21 octobre 2013

Les Contes de la lune vague après la pluie (1953) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Ugetsu monogatari »

Les contes de la lune vague après la pluieDans le Japon du XVIe siècle secoué par des guerres civiles, deux villageois se séparent de leur femme : l’un est potier et désire profiter de la guerre pour vendre ses poteries à la ville et devenir riche, l’autre est paysan et rêve de devenir un grand samouraï… Les Contes de la lune vague après la pluie s’inspire de plusieurs histoires écrites en 1776 par Ueda Akinari dans ses Contes de pluie et de lune (Ugetsu monogatari), un grand classique de la littérature japonaise. Nous suivons le parcours de deux hommes aiguillonnés par l’attrait de la richesse ou des honneurs au point de les aveugler et de causer leur perte. La guerre agit comme un catalyseur : la guerre semble offrir des opportunités (de gloire et/ou de richesse) mais en réalité elle n’apporte qu’exactions, famine et destruction. Le film fustige ainsi autant la guerre que la cupidité. Les Contes paraît moins centré sur le destin de la femme que les films précédents de Mizoguchi : ici, même si la femme est la raison d’être des rêves des grandeurs de l’homme et si elle est la première à en subir les funestes conséquences, c’est l’homme que nous suivons et qui est montré comme une victime. Les contes de la lune vague après la pluie Une grande partie du charme des Contes de la lune vague après la pluie vient de la réunion de deux mondes : le réel et le surnaturel s’entremêlent subtilement par l’esthétisme de la mise en scène, par la délicatesse des mouvements de caméra (notamment ses fameux travelings latéraux), par la beauté de certaines scènes (le lac, le temple, etc.). Tous ces éléments contribuent à nous envelopper d’une atmosphère unique, entre songe et réalité. Depuis 60 ans, Les Contes de la lune vague après la pluie est le film le plus connu de Mizoguchi. Il nous enthousiasme toujours autant aujourd’hui, il fait partie de ces films sur lesquels le temps ne semble pas avoir de prise.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Machiko Kyô, Mitsuko Mito, Kinuyo Tanaka, Masayuki Mori, Eitarô Ozawa
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenji Mizoguchi sur le site IMDB.

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Remarques :
Les contes de la lune vague après la pluie* Les Contes de pluie et de lune de Ueda Akinari est un recueil de neuf contes fantastiques : Shiramine, Le Rendez-vous aux chrysanthèmes, La Maison dans les roseaux, Carpes telles qu’en songe…, Buppôsô, Le Chaudron de Kibitsu, L’Impure Passion d’un serpent, Le Capuchon bleu, Controverse sur la misère et la fortune.
* Un conte de Guy de Maupassant a également été source d’inspiration pour l’écriture du scénario.
* (Attention ce qui suit dévoile en partie la fin du film)
Kenji Mizoguchi n’a pu tourner la fin qu’il désirait. Le scénario prévoyait que Tobei, samouraï indûment glorieux, profite durablement des honneurs et de sa nouvelle vie tandis que Genjiro ne rentrait pas dans son village et ne se repentait à aucun moment. Mizoguchi désirait ainsi montrer à quel point l’homme et la société étaient perverties. Les studios Daiei refusèrent cette fin trop noire et imposèrent un dénouement plus moralisateur. Mizoguchi en fut assez affecté et critiqua profondément son film quelque temps après sa sortie dans une interview.
* Le film remporta le Lion d’argent à Venise de 1953 (cette année-là, il n’y eut pas de Lion d’or) et devint ainsi l’un des rares films japonais à être largement connus en Occident dans le sillage de Rashômon de Kurosawa.
* A sa sortie au Japon, le film fut assez peu remarqué. Ce n’est qu’après l’excellent accueil reçu en Occident qu’il fut mieux considéré en son pays.

* Les Contes de la lune vague après la pluie est plus précisément tiré de deux des neuf contes du recueil d’Ueda Akinari : La Maison dans les roseaux,et L’Impure Passion d’un serpent.
La Maison dans les roseaux relate l’histoire d’un commerçant qui laisse sa femme dans son village pour aller faire des affaires à la ville. La guerre civile l’empêche de revenir et ensuite ses revers de fortune l’en éloignent encore plus. Ce n’est que sept plus tard qu’il revient dans son village mais c’est le fantôme de sa défunte femme qui l’accueille.
L’Impure Passion d’un serpent raconte comment le dernier fils d’un important pêcheur fait la rencontre d’une très belle jeune femme. Il se rend chez elle et elle lui fait don d’un sabre de samouraï qui s’avère être un sabre dérobé dans un monastère. Lorsque le fils revient à la maison de la jeune femme, la demeure est délabrée et envahie par la verdure. Il réalise qu’il a été victime d’un démon et se rend dans sa famille éloignée. Partout où il va, il rencontre la même jeune femme qui tente de l’attirer et qui, une fois démasquée, reprend une forme de serpent. Le fils ne parvient à se débarrasser de ce sortilège qu’avec l’aide d’un grand prêtre.

19 octobre 2013

La Vie d’O’Haru, femme galante (1952) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Saikaku ichidai onna »

La vie d'O'Haru femme galanteAu XVIIe siècle, O’Haru est Dame d’honneur à la cour impériale de Kyoto. Après s’être laissé courtiser par un homme de moindre rang que le sien, elle est chassée et exilée à la campagne avec sa famille… La Vie d’O’Haru femme galante est adapté d’un roman écrit en 1686 par Saikaku Ihara, écrivain très connu au Japon. Il retrace le parcours d’une femme qui va connaitre la déchéance, passant par de nombreuses situations mais subissant à chaque fois des règles sociales faites pour les hommes et où la femme ne reçoit aucune considération. C’est donc une profonde critique de la société et du comportement des hommes de cette époque féodale, certes révolue au moment où Mizoguchi tourne son film mais qui trouve des prolongements dans notre société moderne. L’art de Mizoguchi est de traiter cette histoire sans mélodrame, montrant avec une belle simplicité et même un certain dépouillement cette fatalité subie. Il se dégage une indéniable beauté de ses images où tout parait à la fois simple et parfait et le propos ne prend que plus de force. Kinuyo Tanaka montre beaucoup de retenue et de délicatesse dans son interprétation. A noter que Mizoguchi ne fait pas vieillir son personnage tout au long du récit ce qui donne un caractère atemporel au film.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Tsukie Matsuura, Ichirô Sugai, Toshirô Mifune, Daisuke Katô
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Remarques :
* C’est avec La Vie d’O’Haru femme galante que l’Europe a découvert Mizoguchi lors du Festival de Venise en 1952. Auparavant, Kurosawa était le seul cinéaste japonais connu (depuis peu) en Occident.
* Le film a été tourné avec un budget très réduit, forçant Mizoguchi à utiliser un entrepôt au lieu d’un véritable studio. Le bruit des trains d’une voie ferrée proche obligeait à interrompre fréquemment le tournage.
* Le court rôle de Toshirô Mifune dans ce film sera la seule participation de l’acteur à un film de Mizoguchi.

Pour en savoir plus sur l’écrivain Ihara Saikaku (1642-1693) : lire….

18 octobre 2013

Miss Oyû (1951) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Oyû-sama »
Autres titres français : « Mademoiselle Oyû », « Madame Oyû »

Madame OyûJapon, fin de l’ère Meiji (1). Lorsque Shinnosuke est présenté à Shizu en vue d’un mariage, il est ébloui par sa soeur Oyû, plus âgée. Bien qu’elle soit veuve, les conventions empêchent toutefois cette dernière de se marier car elle reste liée à son défunt mari par l’enfant qu’ils ont eu ensemble… Miss Oyû est adapté d’un roman à succès des années trente de Jun’ichirô Tanizaki. Ce triangle amoureux est rendu très puissant par la force des sentiments et la mise en scène, belle et épurée de Mizoguchi. C’est essentiellement un double portrait de femme, le personnage masculin étant, comme souvent chez Mizoguchi, particulièrement faible : ce sont les femmes qui décident pour lui. Il recherche avant tout la mère qu’il n’a que très peu connue. Les personnalités d’Oyû et de sa jeune soeur sont bien plus développées, fortes sans être complexes. Mizoguchi filme avec une certaine épure, avec une caméra qui sait se faire mobile (travelings latéraux) quand il faut et des cadrages qui jouent avec la distance ou la proximité. Miss Oyû est souvent considéré comme mineur dans la filmographie de Mizoguchi mais cette alliance (tant recherchée par les cinéastes) de force et de simplicité rend ce film assez remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Nobuko Otowa, Yûji Hori
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(1) L’ère Meiji est la période historique du Japon qui va de 1868 à 1912, sous le règne de l’Empereur Meiji. Cette période qui a vu l’ouverture du pays sur le monde extérieur est celle qui a le plus inspiré écrivains et cinéastes.

17 octobre 2013

Spéciale première (1974) de Billy Wilder

Titre original : « The Front Page »

Spéciale premièreC’est la veille de l’exécution d’un soi-disant dangereux extrémiste que l’excellent journaliste Hildy Johnson annonce son départ : il va se marier. Mécontent de perdre son meilleur élément, son rédacteur en chef est prêt à tout pour le retenir… Après l’insuccès d’Avanti, Billy Wilder est à la recherche d’un sujet susceptible de plaire à un large public. Il choisit d’adapter la pièce de Ben Hecht The Front Page déjà porté à l’écran par deux fois. Alors qu’Howard Hawks avait brillamment réussi en s’éloignant quelque peu de la pièce originale, Billy Wilder s’en rapproche et c’est peut-être pour cette raison que le film semble assez retenu, comme prisonnier de son format originel, il semble manquer l’étincelle qui le porterait très haut. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a pourtant choisi un duo d’acteurs qui a toujours bien fonctionné, Walter Matthau et Jack Lemmon, mais ils ont trop peu de scènes ensemble. Le résultat reste fort plaisant, le rythme est enlevé et le ton très caustique : le propos est de fustiger une certaine presse peu scrupuleuse de relater la vérité et les hommes politiques passablement corrompus. L’humour joue beaucoup avec la tromperie. Spéciale première ne rencontrera pas le succès attendu et Billy Wilder se jura alors de ne plus réaliser de remakes (1).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Walter Matthau, Susan Sarandon, David Wayne, Austin Pendleton, Carol Burnett
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Autres adaptations de la pièce de Ben Hecht :
The Front Page de Lewis Milestone (1931) avec Pat O’Brien dans le rôle du journaliste et Adolphe Menjou dans le rôle du patron de journal.
La Dame du vendredi (His Girl Friday) de Howard Hawks (1940) avec Rosalind Russell(la journaliste) et Cary Grant (le patron).
Switching Channels (Scoop) de Ted Kotcheff (1988) avec Kathleen Turner (la journaliste) et Burt Reynolds (le patron)

(1) Pourtant son dernier film en sera un : Buddy Buddy (1981) est un remake du film d’Edouard Molinaro L’Emmerdeur.

16 octobre 2013

A Girl in Every Port (1952) de Chester Erskine

A Girl in Every PortBenny et Tim sont des marins qui sont souvent consignés pour leurs frasques. Cette fois, l’un deux achète un cheval de course après avoir appris qu’il héritait d’une vieille tante. Ils découvrent que ce cheval est boiteux mais qu’il a un jumeau que possède une jeune serveuse…
A Girl in Every Port est le troisième film de Groucho Marx sans ses frères (1). Le scénario est assez farfelu, il est adapté d’une histoire publiée par Frederick Hazlitt Brennan. Groucho forme ici un duo avec William Bendix dans le rôle du comparse un peu simplet et c’est Marie Wilson qui apporte une touche assez appuyée de charme féminin. Le résultat est tout de même un peu décevant, nous sommes loin des films des trois frères, Groucho n’a plus son habituel allant et son habituelle vivacité dans les jeux de mots. A Girl in Every Port a néanmoins de bons passages.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Groucho Marx, Marie Wilson, William Bendix, Gene Lockhart
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Remarque :
Une particularité : Groucho Marx prend sa guitare pour interpréter My Bonnie en duo avec William Bendix à la mandoline. Tout comme Chico avec le piano et Harpo avec la harpe, Groucho était un instrumentiste expert à la guitare mais rares sont les scènes où il en joue dans ses films.

Homonyme (sans autre lien que le titre) :
A Girl in Every Port (Une fille dans chaque port) d’Howard Hawks (1928) avec Victor McLaglen et Louise Brooks.

(1) Les deux précédents films de Groucho en solo  :
Copacabana d’Alfred E. Green (1947) avec Goucho Marx et Carmen Miranda
Une veine de… (Double Dynamite) de Irving Cummings (1951) avec Groucho Marx, Jane Russell et Frank Sinatra.

15 octobre 2013

Que la fête commence… (1975) de Bertrand Tavernier

Que la fête commence...En 1719, la France est gouvernée par le Régent Philippe d’Orléans, libéral et réformiste. Son ministre l’abbé Dubois l’incite à sévir contre le marquis de Poncallec, un noble sans le sou qui tente d’organiser un soulèvement en Bretagne contre les impôts et les déportations forcée vers la Louisiane… Pour son deuxième long métrage, Bertrand Tavernier choisit une période de transition de l’Histoire de France. Il dépoussière le « film à costumes » : Que la fête commence… est un film très vivant qui foisonne de détails, d’intrigues et de personnages. C’est un portrait très réaliste de la France de cette époque. L’interprétation est parfaite : Philippe Noiret en régent lucide, désabusé, également libertin et organisateur d’orgies, Jean Rochefort en ministre cynique, avide d’honneurs, incapable de la moindre compassion, Jean-Pierre Marielle en idéaliste plein de fougue. Les seconds rôles sont très nombreux et tout aussi bien tenus. La caméra de Tavernier est mobile, elle participe à ce bouillonnement. Que la fête commence…est une belle réussite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Christine Pascal, Marina Vlady, Nicole Garcia
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Remarque :
On note la présence dans des petits rôles de Thierry Lhermitte (le comte de Horn), de Christian Clavier (le valet de l’auberge), de Gérard Jugnot (un homme à pied), de Michel Blanc (le valet de chambre de Louis XV), de Jean-Roger Caussimon (Le cardinal), de Marcel Dalio (un noble suffocant au repas), de Jean-Jacques Moreau (paysan dans la scène finale), de Brigitte Roüan (une prostituée) et également de Daniel Duval (mirebalais dans les orgies) qui nous a quitté il y a quelques jours.

14 octobre 2013

Un vrai crime d’amour (1974) de Luigi Comencini

Titre original : « Delitto d’amore »

Un vrai crime d'amourA Milan, Carmela et Nullo se sont croisés à l’usine où ils travaillent et sont tombés instantanément amoureux l’un de l’autre. Il est lombard et syndicaliste. Elle est sicilienne… Ecrit par Comencini et Ugo Pirro, Un vrai crime d’amour est un film qui va beaucoup plus loin qu’attendu. Sous couvert d’un mélodrame reprenant certains des codes du genre, Comencini aborde plusieurs des grands problèmes de l’Italie des années soixante-dix : le déracinement des italiens du sud qui vont chercher du travail au nord, le mépris des italiens du nord envers les italiens du sud du fait des différences de culture, l’émancipation des femmes, la pollution industrielle destructrice du cadre de vie, les conditions de travail dans les usines. On peut y ajouter l’immobilier avec ses grands ensembles impersonnels et la société de consommation puisque l’usine produit un objet dont l’utilité n’est pas évidente (1). L’histoire d’amour donne des atours grand public à ce propos engagé, presque militant, et en décuple la portée. Cela peut aussi dérouter puisque, à sa sortie, le film a été laminé par la critique italienne, de droite comme de gauche (2), et a été peu remarqué lors de son passage à Cannes. Pourtant Comencini parvient ici à un très bel équilibre empreint d’humanisme. Ses deux personnages sont particulièrement attachants.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Giuliano Gemma, Stefania Sandrelli
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(1) L’usine produit une sorte de cylindre métallique creux d’une vingtaine de centimètres, qui pourrait ressembler à une douille d’obus. La jeune fille se pose la question de son utilité : « Je me demande si nous n’en produisons pas trop ». « Ne t’inquiète pas pour cela » lui répond son fiancé, « s’il nous les font produire, c’est qu’ils les vendent. »

(2) Luigi Comencini : « On retrouve là une vieille polémique : si les films ne sont pas intellectuels, ils ne sont pas de gauche. Les histoires simples ne sont pas bonnes parce qu’elles sont populaires et que donc elles sont trop faciles. » (Entretien avec Jean A. Gili, octobre 1974)

12 octobre 2013

Folies olympiques (1932) de Edward F. Cline

Titre original : « Million Dollar Legs »

Folies olympiquesDans la petite république de Klopstokio, les caisses sont vides. Pour éviter d’être renversé par ses adversaires, le président (W.C. Fields) forme une équipe olympique pour participer aux jeux de Los Angeles. En effet, tous les habitants sont de grands sportifs aux capacités étonnantes. Mais les comploteurs engagent l’intrigante Mata Machree, la femme à laquelle aucun homme ne résiste, pour les faire échouer… Million Dollar Legs est un film étonnant. C’est certainement le film où W.C. Fields pousse le plus loin l’humour nonsense. Il va plus loin que les Marx Brothers qui n’aurait certainement pas renié un tel film. On peut même parler d’humour surréaliste Folies olympiques (d’ailleurs le film a été applaudi par Man Ray). Le scénario a été écrit par le jeune (22 ans) Joseph Mankiewicz, avec l’aide d’Henry Myers. Le futur réalisateur a laissé sa créativité s’exprimer pour créer des situations totalement loufoques. Million Dollar Legs est assez court, 64 minutes, et le rythme est enlevé, il n’y a pas de temps mort. L’humour de Million Dollar Legs a totalement dérouté le public américain de l’époque qui l’a ignoré mais le film connut un certain succès en Europe, notamment en France. Aujourd’hui, sa vision étonne encore : une belle petite perle d’humour surréaliste.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Oakie, W.C. Fields, Andy Clyde, Lyda Roberti, Susan Fleming, Ben Turpin
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Remarques :
* Propos de Joseph L. Mankiewicz : « Million Dollar Legs passa à Paris pendant deux ans, tandis qu’en Amérique il était pratiquement inconnu et l’est resté. Personne n’en a entendu parler, sauf les gens du Museum of Modern Art. Cependant, pendant des années, la réputation que j’avais en tant que scénariste venait de ce film et de son succès en France. » (Entretien pour les Cahiers du Cinéma n°178, mai 1966)

* C’est parce que les jeux olympiques se tenaient à Los Angeles en 1932 que la Paramount eut l’idée de commander un scénario exploitant cet évènement.

Homonyme :
Million Dollar Legs de Nick Grinde et Edward Dmytryk (1939), comédie de la Paramount avec Betty Grable sans autre point commun que le titre (et qu’il y est aussi question de sport). Le fait de réutiliser le titre montre le désintérêt total de la Paramount pour la comédie de W.C. Fields.

11 octobre 2013

Noix de coco (1929) de Robert Florey et Joseph Santley

Titre original : « The Cocoanuts »

The CocoanutsA l’époque de la bulle immobilière des années vingt en Floride, un directeur d’hôtel tente de vendre aux enchères des terrains marécageux… The Cocoanuts est le premier film des Marx Brothers, basé sur leur show du même nom qui avait connu un immense succès à Broadway et dans le reste du pays. C’est un musical, c’est-à-dire que régulièrement des chansons ou des danses de chorus grils à la chorégraphie élaborée viennent ponctuer le récit assez farfelu et plein d’humour. C’est surtout Harpo et Groucho qui sont les plus actifs, Chico étant ici plutôt discret (très beau morceau de piano toutefois) et Zeppo quasi inexistant. Les dialogues entre Groucho et Margaret Dumont sont comme toujours assez savoureux. Le film a été tourné au tout début du parlant et donc les caméras sont statiques. The Cocoanuts est le film des Marx Brothers le plus mal conservé, certains (courts) passages sont un peu détériorés. Cela ne l’empêche pas d’être toujours très amusant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Groucho Marx, Harpo Marx, Chico Marx, Zeppo Marx, Oscar Shaw, Mary Eaton, Kay Francis, Margaret Dumont
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Remarques :
* Peu habitués à se voir au cinéma, les Marx Brothers furent si mécontents du résultat qu’ils proposèrent de racheter les négatifs pour les brûler.
* Robert Florey est un français (alors âgé de 29 ans) qui avait été assistant de Louis Feuillade avant d’émigrer aux Etats-Unis au début des années vingt.
* The Cocoanuts est le premier film avec un plan sur des danseuses filmées du dessus afin de former des motifs kaléidoscopiques. Busby Berkeley utilisera largement ce type de vision par la suite.
* Reprise de nombreuses fois dans le film, la chanson When my Dreams Come True composée par Irving Berlin n’a pas été le hit escompté.
* Les caméras étaient alors enfermées dans un grand caisson insonorisant qui empêchaient tout mouvement et tout panoramique latéral. Des traits à la craie avaient été tracés sur le sol pour que les personnages ne sortent pas du champ. Beaucoup de scènes ont été tournées avec cinq caméras pour permettre d’avoir plusieurs plans.
* Pour que les paroles soient bien compréhensibles, les micros d’alors étaient poussés au maximum et de ce fait les bruitages étaient enregistrés trop forts. C’est ainsi que tous les papiers étaient détrempés avant de tourner afin qu’ils ne fassent aucun bruit. C’est particulièrement visible lors de la fameuse scène entre Groucho et Chico avec la grande carte (« Viaduct… why a duck ? »).

Homonyme :
Noix de coco de Jean Boyer (1939) avec Raimu et Michel Simon

10 octobre 2013

Quatorze Juillet (1933) de René Clair

Quatorze JuilletA Paris, Jean, jeune chauffeur de taxi, et la vendeuse de fleurs Anna sont voisins. Ils sont attirés l’un vers l’autre. La veille du 14 juillet, ils se font des promesses. Mais c’est alors que l’ancien amour de Jean réapparaît… Ecrit et réalisé par René Clair, Quatorze Juillet ne manque pas d’attraits. Le réalisme poétique qui marque cette période du cinéma français se manifeste ici grâce à la belle présence d’Annabella qui apporte beaucoup de fraîcheur, de douceur et de poésie au film, et grâce aussi aux décors, simples mais évocateurs. René Clair y ajoute une forte dose d’humour par les personnages secondaires (le mondain ivre, vraiment hilarant, l’autre chauffeur, la concierge, etc.) et par les disputes sans méchanceté. Cet humour préfigure ce que fera Jacques Tati plus tard. Du côté des maladresses, on peut citer l’insertion d’une histoire de petits malfrats, aussi improbable qu’inutile. D’autre part, Georges Rigaud a un beau physique de jeune premier mais son jeu reste un peu fade face à une Annabella plus rayonnante. Mais cela n’empêche pas à ce Quatorze Juillet de garder un certain charme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Annabella, George Rigaud, Raymond Cordy, Paul Ollivier, Pola Illéry
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Remarque :
La musique est signée Maurice Jaubert et le chef opérateur est Louis Page. Tous deux travailleront ensuite avec Marcel Carné, notamment sur Quai des Brumes.