9 novembre 2023

De grandes espérances (2022) de Sylvain Desclous

De grandes espérancesTout juste diplômée de Sciences Po, Madeleine part préparer les oraux de l’ENA en Corse avec Antoine, son amoureux avec qui elle partage des convictions politiques très à gauche. Elle vient d’un milieu très modeste tandis que lui est le fils d’un riche avocat. Mais une altercation avec un automobiliste violent sur une petite route tourne au drame et va sceller leur destin…
De grandes espérances est un film français coécrit et réalisé par Sylvain Desclous. Le film n’a aucun lien avec le roman de Charles Dickens dont le réalisateur s’est, sans vergogne, approprié le titre. Il s’agit d’un thriller sur la réussite personnelle dans le domaine de la politique et sur la confrontation de l’idéalisme avec la réalité. Après une belle mise en place, la tension se maintient tout au long du récit. L’interprétation est de bonne facture. Si le film est convaincant dans sa forme, il y aurait beaucoup à redire sur le fond. Le réalisateur justifie le manque d’éthique de ses deux jeunes personnages principaux et leur individualisme en déclarant : « Je considère qu’en matière politique, la justesse d’une cause justifie les moyens mis en œuvre pour que celle-ci triomphe ». Brrr…
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Marc Barbé, Cédric Appietto
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Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe dans De grandes espérances de Sylvain Desclous.

16 février 2021

The Nest (2020) de Sean Durkin

The NestDans les années 1980, Rory, courtier ambitieux, retourne dans son Angleterre natale pour profiter d’une opportunité dans son travail. Sortant de leur confort américain pour s’installer dans un manoir anglais, la famille va plonger dans une nouvelle vie où Rory est persuadé de faire fortune rapidement…
The Nest est un film américano-british-canadien écrit et réalisé par Sean Durkin. Si l’on est frappé dès le début par la qualité de la réalisation de ce « thriller dramatique » et par sa belle photographie, le scénario déçoit rapidement par la faiblesse de son développement. Le portrait de ce hâbleur en quête d’une réussite qu’il peine lui-même à définir est particulièrement convenu, sans surprise et trop appuyé. On attend le moment où le récit prendra vraiment corps. En vain. Assez étonnamment, le film a été couvert de prix au Festival du cinéma américain de Deauville 2020 et a été très bien reçu par la critique dont l’enthousiasme est bien difficile à partager.
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jude Law, Carrie Coon
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The NestCarrie Coon et Jude Law dans The Nest de Sean Durkin.

5 août 2020

Ceux qui travaillent (2018) de Antoine Russbach

Ceux qui travaillent Frank, un homme d’origine modeste, a gravi l’échelle sociale à force de travail. Il est contraint à la démission de son poste de cadre d’une entreprise de fret à la suite d’une mauvaise décision prise dans l’urgence. En perdant progressivement ses repères, il se rend compte qu’il a sacrifié sa famille à un travail qui ne lui rend pas ses efforts…
Pour son premier long métrage, le jeune réalisateur suisse Antoine Russbach montre une grande maitrise, aussi bien dans la mise en scène que dans l’écriture et le déroulement du scénario. Le propos est assez riche, c’est à la fois une réflexion sur la place du travail dans la vie de chacun et la mise en évidence d’une contradiction : si notre réaction est de condamner Frank pour le crime qu’il a commis, la suite du récit met en évidence que ce jugement relève d’une certaine hypocrisie. Le réalisateur affirme avoir voulu faire un film ni pro ni anti capitaliste, sa démarche est en effet plus subtile que cela. Il déroule son raisonnement sans effets dramatiques ni explosion, de façon implacable et froide à l’image de son personnage principal, merveilleux interprété par Olivier Gourmet. Ce type de rôle lui va, il est vrai, comme un gant. La bande son est la seule ombre au tableau, les bruitages et bruits ambiants étant mixés très forts, mais c’est un défaut minime. Ceux qui travaillent est une belle réussite.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Olivier Gourmet, Adèle Bochatay, Louka Minnella, Delphine Bibet
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Ceux qui travaillentOlivier Gourmet dans Ceux qui travaillent de Antoine Russbach.

6 décembre 2015

Le Mouton enragé (1974) de Michel Deville

Le Mouton enragéAprès avoir osé aborder une inconnue dans la rue, un modeste employé de banque prend de l’assurance et, suivant à la lettre les conseils d’un ami d’enfance, un écrivain sans éditeur, il quitte sa vie terne pour chercher à « gagner plein d’argent et coucher avec beaucoup de femmes »… Adaptation d’un roman de Roger Blondel, Le mouton enragé est une fable sur l’attrait de la réussite. Si le « mouton docile » va sortir du troupeau, ce n’est que pour tomber sous la coupe d’un arrivisme sans scrupules personnifié ici par cet ami écrivain raté qui vit par procuration. La démonstration est habile mais un peu trop chargée en personnages et en cibles. Tout y passe : machisme, malversations financières, magouilles politiques, presse poubelle, manipulations… Cela finit par faire beaucoup. Trintignant et Cassel sont assez remarquables et, comme toujours, Romy Schneider illumine chacune des scènes où elle figure. De petites notes d’humour viennent ça et là alléger le mordant du propos. Réalisé sous les années Pompidou, Le mouton enragé est une fable assez amère sur l’ambition personnelle et la vanité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Jean-Pierre Cassel, Romy Schneider, Jane Birkin, Henri Garcin, Georges Wilson, Florinda Bolkan
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Le mouton enragé
Jean-Louis Trintignant et Jean-Pierre Cassel dans Le Mouton enragé de Michel Deville.

Le Mouton enragé
Romy Schneider dans Le Mouton enragé de Michel Deville.

22 mars 2015

L’impitoyable (1948) de Edgar G. Ulmer

Titre original : « Ruthless »

L'impitoyableVic Lambdin se rend avec sa femme Mallory à la résidence de son ami d’enfance, Horace Vendig, devenu l’un des plus riches financiers de New York. Celui-ci annonce qu’il se retire des affaires, laissant la plus grande partie de sa fortune à une fondation. Les deux amis qui ont fini par se détester se remémorent le passé… La construction de Ruthless en flashbacks successifs a parfois conduit le surnommer le « Citizen Kane de série B ». C’est à la fois flatteur et sévère car, s’il n’a pas toutes les qualités du film de Welles, ce n’est pas non plus un film mineur. Certes, Edgar G. Ulmer a été souvent cantonné à la série B mais il a parfois bénéficié de budgets un peu plus importants et de meilleurs castings, montrant alors ses qualités. C’est ici le cas. Ruthless est une fable morale sur l’ambition au service d’un individualisme forcené. Le portrait psychologique est assez profond car, en réalité, il nous montre que ce n’est ni l’ambition seule, ni même le désir de s’enrichir qui meut le financier mais l’angoisse d’être privé de que les autres ont. Il a ainsi bâti sa fortune en prenant quelque chose aux personnes qu’il côtoie, aussi bien amis qu’ennemis, à commencer par les femmes. Cet arrivisme déshumanisé n’a pas vraiment de ligne directrice ni de dessein, le propos passe même par une certaine démonstration de l’absence de libre arbitre (1). Zachary Scott est très crédible dans son rôle (avec, de façon amusante pour nous, spectateur français, une certaine ressemblance physique avec Bernard Arnault). Malgré quelques lourdeurs occasionnelles, la réalisation d’Edgar G. Ulmer sait donner une certaine ampleur à ce portrait psychologique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Zachary Scott, Louis Hayward, Diana Lynn, Sydney Greenstreet, Lucille Bremer, Martha Vickers
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Ruthless
Louis Hayward, Diana Lynn et Zachary Scott dans L’impitoyable (Ruthless) de Edgar G. Ulmer

Remarque :
* Ruthless est adapté d’un roman de Dayton Stoddart : Prelude to Night.

(1) Le propos se place donc à l’opposé du libertarisme prôné par Ayn Rand dans Le Rebelle de King Vidor qui sortira l’année suivante et qui place l’individualisme en tant que qualité motrice et le lie à la liberté individuelle et au libre arbitre.

29 novembre 2013

The Swimmer (1968) de Frank Perry

Titre français parfois utilisé : « Le Plongeon »

Le plongeonPar un bel après-midi d’été, un homme sort des bois en maillot de bain pour plonger dans la piscine d’une belle propriété du Connecticut. L’homme connait visiblement les propriétaires qui l’accueillent chaleureusement, véritablement heureux de le revoir. De leur terrasse qui domine une petite vallée, il lui prend l’idée de passer de propriété en propriété jusque chez lui, nageant de piscine en piscine… Basé une histoire écrite par John Cheever, The Swimmer est un film très original, un peu déroutant sans aucun doute mais franchement remarquable. Il surprend par sa forme et son contenu, cachant bien son jeu dans le premier tiers du film pour ensuite se dévoiler peu à peu (d’ailleurs, je conseillerais d’en lire le moins possible sur le film avant de le visionner). Pour ne pas trop en dire, disons que l’histoire est en réalité une belle allégorie sur la réussite sociale et le rêve américain ; sur le fond, The Swimmer n’est d’ailleurs sans rappeler d’autres films de la même époque comme Le Lauréat. Si le déroulement du scénario est parfait, le film n’est pas sans défaut sur le plan de la forme : ralentis, transitions, les effets sont souvent trop appuyés. La fin est ratée, l’insistance mélodramatique la rend presque risible. A 55 ans, Burt Lancaster passe tout le film en maillot de bain (quand ce n’est pas moins…) Avec son corps athlétique allié à une séduisante maturité, il porte le film beaucoup plus haut que ne l’aurait fait un autre acteur. Trop déroutant, The Swimmer n’a connu que peu de succès à sa sortie. Il fait aujourd’hui partie de ces films méconnus qui méritent vraiment d’être découverts. Original et étonnant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Janet Landgard, Janice Rule
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Remarques :
* Le scénario a été écrit par Eleanor Perry, la femme du réalisateur (elle a écrit le scénario de tous ses films).
* Le film n’est, semble t-il, pas sorti en France à l’époque. IMDB donne bien une date de sortie française en 1968 mais les revues de cinéma de l’époque ne le mentionnent pas. Quoiqu’il en soit, The Swimmer est ressorti en 2010.
* Sydney Pollack a été appelé à la rescousse par le producteur pour retourner une scène avec Janice Rule (l’ancienne amante de Ned).

Lire aussi (mais plutôt après avoir vu le film) l’analyse d’Olivier Bitoun sur DVDClassik.

22 août 2013

Doux oiseau de jeunesse (1962) de Richard Brooks

Titre original : « Sweet Bird of Youth »

Doux oiseau de jeunesseParti depuis quelques années pour réussir, l’ex-barman Chance Wayne revient dans sa ville natale au volant d’une superbe Cadillac décapotable. Il est accompagné d’une ancienne star de cinéma alcoolique qu’il a pris en charge. S’il revient, c’est pour voir son ancien amour Heavenly mais le père de la jeune fille, un politicien conservateur qui dirige la ville, ne voit pas ce retour d’un bon oeil… Quatre ans après La Chatte sur un toit brûlant, Richard Brooks adapte une autre pièce de Tennessee Williams à l’écran, Doux oiseau de jeunesse. Elia Kazan l’avait montée à Broadway avec succès et Brooks en reprend quatre acteurs principaux (1). Comme souvent avec Tennessee Williams, il s’agit d’un drame qui va sonder les tréfonds de l’âme humaine. Ici, tout tourne autour de la soif de réussite et de l’absence de mixité sociale. Chance Wayne (quel nom !) mise sur son physique pour avoir, lui aussi, sa chance et obtenir un raccourci vers le haut de la hiérarchie sociale et, par là même, vers son ancien amour. Paul Newman paraît être l’interprète idéal pour exprimer toutes les facettes de ce personnage finalement plein de naïveté. Il avait de plus l’avantage de bien connaitre le rôle. Il faut excuser la fin en happy end, qui paraît plaquée et même un peu idiote, nécessaire pour que le film passe la censure (2). Doux oiseau de jeunesse connut un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Geraldine Page, Shirley Knight, Ed Begley, Rip Torn, Mildred Dunnock, Madeleine Sherwood
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(1) Paul Newman, Geraldine Page, Madeleine Sherwood (Miss Lucy) and Rip Torn (le fils) tenaient le même rôle dans la pièce à Broadway qui fut jouée 375 fois à partir de mars 1959.
(2) Dans la pièce originale, la fin est assez dure : ce que l’on craint que le fils puisse faire à un certain moment (sur le capot de la voiture), il le fait vraiment. Et il n’y a pas de départ ensuite.

11 août 2012

Le marchand des quatre saisons (1971) de Rainer Werner Fassbinder

Titre original : « Händler der vier Jahreszeiten »

Le marchand des quatre saisonsDe retour de la Légion étrangère, Hans devient marchand ambulant de fruits et légumes avec sa femme. Se sentant rejeté, il est d’humeur de plus en plus sombre… Le marchand des quatre saisons est le premier succès commercial de Fassbinder ; il fut très bien accueilli en Allemagne aussi bien par le public que par la critique. Inspiré entre autres par les mélodrames de Douglas Sirk, le réalisateur signe ici un film sur le manque d’amour et de considération. La scène d’introduction donne le ton : « Ce sont les meilleurs qui s’en vont, il n’y a que les gens comme toi pour revenir », dit la mère d’Hans à son retour. C’est aussi un film qui questionne sur la société bourgeoise des années cinquante et soixante, une société sans amour et sans bonheur, et aussi sur la réussite allemande, une société où les femmes ont une grande importance, ce sont elles qui sont garantes de l’ordre moral. Hans Hirschmüller fait une belle prestation en ours en quête d’amour, dont les désirs et aspirations restent inassouvis. Le film n’est pas sans maladresse dans sa forme mais Fassbinder montre déjà une indéniable maitrise. Il compense la faiblesse des moyens par une belle densité du contenu. Malgré son style assez simple, Le marchand des quatre saisons est en effet un film très riche.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Hans Hirschmüller, Irm Hermann, Hanna Schygulla
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