21 janvier 2013

L’Armée des 12 singes (1995) de Terry Gilliam

Titre original : « 12 monkeys »

L'armée des 12 singesAprès une gigantesque épidémie qui a presque éradiqué toute vie humaine sur Terre, forçant les quelques survivants à vivre en sous-sol, un petit groupe de scientifiques envoie un homme dans le passé dans l’espoir de modifier le présent… L’armée des 12 singes est inspiré du film expérimental de Chris Marker La Jetée. Contrairement à son habitude, Terry Gilliam n’en a pas écrit le scénario (1). Ce n’est pas un remake car le thème du voyage dans le temps est poussé beaucoup loin dans ses paradoxes et la confusion qu’il génère. La filiation de L’armée des 12 singes avec Brazil est manifeste : on retrouve cet environnement néo-baroque où la technologie et la bureaucratie jouent des rôles pernicieux et favorisent l’oppression, les décors inspirés en partie de l’expressionnisme allemand, le caractère déboussolé et impuissant de son personnage principal, une certaine vision cauchemardesque du modernisme. L’interprétation est parfaite, la plus étonnante avec le recul étant sans doute celle de Brad Pitt. Malgré la complexité de son scénario, L’armée des 12 singes fut un succès, le plus grand succès commercial de Terry Gilliam.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Bruce Willis, Madeleine Stowe, Brad Pitt, Christopher Plummer
Voir la fiche du film et la filmographie de Terry Gilliam sur le site IMDB.

Voir les autres films de Terry Gilliam chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Tout comme La Jetée, le film de Terry Gilliam rend hommage au film Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock par l’intermédiaire de la fameuse scène du tronc multi-centenaire. Alors que Chris Marker avait refait cette scène, Terry Gilliam diffuse l’originale quand ses personnages vont dans un cinéma pour se cacher. En outre, dans cette scène, Madeleine Stowe porte le même manteau que Kim Novak.

* Le titre du film vient du roman de Lyman Frank Baum Le Magicien d’Oz où le roi est parvenu à convaincre douze singes de devenir soldats pour lui, en leur promettant de la nourriture à volonté.

* Bien que ce ne soit précisé à aucun moment, le scénario situe les scènes du « futur » en 2035, ce qui est logique vu l’âge du personnage joué par Bruce Willis.

(1) C’est Universal qui a acquis les droits de La Jetée et confié l’écriture du scénario à David Peoples (qui avait travaillé notamment sur Blade Runner).

3 réflexions sur « L’Armée des 12 singes (1995) de Terry Gilliam »

  1. Il est rare de trouver un film qui soit à la fois fidèle à l’original (La jetée) et nettement différent.

    Il est rare de trouver un film qui soit aussi génial (d’une manière différente, donc) que son original.

    C’est le double miracle réussi par le duo La jetéeL’armée des douze singes.

    J’avais adoré le film expérimental de Chris Marker, et l’émotion poignante qu’il parvient à transmettre à partir d’images fixes et d’une voix off. J’ai adoré le film éminemment personnel qu’en a tiré Terry Gilliam, où se mêlent si bien humour (car il y en a !, notamment lors de deux scènes où l’action se poursuit hors-champ avec un son trompeur), la réflexion sur la folie (si souvent abordée par Gilliam), l’oppression (au sens au moins aussi physiologique que politique : on se sent physiquement oppressés, étouffés) et la formidable mise en abime finale qui constitue tout-de-même l’une des plus belles trouvaille de l’histoire de la science-fiction (merci Chris Marker).

    Outre le scénario et la fin géniale, ces deux films ont en commun d’ouvrir de sérieuses réflexions sur l’image, l’illusion, l’apparence. Chris Marker l’a fait de façon radicale, par le choix d’images fixes et d’une narration décalée. Terry Gilliam l’a fait par des péripéties du scénario (même s’il n’a pas écrit ce dernier, je suppose que Gilliam a joué un rôle majeur dans le montage et la façon de découper le récit) et par d’autres jeux de mise en scène (notamment, comme je le citais plus haut, des trompe-l’oreille appuyés sur des hors-champ).

    Le malentendu sur le rôle de « l’armée des douze singes » qui donne son titre au film, le malentendu sur le personnage joué par Brad Pitt, l’ambiguïté terrible de tout l’épisode dans l’hôpital psychiatrique (qui est fou ? tout n’est-il pas qu’illusion et réalité inversée ?), la difficulté à croire l’histoire du personnage joué par Bruce Willis, le mystère de la scène onirique récurrente… Tout est malentendus, erreurs d’appréciations, invraisemblances pourtant vraies.

    À la réflexion, je me demande comment un film aussi déroutant, oppressant et déstabilisant a-t-il pu ne pas effrayer le public et obtenir un tel succès (tant mieux !). Et je me demande si le dénouement génial, qui éblouit l’intellect et crée un choc marquant, n’a pas cette vertu formidable de « faire avaler la pilule », de focaliser l’affect à la sortie de la salle en minimisant la déstabilisation préalable.

  2. Oui, vous avez raison de mettre en avant cette réflexion sur la folie que l’on retrouve dans plusieurs des films de Terry Gilliam. Et il ne limite pas le raisonnement aux individus car on retrouve toujours une certaine forme de « folie » dans les organismes sociaux qu’il dépeint.

    C’est vrai que l’on peut se demander comment un film si complexe et si riche dans les questions qu’il pose peut avoir trouvé un tel succès mais c’est le propre des plus grandes oeuvres (dans tous les domaines) d’offrir plusieurs niveaux de lecture. Et aussi sa forte personnalité le fait sortir du lot, je pense.

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