3 avril 2021

El reino (2018) de Rodrigo Sorogoyen

El reinoManuel López Vidal est un homme politique influent à l’avenir prometteur. Mais son implication dans une affaire de corruption vient remettre en cause sa réputation. Prêt à tout pour conserver une place montante au sein de son parti, il va très vite plonger dans une spirale infernale…
El reino (= le royaume) est un thriller politique espagnol écrit par Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña. Pour évoquer « la situation politique préoccupante en Espagne où les affaires de corruption ne cessent de se multiplier depuis quelques années », ils ont choisi un angle original et inattendu : tout le déroulement de l’histoire est vu par les yeux d’un politicien corrompu. Cette approche n’est, de toute évidence, pas là pour générer l’empathie mais plutôt pour mieux mettre en relief l’omniprésence du mensonge, à tous les niveaux et dans tous les rapports avec autrui. A noter que aucun parti, ni même couleur politique, n’est mentionné, probablement pour rendre le propos plus universel. La caméra de Rodrigo Sorogoyen est très mobile, collant de près au personnage, à tel point que le début du film perturbe quelque peu. Mais le plus remarquable est l’énergie qui dégage de l’ensemble, une énergie également insufflée par le jeu nerveux d’Antonio de la Torre. Pour son second long métrage, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen montre indéniablement un style qui lui est propre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Antonio de la Torre, Mónica López, Josep Maria Pou, Bárbara Lennie
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El reinoAntonio de la Torre dans El reino de Rodrigo Sorogoyen.

3 novembre 2020

Vice (2018) de Adam McKay

ViceL’histoire de Dick Cheney qui a réussi, sans faire de bruit, à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l’homme le plus puissant du pays, il a largement contribué façonner un nouvel ordre mondial, notamment en poussant son pays à faire la guerre en Irak…
Après The Big Short en 2015 sur la crise financière de 2008, Adam McKay s désiré traiter une nouvelle fois d’un de ces moments-clés qui ont modifié l’histoire de son pays et du monde. Le scénario qu’il a lui-même écrit, couvre toute la vie de Dick Cheney mais le point central est de montrer comment cet homme politique, pourtant initialement peu ambitieux, a su se frayer un chemin dans les arcanes du pouvoir et s’arroger ensuite des pouvoirs bien au-delà de sa fonction. Le propos est toutefois loin d’être étayé et il est bien entendu difficile de qualifier le film d’enquête. Le ton est plutôt celui de la satire tous azimuts. Le personnage apparaît assez outré, avec une voix rave et trainante digne d’un parrain de la mafia et une grande vulgarité. Sur le plan cinématographique, Adam McKay a une approche originale et pleine d’idées de déroulement, s’appuyant sur un montage haletant qui multiplie les ruptures, bombardant le spectateur d’information, ne lui laissant aucun répit ni de place à la réflexion. Malgré ses aspects novateurs, le film nous apparaît très classique et formaté. Il n’a rencontré qu’un succès très mitigé, que ce soit aux Etats-Unis ou dans les autres pays.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell
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ViceChristian Bale et Sam Rockwell dans Vice de Adam McKay.

30 octobre 2019

Boomerang (1947) de Elia Kazan

Boomerang (Boomerang!)Dans une ville du Connecticut aux Etats-Unis, un prêtre, aimé de tous, est assassiné un soir en pleine rue. Les habitants sont scandalisés et réclame des résultats à la police mais l’enquête piétine. L’impatience gagne les autorités de la ville car les élections sont proches. Un suspect est enfin arrêté…
Boomerang est basé sur une histoire vraie (survenue en 1924) et le scénario suit fidèlement les évènements réels en les replaçant à l’époque actuelle. Elia Kazan est allé tourner sur place (1) et certains figurants sont des habitants de la ville. Outre l’intrigue policière, le film dénonce la corruption politique et la dépendance des procureurs aux édiles. Il met en avant l’intégrité d’un procureur qui, malgré les pressions, cherchera avant tout la justice. Kazan filme en grande partie en décors naturels avec une caméra très mobile et donne au film un fort parfum de réalisme (on attribue ce goût pour le réalisme à sa rencontre avec le producteur Louis de Rochemont). L’interprétation est excellente, y compris les seconds rôles. Boomerang est le deuxième long métrage d’Elia Kazan.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs : Dana Andrews, Jane Wyatt, Lee J. Cobb, Cara Williams, Arthur Kennedy, Sam Levene
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Boomerang (Boomerang!)Dana Andrews et Lee J. Cobb dans Boomerang (Boomerang!) de Elia Kazan.

Boomerang (Boomerang!)Arthur Kennedy et Dana Andrews dans Boomerang (Boomerang!) de Elia Kazan.

(1) Les évènements réels se sont déroulés à Bridgeport, Connecticut. Elia Kazan a tourné à quelques kilomètres de là, à Stamford, Ct.

20 juillet 2019

Il divo (2008) de Paolo Sorrentino

Titre original : « Il divo – La spettacolare vita di Giulio Andreotti »

Il divoRome, avril 1991. Le président du Conseil Giulio Andreotti forme son septième gouvernement. Mais il va devoir faire face à des défections dans son propre camp et rendre des comptes sur les nombreux soupçons qui pèsent sur lui, notamment sur ses liens supposés avec la Mafia…
Il divo (littéralement « le Divin ») est l’un des surnoms donnés à Giulio Andreotti, personnalité influente de la Démocratie chrétienne qui fut au centre de la vie politique italienne pendant quatre décennies. Paolo Sorrentino nous retrace les toutes dernières années de sa gouvernance avec une évidente envie de virtuosité : il use et abuse d’effets de cadrages, de montage et d’effets sonores qui ne semblent pas convenir au sujet et lassent très rapidement. Le rythme est très enlevé mais cela devient un problème : à moins d’être très au fait de la politique italienne, le spectateur est submergé sous un torrent d’informations. La consultation en catastrophe de la fiche Wikipédia sur Andreotti (une fiche au demeurant un peu chargée) n’a rien arrangé : il y a trop de noms et d’affaires à mémoriser, on est rapidement perdu. Il ne nous reste qu’à admirer la belle prestation de Toni Servillo, totalement impénétrable et renfermé sur lui-même, mais, là encore, sans connaitre l’homme politique, il est difficile de savoir si cette personnification est outrancière ou pas. Paolo Sorrentino n’enquête pas, il rapporte seulement mais il le fait de façon si satirique que son film ne peut être vu que comme une dénonciation de la corruption des hommes politiques. Malgré ses aspects tape-à-l’œil, le film a été plutôt louangé par la critique à sa sortie. Moins par le public…
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toni Servillo, Flavio Bucci, Carlo Buccirosso, Giorgio Colangeli, Fanny Ardant
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Il divo
Paolo Sorrentino (entre les deux drapeaux) règle la scène de la rencontre Andreotti-Gorbatchev. Toni Servillo (à gauche) sur le tournage de Il divo de Paolo Sorrentino.

Remarque :
Finalement, nous aurions dû lire le dossier de presse avant de voir le film car il donne des informations qu’il est préférable de connaitre auparavant. Je le reproduis donc ci-dessous (pris sur Allociné) :

« A Rome, à l’aube, quand tout le monde dort, il y a un homme qui ne dort pas. Cet homme s’appelle Giulio Andreotti. Il ne dort pas, car il doit travailler, écrire des livres, mener une vie mondaine et en dernière analyse, prier. Calme, sournois, impénétrable, Andreotti est le pouvoir en Italie depuis quatre décennies. Au début des années quatre-vingt-dix, sans arrogance et sans humilité, immobile et susurrant, ambigu et rassurant, il avance inexorablement vers son septième mandat de Président du Conseil.
A bientôt 70 ans, Andreotti est un gérontocrate qui, à l’instar de Dieu, ne craint personne et ne sait pas ce qu’est la crainte obséquieuse. Habitué comme il l’est à voir cette crainte peinte sur le visage de tous ses interlocuteurs. Sa satisfaction est froide et impalpable. Sa satisfaction, c’est le pouvoir. Avec lequel il vit en symbiose. Un pouvoir comme il l’aime, figé et immuable depuis toujours. Où tout, les batailles électorales, les attentats terroristes, les accusations infamantes, glisse sur lui au fil des ans sans laisser de trace.
Il reste insensible et égal à lui-même face à tout. Jusqu’à ce que le contre-pouvoir le plus fort de ce pays, la Mafia, décide de lui déclarer la guerre. Alors, les choses changent. Peut-être même aussi pour l’inoxydable et énigmatique Andreotti. Mais, et c’est là la question, les choses changent ou n’est-ce qu’une apparence ? Une chose est certaine : il est difficile d’égratigner Andreotti, l’homme qui mieux que nous tous, sait se mouvoir dans le monde. »

6 novembre 2017

L’Assaut (1936) de Pierre-Jean Ducis

L'assautLeader politique en pleine ascension et promis à de hautes fonctions, Alexandre Mérital est accusé par un homme au passé trouble d’un vol commis dans sa jeunesse… Film rare, L’Assaut est adapté d’une pièce écrite en 1912 par Henri Bernstein, dramaturge souvent adapté au cinéma (Mélo par Czinner puis par Alain Resnais, Le Bonheur par Marcel L’Herbier, Samson par Maurice Tourneur, Orage par Marc Allégret, etc.) L’intrigue permet de vérifier que les scandales politiques du type « un homme politique personnifiant l’honnêteté se retrouve accusé de malversation » n’est pas spécifique à notre époque récente (!)  La mise en scène de Pierre-Jean Ducis est assez fade, sans éclat malgré une bonne distribution. Charles Vanel tient bien son personnage qui est plus âgé que lui d’environ dix ans. L’assaut n’est pas franchement remarquable mais se regarde tout de même avec intérêt.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Alice Field, André Alerme, Madeleine Robinson
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Remarques :
* Ingénieur des Travaux Publics et directeur d’usine, Pierre-Jean Ducis s’est tourné vers le cinéma par passion au début des années trente. D’abord assistant, il a réalisé une douzaine de longs métrages et autant de courts métrages, le plus souvent des comédies. Au début des années quarante, il abandonne sans raison clairement établie et reprend son ancien métier d’ingénieur. Il n’est guère cité dans les encyclopédies et autres dictionnaires sur le cinéma. Les informations ci-dessus sont reprises de L’Encinéclopédie de Paul Vecchiali qui est l’un des rares à en parler un tant soit peu longuement.
*A noter, la présence de la presque débutante Madeleine Robinson dans un petit rôle (Georgette).
* Malgré les consonances anglo-saxonnes de son nom, Alice Field est une actrice française (née en Algérie). Son vrai nom est Alice Fille.

L'Assaut
Charles Vanel et Alice Field dans L’assaut de Pierre-Jean Ducis.

28 juin 2017

Amour défendu (1932) de Frank Capra

Titre original : « Forbidden »

Amour défenduFrustrée de rester seule, la jeune Lulu Smith retire toutes ses économies pour passer une semaine de vacances à La Havane. Elle y fait la rencontre de Bob Grover, un avocat. Ils s’éprennent l’un de l’autre. Ce n’est qu’au retour qu’il lui apprend qu’il est déjà marié et qu’il ne peut quitter sa femme… Fait assez inhabituel, le jeune Frank Capra a lui-même écrit l’histoire qui sert de base à Forbidden. Il faut bien avouer que celle-ci est lourde, bien mal écrite et peu apte à nous émouvoir. Malgré cela, le film reste intéressant à visionner pour son formidable duo d’acteurs : Barbara Stanwyck fait montre de beaucoup de charme et de richesse dans son jeu et l’élégant Adolphe Menjou a un rôle plus complet qu’à l’habitude, prouvant ainsi l’étendue de ses qualités. C’est un vrai plaisir de les voir évoluer. On remarquera aussi le jeune Ralph Bellamy, dans l’un de ses tous premiers rôles.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Adolphe Menjou, Ralph Bellamy
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Remarques :
* A propos de Forbidden, Frank Capra ne dit que peu de choses dans ses mémoires : « Je me suis mis en tête que je pouvais écrire. M’inspirant du roman Back Street de Fannie Hurst, j’ai écrit une histoire originale : Forbidden. J’aurais dû rester couché. »
(Note : L’adaptation de Back Streets sortira quelques mois plus tard chez Universal sous la direction de John M. Stahl)

* Une fois le Code Hays généralisé en 1934, Forbidden ne pourra être projeté en raison de l’adultère qui est au centre du film.

Forbidden
Adolphe Menjou et Barbara Stanwyck dans Amour défendu de Frank Capra (photo publicitaire).

Forbidden
Adolphe Menjou et Barbara Stanwyck dans Amour défendu de Frank Capra (photo publicitaire).

Forbidden
Frank Capra, Barbara Stanwyck et Adolphe Menjou sur le tournage de Amour défendu de Frank Capra (photo publicitaire).

Homonyme (sans aucun rapport) :
Défense d’aimer (Forbidden) d’Anthony Page (1984) avec Jacqueline Bisset et Jürgen Prochnow.

30 janvier 2017

Gaz de France (2015) de Benoît Forgeard

Gaz de FranceDans la France des années 2020, le président Bird a une côte de popularité en chute libre. Son principal conseiller doit impérativement trouver une idée pour inverser la tendance. Dans les sous-sols de l’Elysée, il réunit un petit groupe de « profils atypiques » pour la trouver… Ecrit par Benoît Forgeard et Emmanuel Lautréamont, Gaz de France est un film totalement hors du commun. Il s’agit d’une fable sur la communication politique et sur l’affect en politique. Prospective loufoque, satire, comédie, pamphlet, réflexion, le film semble vouloir être tout cela à la fois sans parvenir, hélas, à atteindre un seul de ces buts. Il y a pourtant de bonnes idées, des excellents points de départ que l’on aimerait voir poursuivre. Le film a été tourné sur fond vert pour rajouter les décors ensuite : celui du 3e sous-sol est une belle trouvaille et les rebuts des présidences précédentes qui remplissent les autres sont amusants.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Olivier Rabourdin, Philippe Katerine, Philippe Laudenbach
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Remarques :
* Benoît Forgeard interprète le rôle du cyborg.
* Les inquiétants masques d’oiseaux sont de toute évidence un hommage à Georges Franju et à son film fantastique Judex.
* Benoît Forgeard est également auteur de livre : L’année du cinéma 2027 (Ed. Capricci, 2016) regroupe ses hilarantes critiques par anticipation écrites pour le mensuel So Film. Voir la fiche

Gaz de France
L’improbable cellule de crise de Gaz de France de Benoît Forgeard.

12 janvier 2017

La Terrasse (1980) de Ettore Scola

Titre original : « La terrazza »

La TerrasseUne réception sur La Terrasse d’un appartement romain où se retrouvent une vingtaine de personnes. Beaucoup travaillent dans le domaine de la culture. Nous suivons successivement cinq d’entre eux sur les jours qui suivent cette soirée… On ne pourra pas accuser Ettore Scola d’avoir choisi la facilité. Si La Terrasse se présente comme une comédie à sketches, le film est en réalité une profonde réflexion sur l’évolution d’une génération d’intellectuels qui sombre dans le désenchantement en avançant en âge. Et si Scola a réuni une belle brochette d’acteurs très connus, il les a utilisés à contre-emploi prenant ainsi le risque de désarçonner le public tout en se mettant à dos la critique n’appréciant guère ce miroir qu’il leur tend. Ses personnages sont en proie au doute sur ce qu’ils ont fait au cours de leur existence ce qui génère chez eux un fort sentiment d’insatisfaction. Des problèmes amoureux viennent se greffer, car trois de ces cinquantenaires sont mariés ou s’amourachent avec des femmes trentenaires, ce qui met encore plus en évidence leur âge au lieu de le gommer. Ettore Scola montre une grande perfection dans la mise en place de cet ensemble où les personnages se croisent et s’entrecroisent, grâce à la minutie du scénario qu’il a élaboré avec Age et Scarpelli, ces deux grands de la comédie. L’ensemble n’est d’ailleurs pas sans humour mais La Terrasse est avant tout remarquable par l’acuité et la profondeur de son observation et par la réflexion qu’il occasionne chez nous. Son propos est assez atemporel.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Jean-Louis Trintignant, Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli, Serge Reggiani, Marie Trintignant
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Remarque :
De façon amusante, pour les cinq personnages principaux, trois acteurs sont nés la même année : Gassman, Tognazzi, Raggiani (1922, soit 58 ans), puis viennent Mastroianni (1924, 56 ans) et Trintignant (1930, 50 ans).

La Terrasse
Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant, Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman dans La Terrasse de Ettore Scola.

10 octobre 2016

Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi

Titre original : « Le mani sulla città »

Main basse sur la villeNaples. Un entrepreneur immobilier, qui est aussi conseiller municipal, convainc le maire et ses adjoints de lui octroyer la construction d’un important chantier d’extension de la ville en leur faisant gagner de l’argent sur le prix des terrains. Parallèlement, un immeuble s’écroule dans un autre chantier du même entrepreneur faisant plusieurs victimes. L’opposition de gauche au conseil municipal exige une commission d’enquête… Avec Main basse sur la ville, Francesco Rosi dénonce la corruption des hommes politiques face à l’argent et étale au grand jour les rouages du jeu politique, du moins d’un style de jeu politique, celui dont la seule finalité est de conserver le pouvoir. Tout est permis, la morale traditionnelle ne semble plus avoir cours, « la seule faute est de perdre » dit l’un deux. Francesco Rosi et son scénariste, le napolitain Rafaele La Capria, se sont plongés dans les archives de la ville et ont assisté au conseil municipal qui est ici reproduit avec un grand réalisme. Le film peut paraître proche d’un documentaire, impression accentuée par le fait que toute psychologie des personnages a été évacuée (ce qui le distingue du cinéma politique américain) et que presque tous les acteurs sont des non-professionnels. Sans aucun manichéisme, Rosi parvient à insuffler une intensité dramatique à sa démonstration qui n’a rien perdu de son efficacité et dont le propos est hélas toujours assez actuel. Main basse sur la ville est incontestablement l’un des films les plus marquants du cinéma politique italien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, Salvo Randone
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Remarques :
* Rosi a visiblement utilisé des images réelles pour certaines scènes. C’est ainsi que l’on remarque le nom d’Aldo Moro sur des panneaux électoraux.
* Un plan est étonnant, celui où l’entrepreneur affairiste demande à son contradicteur « est-ce si condamnable de faire du profit quand on améliore les conditions de vie des gens ? » (dans la scène où Nottola fait visiter un logement neuf au conseiller De Vita). Ce qui est étonnant, c’est que Rosi a filmé Rod Steiger disant cette phrase en regard caméra, comme pour interpeller le spectateur, traduisant là ses propres interrogations.

Main basse sur la ville
Rod Steiger dans Main basse sur la ville de Francesco Rosi.

16 janvier 2015

Tempête à Washington (1962) de Otto Preminger

Titre original : « Advise and Consent »

Tempête à WashingtonLe président des Etats-Unis a décidé de nommer Robert Leffingwell au poste de Secrétaire d’État (soit le chef du département chargé des Affaires étrangères). Ce choix doit être ratifié par le Sénat mais l’affaire s’annonce difficile car les prises de positions de Leffingwell en faveur de la paix ne font pas l’unanimité à l’intérieur même de son parti…
Tempête à Washington est l’adaptation d’un copieux roman d’Allen Drury, correspondant du New York Times à Washington qui a reçu le Prix Pulitzer. Inspiré de personnages réels (le président étant basé sur Franklin Roosevelt), l’histoire décrit les basses manoeuvres qui sont monnaie courante à Washington. Bien qu’il s’attaque plus aux hommes qu’aux institutions et qu’il se révèle être finalement à la gloire de la démocratie à l’américaine, le film fut parfois critiqué à sa sortie pour la mauvaise image qu’il donnait des Etats-Unis (1). Le tour de force de Preminger est d’une part de réussir à nous intéresser sur un sujet à priori rébarbatif mais surtout de montrer une maitrise totale et parfaite de la mise en scène malgré le très grand nombre de personnages.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Walter Pidgeon, Charles Laughton, Gene Tierney, Burgess Meredith, Franchot Tone, Lew Ayres
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Remarques :
* Le film reçut l’aide du gouvernement qui donna l’autorisation de filmer à l’intérieur du Capitole.
* Dans son autobiographie, Otto Preminger mentionne un article, à l’époque paru dans Le Monde, qui vantait la liberté d’expression aux Etats-Unis, affirmant qu’un tel film n’aurait pas être tourné en France car le gouvernement français était intouchable (Otto Preminger Autobiographie JC Lattès 1981 p. 173).
* Tempête à Washington est de dernier film de Charles Laughton. Déjà très affaibli par son cancer pendant le tournage, il décédera quelques mois plus tard.
* Tempête à Washington marque le retour à l’écran de Gene Tierney après une longue dépression nerveuse.

(1) Ces critiques font penser à celles que reçut  Mr. Smith au sénat (1939) de Frank Capra. Les deux films sont d’ailleurs assez proches dans l’esprit.

Tempête à Washington (1962) de Otto PremingerCharles Laughton et Walter Pidgeon en pleine joute verbale au Sénat dans Tempête à Washington d’Otto Preminger.