25 octobre 2013

Les Amants crucifiés (1954) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Chikamatsu monogatari »

Les amants crucifiés A la fin du XVIIe siècle, Mohei est le brillant employé de l’imprimeur des calendriers du palais impérial. La jeune épouse de son patron lui demande de lui consentir un prêt pour aider sa famille car son mari est très avare. Un concours de circonstances va les obliger à s’enfuir ensemble… Les Amants crucifiés est l’adaptation d’une pièce de Monzaemon Chikamatsu écrite en 1715. L’histoire est assez inhabituelle pour Mizoguchi : alors que nombre de ses films précédents montrent l’impossibilité de l’amour parfait, Les Amants crucifiés a pour pivot central une histoire d’amour totalement partagé de deux êtres purs, un amour d’abord non déclaré du fait des conventions sociales mais qui va pouvoir s’exprimer une fois passé dans l’illégalité. Comme le titre le laisse supposer, tout cela se terminera mal, Mizoguchi n’a d’ailleurs aucun attrait pour les happy-ends. Les autres personnages sont en effet particulièrement vils, soit par avarice ou arrivisme, soit par respect des conventions qui pèsent lourdement sur la société. Le traitement par Mizoguchi est à la fois puissant et beau, avec des scènes de fuite assez remarquables et, une fois encore, une très belle scène dans une barque de nuit. Même s’il est un peu moins connu que Les Contes de la lune vague après la pluie ou L’Intendant Sansho, Les Amants crucifiés fait bien partie des plus grands films de Mizoguchi.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kazuo Hasegawa, Kyôko Kagawa, Eitarô Shindô, Eitarô Ozawa, Yôko Minamida
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Remarques :
* Yoshikata Yoda rapporte dans son livre « Souvenirs de Kenji Mizoguchi » que Mizoguchi ne semblait pas particulièrement enthousiasmé par le projet. Etait-ce dû à sa récente  rupture avec Kinuyo Tanaka ? Au choix de l’acteur principal Kazuo Hasegawa qu’il pensait trop âgé ? A sa déception de n’avoir reçu que des Lions d’argent à Venise alors que Kurosawa avait déjà été récompensé par un Lion d’or ?

* Monzaemon Chikamatsu (1653-1725) écrivait des pièces pour le théâtre de marionnettes (le jôruri, ancêtre du bunraku). Parfois surnommé « le Shakespeare japonais », il est considéré comme le plus grand dramaturge japonais. Ses pièces mêlent souvent amour et suicides. Il est très connu au Japon, d’ailleurs le titre original japonais peut être traduit ainsi : « Un récit de Chikamatsu ».

13 septembre 2013

Le Lys brisé (1919) de David W. Griffith

Titre original : « Broken Blossoms or The Yellow Man and the Girl »

Le lys briséUn jeune chinois quitte son pays pour aller convertir les européens au bouddhisme. Il échoue dans le quartier populaire de Limehouse à Londres où, totalement désillusionné, il tient une petite boutique. Non loin de son échoppe, une jeune fille vit très pauvrement avec son père, un boxeur coléreux qui la terrorise et la bat. Il va tenter de lui venir en aide… Loin de ses grandes productions précédentes, Griffith tourne Le lys brisé au lendemain de la guerre avec un tout petit budget, en seulement 18 jours et 18 nuits (1). Adapté d’une histoire écrite par Thomas Burke, il s’agit d’un grand mélodrame qui oppose le bien et mal, la beauté et le sordide, la cruauté et l’innocence. Sur le fond, il faut en outre noter que le film est sorti aux Etats-Unis à une époque où sévissait un fort sentiment antichinois, la crainte du « péril jaune » ; il faut donc certainement voir dans le propos de Griffith un message de tolérance. Sur la forme, le réalisateur s’est plus attaché à l’atmosphère qu’à la richesse des décors qui sont peu nombreux mais dotés d’une belle force évocatrice. Si le jeu de Donald Crisp est certainement un peu trop marqué, ses expressions étant parfois proches de la grimace, celui de Lillian Gish est assez phénoménal. L’actrice montre d’étonnantes qualités de pantomime et ces scènes où elle utilise ses doigts pour forcer son sourire sont restées célèbres. De son côté, Richard Barthelmess est particulièrement crédible en chinois, le film sera un tremplin pour sa carrière. Le lys brisé culmine d’intensité dans son dénouement avec la scène du placard où Lillian Gish est absolument terrifiée (2) ; une scène très angoissante. Tourné rapidement et simplement, Le lys brisé n’en est pas moins l’un des films les plus remarquables de Griffith. Le misérabilisme appuyé et le jeu marqué des acteurs peuvent le faire apparaître vieilli à nos yeux modernes mais il faut se laisser gagner par son atmosphère et sa puissance évocatrice pour l’apprécier. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lillian Gish, Richard Barthelmess, Donald Crisp
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Remarques :
Le lys brisé* Au moment du tournage, Lillian Gish était très affaiblie par la maladie. L’actrice avait été touchée par l’épidémie de grippe espagnole qui, à cette époque, fit de très nombreuses victimes. Sa performance n’en est que plus admirable.
* Le film fut produit par D.W. Griffith pour être distribué par Adolph Zukor. Ce dernier fut mécontent du film une fois fini et le refusa. Griffith le racheta alors à Zukor le double du prix du tournage pour le distribuer avec sa toute nouvelle compagnie United Artists. Ce fut financièrement très judicieux car le film connut un très grand succès.
* D’après Lilian Gish, le film était si bien planifié et répété que le montage fut réduit à couper le début et la fin de chaque scène avant de les mettre bout à bout. On peut toutefois s’étonner de cette affirmation quand on voit le montage alterné de certaines scènes et les flashbacks.
* Broken Blossoms est tombé dans le domaine public et, de ce fait, les copies disponibles sont très variables en qualité et en durée. Le film fait initialement 90 minutes, certaines scènes sont teintées : bleu, rose/rouge ou couleur or.

Remake :
Le lys brisé (Broken Blossoms) de l’anglais John Brahm (1936) avec Dolly Haas et Arthur Margetson.

(1) Les scènes avec Donald Crisp étaient généralement tournées de nuit car il dirigeait lui-même un autre film pendant la journée (dans toute sa carrière, Donal Crisp a joué dans 173 films et en a dirigé 72).

(2) On raconte que les cris de Lillian Gish lors du tournage de la scène du placard auraient attiré des passants qui cherchèrent à entrer dans le studio pour venir la secourir.

22 août 2013

Doux oiseau de jeunesse (1962) de Richard Brooks

Titre original : « Sweet Bird of Youth »

Doux oiseau de jeunesseParti depuis quelques années pour réussir, l’ex-barman Chance Wayne revient dans sa ville natale au volant d’une superbe Cadillac décapotable. Il est accompagné d’une ancienne star de cinéma alcoolique qu’il a pris en charge. S’il revient, c’est pour voir son ancien amour Heavenly mais le père de la jeune fille, un politicien conservateur qui dirige la ville, ne voit pas ce retour d’un bon oeil… Quatre ans après La Chatte sur un toit brûlant, Richard Brooks adapte une autre pièce de Tennessee Williams à l’écran, Doux oiseau de jeunesse. Elia Kazan l’avait montée à Broadway avec succès et Brooks en reprend quatre acteurs principaux (1). Comme souvent avec Tennessee Williams, il s’agit d’un drame qui va sonder les tréfonds de l’âme humaine. Ici, tout tourne autour de la soif de réussite et de l’absence de mixité sociale. Chance Wayne (quel nom !) mise sur son physique pour avoir, lui aussi, sa chance et obtenir un raccourci vers le haut de la hiérarchie sociale et, par là même, vers son ancien amour. Paul Newman paraît être l’interprète idéal pour exprimer toutes les facettes de ce personnage finalement plein de naïveté. Il avait de plus l’avantage de bien connaitre le rôle. Il faut excuser la fin en happy end, qui paraît plaquée et même un peu idiote, nécessaire pour que le film passe la censure (2). Doux oiseau de jeunesse connut un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Geraldine Page, Shirley Knight, Ed Begley, Rip Torn, Mildred Dunnock, Madeleine Sherwood
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(1) Paul Newman, Geraldine Page, Madeleine Sherwood (Miss Lucy) and Rip Torn (le fils) tenaient le même rôle dans la pièce à Broadway qui fut jouée 375 fois à partir de mars 1959.
(2) Dans la pièce originale, la fin est assez dure : ce que l’on craint que le fils puisse faire à un certain moment (sur le capot de la voiture), il le fait vraiment. Et il n’y a pas de départ ensuite.

20 mai 2013

Poulet aux prunes (2011) de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

Poulet aux prunesInconsolable depuis que son violon a été brisé, le grand musicien Nasser Ali Khan décide de mourir. Il se met au lit et attend la mort qui met plusieurs jours à venir, le temps pour lui de se laisser aller à ses rêveries sur son passé… Après Persepolis, Marjane Satrapi adapte avec son comparse, Vincent Paronnaud, une autre de ses bandes dessinées, Poulet aux prunes, cette fois en film avec des acteurs. Grace à une utilisation intelligente de différentes techniques, ils parviennent à créer une atmosphère à mi-chemin entre réalisme et conte persan. Cette atmosphère nous enveloppe pour nous emmener au gré de l’imagination de Marjane Satrapi dans différentes scènes qui, au final, forment un puzzle nous dévoilant la vie de ce musicien. Il y a beaucoup d’excellentes trouvailles et un humour délicat, souvent en forme de subtile dérision. Mis à part Mathieu Amalric, qui ne semble pas à l’aise dans son personnage et montre un jeu rigide et sans chaleur, l’interprétation est à la hauteur des personnages, sans aucun excès. Poulet aux prunes est un film assez joyeux, inventif avec un brin de magie et fort joliment tourné.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mathieu Amalric, Edouard Baer, Maria de Medeiros, Golshifteh Farahani, Eric Caravaca, Chiara Mastroianni, Jamel Debbouze, Isabella Rossellini
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2 mai 2013

L’Histoire d’Adèle H. (1975) de François Truffaut

L'histoire d'Adèle H.Sous un faux nom, la fille cadette de Victor Hugo, Adèle, arrive par bateau à Halifax en 1863. Elle vient en Nouvelle-Écosse rejoindre un lieutenant de hussards britannique avec lequel elle a eu une brève idylle et qu’elle continue d’aimer avec force. Quand elle entre enfin en contact avec le jeune homme, celui-ci ne semble guère heureux de la revoir et la repousse… En se besant uniquement sur des faits réels et historiques, François Truffaut nous raconte l’histoire d’Adèle Hugo (1). Il porte sur cette histoire d’amour-passion à un seul personnage le même type de regard que sur le cas de L’Enfant sauvage : il observe et décrit ce glissement accepté vers la folie avec un détachement presque clinique. Certes on peut regretter une certaine froideur, qui normalement ne sied guère aux histoires d’amour-passion, mais Truffaut est un grand conteur et nous sommes captivés par son récit ; sa réalisation est d’un grand classicisme dans le sens noble du terme, tout ici est essentiel. Le montage est superbe, privilégiant la continuité du personnage plutôt que la continuité temporelle. C’est le premier grand rôle pour Isabelle Adjani qui livre une belle interprétation du type « habité par son personnage », mais sans aucun excès toutefois. Rejetée à la fois par l’homme qu’elle aime et par sa famille, elle s’enferme peu à peu dans la bulle qu’elle s’est créée. Il faut remarquer à quel point L’Histoire d’Adèle H. est un film à un seul personnage ; cela le rend encore plus remarquable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabelle Adjani, Bruce Robinson
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Remarque :
* Bruce Robinson, l’acteur qui interprète le lieutenant, s’est ensuite tourné vers l’écriture de scénarios puis vers la réalisation.
* François Truffaut fait une apparition « cameo » : il est l’officier qu’Adèle pense avoir reconnu dans la rue peu après son arrivée à Halifax.

(1) Adèle Hugo est le cinquième enfant et la seconde fille de Victor Hugo. Sa mère se prénommait également Adèle. Sa soeur aînée, Léopoldine, s’est tuée dans un accident de bateau à l’âge de 19 ans, peu après son mariage, tragédie dont Victor Hugo n’est jamais vraiment remis. Léopoldine était la fille préférée de ses parents et Adèle a toujours vécu dans son ombre. Adèle a laissé un journal de 6000 pages.

5 mars 2013

Amours dans la neige (1968) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Juhyô no yoromeki »

Amours dans la neigeDans le nord du Japon, en plein hiver, Yuriko va passer un dernier week-end avec son compagnon ; ils sont sur le point de rompre. Le week-end prend une tout autre tournure lorsque Yuriko annonce qu’elle est enceinte. Lui ne désire plus rompre mais Yuriko préfère appeler son ancien petit ami pour l’accompagner à la clinique faire les tests… Kijû Yoshida a écrit lui-même le scénario d’Amours dans la neige avec son scénariste d’alors Toshiro Ishido. Il s’agit à nouveau d’un triangle amoureux, certes, mais dans un cadre totalement différent : l’ancien petit ami était impuissant au moment de sa relation avec Yuriko. Lorsque son rival apprend cela, il est persuadé d’avoir l’avantage. Yoshida met donc en relief cette certitude qu’ont les hommes de la suprématie de l’amour physique sur l’amour tout court et montre la stupidité de cette assurance. C’est un propos assez peu courant et même assez courageux ; le sujet est d’ailleurs assez atemporel. De son côté, la femme, même si elle semble hésiter constamment, sait en réalité depuis le début ce qu’elle veut et le film est aussi un plaidoyer pour son libre arbitre. La photographie en noir et blanc est superbe avec une belle utilisation des paysages très enneigés de l’île d’Hokkaidō. La neige est vraiment très épaisse. Certains plans sont vraiment de toute beauté, tel ce plan d’une usine avec une longue bande de fumée horizontale au sol au premier plan. Et Mariko Okada est toujours aussi belle…!
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Isao Kimura, Yukio Ninagawa
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Remarque :
Rappelons que Kijû Yoshida et Mariko Okada sont mari et femme depuis 1964 et on comprend aisément le désir de Yoshida de mettre Mariko Okada en valeur. Et il parvient remarquablement bien !

23 février 2013

Les Amants de la nuit (1948) de Nicholas Ray

Titre original : « They Live by Night »

Les amants de la nuitLe jeune Bowie vient de s’évader de prison avec deux complices. Il tombe amoureux de Keechie, la nièce de l’un deux chez qui ils se sont réfugiés. Après un cambriolage de banque, commence une cavale sans fin… Les amants de la nuit est adapté d’un roman d’Edward Anderson « Thieves like us ». C’est le premier film de Nicholas Ray qui a bénéficié d’une grande autonomie sur le tournage et a pu se livrer à quelques expérimentations. Si le film peut évidemment être classé parmi les films noirs, c’est aussi et surtout une histoire d’amour, celle de deux êtres qui ne peuvent trouver leur place dans la société (on apprend très tôt dans le film que Bowie n’a au départ rien d’un gangster et qu’il a été emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis). Ils sont condamnés à errer malgré leur très forte envie de s’établir et mener une vie normale. La grande réussite du film est dans son atmosphère, sombre, distillant une certaine claustrophobie qui nous fait partager les sentiments du jeune couple. Farley Granger et Cathy O’Donnell sont très touchants, montrant beaucoup de naïveté et de vulnérabilité. Les amants de la nuit est un très beau film, très personnel aussi. Tourné en 1947, le film est resté deux ans dans les tiroirs de la RKO. Quand il a fini par sortir, il n’a pas vraiment été bien reçu sauf en Europe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Farley Granger, Cathy O’Donnell, Howard Da Silva, Jay C. Flippen
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Remarque :
They Live by Night a été souvent rapproché d’autres films sur des couples en cavale, des rapprochements aussi superficiels qu’inutiles. Le film de Nicholas Ray est ainsi très différent de You only live once (1937) de Fitz Lang, il est encore plus différent de Gun Crazy de Joseph H. Lewis (1950). Dire qu’il préfigure Bonnie & Clyde d’Arthur Penn (1967) est une affirmation vraiment incompréhensible. Ces trois films sont toutefois de grande valeur et c’est sans doute là leur plus principal point commun avec They Live by Night !

Remake :
Nous sommes tous des voleurs (Thieves like us) de Robert Altman (1974) avec Keith Carradine et Shelley Duvall.

21 janvier 2013

L’Armée des 12 singes (1995) de Terry Gilliam

Titre original : « 12 monkeys »

L'armée des 12 singesAprès une gigantesque épidémie qui a presque éradiqué toute vie humaine sur Terre, forçant les quelques survivants à vivre en sous-sol, un petit groupe de scientifiques envoie un homme dans le passé dans l’espoir de modifier le présent… L’armée des 12 singes est inspiré du film expérimental de Chris Marker La Jetée. Contrairement à son habitude, Terry Gilliam n’en a pas écrit le scénario (1). Ce n’est pas un remake car le thème du voyage dans le temps est poussé beaucoup loin dans ses paradoxes et la confusion qu’il génère. La filiation de L’armée des 12 singes avec Brazil est manifeste : on retrouve cet environnement néo-baroque où la technologie et la bureaucratie jouent des rôles pernicieux et favorisent l’oppression, les décors inspirés en partie de l’expressionnisme allemand, le caractère déboussolé et impuissant de son personnage principal, une certaine vision cauchemardesque du modernisme. L’interprétation est parfaite, la plus étonnante avec le recul étant sans doute celle de Brad Pitt. Malgré la complexité de son scénario, L’armée des 12 singes fut un succès, le plus grand succès commercial de Terry Gilliam.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Bruce Willis, Madeleine Stowe, Brad Pitt, Christopher Plummer
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Remarques :
* Tout comme La Jetée, le film de Terry Gilliam rend hommage au film Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock par l’intermédiaire de la fameuse scène du tronc multi-centenaire. Alors que Chris Marker avait refait cette scène, Terry Gilliam diffuse l’originale quand ses personnages vont dans un cinéma pour se cacher. En outre, dans cette scène, Madeleine Stowe porte le même manteau que Kim Novak.

* Le titre du film vient du roman de Lyman Frank Baum Le Magicien d’Oz où le roi est parvenu à convaincre douze singes de devenir soldats pour lui, en leur promettant de la nourriture à volonté.

* Bien que ce ne soit précisé à aucun moment, le scénario situe les scènes du « futur » en 2035, ce qui est logique vu l’âge du personnage joué par Bruce Willis.

(1) C’est Universal qui a acquis les droits de La Jetée et confié l’écriture du scénario à David Peoples (qui avait travaillé notamment sur Blade Runner).

13 janvier 2013

Histoire écrite par l’eau (1965) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Mizu de kakareta monogatari »
Autre titre français « Histoire écrite sur l’eau »

Histoire écrite par l'eauLe jeune Shizuo, employé dans une grande banque, vit avec sa mère, veuve et toujours très belle. Il est fiancé avec la pétulante Yumiko mais, lorsqu’il apprend que le père de sa fiancée a une liaison avec sa mère, il remet en cause son mariage… Adaptation d’un roman de Yôjirô Ishizaka, Histoire écrite par l’eau aborde le sujet délicat de l’inceste, ici mère-fils. Yoshishige Yoshida traite ce sujet avec beaucoup de retenue et de délicatesse. L’image est très belle, montrant une approche très artistique du cadrage et de la composition des images, artistique et aussi inventive. Yoshida filme les deux femmes de façon très sensuelle : Mariko Okada, sa femme depuis peu, est d’une grande beauté ; à 32 ans, elle joue ici une quinquagénaire qui paraît 20 ans de moins. De son côté, Ruriko Asaoka est une actrice qui fut très populaire parmi la jeune génération des années soixante. Au-delà du sujet l’inceste, Yoshida dit avoir voulu remettre en cause la prédominance des hommes dans la société japonaise. Loin des mélodrames appuyés, Histoire écrite par l’eau est réalisé avec beaucoup de sensibilité. Le film nous enveloppe par sa beauté et sa douceur.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Ruriko Asaoka, Yasunori Irikawa, Isao Yamagata
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4 janvier 2013

Lilly Turner (1933) de William A. Wellman

Lilly TurnerAu grand désespoir de sa mère, la jeune Lilly épouse un beau parleur qui se révèle rapidement n’être qu’un prestidigitateur de foire, cavaleur et recherché pour bigamie. Lilly se met alors sous la protection d’un rabatteur forain, prévenant mais alcoolique… Lilly Turner est adapté d’une pièce de Phillip Dunning et George Abbott. C’est un mélodrame social désenchanté comme il s’en tournait beaucoup en cette période de crise du début des années trente. Le film est au assez sombre, y compris au premier sens du terme : pratiquement toutes les scènes sont nocturnes et semblent assez peu éclairées (1). Le film ne manque pas d’intérêt mais souffre certainement d’une certaine rapidité de tournage. Ruth Chatterton fait une belle prestation (à noter que l’actrice était alors âgée de 40 ans, son personnage est donc bien plus jeune qu’elle) mais elle est certainement plus à l’aise dans des rôles un peu plus sophistiqués. Elle est une fois de plus en tandem avec le séduisant George Brent, ils étaient d’ailleurs mari et femme au moment du tournage.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ruth Chatterton, George Brent, Frank McHugh, Guy Kibbee
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Remarque :
La Warner n’a pu ressortir Lilly Turner en 1936 comme elle le souhaitait car le bureau du Production Code (Code Hayes) a refusé de l’approuver.

(1) Il est vraisemblable que la copie diffusée au Cinéma de Minuit de Patrick Brion était un peu sombre. Il faut être indulgent car il s’agit d’un film plutôt rare.