14 octobre 2021

Les Ruelles du malheur (1949) de Nicholas Ray

Titre original : « Knock on Any Door »

Les ruelles du malheur (Knock on Any Door)L’avocat Andrew Morton accepte de défendre le jeune Nick Romano accusé d’avoir tué un policier à la suite d’un petit hold-up qui a mal tourné. Il connait le garçon depuis plusieurs années et, comme lui, il vient d’un quartier pauvre. Nick nie avoir tué et il a un alibi…
Adapté du best-seller homonyme de Willard Motley, Knock on Any Door est le deuxième film réalisé par Nicholas Ray. Il est produit par la compagnie de production d’Humphrey Bogart créée pour l’occasion, Santana Productions. Le propos du film est de montrer le poids des origines sociales dans le développement de la délinquance, de dénoncer la brutalité de certaines maisons de correction,  il accuse la société de fabriquer des criminels ; c’est également un plaidoyer contre la peine de mort. Le récit principal est celui du procès mais il est émaillé de nombreux et longs flashbacks. La mise en scène de Nicholas Ray est précise. Le rôle du délinquant, qui devait être tenu par Marlon Brando, a finalement échu au jeune John Derek qui montre une belle présence. Mais le pivot central est bien entendu Humphrey Bogart qui incarne cet avocat humaniste avec brio et son discours final fait partie des plus célèbres séquences de plaidoirie. Du fait son propos engagé et marqué à gauche, le film fut plutôt assez mal reçu par la critique et le public.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, John Derek, George Macready, Barry Kelley
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Remarque :
* Dans la scène du restaurant, le pianiste est interprété par Dooley Wilson (le pianiste de Casablanca).
* On raconte que, lorsqu’il apprit qu’Humphrey Bogart avait créé sa propre société de production, Jack L. Warner, le patron de Warner Bros, est entré dans une colère noire car il craignait que d’autres acteurs-stars l’imitent, réduisant ainsi le pouvoir des grands studios et leurs contrôles sur les productions (c’est exactement ce qui arriva).

Les ruelles du malheur (Knock on Any Door)Humphrey Bogart et John Derek dans Les ruelles du malheur (Knock on Any Door) de Nicholas Ray.

Les ruelles du malheur (Knock on Any Door)George Macready, Humphrey Bogart, Barry Kelley et John Derek et dans Les ruelles du malheur (Knock on Any Door) de Nicholas Ray.

Les ruelles du malheur (Knock on Any Door)Humphrey Bogart et John Derek,
photo publicitaire pour Les ruelles du malheur (Knock on Any Door) de Nicholas Ray.

On peut remarquer les photos de bateaux et de mer qui ornent les murs du bureau de l’avocat. Rappelons que Humphrey Bogart avait un superbe voilier de course de 55 pieds (16m50) nommé… Santana. Le voilier est toujours pimpant, il est aujourd’hui la propriété de Wendy Schmidt, la femme du patron de Google Eric Schmidt. (lire…)

1 juillet 2019

La Main gauche du Seigneur (1955) de Edward Dmytryk

Titre original : « The Left Hand of God »

La Main gauche du SeigneurChine 1947, pendant la guerre civile. Habillé en prêtre, un homme se présente dans une mission isolée comme étant le tant attendu Père O’Shea. Il semble mal à l’aise avec ses devoirs sacerdotaux mais est rapidement accepté par tous…
Publié en 1950, ce roman de William Edmund Barrett avait aussitôt attiré l’attention de la Fox qui demanda à William Faulkner d’écrire une ébauche d’adaptation pour Howard Hawks. Jugé trop pâle pour être tourné, le projet refit surface quelques années plus tard, cette fois scénarisé par Alfred Hayes. Le film d’Edward Dmytryk réunit deux grandes stars qui sont alors toutes deux très éprouvées, physiquement (Bogart) ou moralement (Tierney), et dont la carrière s’arrêtera peu après. Si un certain mal à l’aise a perturbé leur jeu, cela  colle toutefois très bien avec leur personnage. Il est assez stupéfiant de voir que Bogart, malgré un habit qui ne lui est pas familier, a une forte présence (même si l’on sait, en le voyant porter une arme dès la première image, qu’il n’est pas un vrai prêtre). Hélas, l’ensemble est  bien terne et les rares scènes qui devraient se charger d’intensité tournent court : le meilleur exemple étant la partie de dés sur la place du village qui finit presque en pantalonnade. Sur le fond, l’histoire est aussi improbable que simplette dans sa « morale ». La Main gauche du Seigneur est finalement à voir plutôt comme une curiosité.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Gene Tierney, Lee J. Cobb, Agnes Moorehead, E.G. Marshall
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Remarques :
* Gene Tierney était alors psychologiquement très fragile, dépressive, éprouvée par une vie personnelle qui ne lui a apporté que des déceptions. Comme elle l’a raconté dans son autobiographie, Self-Portrait, terminer le tournage fut une véritable épreuve et Bogart s’en est aperçu : « Il a reconnu les signes, s’est rendu chez les patrons du studio et les a avertis que j’étais malade et que j’avais besoin d’aide… Ils ont suggéré à Bogart d’être gentil et prévenant, ce qu’il a été. Sa patience et sa compréhension m’ont portée tout au long du tournage. » Après ce film, l’actrice mettra sa carrière d’actrice de côté pour se soigner. La Main gauche du Seigneur reste son dernier premier rôle dans un film hollywoodien.

* La Main gauche du Seigneur fait partie des tous derniers films tournés par Humphrey Bogart dont le cancer était alors en phase terminale. L’acteur décédera en janvier 1957.

La Main gauche du SeigneurHumphrey Bogart et Gene Tierney dans La Main gauche du Seigneur de Edward Dmytryk.

7 mai 2019

La Maison des otages (1955) de William Wyler

Titre original : « The Desperate Hours »

La Maison des otagesTrois évadés, deux frères et une grosse brute, font irruption dans la maison d’une famille paisible où vivent quatre personnes : un garçonnet de neuf ans, une grande adolescente et leurs deux parents. Les gangsters disent vouloir attendre qu’un complice leur apporte de l’argent le soir même…
The Desperate Hours est l’adaptation du roman et de la pièce homonyme de Joseph Hayes, inspirés de faits réels. C’est l’avant-dernier film tourné par Humphrey Bogart. Il retrouve là un grand rôle de gangster en cavale à la Duke Mantee, le personnage qu’il interprétait dans The Petrified Forest (1936) qui lança sa carrière. La présence de Fredric March contribue à faire penser au film d’Archie Mayo. La situation de départ de Desperate Hours est simple mais génératrice de choix cornéliens pour les victimes : faut-il collaborer ou résister ? Après une mise en place rapide, le film développe un suspense intense et il faut attendre la toute fin pour que la tension retombe. Bogart maitrise parfaitement son rôle, l’épaissit d’une belle complexité et il n’y a que Fredric March qui ne fasse pâle figure face à lui. Il fait, lui aussi, une superbe prestation. De l’ensemble émane une certaine force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Fredric March, Arthur Kennedy, Martha Scott, Dewey Martin, Gig Young, Mary Murphy
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Remarques :
* L’idée originelle était de réunir Humphrey Bogart et Spencer Tracy mais, bien qu’ils soient grands amis, ils ne purent s’entendre sur l’ordre d’affichage de leurs noms sur l’affiche.
* A Broadway, la pièce était interprétée par Paul Newman, beaucoup plus jeune donc qu’Humphrey Bogart dans le film.

* Michael Cimino a tourné un remake, généralement peu apprécié : Desperate Hours (1990) avec Mickey Rourke et Anthony Hopkins.

Deperate hours
Mary Murphy, Humphrey Bogart et Martha Scott (en haut, à l’arrière-plan : Dewey Martin, Fredric March et Richard Eyer) dans un superbe plan de La Maison des otages de William Wyler.

28 septembre 2018

Passage pour Marseille (1944) de Michael Curtiz

Titre original : « Passage to Marseille »
Autre titre (Belgique) : « Cap sur Marseille »

Passage pour MarseillePendant la Seconde Guerre mondiale, le capitaine Freycinet raconte l’histoire de Jean Matrac à un correspondant de guerre venu faire un article sur les bases aériennes françaises en Angleterre. Tout a commencé lorsqu’un bateau faisant route de Panama vers Marseille a recueilli un petit groupe de naufragés…
Après le succès inattendu de Casablanca, la tentation fut grande pour la Warner de chercher à dupliquer cette réussite : même réalisateur, mêmes acteurs principaux, seule Michèle Morgan remplace Ingrid Bergman (1). Une nouvelle fois, il s’agit de mettre en avant la ferveur patriotique de personnes « ordinaires ». La mise en évidence de la volonté des français à résister à l’invasion allemande permettait en outre de préparer l’opinion américaine au Débarquement (le film est sorti au début de l’année 1944). Sur le plan du scénario, Passage to Marseille est l’un des rares films à utiliser trois niveaux de flashbacks (flashback dans un flashback, lui-même dans un flashback) et le faible succès du film est parfois attribué à cette construction jugée trop complexe. Il faut certainement plutôt accuser son scénario, souvent trop faible, reposant sur des clichés et le manque de conviction d’Humphrey Bogart qui traversait alors une période difficile (2). Les séquences les plus réussies sont celles se déroulant en Guyane. Par rapport à Casablanca, La romance, très en retrait, s’intègre moins bien dans l’ensemble, Michèle Morgan n’ayant qu’un rôle vraiment très réduit.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Claude Rains, Michèle Morgan, Sydney Greenstreet, Peter Lorre, Victor Francen
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(1) Michèle Morgan avait toutefois été pressentie pour Casablanca, avant Ingrid Bergman.
(2) Le troisième mariage d’Humphrey Bogart avec l’actrice Mayo Methot se termina en bataille rangée.

Passage to Merseille
Peter Lorre, Helmut Dantine, Humphrey Bogart et George Tobias dans Passage pour Marseille de Michael Curtiz.

Passage to Marseille
Humphrey Bogart et Michèle Morgan dans Passage pour Marseille de Michael Curtiz.

28 octobre 2017

Ouragan sur le Caine (1954) de Edward Dmytryk

Titre original : « The Caine Mutiny »

Ouragan sur le CaineEn 1944, le jeune enseigne Willis Keith est affecté sur le Caine, un navire à la discipline assez lâche. Un nouveau capitaine est nommé pour le reprendre en main. Pointilleux, perfectionniste au point de paraître maniaque, il est pris en grippe par ses officiers. L’un deux commence à insinuer que son comportement est celui d’un paranoïaque… Ouragan sur le Caine est adapté d’un best-seller d’Herman Wouk, prix Pulitzer en 1952. Sous l’impulsion du producteur Stanley Kramer, le scénario a amplifié la paranoïa du capitaine (dans le roman, il était surtout victime du stress des batailles) ce qui créa quelques difficultés pour avoir la coopération de la Navy, absolument nécessaire pour le tournage. Le scénario renvoie bizarrement les deux parties dos à dos et cache une charge assez virulente contre les intellectuels (qui prend une connotation particulière dans cette période de chasse aux sorcières). Humphrey Bogart trouve là un de ces rôles complexes qu’il recherchait dans les années cinquante. Il donne une interprétation assez appuyée, sans doute un peu trop, mais qui lui a valu une nomination aux Oscars. Le film ne donne pas dans la subtilité, assez caricatural, mais se révèle assez prenant tout de même. Ouragan sur le Caine fut un très gros succès et même l’un des plus gros succès de l’histoire de la Columbia.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, José Ferrer, Van Johnson, Fred MacMurray, Robert Francis, Lee Marvin
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Remarques :
* Le roman d’Herman Wouk fut également adapté en pièce, dont les représentations commencèrent quelques mois avant la sortie du film. La pièce ne montrait que le procès. Henry Fonda y tenait le rôle de l’avocat.
* Le film a inspiré un certain Maurice Micklewhite pour prendre comme nom d’artiste Michael Caine.
* Les cicatrices du visage de Van Johnson sont réelles, restes d’un grave accident automobile en 1943.
* Robert Francis s’est tué un an plus tard dans un accident d’avion (qu’il pilotait). Il n’avait que 25 ans et était considéré comme l’une des stars montantes. Il n’a tourné que 4 films (dont un John Ford).

Ouragan sur le Caine
Fred MacMurray, Humphrey Bogart, Robert Francis et Van Johnson dans Ouragan sur le Caine de Edward Dmytryk.

Ouragan sur le Caine

2 août 2017

Plus fort que le diable (1953) de John Huston

Titre original : « Beat the Devil »

Plus fort que le diableDans un petit village du sud de l’Italie, un petit groupe d’individus assez interlopes, visiblement en cheville, attendent d’embarquer sur un bateau qui doit les emmener en Afrique. Ils sont abordés par un couple d’anglais qui seront aussi du voyage… A côté des nombreux films majeurs que compte la filmographie de John Huston, Beat the Devil ne peut que paraître mineur. Il n’en est pas moins remarquable. L’adaptation de ce roman de Claud Cockburn a été quelque peu hasardeuse : le premier scénario fut jugé très mauvais et c’est Truman Capote qui sauva la production en le réécrivant au tout dernier moment et au fur à mesure du tournage. Le film est assez difficile à décrire si ce n’est comme un détournement parodique des codes du film de gangster. Cette cohabitation forcée d’un ensemble de personnalités très disparates donne des résultats assez saugrenus. L’ensemble baigne d’un humour qui frôle le nonsense et les dialogues de Truman Capote sont vraiment savoureux. Le film est une belle surprise. Mal présenté à sa sorti (l’affiche ci-contre en est un exemple : elle laisse présager un grand film d’aventures), le film fut un échec commercial.  Beat the Devil fut le sixième film de John Huston avec Humphrey Bogart. Ce fut hélas le dernier. John Huston aura la pénible charge d’écrire l’oraison funèbre de son ami Bogie deux ans plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Jennifer Jones, Gina Lollobrigida, Robert Morley, Peter Lorre, Edward Underdown
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Remarques :
* Le film est produit par Santana, la compagnie d’Humphrey Bogart.
* La plus grande partie du film a été tournée à Ravello, près d’Amalfi au sud de Naples.
* Une anecdote circule à propos de Beat the Devil : le jeune Peter Sellers aurait doublé Humphrey Bogart dans certaines scènes lorsqu’il eut les dents cassées dans un accident automobile. Le doublage est si bien fait qu’il est indétectable… (John Huston mentionne bien cet accident dans ses mémoires mais il a eu lieu avant le premier jour de tournage… Patrick Brion ajoute que Sellers aurait également doublé certains acteurs italiens qui n’avaient pas compris les directives qu’on leur donnait).
* Le film est tombé dans le domaine public et les copies qui circulent sont souvent tronquées ou de mauvaise qualité.

Beat the Devil
Humphrey Bogart et Jennifer Jones (en blonde!) dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Peter Lorre, Marco Tulli et Robert Morley dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Humphrey Bogart, Gina Lollobrigida et Edward Underdown dans Plus fort que le diable de John Huston (photo publicitaire).

24 février 2017

Tombe les filles et tais-toi! (1972) de Herbert Ross

Titre original : « Play It Again, Sam »

Tombe les filles et tais-toi!Critique passionné de cinéma, Allan Félix vient de se séparer de sa femme. Ses amis Linda et Dick le voyant déprimé font tout pour lui faire rencontrer d’autres jeunes femmes… Play It Again, Sam étant adapté d’une pièce écrite par Woody Allen et jouée par lui-même à Broadway en 1969, on peut se demander pourquoi le film n’est pas réalisé par Woody Allen (1). C’est d’autant plus étonnant qu’on retrouve dans ce film beaucoup de ses thèmes favoris à commencer par le sujet principal de cette histoire : la frontière entre réel et imaginaire. Allan Félix est influencé par l’univers des films qu’il adore et cherche à reproduire l’aisance de ses héros dans sa vie courante. Son modèle est Humphrey Bogart ; le film débute ainsi en le montrant bouche-bée devant la scène finale de Casablanca. Bogart lui apparaît de temps à autre pour lui prodiguer ses « conseils ». Plus que dans les premiers films qu’il a alors déjà réalisés, le personnage personnifié par Woody Allen est un trentenaire névrosé, grand consommateur de calmants et de séances de psy, sur lequel repose l’essentiel de l’humour. En ce sens, Play It Again, Sam est plus proche de ses futurs films (à partir d’Annie Hall) que de ses premiers films plus purement comique. Diane Keaton pleine d’empathie et Tony Roberts en ami workalcoholic (partout où il arrive, il commence par appeler son bureau pour dire à quel numéro il est joignable) sont très à l’aise dans leurs personnages. Souvent écarté des filmographies de Woody Allen, Play It Again, Sam est un petit bijou.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Diane Keaton, Tony Roberts, Jerry Lacy
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Remarques :
* Play It Again, Sam est l’un des rares films de Woody Allen ne se déroulant pas à New York. La pièce se passait à New York mais le film prend place à San Francisco, sans doute pour exploiter la « coolitude » qui y régnait à l’époque.
* Le titre français peut paraître un peu idiot. Les distributeurs français ont visiblement cherché à profiter du succès de Prends l’oseille et tire-toi (1969), sorti quelques mois auparavant en France (mi-1972). A noter que lorsque Francis Perrin a monté la pièce en français en 1992, il lui a donné le titre Une aspirine pour deux.
* Jerry Lacy avait déjà fait office de sosie de Bogart dans certaines publicités avant de jouer dans la pièce.
* Au chapitre « cassons joyeusement les mythes » : la phrase « Play it again, Sam » n’est à aucun moment prononcée par Humphrey Bogart (ou par quelqu’un d’autre) dans Casablanca.

(1) Woody Allen explique qu’il était passé à autre chose quand il fut question de porter sa pièce à l’écran : il travaillait alors à la préparation de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander) et, à ses yeux, Play It Again, Sam faisait partie du passé. D’autant plus, qu’il fut d’abord envisagé de le faire jouer par d’autres acteurs ; ce n’est qu’ensuite que les producteurs firent appel aux acteurs originaux de la pièce (Allen, Keaton, Roberts, Lacy).

Plat it again Sam
Diane Keaton et Woody Allen dans Tombe les filles et tais-toi! de Herbert Ross.

Play it again Sam
Tony Roberts et Woody Allen dans Tombe les filles et tais-toi! de Herbert Ross.

23 février 2017

Les cadavres ne portent pas de costard (1982) de Carl Reiner

Titre original : « Dead Men Don’t Wear Plaid »

Les cadavres ne portent pas de costardLes affaires sont calmes pour le détective John Forrest lorsqu’une cliente frappe à sa porte. Il s’agit de la fille d’un scientifique renommé (et fabriquant de fromages) qui vient de périr dans un accident automobile. Elle pense qu’il a été assassiné… L’idée a germé dans les esprits de Carl Reiner, George Gipe et Steve Martin : faire un film parodique qui incorporerait des extraits de films noirs des années quarante. Bien évidemment, il fallait que le film soit en noir et blanc et c’est grâce à l’usage subtil des champs-contrechamps que l’illusion est créée :  nous avons l’impression que ces acteurs des années quarante donnent la réplique à Steve Martin. L’histoire est totalement farfelue, elle est surtout un prétexte non seulement pour inclure les différents extraits mais aussi pour placer une multitude de clins d’œil qu’il est impossible de tous repérer tant il y en a. Les scénaristes ont toutefois réussi à introduire de très bons gags, le plus célèbre étant cette méthode si particulière  de Rachel Ward pour extraire les balles. La voix off contribue à recréer l’atmosphère des films de détective privé. Steve Martin ressemble plus que jamais à Dana Andrews mais l’acteur a pris soin de ne pas calquer son jeu sur tel ou tel acteur pour éviter le mimétisme (par exemple, il aurait pu se gratter l’oreille et on se serait tous pâmé… mais non, il ne le fait pas). Face à lui, Rachel Ward ne présente aucune ressemblance particulière ; par ailleurs, on peut se demander pourquoi il a été choisi de lui laisser une coupe de cheveux typique des années soixante-dix. Même si on ne peut nier que Les cadavres ne portent pas de costard est un film pour cinéphiles (si on ne reconnait pas les acteurs, l’humour tombe, c’est inévitable), il est au final très amusant et unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Martin, Rachel Ward, Carl Reiner
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Remarques :
* L’humour du titre ne passe pas vraiment dans la traduction : « plaid » (morceau de tissu écossais porté) peut être un costume, certes, mais un costume en tissu écossais (qu’il faut être américain pour porter, soit-dit en passant !) Or, les cadavres sont toujours habillés à la morgue avec un costume plus habillé qu’un « plaid ». Une meilleure traduction aurait pu être « Les cadavres ne portent pas de blouson vert » ou  même « Les cadavres portent toujours un costard ». 🙂
* Ceci dit, le titre n’a pas de sens particulier (même si Steve Martin arrive à le placer dans une scène). C’est une parodie des titres de romans policiers.
* La série Dream On a repris un peu le principe dans les années 90 mais différemment : les extraits de films servent à exprimer les pensées intérieures du personnage principal.

Les cadavres ne portent pas de costard
Rachel Ward et Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Les cadavres ne portent pas de costard
Steve Martin censé faire face à Ingrid Bergman dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner.

Acteurs /extraits de films :
– Alan Ladd dans Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
– Barbara Stanwyck dans Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, wrong number) d’Anatole Litvak et Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– Ray Milland dans Le Poison (The Lost Weekend) de Billy Wilder
– Ava Gardner dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak et L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard
– Burt Lancaster dans Les tueurs (The killers) de Robert Siodmak
– Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Le Violent (In a Lonely Place) et Les Passagers de la nuit (Dark Passage)
– Cary Grant dans Soupçons (Suspicion) d’Alfred Hitchcock
– Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock
– Veronica Lake dans La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
– Bette Davis dans Jalousie (Deception) d’Irving Rapper
– Lana Turner dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy et Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
– Edward Arnold dans Johnny, roi des gangsters (Johnny Eager) de Mervyn LeRoy
– Kirk Douglas dans L’Homme aux abois (I Walk Alone) de Byron Haskin
– Fred MacMurray dans Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
– James Cagney dans L’enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
– Joan Crawford dans Humoresque de Jean Negulesco
– Charles Laughton et Vincent Price dans  L’Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Léonard

Les cadavres ne portent pas de costard
A gauche : Dana Andrews dans Laura (1944). A droite : Steve Martin dans Les cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner. Je suis étonné que personne ne mentionne cette ressemblance vraiment frappante (que Carl Reiner a certainement cultivée).

22 novembre 2016

Dernier Round (1937) de Michael Curtiz

Titre original : « Kid Galahad »

Le Dernier roundUn manager de boxe se sépare de son meilleur poulain qui s’était laissé acheter par son concurrent aux méthodes de gangster. Il ne tarde pas à lui trouver un remplaçant, un groom de son hôtel, jeune garçon naïf et séduisant… Kid Galahad mêle deux genres de prédilection de la Warner : le film de gangsters et le film de boxe. Il retient l’attention par son beau plateau d’acteurs sous la direction efficace de Michael Curtiz. Edward G. Robinson et Bette Davis ne se sont pas très bien entendu, l’acteur tentant dès le premier jour de la faire remplacer et persistant jusque dans ses mémoires à déclarer qu’elle ne savait pas jouer. L’actrice fait pourtant preuve de beaucoup de présence à l’écran avec une indéniable personnalité. Elle illumine le film. Humphrey Bogart a son rôle habituel, d’avant sa notoriété du moins (qui viendra deux ou trois ans plus tard), celui d’un gangster antipathique, destiné à mourir sans gloire. Warner mettait alors beaucoup d’espoir dans le jeune Wayne Morris dont la carrière sera stoppée par la guerre pour rester ensuite cantonnée dans les rôles mineurs. La censure fut très vigilante pour que soit gommé tout ce qui aurait laissé supposer une relation entre le jeune boxeur et l’amie de son manager. Le déroulement de l’histoire est sans grande surprise, l’intérêt du film étant plus dans son interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edward G. Robinson, Bette Davis, Humphrey Bogart, Wayne Morris, Jane Bryan, Harry Carey
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Remakes :
The Wagons Roll at Night de Ray Enright (1941) avec Humphrey Bogart et Sylvia Sydney (histoire transposée dans le monde du cirque, Bogart ayant un meilleur rôle)
Kid Galahad (Un direct au coeur)de Phil Karlson (1962) avec Elvis Presley en boxeur.
Après ce film Paramount, Warner a renommé le sien The Battling Bellhop pour éviter toute confusion entre les deux films.

Homonyme français :
Le dernier round (Battling Butler) de Buster Keaton (1926) vec Buster Keaton, adaptation d’une comédie musicale anglaise.

Kid Galahad
Harry Carey, Wayne Morris et Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz.

Kid Galahad
Bette Davis et Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz.

Kid Galahad
Humphrey Bogart face à Edward G. Robinson dans Dernier Round de Michael Curtiz (au centre : William Haade).

21 novembre 2016

Le Mystérieux docteur Clitterhouse (1938) de Anatole Litvak

Titre original : « The Amazing Dr. Clitterhouse »

Le Mystérieux docteur ClitterhouseMembre de la haute société new-yorkaise, le Dr Clitterhouse est passionné par ses recherches personnelles sur le comportement des gangsters, à un point tel qu’il décide d’en devenir un pour faire ses mesures cliniques in-situ… Le Mystérieux docteur Clitterhouse est adapté d’une pièce de l’anglais Barré Lyndon. Il s’agit d’une comédie qui prend place dans le monde criminel. Elle permet ainsi à Warner Bros de tenter de renouveler le genre du film de gangsters qui était bridé par le nouveau code de censure. L’histoire est parfaitement loufoque avec un style d’humour plutôt british : le farfelu est exposé avec le plus grand sérieux apparent. Edward G. Robinson, qui a l’époque faisait tout pour s’écarter de son image de gangster, s’amuse visiblement beaucoup à interpréter ce cambrioleur brillant qui fait sans arrêt des prises de sang à ses hommes de main et Claire Trevor, pas une seconde crédible en chef de bande, prend son rôle très au sérieux. Troisième sur l’affiche, Bogart a écopé du rôle le plus antipathique. L’acteur a déclaré plus tard que c’était le film qu’il détestait le plus. Il est vrai que son personnage n’a pas grand-chose pour lui… Le Mystérieux docteur Clitterhouse a l’apparence du film de gangsters, le goût d’un film de gangsters mais ce n’est pas un film de gangsters ce qui lui vaut de ne pas toujours être bien apprécié :  beaucoup lui reprochent de ne pas être crédible. Il ne l’est effectivement absolument pas (et heureusement d’ailleurs).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Edward G. Robinson, Claire Trevor, Humphrey Bogart, Donald Crisp, Gale Page
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Remarques :
* Sur scène, le rôle du docteur était tenu par l’anglais Cedric Hardwicke (aussi bien à Londres qu’à New York).
* L’adaptation a été écrite par John Wexley et John Huston.

The Amazing Dr. Clitterhouse
Edward G. Robinson et Humphrey Bogart dans Le Mystérieux docteur Clitterhouse de Anatole Litvak.

The Amazing Dr. Clitterhouse
Claire Trevor et Humphrey Bogart dans Le Mystérieux docteur Clitterhouse de Anatole Litvak.

The Amazing Dr. Clitterhouse
Edward G. Robinson et Gale Page dans Le Mystérieux docteur Clitterhouse de Anatole Litvak.