7 novembre 2019

Murder! (1930) de Alfred Hitchcock

Titre français parfois utilisé : « Meurtre »

Meurtre (Murder!)L’actrice Diana Baring est retrouvée prostrée près du cadavre de sa rivale, un tisonnier à ses pieds. Tout l’accuse mais elle ne se souvient de rien…
Adapté d’une pièce, Murder! est l’un des tous premiers films parlants tournés par Alfred Hitchcock. Il le présente comme l’un des rares whodunits (1) qu’il ait tournés. L’histoire, qui se déroule dans le monde du théâtre, joue beaucoup sur les fausses apparences. Tout est lié au théâtre avec notamment des références à Hamlet. Par petites touches, dans les détails, Hitchcock parvient à y ajouter de l’humour, ce qui tire l’ensemble vers la comédie. Sur la forme, le film ne manque pas de trouvailles ou essais du jeune réalisateur. Murder! est ainsi reconnu pour être le premier film où un personnage se parle à lui-même par un monologue intérieur (la difficulté, à l’époque, résidait dans la prise directe du son. Ainsi le réalisateur raconte que dans cette même scène de la salle de bains, il avait un orchestre de trente musiciens derrière le décor pour simuler la musique à la radio. La voix du monologue intérieur avait, quant à elle, été enregistrée sur un disque). Sans être franchement remarquable, Murder! se regarde sans déplaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Herbert Marshall, Norah Baring, Phyllis Konstam, Edward Chapman
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.

Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Alfred Hitchcock

Remarques :
* Caméo : A 1h00, lorsque le trio ressort de la maison où le crime a été commis, Hitchcock passe au premier plan avec une femme à son bras. Bizarrement, dans cette même scène, un énorme micro sur pied est très visible sur la partie gauche de l’image pendant une bonne demi-minute.
* Une version allemande a été tournée simultanément :  Mary avec Alfred Abel et Olga Tschechowa.

(1) Whodunit (contraction de « Who done it ? » = Qui l’a fait ? ) désigne le style d’intrigue policière où l’identité de l’assassin n’est révélé qu’à la fin du récit (par exemple, les romans d’Agatha Christie sont des whodunits). Alfred Hitchcock dit à leur propos : « J’ai toujours évité les whodunits car généralement l’intérêt réside seulement dans la partie finale. (…) Vous attendez tranquillement la réponse à la question : qui a tué ? Aucune émotion. » (Entretiens avec François Truffaut)

Meurtre (Murder!)Herbert Marshall dans le fameuse scène du monologue intérieur de Murder! de Alfred Hitchcock.

Meurtre (Murder!)Phyllis Konstam, Herbert Marshall et Edward Chapman dans Murder! de Alfred Hitchcock.
Sur la gauche, un microphone sur pied est largement visible.

4 juin 2016

Le Voile des illusions (1934) de Richard Boleslawski

Titre original : « The Painted Veil »

Le Voile des illusions Une jeune femme autrichienne épouse un médecin-chercheur, collaborateur de son père, et le suit à Hong Kong où il va soigner le choléra. Là, son mari étant accaparé par son travail, elle se laisse séduire par un diplomate anglais… Le Voile des illusions est adapté du roman de Somerset Maugham. Ce mélodrame fortement teinté d’exotisme repose sur un triangle amoureux. Si le film n’est aussi puissant qu’espéré, ce n’est pas tant du fait de Greta Garbo qui fait une belle prestation, d’une grande expressivité, notamment de son visage, dans le dernier tiers du film, mais plutôt de ses deux partenaires masculins. George Brent est particulièrement fade et sans saveur et Herbert Marshall, tout en ayant un jeu bien supérieur, n’est pas ici à son meilleur. De ce fait, Le Voile des illusions est souvent décrit, assez injustement, comme un film assez mou. Le film rencontra un franc succès en Europe mais, tout comme le précédent film de Garbo, le très beau La Reine Christine, ne toucha pas le public américain et fut donc considéré par ses producteurs comme un échec.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Herbert Marshall, George Brent, Warner Oland
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Boleslawski sur le site IMDB.

Voir les autres films de Richard Boleslawski chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Greta Garbo

Remarques :
* Certaines scènes ont été tournées par George Hill en Chine. Elles seront réutilisées par The Good Earth (Visages d’Orient) de Sidney Franklin (1937).
* Durant le tournage, Garbo s’est prise d’amitié pour George Brent qui était, comme elle, assez solitaire. Ils passaient tant de temps ensemble que des rumeurs de liaison ont commencé à circuler. George Brent a raconté à des amis qu’il allait épouser Greta Garbo mais ce n’était visiblement pas dans les projets de l’actrice puisqu’ils se virent de moins en moins une fois le tournage terminé.

Remakes :
La passe dangereuse (The seventh sin) de Ronald Neame (1957) avec Eleanor Parker et Jean-Pierre Aumont
le Voile des illusions (The Painted Veil) (2006), beau film de John Curran avec Naomi Watts, Edward Norton

Le Voile des illusions
Greta Garbo dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et George Brent : 5 ans avant Ninotchka, Garbo rit dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et Herbert Marshall dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski (photo publicitaire, le film n’est pas en couleurs).

5 février 2015

Le Fil du rasoir (1946) de Edmund Goulding

Titre original : « The Razor’s Edge »

Le fil du rasoirAnnées 1920. Profondément marqué d’avoir vu à la guerre un de ses camarades mourir devant lui, le jeune Larry Darrell ne peut se résoudre à suivre le chemin tout tracé qui s’ouvre devant lui : un mariage dans la bonne société avec Isabel qui l’aime plus que tout et une confortable carrière dans la finance. Il sent qu’il doit d’abord trouver quel sens donner à sa vie… Le Fil du rasoir est un film de producteur, en l’occurrence Darryl F. Zanuck qui s’est pris de passion pour le roman de Somerset Maugham écrit en 1944. Commencé avec George Cukor, que Zanuck exclut rapidement à la suite de dissensions, le film sera finalement réalisé par Edmund Goulding avec un budget important, 89 décors différents et plus de trois mois de tournage. Vu aujourd’hui, on peut trouver des défauts à ce grand  mélodrame, regretter par exemple la présence de certains clichés, mais si l’on dépasse ces apparences, Le fil du rasoir apparaît comme un film qui sort du lot par son propos : aspirations métaphysiques et mysticisme oriental, sujets bien peu photogéniques au demeurant, n’étaient guère courants à cette époque. Le cinéma hollywoodien s’étant en grande partie bâti sur l’exposition du rêve américain, les films qui proposent une alternative au matérialisme en tant que source unique du bonheur ou de l’accomplissement de soi, ne sont pas légion. Tyrone Power, lui aussi de retour de guerre (la Seconde), montre une belle conviction dans cette recherche de la sérénité, un chemin que le sage dit être « aussi étroit que le fil d’un rasoir ». Le personnage de Gene Tierney, égoïste et matérialiste, est sans doute un peu trop typé. Clifton Webb est parfait, dans un rôle de personnage mondain snob qu’il a si souvent interprété. Le film est indéniablement un peu trop long (2 h 25) mais sans aller jusqu’à générer l’ennui. Le Fil du rasoir fut un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tyrone Power, Gene Tierney, John Payne, Anne Baxter, Clifton Webb, Herbert Marshall, Lucile Watson
Voir la fiche du film et la filmographie de Edmund Goulding sur le site IMDB.
Voir les autres films de Edmund Goulding chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Edmund Goulding avait pour méthode de faire répéter très longuement ses acteurs avant de filmer en longs plans-séquences avec de beaux mouvements de caméra. Il utilisait assez peu les gros plans sur les acteurs.
* Anne Baxter reçut l’Oscar du meilleur second rôle pour ce film.
* Remake :
Le Fil du rasoir (The Razor’s Edge) de John Byrum (1984) avec Bill Murray.

Le fil du rasoir
(de g. à d.) Herbert Marshall, Clifton Webb (assis), Gene Tierney, Anne Baxter (assise) et Tyrone Power dans Le Fil du rasoir (20th Century Fox, 1946).

14 février 2014

If You Could Only Cook (1935) de William A. Seiter

Titre français parfois utilisé : « La Fiancée imprévue »

If You Could Only CookAlors qu’il est à quelques jours de conclure un mariage mondain qui ne l’enchante guère, un jeune magnat de l’automobile va sur un banc pour mieux réfléchir. Là, il rencontre une jeune femme qui cherche du travail et lui propose de passer pour son mari afin qu’ils puissent postuler à un poste de cuisinière et de majordome… Basée sur une histoire de F. Hugh Herbert, If You Could Only Cook est une comédie screwball assez peu connue mais néanmoins assez brillante. Elle est même à classer parmi les meilleures du genre. Les situations sont originales et bien amenées et les dialogues assez enlevés. Il faut également souligner la présence de deux excellents seconds rôles, deux personnages plutôt interlopes mais au grand coeur, assez finement écrits. Sur le fond, à l’instar de It happened one night, on retrouve le rapprochement d’un homme et une femme venant chacun d’une des extrémités de l’échelle sociale, donc la présence cette grande perméabilité entre les classes If You Could Only Cook (le grand rêve américain) qui caractérise tant de screwball comedies. La jeune femme (interprétée avec beaucoup de pétulance par Jean Arthur) symbolise toute la force vitale de l’Amérique alors que la femme de la haute société n’est qu’une intrigante. Et toujours, cette présence forte du mariage, véritable « ciment » de la reconstruction d’une société meurtrie par la Dépression. If You Could Only Cook est très amusant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Herbert Marshall, Jean Arthur, Leo Carrillo, Lionel Stander
Voir la fiche du film et la filmographie de William A. Seiter sur le site IMDB.
Voir les autres films de William A. Seiter chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur les comédies Screwball

Remarques :
* Pour capitaliser sur le succès de It happened one night (1934), Harry Cohn le patron de Columbia décida de sortir le film en Angleterre en tant que film produit et réalisé par Frank Capra… Il n’en était rien, bien entendu. Furieux, Capra attaqua Harry Cohn en justice et ce n’est que lorsque ce dernier promit au réalisateur d’acheter les droits de You can’t take it with you, que Capra voulait tourner à tout prix, que les choses se calmèrent.
If You Could Only Cook
* Le film a bien, semble t-il, connu une petite distribution en France à l’époque sous le titre La Fiancée imprévue (distribué par la compagnie de production Osso si l’on en croit l’affiche ci-contre).

* Le film n’est pas très facile à voir mais il figure sur le peu couteux DVD Icons of Screwball Comedy vol.1. Précisons toutefois qu’il s’agit d’un DVD zone 1 et que les seuls sous-titres disponibles sont en anglais. Il n’est, à ce jour, pas disponible en DVD zone 2.

1 août 2012

The Moon and Sixpence (1942) de Albert Lewin

Titre original : « The moon and sixpence »

The Moon and SixpenceCharles Strickland abandonne sa vie bien rangée, sa femme et ses enfants pour s’installer à Paris afin d’assouvir sa passion jusque là secrète, la peinture… The Moon and Sixpence est fidèlement adapté du roman homonyme de William Somerset Maugham. Le personnage du roman évoque Gauguin par certains aspects (1) mais ce n’est en aucun cas une biographie de Paul Gauguin. Non, le sujet est tout autre : il s’agit de la confrontation entre une passion qui élève avec un réalisme qui abaisse (2). Strickland se forge une carapace de cynisme et devient même asocial pour se protéger et éviter de retourner à sa morne vie antérieure. De même, sa méfiance envers les femmes (il refuse l’amour car il sent que c’est un piège) se transforme en profonde misogynie. Le film est élégant dans sa forme et ses dialogues, très anglais, George Sanders apportant cette dose d’intelligence et de raffinement qui empêche son personnage d’être odieux. Cette élégance est certes coutumière à Albert Lewin mais il s’agit ici de son premier film. Le réalisateur américain traite déjà de son sujet favori : la peinture.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George Sanders, Herbert Marshall, Steven Geray, Eric Blore, Albert Bassermann, Florence Bates
Voir la fiche du film et la filmographie de Albert Lewin sur le site IMDB.
Voir les autres films de Albert Lewin chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Le film n’a été restauré dans sa forme originale que très récemment : la partie à Paris est en noir et blanc, la partie à Tahiti est teintée en sépia avec un court passage en couleurs pour nous montrer les peintures murales.

(1) Il y a des similitudes : le changement de vie, Paris, Tahiti. Mais si Charles Strickland rencontre bien un peintre hollandais à Paris, ce dernier est sans talent, il n’a rien à voir avec Van Gogh. Et ensuite, Gauguin n’était pas cynique ou malveillant comme peut l’être Strickland.

(2) La signification du titre The Moon and Sixpence n’est donnée ni dans le roman ni dans le film. On peut la trouver dans une lettre de Somerset Maugham datée de 1956 : « If you look on the ground in search of a sixpence, you don’t look up, and so miss the moon. » (« Si vos yeux sont tournés vers le sol pour chercher une pièce de 6 pences, vous ne pourrez voir la lune. ») Le titre illustre ainsi parfaitement le fond du propos.