1 septembre 2012

Le fils prodigue (1955) de Richard Thorpe

Titre original : « The prodigal »

Le fils prodigueEn l’an 70 avant Jésus Christ, le fils d’un riche propriétaire hébreu quitte le domaine familial après avoir été ébloui par la beauté d’une grande prêtresse païenne… Le fils prodigue est basé sur la (courte) parabole homonyme de la Bible ; elle est donc très largement étendue et développée. Il s’agit d’une importante production avec de somptueux et couteux décors mais dont l’histoire est particulièrement manichéenne et le traitement très hollywoodien. Les dialogues sont étonnamment pauvres. Même la vision de Lana Turner en grande prêtresse de rites païens déçoit quelque peu car les scènes prêtent plutôt à sourire par leur côté kitsch vraiment marqué. L’actrice, qui n’appréciait guère de tourner dans des films à costumes, reste tout de même le meilleur atout de ce film. On notera aussi quelques bons seconds rôles.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Lana Turner, Edmund Purdom, Louis Calhern, Neville Brand, Francis L. Sullivan
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30 août 2012

Roméo et Juliette (1964) de Riccardo Freda

Titre original : « Giulietta e Romeo »

Romeo e GiuliettaLe Roméo et Juliette de Riccardo Freda est l’une des adaptations les moins connues de cette pièce de Shakespeare si délicate à porter à l’écran. Contrairement à d’autres versions (notamment la version de Cukor), les deux acteurs principaux ont bien l’âge du rôle. Toutefois, ils n’ont pas, hélas, la présence nécessaire pour donner une vraie dimension à leur personnage. Riccardo Freda s’efforce de rester le plus près possible du texte original tout en ajoutant des scènes d’action en extérieurs (étonnante scène d’ouverture qui semble sortir d’un western) et des grandes chevauchées. Il utilise largement la musique de Rachmaninov et de Tchaïkovski pour donner de l’ampleur et de la tension à certaines scènes. L’ensemble est enlevé, assez rapide même, sans aucun temps mort.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Geronimo Meynier, Rosemary Dexter
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Les principales adaptations de la pièce de Shakespeare :
Romeo and Juliet de J. Gordon Edwards (1916) avec Theda Bara
Romeo und Julia im Schnee d’Ernst Lubitsch (1920) (parodie)
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de George Cukor (1936)
… avec Norma Shearer et Leslie Howard
Les Amants de Vérone d’André Cayatte (1949)
… avec Anouk Aimée et Serge Reggiani
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de Renato Castellani (1954)
… avec Laurence Harvey et Susan Shentall
Roméo et Juliette (Guiletta e Romeo) de Riccardo Freda (1964)
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de Franco Zeffirelli (1968)
… avec Leonard Whiting et Olivia Hussey
Roméo + Juliette (Romeo + Juliet) de Baz Luhrmann (1996)
… avec Leonardo DiCaprio et Claire Danes
Tromeo and Juliet de Lloyd Kaufman (1996) avec Jane Jensen et Will Keenan
Romeo and Juliet de Carlo Carlei (2013) avec Douglas Booth et Hailee Steinfeld

10 juillet 2012

La fiancée des ténèbres (1945) de Serge de Poligny

La fiancée des ténèbresA Carcassonne, un ancien instituteur octogénaire recherche dans de vieux manuscrits le moyen d’accéder au lieu secret des Cathares. Il espère ainsi faire renaître leur religion. Il a pour assistante une jeune fille qu’il a recueillie. Elle se croit victime d’une malédiction qui l’empêche d’aimer. Roland, un jeune compositeur en mal d’inspiration, est attirée par elle… Adaptation d’une nouvelle de Gaston Bonheur « La mort ne reçoit que sur rendez-vous » publiée en 1943, La fiancée des ténèbres illustre bien cette vogue du cinéma français sous l’Occupation pour les films fantastiques, sujets que l’on pouvait tourner sans crainte de sanctions. Il s’agit ici de faire revivre la légende cathare des Albigeois. Le tournage fut rendu difficile par le manque de moyens et la surveillance constante d’un officier allemand. On ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que le résultat aurait pu être bien supérieur. Néanmoins, le film reste assez fort ; il parvient à distiller une certaine atmosphère qui nous rappelle celle des Visiteurs du Soir ou des films de Cocteau (1). Sorti après la Libération, La fiancée des ténèbres fut mal compris, toute la partie idyllique se déroulant à Tournebelle fut, semble t-il, plutôt mal perçue. Le film reste, assez injustement, aujourd’hui méconnu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Richard-Willm, Jany Holt, Édouard Delmont, Fernand Charpin, Palau, Robert Dhéry, Simone Valère
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Remarque :
Jean Anouilh aurait participé à l’écriture de La fiancée des ténèbres pour une scène d’amour entre Sylvie et Roland.

(1) Jean Cocteau a d’ailleurs collaboré avec Serge de Poligny à l’écriture de son film précédent Le baron fantôme (1943) qui avec La fiancée des ténèbres constituent les deux films notables de ce réalisateur.

22 janvier 2012

La Roue (1922) d’ Abel Gance

La Roue - affiche de Fernand Léger(Film muet de 4h22) Lors d’une catastrophe ferroviaire, le mécanicien Sisif recueille à l’insu de tous une petite fille seule, Norma, pour faire une petite sœur à son fils. Quinze ans plus tard, tous deux ont grandi, persuadés d’être frère et sœur. Ils vivent gaiement au milieu des rails et des locomotives… La Roue fait certainement partie des cinq ou six films les plus marquants de l’Histoire du cinéma. Son ampleur, son intensité, son caractère novateur frappèrent les esprits, influencèrent de nombreux cinéastes. Plus que tout autre, il symbolise l’Avant-Garde de ce début des années vingt.

En 1919, tout auréolé du succès de J’accuse, Abel Gance est à 30 ans le cinéaste européen le plus encensé. Il met en chantier un grand projet auquel il consacrera trois années entières : débuté en décembre 1919, le film ne sera projeté pour la première fois qu’en décembre 1922. La Roue est une grande histoire tragique qui reste à jamais marquée par la propre tragédie qui touchait Abel Gance au même moment (1). Il en a écrit lui-même le scénario.

La Roue Le film est novateur en premier par son contenu : La Roue est certes un mélodrame, mais un mélodrame très psychologique centré principalement sur un personnage et qui semble pénétrer les tréfonds de l’âme (comme Pabst le fera ensuite). C’est à l’époque totalement nouveau. Il est très réaliste dans sa description de la vie des cheminots. Au lieu d’être tourné en studio, le film est tourné en très grande partie en extérieurs : Abel Gance et son équipe ont occupé plusieurs mois une petite maison construite La Roueau beau milieu des rails de la gare Saint-Roch à Nice, avec des guetteurs pour prévenir de l’arrivée des trains. La seconde partie est tournée au col de Voza, à deux mille mètres d’altitude. Il y a aussi l’importance des objets, notamment ces locomotives qui deviennent des personnages à part entière. Abel Gance utilise le monde des trains (fumées, rails, machines) et les façonne (compositions, surimpressions) de manière lyrique pour exprimer des sentiments.

La RoueLe film est également novateur dans sa forme : Abel Gance veut tout essayer, il multiplie les effets visuels, les plans, adopte un montage étonnamment riche, rapide et précis, formidablement rythmé, il utilise les caches pour centrer l’attention, les gros plans pour exprimer des sentiments. L’acteur Séverin-Mars est étonnant de force, il a un visage qui dégage beaucoup d’intensité. L’acteur est hélas mort juste à la fin du tournage.

La Roue - affiche de Fernand LégerL’affiche est signée Fernand Léger. A sa sortie, La Roue fut acclamé par beaucoup, vilipendé par d’autres mais, indéniablement, le film a marqué les esprits, influencé des cinéastes majeurs comme Eisenstein, Kurosawa, Pabst et beaucoup d’autres ensuite. Comme Cocteau l’a bien résumé : « Il y a le cinéma d’avant et d’après La Roue comme il y a la peinture d’avant et d’après Picasso ».
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Séverin-Mars, Ivy Close, Gabriel de Gravone, Pierre Magnier, Georges Térof
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Versions :
La Roue - affiche de Fernand LégerA) La première projection de La Roue fut étalée sur trois jours, les jeudi 14, 21 et 28 décembre 1922 dans la très grande salle du Gaumont-Palace (6 000 places) Place Clichy à Paris. Le film faisait alors 32 bobines soit environ 8 heures. Arthur Honegger avait composé une musique pour cette version, l’un des morceaux est resté connu sous le nom « Pacific 231 ».
B) A la demande des distributeurs, Abel Gance réduit son film de 32 à 12 bobines soit près de 3 heures. C’est cette version qui sera la plus largement vue en Europe et de par le monde.
C) Une version encore plus réduite est faite par les distributeurs anglais eux-mêmes : 7 à 8 bobines soit moins de 2 heures. Ce massacre enlèvera tout attrait au film qui n’aura que peu de succès en Angleterre et explique son absence de sortie aux Etats-Unis. Une version (différente?) de 8 bobines a été utilisée pour une ressortie en 1928.
D) Différentes restaurations ont été tentées dans les années 90 dont celle de la Cinémathèque Française réalisée par Marie Epstein.
E) Une restauration a été menée dans les années 2006-2008 par David Shepard et Eric Lange de Lobster films : c’est la version 12 bobines augmentée de fragments d’une copie teintée plus complète pour totaliser 4h22, soit l’équivalent de 20 bobines. Cette version n’est hélas pas disponible sous forme de DVD en France. En revanche, le DVD est disponible aux Etats-Unis, magnifique version éditée par Flicker Alley (zone 0 donc lisible sur tous les lecteurs, tous les intertitres sont en anglais, pas de sous-titres).
F) Restauration d’une version de 6h53 par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, en partenariat avec la Cinémathèque française et la Cinémathèque suisse, à partir du négatif, de nombreuses copies et du scénario original d’Abel Gance. Cette version, très proche de la version complète, a été montrée pour la première fois dans le cadre du Festival Lumière 2019, les 19 et 20 octobre 2019, avec l’Orchestre National de Lyon sous la direction de Frank Strobel (lire sur le site du Festival Lumière).

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Notes:
(1) Abel Gance vivait alors avec Ida Danis. La jeune femme avait été touchée par l’épidémie de grippe espagnole du printemps 1919 et sa maladie avait évolué en tuberculose. Abel Gance choisit Nice comme lieu de tournage car le climat était bon pour Ida. Quand les médecins avancèrent que l’altitude pourrait la faire guérir, Abel Gance modifia son scénario pour y introduire un accident et placer toute la fin de son histoire dans le Massif du Mont Blanc. Ida mourut le 9 avril alors qu’Abel Gance venait de terminer le tournage du film et en commençait le montage.

Abel Gance a dédié La Roue à Ida Danis. Cette dédicace est émouvante :
« Ida chérie, certes je te dédie La Roue que j’ai exécuté presque en sacrifice tous les jours de ton martyre. Commencé avec ton premier jour de maladie, je l’ai terminé le jour de ta mort. Une fois de plus, « la pointe de la Sagesse s’est retournée contre la sage » ; il est vraiment stupéfiant de voir cette coïncidence, cette transposition de ma Fatalité que je tirais du néant, à ma fatalité propre. » (Extrait de son livre Prisme)

Le titre initial La Rose du rail  fut changé par Abel Gance en La Roue, titre beaucoup plus noir qui fait là aussi écho à la propre tragédie d’Abel Gance. Ce titre est expliqué assez tôt dans le film par une citation de Kipling :
La tragédie de Sisif va commencer car « il est sur la Roue des choses, enchaîné à la Roue de la vie, toujours, de désespoir en désespoir. » (Kipling)
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Remake :
La Roue de André Haguet et Maurice Delbez (1956) avec Jean Servais, Claude Laydu et Catherine Anouilh, remake non vu mais qui semble bien inutile.

20 janvier 2012

Une femme sans amour (1952) de Luis Buñuel

Titre original : « Una mujer sin amor »
Autre titre français (DVD) : « Pierre et Jean »

Una mujer sin amorMariée à un homme plus âgé qu’elle n’aime pas, une femme a une aventure avec un ingénieur des forêts. Il lui demande de quitter son mari mais elle hésite à abandonner son petit garçon de 5 ans… Une femme sans amour est adapté du roman de Guy de Maupassant « Pierre et Jean » qui avait déjà été porté à l’écran par André Cayatte 8 ans auparavant. Il fut même demandé à Luis Buñuel de reproduire le film de Cayatte plan par plan, ce que Buñuel refusa. Il qualifie lui-même dans ses mémoires le résultat de médiocre et déclare que Une femme sans amour est sans doute son plus mauvais film. C’est un jugement certainement un peu sévère. Certes le film manque d’intensité et paraît bien conventionnel mais la mise en scène est sans défaut et le mélodrame garde un certain attrait.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Rosario Granados, Tito Junco, Julio Villarreal
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C’est un remake de :
Pierre et Jean d’André Cayatte (1943) avec Renée Saint-Cyr et Noël Roquevert.