu sur tel ou tel acteur pour éviter le mimétisme (par exemple, il aurait pu se gratter l’oreille et on se serait tous pâmé… mais non, il ne le fait pas). Face à lui, Rachel Ward ne présente aucune ressemblance particulière ; par ailleurs, on peut se demander pourquoi il a été choisi de lui laisser une coupe de cheveux typique des années soixante-dix. Même si on ne peut nier que Les cadavres ne portent pas de costard est un film pour cinéphiles (si on ne reconnait pas les acteurs, l’humour tombe, c’est inévitable), il est au final très amusant et unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Martin, Rachel Ward, Carl Reiner
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Remarques :
* L’humour du titre ne passe pas vraiment dans la traduction : « plaid » (morceau de tissu écossais porté) peut être un costume, certes, mais un costume en tissu écossais (qu’il faut être américain pour porter, soit-dit en passant !) Or, les cadavres sont toujours habillés à la morgue avec un costume plus habillé qu’un « plaid ». Une meilleure traduction aurait pu être « Les cadavres ne portent pas de blouson vert » ou  même « Les cadavres portent toujours un costard ». 🙂
* Ceci dit, le titre n’a pas de sens particulier (même si Steve Martin arrive à le placer dans une scène). C’est une parodie des titres de romans policiers.
* La série Dream On a repris un peu le principe dans les années 90 mais différemment : les extraits de films servent à exprimer les pensées intérieures du personnage principal.

Les cadavres ne portent pas de costard
Rachel Ward et Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Les cadavres ne portent pas de costard
Steve Martin censé faire face à Ingrid Bergman dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Acteurs /extraits de films :
– Alan Ladd dans Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
– Barbara Stanwyck dans Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, wrong number) d’Anatole Litvak et Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– Ray Milland dans Le Poison (The Lost Weekend) de Billy Wilder
– Ava Gardner dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak et L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard
– Burt Lancaster dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak
– Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Le Violent (In a Lonely Place) et Les Passagers de la nuit (Dark Passage)
– Cary Grant dans Soupçons (Suspicion) d’Alfred Hitchcock
– Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock
– Veronica Lake dans La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
– Bette Davis dans Jalousie (Deception) d’Irving Rapper
– Lana Turner dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy et Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
– Edward Arnold dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy
– Kirk Douglas dans L’Homme aux abois (I Walk Alone) de Byron Haskin
– Fred MacMurray dans Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– James Cagney dans L’enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
– Joan Crawford dans Humoresque de Jean Negulesco
– Charles Laughton et Vincent Price dans  L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard

Les cadavres ne portent pas de costard
A gauche : Dana Andrews dans Laura (1944). A droite : Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner. Je suis étonné que personne ne mentionne cette ressemblance vraiment frappante (que Carl Reiner a certainement cultivée).

24 juin 2015

Europe 51 (1952) de Roberto Rossellini

Titre original : « Europa ’51 »

Europe 51Mariée à un industriel romain, Irene est une femme mondaine et superficielle. La mort de son jeune fils, qui par manque d’amour s’est jeté dans l’escalier, va la pousser à s’ouvrir aux autres et à venir en aide à des personnes des quartiers les plus pauvres… Europa ’51 est le deuxième film de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman. Il s’agit en partie d’une parabole sur l’état du monde occidental à l’aube des années cinquante, un monde en proie à des forces contradictoires, incapable d’apporter le bonheur aux plus démunis, mais c’est aussi et surtout le parcours personnel d’une femme pour qui un drame personnel va être le déclencheur d’un éveil de conscience et l’amener vers un état proche de la sainteté. En réaction, la société qui était la sienne va la considérer atteinte de folie. Cette réflexion autour de la sainteté et de la folie rapproche l’héroïne d’Europa ’51 de grandes figures comme Jeanne d’Arc, et la fin va bien dans ce sens. La mise en scène de Rossellini est épurée, un peu austère, empreinte de néoréalisme. L’interprétation est centrée autour d’Ingrid Bergman, visiblement très inspirée par ce personnage. Elle est hélas doublée dans la version originale italienne, ce n’est que dans la version anglaise que l’on peut entendre sa voix.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, Alexander Knox, Ettore Giannini, Giulietta Masina
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Remarques :
* Roberto Rossellini s’est inspiré du parcours de la philosophe et humaniste Simone Weil (1909-1943) (ne pas confondre avec la femme politique Simone Veil).
* Dans la filmographie de Rossellini, Europa ’51 vient peu après Les onze fioretti de François d’Assise (1950), film où la sainteté tient également une grande place.
* Rappelons également que Rossellini avait perdu son jeune fils (appendicite aigüe) quelques années auparavant.

Europe 51
Ingrid Bergman (au centre) et Giulietta Masina (juste derrière elle) dans Europe 51 de Roberto Rossellini

 

24 avril 2015

Livres : nouvelles parutions (24 avril 2015)

Livres sur le cinéma – Les sorties de la semaine :


Ingrid Bergman: Le feu sous la glaceTITRE : Ingrid Bergman
… Le feu sous la glace
AUTEUR : Marine Baron
EDITEUR : Les Belles Lettres
SORTIE : 23 avril 2015
SUJET : Acteur > Ingrid Bergman

La vie d’Ingrid Bergman est romanesque; à l’instar des personnages qu’elle a interprétés dans ses films, elle est devenue une héroïne de fiction, fascinant les médias du monde entier…


Je vais encore me faire des amis !TITRE : Je vais encore me faire des amis !
AUTEUR : Jean-Pierre Mocky
EDITEUR : Le Cherche Midi
SORTIE : 23 avril 2015
SUJET : Réalisateur > Jean-Pierre Mocky
Jean-Pierre Mocky n’est pas seulement une légende du cinéma français : inclassable et rebelle, il ressemble aux personnages de ses films…


CinémaTITRE : Cinéma
AUTEUR : Ernst Haas
EDITEUR : Gerhagerrd Steidl
SORTIE : 17 avril 2015
SUJET : Les Films > Photos de tournage
Présentation des photographies de plateau d’Ernst Haas qui travailla avec des metteurs en scène comme Vittorio de Sica, John Houston, Gene Kelly, Michael Cimino, etc., en couvrant différents genres (le suspense, le western, la comédie musicale, etc.).


L'assassinat de Marilyn MonroeTITRE : L’assassinat de Marilyn Monroe
AUTEUR : Jay Margolis et Richard Buskin
EDITEUR : L’Archipel
SORTIE : 22 avril 2015
SUJET : Acteur > Marilyn Monroe
Comment Marilyn Monroe est-elle morte ? Alors qu’aucune trace de médicaments n’a été trouvée dans son estomac pendant l’autopsie, l’enquête a toujours affirmé qu’elle avait ingéré soixante-quatre somnifères, tentant ainsi de démontrer son suicide…


L'Annuel du cinéma 2015:Tous les films 2014TITRE : L’Annuel du cinéma 2015
… Tous les films 2014
AUTEUR : Collectif
EDITEUR : Fiches du Cinéma
SORTIE : 21 avril 2015
SUJET : Les Films > Annuel du cinéma
L’intégralité des films sortis en France en 2014…


Le Portrait de Dorian Gray de Albert LewinTITRE : Le Portrait de Dorian Gray de Albert Lewin
AUTEUR : Philippe Dubois
EDITEUR : Yellow Now
SORTIE : 23 avril 2015
SUJET : Un Film > Le Portrait de Dorian Gray
Le Portrait de Dorian Gray (1945) est le deuxième des six films réalisés par Albert Lewin. C’est l’adaptation la plus connue et la plus réussie du roman d’Oscar Wilde et un exemple exacerbé de la mise en scène hollywoodienne classique…


Lumière d'été de Jean GremillonTITRE : Lumière d’été de Jean Gremillon
AUTEUR : Philippe Roger
EDITEUR : Yellow Now
SORTIE : 23 avril 2015
SUJET : Un Film > Lumière d’été
Dans Lumière d’été (1943), Jean Grémillon livre les clefs de sa poétique la plus secrète. Cinéaste du mystère ontologique, Grémillon s’est rarement confié avec autant de clarté que dans cette oeuvre atypique…


Star Wars Rebels, l'encyclopédie:Personnages, armes, véhiculesTITRE : Star Wars Rebels, l’encyclopédie
… Personnages, armes, véhicules
AUTEUR : Collectif
EDITEUR : Hachette
SORTIE : 22 avril 2015
SUJET : Genre > Série TV
Le guide indispensable de la série Star Wars Rebels. De nombreuses informations sur les personnages, les armes, les vaisseaux, et les lieux clés de la série.

27 mars 2015

Indiscret (1958) de Stanley Donen

Titre original : « Indiscreet »

IndiscretAnna est une actrice célèbre à Londres mais elle n’a pas réussi à trouver l’homme de sa vie. Grâce à sa soeur, elle fait la connaissance d’un américain spécialiste de questions financières et se sent immédiatement attirée par lui. Hélas, il lui annonce qu’il est déjà marié… Retrouver le couple formé par Ingrid Bergman et Cary Grant douze ans après le très beau Notorious d’Alfred Hitchcock était assez alléchant. Hélas, cette comédie qui se déroule dans la bonne société londonienne se révèle sans grand intérêt et même plutôt ennuyeuse. Adapté d’une pièce de Norman Krasna qui n’avait pas eu grand succès à Broadway, Indiscret est une comédie sans surprise qui tente sans y parvenir de retrouver le ton léger et enlevé des comédies screwball. Le film fut un grand succès. Le charme de ses deux acteurs principaux n’y est certainement pas étranger.
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Ingrid Bergman, Cecil Parker, Phyllis Calvert
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Indiscret (1958) de Stanley Donen
Ingrid Bergman et Cary Grant dans Indiscret de Stanley Donen

 

Indiscret (1958) de Stanley Donen
La censure ayant manifesté son opposition à toute scène montrant Ingrid Bergman et Cary Grant dans le même lit (alors que leurs personnages ne sont pas mariés), Stanley Donen eut recours à l’astuce du split-screen : l’écran est partagé en deux montrant chacun en train de téléphoner à l’autre depuis son lit. Cette astuce sera reprise largement par Michael Gordon pour son film Pillow Talk l’année suivante.

26 mars 2015

Stromboli (1950) de Roberto Rossellini

StromboliA la fin de la guerre, une jeune femme originaire des Pays baltes épouse un ex-soldat pour échapper au camp de réfugiés où elle croupissait sans ressources. Il l’emmène dans son île natale, une île inhospitalière sous la menace permanente d’un volcan en activité. La jeune femme a tout de suite un sentiment de rejet envers cet endroit totalement isolé dont elle se sent prisonnière… Stromboli est le premier des films de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman. C’est aussi et surtout le premier de ses films intimistes où il cherche à sonder l’âme humaine, des films plus métaphysiques que les trois films sur la guerre qui le précèdent. A l’aspect presque documentaire du film se mêle le parcours initiatique d’une jeune femme qui sera finalement touchée par la grâce, par le charme de l’île. Stromboli a ainsi une connotation spirituelle et religieuse qui est manifeste dans la célèbre scène de la pêche au thon, scène absolument extraordinaire qui évoque l’Epiphanie, et bien entendu toute la scène finale, véritable aboutissement du parcours de la jeune femme. La sortie du film a été marquée par le scandale des deux côtés de l’Atlantique causé par la liaison entre Ingrid Bergman et Rossellini.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, Mario Vitale
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Stromboli de Roberto Rossellini
Ingrid Bergman et Mario Vitale dans Stromboli de Roberto Rossellini

Remarques :
* L’île-volcan de Stromboli est l’une des îles Éoliennes au nord de la Sicile. Le film a bien entendu été tourné sur place. Les habitants des villages, situés au pied du volcan, ont participé au tournage du film. Une éruption eut lieu pendant le tournage, celle que l’on peut voir dans le film.

* Le rôle principal était initialement prévu pour Anna Magnani qui avait une aventure avec Rossellini quand Ingrid Bergman a fait irruption.

* La lettre que Ingrid Bergman a écrite à Rossellini est restée célèbre :
« Cher Monsieur Rossellini,
J’ai vu vos films Rome, ville ouverte et Païsan et les ai beaucoup appréciés. Si vous avez besoin d’une actrice suédoise qui sait très bien parler anglais, qui n’a pas oublié son allemand, qui n’est pas très compréhensible en français, et qui en italien ne sait dire que « ti amo », alors je suis prête à venir faire un film avec vous.
Ingrid Bergman »

* Dans son autobiographie, Ingrid Bergman raconte comment elle a eu beaucoup de mal à se faire aux méthodes « peu professionnelles » de Rossellini et à tourner avec les habitants locaux dont elle ne comprenait pas le moindre mot…

* Mario Vitale avait été engagé comme porteur de matériel.

* Pendant le tournage, Ingrid Bergman et Roberto Rossellini tombèrent amoureux l’un de l’autre. Le scandale fut très important quand on apprit que l’actrice était enceinte. Ils étaient, chacun de leur côté, marié avec enfants. Howard Hughes (alors à la tête de la RKO) fera faire des coupes sans en parler à Rossellini. Des voix réactionnaires se feront entendre jusqu’au sein du Sénat américain et des autorités religieuses feront campagne contre le film. Finalement, le scandale sera bénéfique au film qui fera d’énormes entrées dès le premier jour aux Etats-Unis. Il sera toutefois méprisé par la critique. Ingrid Bergman épousera Rossellini peu après la sortie du film.

* Le film a donné un attrait touristique à l’île qui abrite aujourd’hui 750 habitants dans deux petites enclaves aux deux extrémités. Un port a été aménagé et l’électricité installée. Le volcan s’élève jusqu’à 926 mètres au dessus de la mer, il est en activité quasi permanente. La profondeur des eaux à l’entour étant d’environ 1000 mètres, le volcan se dresse donc sur 2000 mètres.

Stromboli
Le Stromboli aujourd’hui (photo sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)

9 mars 2015

Les Enchaînés (1946) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Notorious »

Les enchaînésLa fille d’un américain condamné pour espionnage au profit des nazis fait la rencontre d’un homme séduisant. Celui se révèle être un membre du contre-espionnage qui, sachant ses idées opposées à celles de son père, lui propose d’aller infiltrer au Brésil un groupe composé des anciens amis de son père… Ecrit par le talentueux Ben Hecht (avec le concours de David O. Selznick, Clifford Odets et Alfred Hitchcock), Notorious (Les enchaînés) mêle très habilement amour et espionnage. La construction et le déroulement sont d’une simplicité qui force l’admiration car la tension et le suspense y sont intenses. Comme le souligne très justement Patrick Brion (1), on pourra noter que le personnage du méchant (merveilleusement interprété par Claude Rains) est assez subtilement défini car il apparaît sous bien des aspects plutôt une victime qui reste sincère dans ses sentiments envers celle qu’il aime alors que le gentil Cary Grant apparaît assez cynique. Ingrid Bergman interprète une femme qui se sent indigne de l’amour de celui qu’elle aime et prend de très grands risques pour se racheter à ses yeux. La mise en scène limpide d’Hitchcock contribue à faire de Notorious un film quasiment parfait.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains, Louis Calhern, Leopoldine Konstantin
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Les Enchaînés de Alfred Hitchcock
Claude Rains, Cary Grant et Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock.

Remarques :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparait lors de la réception, buvant une coupe de champagne face à la table des serveurs.
* Alfred Hitchcock raconte avoir été rendre visite avec Ben Hecht en 1944 (soit un an avant l’explosion d’Hiroshima) au Dr. Millikan pour lui demander quelle taille pouvait avoir une bombe atomique. Le scientifique a répondu par une démonstration de près d’une heure que tout cela était impossible. Après cette entrevue, Hitchcock a été surveillé par le FBI pendant trois mois ! (il ne l’a appris que bien plus tard.)
* Sous le Code Hays, un baiser ne devait en aucun cas excéder trois secondes. Alfred Hitchcock y parvient manifestement tout en respectant le code à la lettre… (en plusieurs fois).
* Le plan assez remarquable avec la tasse de café nette au premier plan et Ingrid Bergman assise dans le fauteuil également nette à l’arrière plan a été obtenu grâce à une très grande tasse de café.
* David O. Selznick a cédé juste avant la sortie la moitié de ses droits à la R.K.O. parce qu’il ne croyait guère à l’uranium (qui a finalement peu d’importance dans le film) et aussi parce qu’il devait financer Duel au soleil avec Jennifer Jones qu’il avait récemment épousée. Il a dû sûrement le regretter puisque le film a rapporté près de cinq fois son coût.

(1) Patrick Brion Hitchcock (Editions de la Martinière, 2000)

20 juin 2014

Voyage en Italie (1954) de Roberto Rossellini

Titre original : « Viaggio in Italia »

Voyage en ItalieUn couple de bourgeois anglais, Katherine et Alexander, arrivent à Naples pour régler une histoire d’héritage. Ils sont mariés depuis huit ans mais ce voyage les place seuls, face à face, pour la première fois. Ils constatent qu’ils n’ont que peu de choses à se dire et peu d’intérêts communs… L’idée de départ de Rossellini était de porter à l’écran Duo, le roman de Colette. Quand il découvrit que les droits n’étaient pas disponibles, il décida d’écrire lui-même une histoire sur le même thème. Voyage en Italie fut assez critiqué à sa sortie, beaucoup reprochant au réalisateur de tourner le dos au néoréalisme qu’il avait lui-même initié dix ans auparavant (1). C’est certainement réducteur car Rossellini va plus loin : il crée la symbiose entre le réalisme et l’intimiste. Ce couple bourgeois, dont on suppose qu’il donnait toutes les apparences d’un couple uni dans la bonne société londonienne, va être amené vers une véritable introspection au contact d’un monde où tout leur est étranger (autant au niveau de la nationalité, que du milieu social, du mode de vie, de la philosophie de vie). Chacun va tenter à sa façon une prise de contact avec ce monde nouveau mais ne trouver que plus de frustrations. Il faudra une immersion plus grande et que les ultimes défenses tombent pour qu’ils puissent franchir une nouvelle étape. L’art de Rossellini est de bâtir un film d’une grande portée, offrant même plusieurs niveaux de lecture, à partir d’une succession de petits riens, sans grand développement de scénario. Cette apparente simplicité pourra dérouter mais elle force l’admiration car Voyage en Italie est étonnant par sa profondeur ; cela explique certainement pourquoi il fait partie de ces films qui restent ancrés dans nos esprits.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, George Sanders
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Remarques :
* La version originale est en anglais. La version doublée en italien passe pour être épouvantable.

* Voyage en Italie est le troisième des cinq longs métrages de Rossellini avec Ingrid Bergman qui, rappelons-le, étaient alors mari et femme. Ces cinq films sont : Stromboli (1950), Europe 51 (1951), Voyage en Italie (1954),  La Peur (1954), Jeanne au bûcher (1954).

* Ingrid Bergman raconte dans son autobiographie à quel point George Sanders était dérouté par les méthodes de travail peu rigoureuses de Rossellini. Son désarroi était donc proche de celui de son personnage. Il était si mal à l’aise qu’il téléphonait très régulièrement à son psy à Los Angeles. Ingrid Bergman, elle, faisait confiance à son mari mais avoue tout de même s’être posée des questions lorsqu’ils ont commencé par aligner les tournages des scènes de musée sans avoir d’idée sur le contenu du reste du scénario (que Rossellini continuait d’écrire au fur et à mesure). (Ingrid Bergman Ma Vie, Fayard 1980).

(1) André Bazin a défendu le film dans une polémique restée célèbre avec Guido Aristarco (critique italien très à gauche, dirigeant-fondateur de la revue Cinema Nuovo).

7 juin 2012

La proie du mort (1941) de W.S. Van Dyke

Titre original : « Rage in Heaven »

La proie du mortUn fils de bonne famille, mentalement instable, épouse la dame de compagnie de sa mère. Rapidement, il imagine que sa femme aime son ami d’enfance dont il a toujours été plus ou moins jaloux… Adapté d’un roman signé James Hilton, La proie du mort a été fait dans des conditions particulières : Robert Montgomery, n’appréciant guère que la MGM lui fasse endosser à nouveau le rôle d’un paranoïaque (1), avait décidé de faire la grève du zèle et de débiter son texte sans intonation (2). Le film n’est donc généralement pas bien considéré, le jeu distancié et impassible de Montgomery étant au centre des critiques (certains louèrent toutefois le style qu’il avait trouvé pour le rôle… il est vrai que cela accentue le caractère étrange du personnage). La proie du mort mérite tout de même notre attention. Le suspense y est assez réussi. L’ensemble est prenant grâce aux bonnes prestations d’Ingrid Bergman et de George Sanders et aussi grâce à une bonne fin, bien qu’un peu précipitée.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Montgomery, Ingrid Bergman, George Sanders, Lucile Watson
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Voir les autres films de W.S. Van Dyke chroniqués sur ce blog…

(1) Robert Montgomery avait eu beaucoup de succès avec La force des ténèbres (Night must fall) de Richard Thorpe (1937) où il interprétait le rôle d’un psychopathe.
(2) Ingrid Bergman raconte ainsi le tournage dans son autobiographie. Robert Montgomery les avait prévenus, George Sanders et elle, dès le début du tournage qu’il ne jouerait pas le jeu. Résultat : deux metteurs en scène ont déclaré forfait avant que W.S. Van Dyke (qu’Ingrid Bergman trouvait odieux) ne prenne la relève.

18 avril 2012

Hantise (1944) de George Cukor

Titre original : « Gaslight »

HantiseLondres à la fin du XIXe siècle. Après l’assassinat de sa tante, cantatrice célèbre qui l’a élevée, la jeune Paula part en Italie pour oublier cette tragédie. Elle y fait la rencontre de Gregory, pianiste chez son professeur de chant. Ils se marient et retournent vivre à Londres… Hantise est l’adaptation d’une pièce de l’anglais Patrick Hamilton qui avait déjà été adaptée brillamment à l’écran quatre ans plus tôt en Angleterre. La décennie des années quarante à Hollywood est marquée par la vogue des films psychologiques et ce film de Cukor en est l’un des plus beaux fleurons. Il bénéficie de décors soignés et d’une belle distribution. Charles Boyer et Ingrid Bergman livrent tous deux une performance brillante, Joseph Cotten jouant le troisième homme (avec un accent très américain qui détonne quelque peu dans cet environnement européen). La jeune Angela Lansbury fut aussi remarquée pour son rôle de femme de chambre puisqu’à 19 ans, pour son tout premier rôle, elle fut nominée aux Oscars. George Cukor crée habilement une atmosphère puissante qui devient graduellement de plus en plus angoissante et inquiétante. Hantise garde encore aujourd’hui toute sa force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles Boyer, Ingrid Bergman, Joseph Cotten, Angela Lansbury
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Voir les autres films de George Cukor chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Du fait de la pièce et de ce film, le terme Gaslighting est passé dans le langage courant (anglais bien entendu) pour désigner le processus qui consiste à donner de fausses informations à une personne pour faire croire qu’elle perd la mémoire ou la raison.
* Les écrits de Patrick Hamilton ont également inspiré Hangover Square de John Brahm et La Corde de Hitchcock.

Précédente version :
Gaslight (1940) film anglais de Thorold Dickinson (1940) avec Anton Walbrook et Diana Wynyard.
Quand il fut décidé d’adapter la pièce de Patrick Hamilton, la M.G.M. a acquis les négatifs du film de Thorold Dickinson dans le but de le retirer totalement de la circulation. Les négatifs furent détruits. Le film de Dickinson gagna, au cours des ans, une aura de chef d’œuvre disparu (que l’on disait, sans l’avoir vu le plus souvent, supérieur au remake de Cukor). Le film n’a refait surface que bien plus tard grâce à une copie que Thorold Dickinson avait préservée de la destruction.

A noter, qu’il existe aussi une version TV de Gas Light (BBC) qui est en réalité la pièce filmée à l’Apollo Theatre à Londres, le 19 mars 1939.

Homonyme (mais sans autre point commun) :
La Hantise de Louis Feuillade (1912)
Hantise (The Haunting) de Jan de Bont (1999)