20 janvier 2022

L’Amour en fuite (1979) de François Truffaut

L'amour en fuiteHuit ans après leur mariage, Antoine et Christine se quittent en bons termes et toujours liés par leur fils Alphonse. Antoine a une liaison avec Sabine, vendeuse dans un magasin de disques, et retrouve par hasard Colette, son premier amour…
En difficulté après l’échec de La Chambre Verte, François Truffaut accepte à contre-coeur de tourner une suite à la saga Antoine Doinel. Mais plus qu’une suite, il conçoit le film comme un « récapitulatif » et y place une fin « conclusive » pour être sûr qu’on n’y reviendra pas. Truffaut a un avantage extrêmement rare : il a déjà filmé Jean-Pierre Léaud à différents âges, de treize ans à vingt-huit ans (il a trente-trois ans au moment du tournage) et peut donc utiliser des extraits ou des chutes de ses précédents films pour faire les flash-back. Sur ce plan, le film est vraiment unique en son genre. Les flashbacks sont nombreux, il y en a 18 minutes sur les 1h35 du film. Les esprits chagrins pourront reprocher la faiblesse du scénario de la période actuelle mais Truffaut l’a voulu ainsi : étoffer l’histoire aurait été une « suite de plus ». Il faut prendre L’Amour en fuite comme un moyen amusant de se remémorer les films précédents de la saga Doinel, c’est « une mosaïque, l’histoire d’une vie ». L’ensemble est plaisant mais reste mineur dans la filmographie du cinéaste.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Léaud, Marie-France Pisier, Claude Jade, Dani, Dorothée, Daniel Mesguich, Julien Bertheau
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Cycle Antoine Doinel de François Truffaut :
1. Les 400 coups (1959)
2. Antoine et Colette (dans « L’amour à 20 ans ») (1962)
3. Baisers volés (1968)
4. Domicile conjugal (1970)
5. L’amour en fuite (1978)

L'amour en fuiteJean-Pierre Léaud et Dorothée dans L’amour en fuite de François Truffaut.

Remarque :
* A 25 ans, Dorothée était alors en pleine ascension à la télévision où elle animait Récré A2 (le Club Dorothée ce sera dix ans plus tard). Après ce film, elle ne jouera ensuite que dans un seul film : Pile ou face de Robert Enrico (1980), film policier avec Philippe Noiret et Michel Serrault (plus deux ou trois apparitions).

1 novembre 2021

L’argent de poche (1976) de François Truffaut

L'argent de pocheDans une petite ville du centre de la France, une poignée d’enfants entre 8 et 14 ans sont répartis dans les deux classes de l’école des garçons…
L’argent de poche est un film français réalisé par François Truffaut. Il en a écrit le scénario avec sa collaboratrice habituelle, Suzanne Schiffman. Il n’y a pas d’histoire suivie mais plutôt un ensemble de petites histoires, des petits épisodes, souvent assez drôles, de leur vie quotidienne. Truffaut veut s’opposer à l’image trop souvent rencontrée dans le cinéma de la « cruauté de l’enfance ». Il veut montrer qu’un enfant normalement aimé et entouré n’éprouvera aucun désir de martyriser un autre enfant. En fin de film, par la bouche de Jean-François Stévenin, il nous livre également un plaidoyer contre la maltraitance des enfants. François Truffaut sait trouver le ton juste, il nous amuse, nous touche, nous étonne même et sait éviter toute mièvrerie ou facilité. C’est une ode à l’enfance. Le film connut un grand succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-François Stévenin, Chantal Mercier, Virginie Thévenet, Tania Torrens
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Remarque :
* François Truffaut fait une apparition dans le pré-générique, le père de la jeune fille au volant de sa voiture.
* L’une des deux jeunes filles invitées au cinéma (la plus jeune des deux) est Eva Truffaut, la fille du cinéaste.
* La jeune mère d’Oscar (séquence d’actualités) est interprétée par Laura Truffaut, sa fille aînée.

L'argent de pocheFranck De Luca dans L’argent de poche de François Truffaut.

L'argent de pocheCorinne Boucart,Bruno de Stabenrath, Georges Desmouceaux et Eva Truffaut dans L’argent de poche de François Truffaut.

24 août 2021

La Chambre verte (1978) de François Truffaut

La Chambre verteFin des années 1920 dans l’est de la France. Rescapé de la Grande Guerre, Julien Davenne est rédacteur de la rubrique nécrologique d’une revue moribonde. Il est veuf, vit avec une gouvernante et Georges, un enfant sourd et muet à qui il apprend à parler. Sa seule raison de vivre est de conserver vivante la mémoire de sa femme Julie, morte en 1919 à l’âge de 22 ans…
L’idée d’un film consacré aux défunts hantait François Truffaut depuis quelques années : « il arrive un moment où nous nous apercevons que nous connaissons plus de morts que de vivants. » Jean Gruault et François Truffaut ont écrit le scénario de La Chambre verte sur la base de trois nouvelles de Henry James (1). Il aborde le thème de la mort d’êtres proches sous trois angles principaux : « Faut-il oublier les morts ? », « A-t-on le droit de refaire sa vie ? » et « Que se passerait-il si nous restions attachés aux morts par les mêmes sentiments que ceux qui nous lient aux vivants ? » Truffaut a choisi d’interpréter lui-même le personnage principal « pour que le film soit plus intime », et de fait, il est délicat de cerner jusqu’à quel point il s’assimile à Julien Davenne. Lors de l’entretien avec le secrétaire de l’évêché, c’est indéniablement le cinéaste qui parle : ce n’est pas un film sur le culte des morts et il n’y a rien de religieux dans sa démarche. En réalité, Truffaut s’arc-boute sur son refus de l’oubli, sur son désir de continuer à vivre avec les morts. Le film est grave, un peu morbide, l’obsession du personnage principal a quelque chose d’inquiétant et l’insertion d’un alter-ego féminin plus souple dans ses positions (et auquel nous sommes censés nous identifier) n’enlève rien au malaise. Malgré un bon accueil critique, le film fut un fiasco et François Truffaut devra faire revenir Antoine Doinel (dans L’Amour en fuite, 1979) pour renflouer les caisses des Films du Carrosse.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: François Truffaut, Nathalie Baye, Jean Dasté
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(1) L’Autel des morts (The Altar of the Dead, 1895), La Bête dans la jungle (The Beast in the Jungle, 1903) et Les Amis des amis (The Friends of the Friends, 1896).

La Chambre verteNathalie Baye et François Truffaut dans La Chambre verte de François Truffaut.

3 février 2019

La Femme d’à côté (1981) de François Truffaut

La Femme d'à côtéPropriétaire d’un club de tennis de la région de Grenoble, Madame Jouve raconte un fait divers : Bernard et Arlette Coudray menaient une vie tranquille jusqu’à l’installation de nouveaux voisins, Philippe et Mathilde Bauchard. En fait, Bernard et Mathilde se connaissaient déjà…
La Femme d’à côté est l’avant-dernier film de François Truffaut qui renoue ici avec les histoires d’amour-passion. L’amour chez Truffaut est souvent un sentiment violent, qui fait perdre le contrôle de soi même, qui estropie, qui peut même mener à la folie (Adèle H.) C’est encore le cas dans cette histoire que le réalisateur résume par cette phrase qu’il met dans la bouche de Madame Jouve à la fin du film : « Ni avec toi, ni sans toi ». Truffaut  traite l’amour comme une maladie, de celles dont on ne guérit pas. Cela ne l’empêche pas d’avoir beaucoup de délicatesse avec ses personnages. Fanny Ardant et Gérard Depardieu font un couple très fort, malgré un jeu tout en retenue ; on a parfois l’impression d’entendre Truffaut par la bouche de Depardieu, qui a ici la même diction placide que son réalisateur. Le film est aussi porté par la musique, belle et douloureuse, de Georges Delerue.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Henri Garcin, Michèle Baumgartner, Véronique Silver
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La femme d'à côté
Gérard Depardieu, Michèle Baumgartner, Henri Garcin et Fanny Ardant dans La Femme d’à côté de François Truffaut.

11 avril 2017

Une belle fille comme moi (1972) de François Truffaut

Une belle fille comme moiPour écrire une thèse de sociologie sur les femmes criminelles, le jeune Stanislas Prévine se rend en prison pour interviewer Camille Bliss, accusée d’avoir tué l’un de ses amants. Camille commence à lui raconter son parcours qui fut quelque peu mouvementé… Une belle fille comme moi apparaît comme étant un film plutôt mineur dans la filmographie de François Truffaut. Il a réalisé cette comédie légère pour se changer les idées après le grave Les deux Anglaises et le continent. Par certains côtés, ce pourrait être le pendant féminin à L’homme qui aimait les femmes mais sans avoir la brillance de ce dernier. Il y a de belles trouvailles d’humour (les bruitages de Formule 1, le « dératiseur catholique », …) mais l’ensemble manque de rythme malgré la grande vitalité de Bernadette Lafond et paraît presque un peu bâclé. Comme le précise le générique de fin, c’est le premier vrai rôle au cinéma pour André Dussollier, très gauche comme son personnage l’exige, et aussi pour Anne Kreis que Truffaut fait jouer comme Claude Jade. Une belle fille comme moi est plaisant, sans plus.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Claude Brasseur, Charles Denner, Guy Marchand, André Dussollier, Philippe Léotard
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Remarque :
* Une fois le film achevé, François Truffaut s’est aussitôt lancé dans la préparation de La Nuit américaine sans même assurer la promotion de son film.

Une belle fille comme moi
Bernadette Lafont et le jeune (25 ans) André Dussollier dans Une belle fille comme moi de François Truffaut.

Une belle fille comme moi
Bernadette Lafont et Philippe Léotard dans Une belle fille comme moi de François Truffaut.

13 juillet 2016

Mata Hari, agent H21 (1964) de Jean-Louis Richard

Mata Hari, agent H21En 1917, la danseuse « javanaise » Mata Hari séduit le public du cabaret parisien où elle se produit. C’est aussi une espionne qui travaille pour l’Allemagne et qui utilise ses charmes pour obtenir des renseignements… Mata Hari, agent H21 est un film plutôt rare et méconnu. Son géniteur est Jean-Louis Richard, scénariste de François Truffaut. La situation est ici inversée puisque Truffaut est scénariste-dialoguiste du film. Les deux compères utilisent le mythe de l’espionne Mata Hari (rappelons que si la femme a bien existé, on ne sait toujours pas avec certitude aujourd’hui si elle était réellement une espionne) pour mettre en valeur Jeanne Moreau, actrice qu’ils portent tous deux dans leur coeur. Les invraisemblances n’ont donc que peu d’importance, on se situe même à la limite de la fantaisie, du divertissement plaisant. Malgré un budget certainement limité, la reconstitution est soignée et réussie avec une agréable atmosphère Belle-époque. La photographie de Michel Kelber est assez superbe et les dialogues souvent brillants. La musique de Georges Delerue est très présente, peut-être un peu trop, parfois. L’ensemble est assez élégant. Sans être un film majeur, Mata Hari, agent H21 est un bel écrin pour Jeanne Moreau qui succède ainsi joliment à Greta Garbo…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Jean-Louis Trintignant, Claude Rich, Henri Garcin, Frank Villard
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Remarques :
* On remarquera les petites apparitions d’autres acteurs de l’univers Truffaut : Jean-Pierre Léaud (le fils un peu illuminé), Marie Dubois (la jeune fille à la gare), Charles Denner (un soldat), Albert Rémy (le père) ou encore Nicole Desailly, la femme de Jean Desailly (en Charlotte, servante de Mata Hari).
* Jean-Louis Richard a ensuite été plus souvent acteur que réalisateur.
* Jeanne Moreau et Jean-Louis Richard ont été brièvement mariés (1949-1951), ils ont eu un fils ensemble, Jérôme Richard qui a fait un peu de figuration (il a un petit rôle dans Céline et Julie vont en bateau de Rivette).

* Autres films inspirés de la vie de Mata Hari :
Mata Hari (1921) film allemand de Ludwig Wolff avec la star danoise Asta Nielsen (film perdu)
Mata Hari, die rote Tänzerin (1927) film allemand de Friedrich Feher avec sa femme Magda Sonja dans le rôle principal (film perdu)
Mata Hari (1931) de George Fitzmaurice avec Greta Garbo
Mata Hari (1985) variation pseudo érotique avec Sylvia Kristel.
Mata Hari (2017?) film de David Carradine avec sa fille Calista Carradine dans le rôle principal (film en production)
+ plusieurs téléfilms dont un récent (2003) avec Maruschka Detmers.

Mata Hari
Jean-Louis Trintignant et Jeanne Moreau dans Mata Hari, agent H21 de Jean-Louis Richard.

Mata Hari
Jeanne Moreau, photo publicitaire pour Mata Hari, agent H21 de Jean-Louis Richard.

24 octobre 2015

Rencontres du troisième type (1977) de Steven Spielberg

Titre original : « Close Encounters of the Third Kind »

Rencontres du troisième typeD’étranges phénomènes surviennent à plusieurs endroit du globe : des avions disparus mystérieusement il y a trente ans ressurgissent soudainement au Mexique, un cargo porté disparu est découvert échoué au beau milieu du désert de Gobi et un petit groupe d’américains voient passer de petits vaisseaux spatiaux devant eux… Avec Star Wars sorti quelques mois plus tôt, Rencontres du troisième type a grandement initié le retour de la science-fiction en tant que film à grand spectacle. Le film de Spielberg forme en quelque sorte un diptyque avec E.T. qu’il tournera cinq ans plus tard, reposant sur une vision très idéaliste de contacts avec des extra-terrestres bienveillants. Ce que Spielberg réussit parfaitement à transmettre, c’est l’émerveillement presque enfantin qu’une telle situation peut générer dans nos esprits. Certes, les effets spéciaux de 1977 n’ont plus le pouvoir de nous étonner aujourd’hui mais le film n’en paraît que meilleur car la magie des images et du propos n’en est que plus évidente. On en ressort ébloui… En outre, la musique de John Williams est superbe.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Richard Dreyfuss, François Truffaut, Teri Garr, Melinda Dillon, Bob Balaban
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Rencontres du Troisième type
Rencontres du Troisième Type
François Trffaut dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg.
(à noter que c’est sa seule apparition en tant qu’acteur dans un film dirigé par un autre réalisateur que lui-même).

Remarques :
* Le scénario a été écrit (dès 1973) en grande partie par Paul Schrader (futur réalisateur et auteur du scénario de Taxi Driver) qui a demandé à enlever son nom du générique : la mésentente venait du fait que Spielberg voulait un héros ordinaire alors que Schrader était allergique à tout américain moyen : « Si quelqu’un doit me représenter, moi et la race humaine toute entière, je n’ai pas envie que envie que ce soit un type qui prend ses repas chez McDonalds ! » disait-il. « Mais, c’est justement ce que je veux ! » répondait Spielberg.

* Trois types de rencontres ont été définis par l’ufologue J. Allen Hynek (qui fait une petite apparition dans le film) :
– 1er type : Observation visuelle d’OVNI
– 2e type : Découverte d’une preuve de visite extra-terrestre.
– 3e type : Entrer en contact avec des extra-terrestres.

* Le petit garçon est interprété par Cary Guffey (5 ans). Il était si bon que l’équipe l’avait surnommé « One Take Cary » (= une seule prise). Impressionné par sa prestation, Kubrick voulut l’engager pour jouer le petit garçon de Shining. En fait, Cary Guffey ne tournera ensuite que dans quelques films de moindre importance (Cross Creek de Martin Ritt mis à part toutefois) et ne poursuivra pas au-delà de l’âge de douze ans.

* Le scientifique est français car le personnage est basé sur l’ufologue et astronome Jacques Vallée.

* Ray Bradbury a déclaré qu’il s’agissait du plus grand film de science-fiction jamais réalisé.

* Versions :
1. Version commerciale de 1977 de 135 mn.
2. Special Edition : version remaniée par Spielberg de 132 mn avec notamment l’ajout de la scène dans le désert de Gobi, de la salle de bain et une scène finale où l’on entre avec Richard Dreyfus dans le vaisseau.
3. Director’s Cut ou Collector’s Edition : version de 137 mn où Spielberg a (fort justement) enlevé la scène à l’intérieur du vaisseau, préférant le laisser à l’imagination du spectateur.

2 mai 2013

L’Histoire d’Adèle H. (1975) de François Truffaut

L'histoire d'Adèle H.Sous un faux nom, la fille cadette de Victor Hugo, Adèle, arrive par bateau à Halifax en 1863. Elle vient en Nouvelle-Écosse rejoindre un lieutenant de hussards britannique avec lequel elle a eu une brève idylle et qu’elle continue d’aimer avec force. Quand elle entre enfin en contact avec le jeune homme, celui-ci ne semble guère heureux de la revoir et la repousse… En se besant uniquement sur des faits réels et historiques, François Truffaut nous raconte l’histoire d’Adèle Hugo (1). Il porte sur cette histoire d’amour-passion à un seul personnage le même type de regard que sur le cas de L’Enfant sauvage : il observe et décrit ce glissement accepté vers la folie avec un détachement presque clinique. Certes on peut regretter une certaine froideur, qui normalement ne sied guère aux histoires d’amour-passion, mais Truffaut est un grand conteur et nous sommes captivés par son récit ; sa réalisation est d’un grand classicisme dans le sens noble du terme, tout ici est essentiel. Le montage est superbe, privilégiant la continuité du personnage plutôt que la continuité temporelle. C’est le premier grand rôle pour Isabelle Adjani qui livre une belle interprétation du type « habité par son personnage », mais sans aucun excès toutefois. Rejetée à la fois par l’homme qu’elle aime et par sa famille, elle s’enferme peu à peu dans la bulle qu’elle s’est créée. Il faut remarquer à quel point L’Histoire d’Adèle H. est un film à un seul personnage ; cela le rend encore plus remarquable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabelle Adjani, Bruce Robinson
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Remarque :
* Bruce Robinson, l’acteur qui interprète le lieutenant, s’est ensuite tourné vers l’écriture de scénarios puis vers la réalisation.
* François Truffaut fait une apparition « cameo » : il est l’officier qu’Adèle pense avoir reconnu dans la rue peu après son arrivée à Halifax.

(1) Adèle Hugo est le cinquième enfant et la seconde fille de Victor Hugo. Sa mère se prénommait également Adèle. Sa soeur aînée, Léopoldine, s’est tuée dans un accident de bateau à l’âge de 19 ans, peu après son mariage, tragédie dont Victor Hugo n’est jamais vraiment remis. Léopoldine était la fille préférée de ses parents et Adèle a toujours vécu dans son ombre. Adèle a laissé un journal de 6000 pages.

8 décembre 2011

Tire-au-flanc 62 (1961) de Claude de Givray et François Truffaut

Tire-au-flanc 62Jean Lerat de la Grignotière, aristocrate de bonne famille, arrive à la caserne pour faire son service militaire. A son grand dam, il est mis au même rang que les autres appelés et va goûter aux joies de la vie militaire… Tire-au-flanc est un classique du comique troupier, une pièce écrite en 1904 par André Mouézy-Éon et André Sylvane qui a déjà été adaptée plusieurs fois au cinéma notamment par Renoir. François Truffaut a coécrit l’adaptation et a supervisé la réalisation du jeune Claude de Givray. C’est un film sans prétention, issue d’une équipe en pleine entente. C’est en réalité un enchainement de gags sans continuité narrative. Le film est très bien rythmé. Les gags sont assez classiques mais il y a de belles trouvailles dans le traitement ; le ton léger, sans méchanceté et respirant la bonne humeur, rend l’ensemble amusant. Il y aussi quelques envolées poétiques charmantes. Les réalisateurs ont parsemé le film de petits clins d’œil cinématographiques, depuis Jean Renoir et Jean Vigo jusqu’à leurs amis de la Nouvelle Vague. Tire-au-flanc 62 bénéficie d’une belle et joyeuse troupe d’acteurs dans laquelle on remarquera Bernadette Laffont, Pierre Fabre, Jacques Balutin, Cabu avec des apparitions de Jean-Claude Brialy, Pierre Etaix et même Truffaut lui-même. La photographie est de Raoul Coutard.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Christian de Tillière, Ricet Barrier, Jacques Balutin, Pierre Fabre
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Remarques :
C’est le seul film tourné par le chanteur Ricet Barrier. Il a en outre tourné un peu pour la télévision et prêté sa voix à Saturnin (oui, *le* Saturnin de notre enfance…)

Autres adaptations :
Tire au flanc (1912) de ?? avec Jeanne Bérangère et Coquet
Tire au flanc (1928) de Jean Renoir avec Michel Simon et Félix Oudart
Tire au flanc (1933) de Henry Wulschleger avec Félix Oudart et Simone Simon
Tire au flanc (1950) de Fernand Rivers avec Francis Blanche