30 mai 2015

Complot de famille (1976) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Family Plot »

Complot de familleBlanche Tyler passe pour avoir des talents de médium auprès de vieilles dames crédules. L’une d’elles, secouée par l’une de ses séances, lui confie la charge de retrouver le fils de sa soeur abandonné par sa faute à sa naissance. Blanche et son ami se mette à sa recherche… Complot de famille est le dernier film d’Alfred Hitchcock qui avait 76 ans au début du tournage et fêtait ses 50 ans de réalisation (son premier film date de 1925). C’est l’adaptation d’un roman de Victor Canning. Il est de bon ton de prendre Complot de famille de haut et d’annoncer que le Maitre du suspense avait perdu la main. Pourtant, c’est un film très réussi. Certes il n’est pas très hitchcockien : c’est une comédie policière où l’atmosphère est plutôt détendue, les scènes de suspense y sont moins intenses qu’à l’accoutumée et l’histoire n’est pas centrée sur un personnage principal mais sur plusieurs. L’intrigue est un peu tortueuse avec deux histoires juxtaposées mais Hitchcock adopte un style très limpide, il prend tout son temps pour nous l’expliquer ce qui rend le film très accessible. La musique de John Williams contribue à rendre Complot de famille particulièrement plaisant. Hitchcock s’amuse et nous aussi. Sa filmographie se clôt ainsi joliment sur une petite note espiègle.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Karen Black, Bruce Dern, Barbara Harris, William Devane, Ed Lauter
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Complot de famille
Barbara Harris et Bruce Dern dans Complot de famille de Alfred Hitchcock

Complot de famille
Karen Black et William Devane dans Complot de famille de Alfred Hitchcock

Remarques :
* Cameo d’Alfred Hitchcock : (très visible) en ombre chinoise, dans la porte du bureau du registre des naissances et des décès.

* Très inhabituel pour le cinéaste : le passage d’une histoire à l’autre à la 12e minute à la façon « cadavres exquis » (ou façon Fantôme de la Liberté ?).

12 mars 2015

Blue Velvet (1986) de David Lynch

Blue VelvetLumberton est une petite ville dominée par l’industrie du bois. Jeffrey, un jeune homme apparemment sage qui s’apprête à travailler dans la quincaillerie familiale, fait une découverte étonnante dans un terrain vague, une découverte qui va l’entraîner dans une aventure très singulière… Ecrit et réalisé par David Lynch, Blue Velvet est un film très personnel, un film noir où l’on retrouve plusieurs thèmes chers au réalisateur, notamment celui de l’envers du décor qui nous fait basculer d’un monde gentil et propret dans celui où règnent les pires turpitudes. Nous passons de l’autre côté du miroir.  Cela se double d’une certaine réflexion sur la lisière entre le Bien et le Mal : le jeune Jeffrey s’implique en effet plus qu’il ne devrait dans son enquête. Quelle est la nature de la fascination qu’exerce sur lui ce monde trouble qu’il découvre ? Quel étrange parallèle peut-on faire entre le personnage de Jeffrey et celui du maléfique Booth ? (Notons que Lynch met hors-circuit le père de Jeffrey au début du film renforçant l’ambigüité : Booth serait-il ainsi une figure paternelle à ses yeux ?) Lynch joue très fort sur les oppositions : les deux femmes qu’aime Jeffrey sont en opposition totale, comme le pile et face d’une même pièce. La sage et conventionnelle Sandy est tout le contraire de Dorothy Vallens, en apparence du moins car Dorothy se sent contaminée par l’esprit maléfique de Booth qui a une emprise totale sur elle, elle craint que ce soit irréversible d’où ses tendances masochistes. Le caractère christique du personnage culmine lors de son apparition nue sur le gazon… Blue Velvet fait partie de ces films stimulants car, plus on se penche dessus, plus on découvre des liens, qui en retour génèrent de nouvelles interrogations. Kyle MacLachlan (que l’on peut voir comme un alter-ego du cinéaste) exprime parfaitement les nombreuses facettes de son personnage, juvénile, faussement naïf, avec une once de perversité enfouie. Denis Hopper est tout entier dans son personnage, une identification qui semble totale. La musique joue un grand rôle dans l’ensemble, la chanson Mysteries of Love d’Angelo Badalamenti chantée par Julee Cruise renforce la sensation la sensation de voir en Blue Velvet un germe de ce que sera la série Twin Peaks quatre ans plus tard.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabella Rossellini, Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Laura Dern, Dean Stockwell
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Blue Velvet de David Lynch
Kyle MacLachlan et Isabella Rossellini dans Blue Velvet de David Lynch

Remarques :
* En regardant la scène où Dean Stockwell simule de chanter sur le In Dreams de Roy Orbison en utilisant une lampe de chantier comme micro, on se dit qu’il n’y a que David Lynch pour avoir de telles idées géniales… En réalité, ce fut en voyant l’acteur tenant une lampe pendant un ajustement de lumières qu’il en eut l’idée. Au départ, il devait tenir un bête micro… Quoiqu’il en soit, l’effet est superbe.
* Comme souvent chez Lynch, le film comporte quelques allusions au personnage de Lincoln (le nom Booth du personnage joué par Denis Hopper et l’appartement de Dorothy Vallens est sur Lincoln Street).

Blue Velvet de David Lynch
David Lynch, Laura Dern et Kyle MacLachlan sur le tournage de Blue Velvet de David Lynch (on pourra noter la ressemblance physique entre Lynch et MacLachlan…)

27 février 2015

Sous surveillance (2012) de Robert Redford

Titre original : « The Company You Keep »

Sous surveillanceUn paisible avocat se retrouve rattrapé par son passé de militant activiste : dans les années soixante-dix, il a été membre d’un groupe radical qui s’est sinistrement illustré par des attentats… Adapté d’un roman de Neil Gordon, Sous surveillance est le neuvième long métrage réalisé par Robert Redford. On aurait aimé être plus enchantés mais il se dégage de l’ensemble une impression de vieux héros fatigué. Le sujet n’arrange pas les choses puisqu’il s’agit justement de militants extrémistes qui s’interrogent sur leur engagement d’il y a quarante ans. Ce pourrait d’ailleurs être un sujet si Robert Redford avait choisi de le traiter, mais le film reste au niveau d’un thriller basé sur une traque un peu poussive. Le film se regarde sans déplaisir toutefois, grâce à un beau plateau d’acteurs. Shia LaBeouf en jeune journaliste gonflé et opiniâtre, dans un style qui n’est pas sans rappeler Robert Redford dans Les Hommes du Président, permet de faire baisser un peu la moyenne d’âge.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Redford, Shia LaBeouf, Julie Christie, Susan Sarandon, Nick Nolte, Chris Cooper, Terrence Howard, Stanley Tucci, Richard Jenkins, Anna Kendrick, Brendan Gleeson, Brit Marling
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Sous surveillance de Robert Redford
Robert Redford et Richard Jenkins dans Sous surveillance.

20 février 2015

La Femme à abattre (1951) de Bretaigne Windust et Raoul Walsh

Titre original : « The Enforcer »

La femme à abattreMalgré d’intenses mesures de protection, la police ne peut empêcher la mort d’un truand qui avait accepté de témoigner contre son patron. Celui-ci risque de sortir libre du tribunal le lendemain. Les enquêteurs repassent en revue toute l’enquête pour trouver une preuve qui leur permettrait d’empêcher cela… The Enforcer marque un tournant dans l’histoire du cinéma car il marque le passage du film noir vers le crime organisé. Basée sur les révélations du truand Abe Reles, l’histoire se situe au moment où la police découvre la constitution d’une sorte de syndicat du crime. The Enforcer est d’ailleurs le premier film où sont employés les mots contract, hit, finger man (1), mots qui laissent les enquêteurs vraiment perplexes. Bien entendu, la stupeur de cette découverte ne joue plus sur nous aujourd’hui mais le film reste assez prenant grâce à un excellent déroulé du scénario, très accessible malgré l’imbrication de flashbacks. La séquence qui clôt le film est assez remarquable (les haut-parleurs et le reflet dans la porte sont des idées superbes).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Zero Mostel, Ted de Corsia, Everett Sloane, Roy Roberts
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Remarques :
La femme à abattre* La plus grande partie de The Enforcer a été tournée sous la direction de Raoul Walsh : après quelques jours de tournage, le réalisateur Bretaigne Windust est tombé malade et c’est Humphrey Bogart qui a demandé à Raoul Walsh de le remplacer quelques jours. Sa maladie étant plus grave que prévue, Raoul Walsh a en réalité terminé le tournage ! Raoul Walsh n’est toutefois pas crédité au générique car il n’a pas voulu causer du tort à Bretaigne Windust qui pouvait percer grâce à ce film. Ce ne fut pas le cas : Bretaigne Windust n’a tourné ensuite que pour la télévision, son nom n’est guère connu des cinéphiles. A noter qu’il avait précédemment dirigé deux films avec Bette Davis : June Bride (1948) et Winter Meeting (1948) et qu’il était avant cela metteur en scène à Broadway.

The Enforcer
(de g. à d.) Roy Roberts, Zero Mostel et Humphrey Bogart dans The Enforcer.

* Le film est sorti au Royaume Uni sous le titre Murder, Inc. qui était dans la vie réelle le nom de l’organisation décrite par Abe Reles quelques mois avant le tournage du film.
* The Enforcer est le dernier film d’Humphrey Bogart pour la Warner, studio pour lequel il tournait depuis 1932.

Homonyme :
The Enforcer (L’inspecteur ne renonce jamais) de James Fargo (1976) avec Clint Eastwood en Dirty Harry.

(1) Contract = la commande du meurtre, hit = le meurtre lui-même, finger man = l’homme qui montre la cible.

30 janvier 2015

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer

Titre original : « Soylent Green »

Soleil vertNew York en 2022 compte quarante millions d’habitants, la plupart sans domicile, se nourrissant des nourritures synthétiques en plaque fabriquées par la compagnie Soylent. Le policier Thorn a la chance d’avoir un minuscule appartement qu’il partage avec Sol, un vieillard qui l’aide dans ses enquêtes. La mort suspecte d’un « homme riche » va les amener à découvrir un terrible secret… Soleil vert, l’un des films majeurs de la science-fiction au cinéma, est l’adaptation d’un roman d’Harry Harrison. Si le film est remarquable, ce n’est pas tant par le déroulement de l’enquête, ni même par la découverte du terrible secret (que le spectateur devinera certainement très tôt dans le film, s’il ne l’a pas appris à l’avance à la lecture d’un résumé), mais plutôt par la vision qu’il nous permet d’avoir d’un futur proche, celle d’un monde asphyxié par une surpopulation extrême, une pollution omniprésente, une pénurie généralisée, une perte totale des liens avec la nature. Certaines scènes sont vraiment marquantes (comme celle des camions-bennes anti-émeute) mais la puissance du film vient certainement de la proximité du monde décrit avec notre monde actuel, autant celui de 1973 que celui du troisième millénaire. Bien entendu, notre monde n’a (heureusement) pas atteint ce niveau de surpopulation mais le point important dans cette vision est de nous montrer un monde en pleine « dé-socialisation », en proie à un délitement total des rapports entre les hommes, à la perte progressive de la valeur humaine. Cette préoccupation reste très actuelle : l’accroissement de la valeur humaine, que l’on pourrait sans doute nommer progrès de l’humanité, pourrait-elle à un moment donné culminer pour nous faire basculer dans une régression ? La question se situe bien au-delà de la simple préoccupation de savoir si cette vision est pessimiste ou pas (elle l’est, mais c’est secondaire). Soleil vert se situe donc bien dans la lignée des grands romans ou films de science-fiction qui, 1984 en tête, jouent le rôle de lanceurs d’alerte en extrapolant. Ils nous questionnent sur notre monde, celui d’aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons. Ils ont ainsi une indéniable dimension philosophique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Charlton Heston, Edward G. Robinson, Chuck Connors, Joseph Cotten
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Soleil Vert
Charlton Heston découvre le secret du Soleil vert dans le film homonyme de Richard Fleisher.

Remarques :
* Le mot « Soylent » est formé avec la première syllabe des deux mots « soybeans & lentils » (soja et lentilles).
* Le roman de Harry Harrison s’intitule Make room ! Make room ! (1966). En dehors de ce roman, ses histoires étaient souvent marquées par un certain humour. Il a notamment créé les personnages Ratinox (The Stainless Steel Rat) et Bill, le héros galactique (Bill, the Galactic Hero) (récemment porté à l’écran) qu’il a fait vivre dans plusieurs romans. Harry Harrison a eu sans doute plus d’influence en étant éditeur de plusieurs magazines publiant des nouvelles.
* La composition si particulière du Soleil vert n’était pas dans le roman. Cette facette a été introduite par le scénariste Stanley R. Greenberg.
* Soleil vert est le dernier film d’Edward G. Robinson. L’acteur était très malade pendant le tournage et en outre était devenu presque totalement sourd. Il est décédé en janvier 1973, avant même la sortie du film.
* Le jeu vidéo auquel joue la jeune femme dans l’appartement de Joseph Cotten est Computer Space. Ce jeu créé en 1971 par Nolan Bushnell (futur créateur d’Atari) est le premier jeu vidéo en machine d’arcades (à pièces). A l’époque du tournage, c’était le seul. Pong apparaitra quelques mois plus tard.

 

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer
Charlton Heston et Edward G. Robinson dans Soleil vert de Richard Fleischer

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer
Les camions-bennes anti-émeute à l’oeuvre dans un monde en proie à la surpopulation dans Soleil vert de Richard Fleischer.

2 janvier 2015

Poulet au vinaigre (1985) de Claude Chabrol

Poulet au vinaigreDans une petite ville de province, trois notables (le médecin, le notaire et le boucher) ont un projet d’opération immobilière juteuse. Mais ils se heurtent à l’obstination d’une femme invalide et de son fils facteur qui refusent de vendre leur maison…
Adapté d’un roman de Dominique Roulet, Poulet au vinaigre est le film qui a permis à Claude Chabrol de rebondir après une série de réalisations plus mineures pour la télévision. L’inspecteur Lavardin en est le personnage le plus remarquable, un policier atypique qui utilise des procédés très personnels et qui aime les oeufs au paprika (on peut toutefois être un peu circonspect face à ses méthodes de tortionnaire, on peut y voir là une certaine banalisation de la torture). Jean Poiret y excelle mais, pour Claude Chabrol, cette histoire est surtout l’occasion de dresser un portrait au vitriol (ou plutôt au vinaigre) de la bourgeoisie de province. Parmi les seconds rôles, Pauline Laffont est assez remarquable dans un style qui rappelle beaucoup sa mère.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Poiret, Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Topart, Lucas Belvaux, Pauline Lafont, Caroline Cellier
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Remarques :
* Le personnage de l’inspecteur Lavardin a été réutilisé par Chabrol l’année suivante pour Inspecteur Lavardin (1986). On le retrouvera également à la télévision à partir de 1988 dans une série de téléfilms de 90 mn : Les dossiers secrets de l’inspecteur Lavardin.

Poulet au vinaigre de Claude Chabrol

18 décembre 2014

Le crime était presque parfait (1954) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Dial M for Murder »

Le crime était presque parfaitAyant découvert que sa femme le trompe, un ancien champion de tennis a projeté de la tuer. Il a mis au point un plan qui lui permet d’avoir un alibi parfait et pour lequel il recrute les services d’un ancien camarade de collège au passé trouble… Bien qu’il soit l’un des films les plus connus d’Alfred Hitchcock, Le crime était presque parfait n’est guère apprécié du cinéaste (1). En panne sur un nouveau scénario alors qu’il devait un film à la Warner, il n’a en effet choisi de faire cette adaptation d’une pièce de théâtre que par défaut. Plutôt que d’en gommer les origines théâtrales, il les accentue : il situe tout le film dans une seule et unique pièce et va jusqu’à utiliser un plancher en bois pour garder l’impression d’une scène. Le plus extraordinaire est que l’on ne ressent jamais cet espace limité tant le scénario se déroule à la perfection. Le crime était presque parfait est un film de dialogues. La scène où Ray Milland prend au piège son ancien camarade de collège pour le forcer à exécuter son plan est assez remarquable : très longue et extrêmement passionnante, on ne raterait une phrase pour rien au monde. Le crime était presque parfait est sans aucun doute l’une des plus belles réussites de « théâtre filmé ». Il se revoit toujours avec le même plaisir.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ray Milland, Grace Kelly, Robert Cummings, John Williams, Anthony Dawson
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Remarques :
* La pièce originale a été écrite par Frederick Knott. Elle a été jouée 552 fois (10/1952 – 02/1954) ce qui en fait un franc succès. John Williams (le policier) et Anthony Dawson (le tueur) y tenaient le même rôle.
* Alfred Hitchcock a quelque peu modifié l’histoire : sans doute pour la rendre plus troublante, le cinéaste a rendu le mari plus sympathique que dans la pièce où il tuait sa femme surtout pour l’argent, la liaison de sa femme avec son amant étant terminée. De plus, le personnage de l’amant paraît ici bien superficiel et moins intelligent que le mari. La femme est particulièrement hypocrite. Sans doute, Hitchcock voulait-il faire germer en nous l’idée troublante que le mari méritait peut-être de réussir un plan si bien préparé…
* Cameo : Alfred Hitchcock est visible sur la photographie du banquet (environ à 12’30). A noter qu’il est assez net que les visages de Ray Milland, d’Anthony Dawson et d’Alfred Hitchcock ont été collés après coup sur une photo…
* Hitchcock souligne que les robes portées par Grace Kelly sont de couleurs vives au début du film et deviennent de plus en plus foncées au fur et à mesure que l’intrigue devient plus sombre.
* Dans certaines scènes, Hitchcock a placé la caméra dans une fosse pour accentuer l’effet de contre-plongée.
* Le crime était presque parfait a été tourné en 3D, version qui fut peu visible avant qu’elle ressorte en 1980.

Remake :
Meurtre parfait (A Perfect Murder) de Andrew Davis (1998) avec Michael Douglas et Gwyneth Paltrow.

Homonyme :
Le crime était presque parfait (The Unsuspected) de Michael Curtiz (1947) avec Claude Rains, Joan Caulfield et Audrey Totter.

(1) Lors de ses entretiens avec François Truffaut, Alfred Hitchcock dit « Nous pouvons passer rapidement sur ce film car il n’y a pas grand-chose à en dire » et ce n’est qu’à l’insistance de Truffaut qu’il consent à en parler un peu.

Le crime était presque parfait
La scène la plus célèbre du film Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock (de g. à d.: Anthony Dawson et Grace Kelly)

8 novembre 2014

La Dame du lac (1947) de Robert Montgomery

Titre original : « Lady in the Lake »

La dame du lacLe détective Phillip Marlowe (1) est chargé par la directrice de collection d’un grand éditeur de retrouver la femme disparue de son patron. Elle espère ainsi que son patron pourra divorcer de sa femme volage et l’épouser, elle… La Dame du lac est adapté d’un roman de Raymond Chandler. Ce film est entré dans l’histoire du cinéma comme étant le premier film entièrement réalisé en vision subjective c’est-à-dire que nous sommes à la place du détective privé et nous voyons ce qu’il voit. Les personnages s’adressent à nous en nous regardant, brisant ainsi le plus grand interdit du cinéma, le fameux « regard caméra ». Le seul moment où nous voyons le héros, c’est lorsqu’il se regarde dans une glace. C’est l’acteur Robert Montgomery qui a su convaincre la MGM de se lancer dans cette entreprise périlleuse et de lui en confier la réalisation (2). Le résultat est assez surprenant, assurément original, plutôt intense lors des tête-à-tête, parfois spectaculaire (lorsque l’on se prend un coup de poing en pleine figure par exemple). La dame du lac En revanche, le procédé peut encourager les acteurs à sur-jouer et le héros manque fatalement d’épaisseur. Entre outre, on peut penser que, assez paradoxalement, le procédé gêne, plus qu’il ne favorise, l’identification du spectateur avec le personnage puisque celui-ci a des réactions qui diffèrent de celles qu’il aurait eues ou, plus simplement, qu’il aimerait voir (3). Audrey Totter est superbe et fait une très belle prestation ; du fait de l’ « absence » du héros, elle est d’ailleurs le personnage le plus fort du film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Montgomery, Audrey Totter, Lloyd Nolan, Leon Ames
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Remarques :
* Avant La Dame du lac, plusieurs films comportaient quelques scènes en caméra subjective. On peut notamment citer le début de Docteur Jekyll et Mr. Hyde (1931) de Rouben Mamoulian. Orson Welles a eu, lui aussi, un projet de film entièrement en caméra subjective.

* Pour écrire l’adaptation, Raymond Chandler s’est en réalité basé sur trois de ses nouvelles : The Lady in the Lake (1939), Bay City Blues (1937) et No Crime in the Montains (1941).

* Dans une lettre à son ami Alex Barris, Raymond Chandler a un jugement très sévère sur le film : «  La technique oeil-de-la-caméra dans Lady in the Lake, c’est un vieux truc à Hollywood. Tous les jeunes scénaristes et les jeunes metteurs en scènes l’ont essayée. « Faisons de la caméra un personnage » ; à un moment ou à un autre, on a entendu ça à toutes les tables de Hollywood.  J’ai connu un type qui voulait que la caméra soit l’assassin ; et ça ne pourrait marcher qu’à condition de tricher énormément. La caméra est trop honnête. » Raymond Chandler dans Lettres, Ed. Christian Bourgeois ou 10/18.

La Dame du Lac - The Lady in the Lake

(1) Le prénom de Philip Marlowe est écrit avec deux « l » dans La dame du lac (inscriptions sur la fenêtre de son bureau dont l’ombre est énorme sur le mur). Est-ce de l’humour de la part de Montgomery ou le reflet de dissensions avec Chandler ? On ne le sait. Ce qui est clairement de l’humour en revanche, c’est le nom au générique de l’actrice interprétant Chrystal Kingsby et, en plus, ce surprenant jeu de mot est en français (il faut mieux éviter de le comprendre dans le générique de début car cela déflore l’énigme).

(2) Auparavant, Robert Montgomery n’avait réalisé qu’une partie de They Were Expendable de John Ford.

(3) On pourra objecter que le problème est le même pour un roman écrit à la première personne. Ce n’est pourtant pas vraiment le cas. La matérialité de l’image engendre des mécanismes différents d’identification. Notons également que, affranchis de ce problème de divergence héros/spectateur grâce à la possibilité d’une interactivité, les jeux vidéo ont réintroduit massivement le principe de la caméra subjective.

19 octobre 2014

La Femme du dimanche (1975) de Luigi Comencini

Titre original : « La donna della domenica »

La femme du dimancheA Turin, le commissaire Santamaria (Marcello Mastroianni) enquête sur le meurtre d’un architecte poseur et obsédé sexuel. Ses recherches le mènent directement à interroger des membres de la haute bourgeoisie de la ville, notamment Massimo Campi (Jean-Louis Trintignant) riche bourgeois homosexuel et son amie Anna Carla Dosio (Jacqueline Bisset) la jeune femme oisive d’un riche industriel… L’adaptation de ce best-seller de Carlo Fruttero et Franco Lucentini a été écrite par le fameux duo Age et Scarpelli. Certes, La Femme du dimanche n’est pas un des films majeurs de Luigi Comencini mais il constitue une intéressante tentative de mêler intrigue policière et analyse sociale. La femme du dimanche Alors que ses producteurs le pressaient d’en faire un film policier grand public, Comencini a su, en filigrane, mettre en évidence les rapports de classe dans une ville, Turin, où il y a environ 700 000 siciliens, les pauvres, et 300 000 turinois, les riches (1). Avec tant de talents réunis, on peut se demander pourquoi le film n’est au final pas plus convaincant. Peut-être est-ce du à la dose d’humour introduite qui nous pousse à ne pas prendre tout cela très au sérieux. De ce fait, La Femme du dimanche manque quelque peu de force mais son contenu assez subtil le rend intéressant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Jacqueline Bisset, Jean-Louis Trintignant, Aldo Reggiani
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Remarque :
* La musique est d’Ennio Morricone.

(1) Ces chiffres sont donnés par Jean-Louis Trintignant dans une interview télévisée à propos du film. (Voir…)

La Femme du dimanche (La donna della domenica)Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset dans La Femme du dimanche (La donna della domenica) de Luigi Comencini.

27 juillet 2014

Meurtre à Hollywood (1988) de Blake Edwards

Titre original : « Sunset »

Meurtre à HollywoodA la fin des années vingt, Tom Mix est une des plus grandes vedettes d’Hollywood avec son personnage de cowboy justicier. Son producteur fait venir Wyatt Earp comme conseiller sur un film. Le célèbre shérif et l’acteur vont se retrouver impliqués dans une histoire peu claire et face à un meurtre à résoudre… Sunset, Meurtre à Hollywood, est un film peu apprécié, le plus souvent qualifié de très mauvais. Serait-il pris trop au sérieux ? Car ce que Blake Edwards nous livre est avant tout une comédie, une comédie qui joue avec l’image que le cinéma se donne de lui-même. Parmi les grandes stars du cinéma muet, Tom Mix est en effet l’une des plus stéréotypées : dans ses films, tout lui réussit et quand il arrive sur son cheval blanc, les vilains ont du souci à se faire. Blake Edwards s’amuse à coller l’image du personnage sur l’acteur, un peu comme si on plaçait deux miroirs face à face. De son côté, Wyatt Earp est doté d’un tact et d’une intuition peu commune ; le tandem est donc redoutable. Mais tout cela n’est pas très sérieux et comme les personnages le disent eux-mêmes : « Tout est vrai, à un ou deux mensonges près (2)». Blake Edwards place par-dessus cela une intrigue policière à la Chandler, embrouillée juste ce qu’il faut et parsème le film de multiples clin d’oeils cinématographiques. Meurtre à Hollywood est un amusant divertissement où Blake Edwards joue avec l’image du cinéma. Il est étonnant qu’il soit si peu apprécié…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bruce Willis, James Garner, Malcolm McDowell, Mariel Hemingway
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Remarques :
* Le titre Sunset est probablement une plaisanterie : une réponse au Sunrise de Murnau…?

* Si le numéro burlesque interprété par le producteur à la cérémonie des Oscars s’inspire bien évidemment du personnage de Charlot, on ne peut considérer que le personnage du producteur est inspiré de Charles Chaplin… ne serait-ce que parce que Chaplin n’a jamais vraiment produit d’autres films que les siens (mis à part un film de Josef von Sternberg). D’ailleurs, l’histoire du bateau indiquerait plutôt Randolph Hearst… Ce personnage du producteur n’est certainement pas basé sur une seule personne réelle, c’est un mélange de plusieurs personnalités.

* Blake Edwards a fait une reconstitution de la première cérémonie des Oscars, ce qui place l’histoire précisément en 1929.