6 juillet 2024

N’attendez pas trop de la fin du monde (2023) de Radu Jude

Titre original : « Nu astepta prea mult de la sfârsitul lumii »

N'attendez pas trop de la fin du monde (Nu astepta prea mult de la sfârsitul lumii)Assistante indépendante de production, Angela parcourt la ville de Bucarest pour le casting d’une publicité sur la sécurité au travail commandée par une multinationale : elle doit aller filmer des accidentés du travail avant que le choix final ne soit fait et le tournage effectué. Elle en profite pour mettre en scène son avatar digital, un sombre crétin, dans de petites vidéos humoristiques…
N’attendez pas trop de la fin du monde est un film roumain écrit et réalisé par Radu Jude. Le moins que l’on puisse dire est que ce film ne ressemble à aucun autre, « un collage chaotique » comme le définit son créateur. Son principal défaut est d’être un peu hermétique : on pourrait penser qu’il ne s’agit là que d’une fable corrosive, prétexte à un défoulement tous azimuts mais le propos du réalisateur est plus que cela. Il a voulu dresser un parallèle entre le portrait d’une femme chauffeur de taxi sous la dictature communiste et celui d’une jeune femme désinhibée, elle aussi au volant d’une voiture, dans la société post-totalitaire d’aujourd’hui. Il a donc entremêlé un film de 1981 dans les scènes actuelles (avec des ralentis dont on ne voit pas le sens au premier abord mais il y en a bien un (1)). Il y a beaucoup d’humour, une vulgarité outrancière, et aussi hélas de sérieuses longueurs. La scène du tournage de la publicité vaut le détour, dans le genre humour absurde, un plan-séquence en caméra fixe de plus de 30 minutes assez ubuesque qui clôt le film. Pas banal…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ilinca Manolache, Ovidiu Pîrsan, Nina Hoss
Voir la fiche du film et la filmographie de Radu Jude sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

(1) Le film intégré est un long-métrage roumain de 1981, Angela merge mai departe, réalisé par Lucian Bratu. Il met en scène une femme chauffeur de taxi et son quotidien sous la dictature communiste. « En y regardant de plus près, j’ai découvert que ce film regorgeait d’éléments subversifs, lancés comme des bouteilles à la mer. Par exemple, il est tourné dans les beaux quartiers de Bucarest. Mais comme on est aussi dans du cinéma direct, on y voit parfois brièvement des choses qui ne devraient pas y figurer: des pauvres aux vêtements miteux qui attendent le bus, des gens qui font la queue pour de la nourriture, des murs délabrés, etc. Ce sont de brefs instants, quelques secondes maximum. […] C’est pourquoi j’ai ralenti ces moments qui ont échappé à la censure, pour les rendre visibles aux spectateurs d’aujourd’hui et permettre leur analyse. »

Ilinca Manolache dans N’attendez pas trop de la fin du monde (Nu astepta prea mult de la sfârsitul lumii) de Radu Jude.

Remarque :
* Le réalisateur de séries Z Uwe Boll fait une petite apparition dans son propre rôle. Souvent qualifié de « nouvel Ed Wood », il a tourné de nombreux films. En 2008, une pétition sur internet a été lancée pour le supplier d’arrêter le cinéma. Elle a obtenu plus de trois cent mille signatures (dixit Wikipédia). Le fait qu’il ait boxé des critiques est apparemment véridique, tout comme sa phrase : « Un poing dans la gueule, c’est le meilleur moyen d’aimer mes films! »

20 juin 2024

L’Homme de fer (1981) de Andrzej Wajda

Titre original : « Czlowiek z zelaza »

L'homme de fer (Czlowiek z zelaza)Pendant les grèves des chantiers navals de Gdańsk au début des années 80, Maciej Tomczyk, un ouvrier marqué par la mort de son père, milite en faveur des droits sociaux. Le gouvernement communiste charge alors Winkel, un employé de la télévision d’État, d’infiltrer le mouvement et d’enquêter sur Maciej afin de le discréditer aux yeux de l’opinion publique. Au cours de son investigation, Winkel réalise qu’il est victime d’une manipulation…
L’Homme de fer est un film polonais réalisé par Andrzej Wajda. Le film met en scène la création du premier syndicat non-gouvernemental, Solidarnosc, qui eut lieu quelques mois plus tôt, en août 1980. Réalisé à chaud, il mêle une intrigue romancée à des évènements historiques réels (Lech Walesa lui-même y apparaît). Il s’attache plus particulièrement à montrer l’emprise du gouvernement sur les médias et leurs manœuvres pour tuer un mouvement dans l’œuf. Le film a été réalisé à la hâte et cela se sent. Sa construction est calquée sur celle de L’Homme de marbre (1977), à ceci près que le journaliste est cette fois un anti-héros, servile, ivrogne et lâche (Wajda le souligne avec lourdeur). Hélas, il est loin d’en avoir la force. Il faut bien avouer que le film n’a pas de grandes qualités cinématographiques, il est beaucoup trop long, très bavard sur des sujets secondaires, avec nombre de scènes inutiles et même un romantisme convenu. Il est indéniable que la Palme d’or donnée à Cannes en 1981 saluait l’évènement historique plutôt que le film en lui-même.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jerzy Radziwilowicz, Krystyna Janda, Marian Opania, Boguslaw Linda
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrzej Wajda sur le site IMDB.

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Marian Opania et Boguslaw Linda dans L’homme de fer (Czlowiek z zelaza) de Andrzej Wajda.

19 juin 2024

L’Homme de marbre (1977) de Andrzej Wajda

Titre original : « Czlowiek z marmuru »

L'homme de marbre (Czlowiek z marmuru)Le film retrace l’ascension puis la disgrâce d’un maçon stakhanoviste des années cinquante, Mateusz Birkut, à travers l’enquête d’une jeune réalisatrice de la télévision, Agnieszka, qui souhaite connaître la vérité sur cet ancien héros. Contre l’avis de ses directeurs d’étude, elle persiste à rechercher les traces de Mateusz Birkut…
L’Homme de marbre est un film polonais réalisé par Andrzej Wajda. On se demande encore aujourd’hui comment le réalisateur a pu réaliser un tel film qui s’attaque à la fois au « réalisme socialiste » et à la corruption politique. Wajda donne l’impression de préfigurer le relâchement de la mainmise soviétique qui sera visible trois ans tard avec Solidarnosc. Il faut toutefois préciser que son projet croupissait depuis 1965 dans les tiroirs et qu’il lui a fallu attendre dix ans l’autorisation de le tourner. La construction narrative rappelle celle de Citizen Kane. Avec l’inexpérimentée Krystyna Janda, il crée un personnage fort de jeune femme désinhibée, décidée à prendre son destin en main, utilisant sa silhouette longiligne pour en accroitre l’impact. L’esthétisme des films précédents de Wajda laisse toutefois place à un style direct. Si l’ensemble est assez touffu, Wajda apporte ici un précieux témoignage de l’intérieur, d’une indéniable puissance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Radziwilowicz, Krystyna Janda
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Jerzy Radziwilowicz dans L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.
Krystyna Janda dans L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.
Krystyna Janda et Andrzej Wajda sur le tournage de
L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.

17 juin 2024

La Terre de la grande promesse (1975) de Andrzej Wajda

Titre original : Ziemia obiecana

La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana)Dans le dernier quart du XIXe siècle, un Polonais fils de propriétaire terrien, un allemand fils d’industriel et un juif débrouillard décident de faire fortune en profitant de l’industrialisation débridée de la ville de Lodz. Ils décident de construire leur propre entreprise et cherchent à financer leur projet…
La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana, littéralement « Terre promise ») est un film polonais écrit et réalisé par Andrzej Wajda, adapté du roman paru en 1899 de Wladyslaw Reymont (prix Nobel de littérature en 1924). Pour Wajda, il s’agit à la fois de continuer à se pencher sur les origines de la Pologne moderne et de composer une grande fresque sociale sur le développement du capitalisme sauvage de la fin du XIXe siècle. S’il n’évite pas la caricature (Wajda est d’ailleurs homme à la revendiquer), il en dresse un tableau saisissant. Ses trois personnages principaux représentent bien les trois composantes majeures (Polonais, Allemands et juifs) de la ville alors la plus industrialisée du pays, paradis de l’arrivisme, où l’argent règne sur tout, où l’absence d’humanisme fait froid dans le dos. Il s’agit d’une fresque ambitieuse de près de trois heures, dotée de grands moyens. La réalisation est superbe, elle enchante vraiment. Wajda enchaine les scènes avec frénésie, les mouvements de caméra sont magistraux, les travelings peuvent être vertigineux. Les décors frappent l’esprit. Le naturalisme des usines contraste avec l’opulence des palais. Certaines scènes montrent une outrance fellinienne et Wajda utilise (parfois) les focales courtes pour déformer les visages. Le résultat est d’une puissance rare. La Terre de la grande promesse est l’un des meilleurs films d’Andrzej Wajda et du cinéma polonais.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Daniel Olbrychski, Wojciech Pszoniak, Andrzej Seweryn, Anna Nehrebecka, Franciszek Pieczka, Danuta Wodynska
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Daniel Olbrychski dans La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana) de Andrzej Wajda.
La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana) de Andrzej Wajda.
Andrzej Seweryn, Daniel Olbrychski et Wojciech Pszoniak dans La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana) de Andrzej Wajda.
La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana) de Andrzej Wajda.

Remarque :
Le film est visible sur le site de la Cinémathèque polonaise (sous-titres anglais ou polonais, pas de français)

5 mai 2024

Le Retour d’Afrique (1973) de Alain Tanner

Le Retour d'AfriqueVincent et Françoise sont mariés depuis deux ans. Insatisfaits de la routine de leur vie à Genève, ils décident de s’expatrier en Afrique pour donner un sens à leur vie. Ils contactent un ami en poste à Alger qui facilitera leur insertion mais, la veille du départ, un télégramme d’Algérie leur demande de surseoir au départ et d’attendre une lettre explicative. Ils s’enferment dans leur appartement vide…
Le Retour d’Afrique est un film suisse écrit et réalisé par Alain Tanner. Dans sa filmographie, il vient après La Salamandre qui avait reçu un accueil dithyrambique. En introduction, le cinéaste définit son film comme une ode à la parole et aux mots, « ceux qu’on dit aux autres, ceux qu’on dit en silence ». Sur le fond, il retourne l’argumentaire tiers-mondiste des années 70, le couple étant empêché de partir. S’enfermant dans leur appartement vidé de tout, ils s’isolent du reste du monde et découvrent, petit à petit, les véritables motifs de leur envie de départ. Le propos fustige le mode de vie bourgeois et sa routine aliénante. Le dénouement peut surprendre mais il s’inscrit dans l’idée de Tanner qu’il est impossible de se libérer de ce mode de vie bourgeois. (1) Même s’ils n’ont pas toujours la profondeur attendue, du moins en apparence, les dialogues sont bien écrits. L’ensemble est inégal, avec des moments plus faibles, mais reste suffisamment intéressant et suscite une réflexion. L’accueil critique fut cette fois plus mitigé, beaucoup n’y voyant qu’un pamphlet politique mais le film connut un certain succès en salles.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Josée Destoop, François Marthouret, Juliet Berto, Anne Wiazemsky
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(1) Le cinéaste précise : « La première partie du film, le couple enfermé dans la chambre attendant de partir, c’est moi il y a vingt ans, et la seconde partie, qui décrit l’installation dans la vie quotidienne neuf mois après, c’est en fait moi aujourd’hui, c’est-à-dire que ces neuf mois de durée cinématographique correspondent à vingt années de ma propre évolution dans la vie. » Enfin, Tanner poursuit en développant ce qu’il appelle les « techniques de distanciation ». « J’ai horreur de raconter une histoire au premier degré, de laisser le spectateur être trompé par l’apparence de réalité et donc se couper de toute possibilité de réflexion … » C’est pour cette raison que Tanner conçoit notamment son film, dès le stade du scénario, comme une soixantaine de courts métrages, chaque scène ayant un début et une fin, le tout formant, plutôt qu’un récit lié, un ensemble fragmenté en petits épisodes.
Sources : Marthe Porret – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007


Lire aussi : la présentation du film sur le site d’Alain Tanner

François Marthouret et Josée Destoop dans Le Retour d’Afrique de Alain Tanner.

13 avril 2024

Le Ciel rouge (2023) de Christian Petzold

Titre original : « Roter Himmel »

Le Ciel rouge (Roter Himmel)Leon et Felix se rendent dans une maison située sur la côte allemande de la mer Baltique et appartenant à la famille de Felix. Lorsqu’ils arrivent, ils se rendent compte que la maison est déjà occupée par Nadja, nièce d’une collègue de travail de la mère de Felix. Leon, écrivain, veut travailler à son nouveau roman et devient exécrable, il déclare vouloir se concentrer sur son travail mais sans vraiment y parvenir. Felix doit quant à lui préparer un dossier pour le concours d’entrée d’une école d’art mais cela ne l’empêche pas de profiter de la plage. Non loin de là, les incendies de forêt se propagent…
Le Ciel rouge est un film allemand écrit et réalisé par Christian Petzold. Il s’agit d’une chronique estivale, un peu à la manière de Rohmer (que le réalisateur cite comme référence) mais restant au niveau de l’étude de caractère. Le pari quelque peu osé du réalisateur est d’avoir un personnage principal (Leon) très antipathique, presque asocial dans son comportement et très maladroit dans sa recherche d’amour. Heureusement, le personnage interprété par Paula Beer apporte un peu de lumière dans le récit. L’atmosphère reste lourde, Leon étant toujours au bord de l’implosion. La présence menaçante du feu paraît artificiellement ajoutée. Le Ciel rouge se regarde sans déplaisir mais ne déclenche pas l’enthousiasme.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel, Enno Trebs, Matthias Brandt
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Paula Beer, Enno Trebs, Langston Uibel et Thomas Schubert dans Le Ciel rouge (Roter Himmel) de Christian Petzold.

1 avril 2024

La Conspiration du Caire (2022) de Tarik Saleh

Titre original : « Boy from Heaven »

La Conspiration du Caire (Walad min al-Janna)Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays…
La Conspiration du Caire est un film suédois écrit et réalisé par Tarik Saleh, suédois d’origine égyptienne par son père et suédois par sa mère, réalisateur déjà remarqué pour son film Le Caire confidentiel(2017). Pour écrire ce film d’espionnage politique, il dit s’être inspiré à la fois de son grand-père qui, issu d’un petit village, a été admis à Al-Azhar, et du roman d’Umberto Eco Le Nom de la rose afin de mettre en scène ces luttes de pouvoir entre politique et religieux. L’université Al-Azhar est en effet une institution islamique d’enseignement qui existe depuis plus d’un millénaire ; épicentre international de l’islam sunnite, elle est crainte par le pouvoir politique qui cherche en vain à la dominer. Le scénario est solidement bâti pour maintenir la tension et joue bien de la dualité des personnages. La réalisation est parfaitement maitrisée. Persona non grata en Egypte, Tarik Saleh a dû tourner en Turquie. Un film assez original, captivant et un brin exotique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri, Makram Khoury, Mehdi Dehbi, Sherwan Haji
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Tawfeek Barhom et Fares Fares dans La Conspiration du Caire (Boy from Heaven) de Tarik Saleh.
La Conspiration du Caire (Boy from Heaven) de Tarik Saleh.

19 février 2024

L’art d’être aimé (1963) de Wojciech Has

Titre original : « Jak byc kochana »

L'art d'être aimé (Jak byc kochana)Le temps d’un voyage en avion, une célèbre actrice de radio se remémore un amour douloureux pendant l’Occupation. Tout en travaillant comme serveuse pour survivre, elle avait caché un de ses collègues-acteurs dont elle était amoureuse et qui était accusé d’avoir tué un collaborateur. Elle est allé jusqu’à accepter de jouer dans un théâtre allemand pour le protéger…
L’art d’être aimée est un film polonais écrit par Kazimierz Brandys et réalisé par Wojciech Jerzy Has. Si le film se montre d’abord un peu hermétique, il se révèle de plus en puissant par la suite. C’est une histoire vraiment tragique, sur deux plans, celui d’un grand amour non partagé et celui d’une victime de la guerre, une de ces victimes invisibles non seulement pendant l’Occupation mais aussi à la Libération puisque cette femme se laissera accuser de collaboration pour préserver l’homme qu’elle aime. C’est assez terrible car, de toutes ces souffrances, elle ne retirera rien, sinon des désillusions et des espoirs déçus. L’histoire est très forte. Dans sa forme, si le film ne montre pas la perfection esthétique des films suivants du réalisateur, on ne peut que remarquer certains très beaux plans, dûs à sa façon de placer la caméra. Barbara Krafftówna fait une remarquable prestation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Barbara Krafftówna, Zbigniew Cybulski, Artur Mlodnicki, Wienczyslaw Glinski
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Barbara Krafftówna et Zbigniew Cybulski dans L’art d’être aimé (Jak byc kochana) de Wojciech Has.

Film visible sur le site de Cinémathèque polonaise (sous-titres en anglais ou en polonais uniquement)

6 février 2024

Radio Metronom (2022) de Alexandru Belc

Titre original : « Metronom »

Radio Metronom (Metronom)Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Elle est triste de devoir se séparer de son petit ami qui va partir en Allemagne. Un soir, elle rejoint ses amis à une petite fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission musicale que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie…
Radio Metronom est un film franco-roumain écrit et réalisé par Alexandru Belc. Son récit débute comme une chronique adolescente et bascule à mi-film en dénonciation de la dictature. Ceausescu avait en effet interdit la musique occidentale et sa police secrète avait tous pouvoirs. C’est cette partie qui est indéniablement la plus forte avec des dialogues bien écrits et des scènes très bien interprétées. Alexandre Belc est quarantenaire et donc n’a pas vécu cette période noire ; il a d’autant plus de mérite de nous rappeler ces heures sombres de l’histoire de son pays. Le film n’est pas sans défaut : le réalisateur recherche trop la perfection dans sa mise en scène, certaines scènes paraissent étirées. Il ne parvient qu’imparfaitement à mêler une histoire d’amour à un contenu historique fort mais son film mérite vraiment d’être découvert. Prix « Un certain regard » à Cannes 2022.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov, Mihai Calin
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Remarque :
Metronom était une émission diffusée clandestinement par Radio Free Europe, animée par le journaliste et producteur de radio roumain en exil, Cornel Chiriac. Il fut assassiné à Munich en 1975.

Serban Lazarovici et Mara Bugarin dans Radio Metronom (Metronom) de Alexandru Belc.

29 janvier 2024

I’m Your Man (2021) de Maria Schrader

Titre original : « Ich bin dein Mensch »

I'm Your Man (Ich bin dein Mensch)A Berlin, dans un futur proche, la chercheuse Alma travaille sur les inscriptions cunéiformes sumériennes. Pour obtenir des fonds pour ses recherches, elle accepte à contre-coeur de participer à un essai. Pendant trois semaines, elle doit vivre avec Tom, un robot humanoïde programmé pour lui convenir parfaitement : le compagnon idéal. Elle devra ensuite produire un rapport…
I’m Your Man (L’Homme idéal au Québec) est un film allemand co-écrit et réalisé par Maria Schrader, adaptation d’une nouvelle d’Emma Braslavsky. Il met en scène la cohabitation forcée d’une femme qui se jette dans son travail pour oublier son mal-être avec un androïde bien décidé à la rendre heureuse. Alma refuse d’abord la gentillesse et la prévention dont il fait preuve, un refus certainement un peu trop appuyé ce qui rend son personnage plutôt irritant. Toutefois, si le récit montre ses excès et maladresses (et des facilités de scénariste), il n’en soulève pas moins une vraie question : quel serait l’impact de ces compagnons androïdes parfaits sur notre sociabilité ? Accessoirement, il propose bien entendu une réflexion sur le bonheur. Maria Schrader a réalisé un film original, assez amusant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller
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Dan Stevens et Maren Eggert dans I’m Your Man (Ich bin dein Mensch) de Maria Schrader.