20 février 2015

La Femme à abattre (1951) de Bretaigne Windust et Raoul Walsh

Titre original : « The Enforcer »

La femme à abattreMalgré d’intenses mesures de protection, la police ne peut empêcher la mort d’un truand qui avait accepté de témoigner contre son patron. Celui-ci risque de sortir libre du tribunal le lendemain. Les enquêteurs repassent en revue toute l’enquête pour trouver une preuve qui leur permettrait d’empêcher cela… The Enforcer marque un tournant dans l’histoire du cinéma car il marque le passage du film noir vers le crime organisé. Basée sur les révélations du truand Abe Reles, l’histoire se situe au moment où la police découvre la constitution d’une sorte de syndicat du crime. The Enforcer est d’ailleurs le premier film où sont employés les mots contract, hit, finger man (1), mots qui laissent les enquêteurs vraiment perplexes. Bien entendu, la stupeur de cette découverte ne joue plus sur nous aujourd’hui mais le film reste assez prenant grâce à un excellent déroulé du scénario, très accessible malgré l’imbrication de flashbacks. La séquence qui clôt le film est assez remarquable (les haut-parleurs et le reflet dans la porte sont des idées superbes).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Zero Mostel, Ted de Corsia, Everett Sloane, Roy Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Bretaigne Windust et celle de Raoul Walsh sur le site IMDB.

Voir les autres films de Raoul Walsh chroniqués sur ce blog…

Remarques :
La femme à abattre* La plus grande partie de The Enforcer a été tournée sous la direction de Raoul Walsh : après quelques jours de tournage, le réalisateur Bretaigne Windust est tombé malade et c’est Humphrey Bogart qui a demandé à Raoul Walsh de le remplacer quelques jours. Sa maladie étant plus grave que prévue, Raoul Walsh a en réalité terminé le tournage ! Raoul Walsh n’est toutefois pas crédité au générique car il n’a pas voulu causer du tort à Bretaigne Windust qui pouvait percer grâce à ce film. Ce ne fut pas le cas : Bretaigne Windust n’a tourné ensuite que pour la télévision, son nom n’est guère connu des cinéphiles. A noter qu’il avait précédemment dirigé deux films avec Bette Davis : June Bride (1948) et Winter Meeting (1948) et qu’il était avant cela metteur en scène à Broadway.

The Enforcer
(de g. à d.) Roy Roberts, Zero Mostel et Humphrey Bogart dans The Enforcer.

* Le film est sorti au Royaume Uni sous le titre Murder, Inc. qui était dans la vie réelle le nom de l’organisation décrite par Abe Reles quelques mois avant le tournage du film.
* The Enforcer est le dernier film d’Humphrey Bogart pour la Warner, studio pour lequel il tournait depuis 1932.

Homonyme :
The Enforcer (L’inspecteur ne renonce jamais) de James Fargo (1976) avec Clint Eastwood en Dirty Harry.

(1) Contract = la commande du meurtre, hit = le meurtre lui-même, finger man = l’homme qui montre la cible.

30 janvier 2015

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer

Titre original : « Soylent Green »

Soleil vertNew York en 2022 compte quarante millions d’habitants, la plupart sans domicile, se nourrissant des nourritures synthétiques en plaque fabriquées par la compagnie Soylent. Le policier Thorn a la chance d’avoir un minuscule appartement qu’il partage avec Sol, un vieillard qui l’aide dans ses enquêtes. La mort suspecte d’un « homme riche » va les amener à découvrir un terrible secret… Soleil vert, l’un des films majeurs de la science-fiction au cinéma, est l’adaptation d’un roman d’Harry Harrison. Si le film est remarquable, ce n’est pas tant par le déroulement de l’enquête, ni même par la découverte du terrible secret (que le spectateur devinera certainement très tôt dans le film, s’il ne l’a pas appris à l’avance à la lecture d’un résumé), mais plutôt par la vision qu’il nous permet d’avoir d’un futur proche, celle d’un monde asphyxié par une surpopulation extrême, une pollution omniprésente, une pénurie généralisée, une perte totale des liens avec la nature. Certaines scènes sont vraiment marquantes (comme celle des camions-bennes anti-émeute) mais la puissance du film vient certainement de la proximité du monde décrit avec notre monde actuel, autant celui de 1973 que celui du troisième millénaire. Bien entendu, notre monde n’a (heureusement) pas atteint ce niveau de surpopulation mais le point important dans cette vision est de nous montrer un monde en pleine « dé-socialisation », en proie à un délitement total des rapports entre les hommes, à la perte progressive de la valeur humaine. Cette préoccupation reste très actuelle : l’accroissement de la valeur humaine, que l’on pourrait sans doute nommer progrès de l’humanité, pourrait-elle à un moment donné culminer pour nous faire basculer dans une régression ? La question se situe bien au-delà de la simple préoccupation de savoir si cette vision est pessimiste ou pas (elle l’est, mais c’est secondaire). Soleil vert se situe donc bien dans la lignée des grands romans ou films de science-fiction qui, 1984 en tête, jouent le rôle de lanceurs d’alerte en extrapolant. Ils nous questionnent sur notre monde, celui d’aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons. Ils ont ainsi une indéniable dimension philosophique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Charlton Heston, Edward G. Robinson, Chuck Connors, Joseph Cotten
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Soleil Vert
Charlton Heston découvre le secret du Soleil vert dans le film homonyme de Richard Fleisher.

Remarques :
* Le mot « Soylent » est formé avec la première syllabe des deux mots « soybeans & lentils » (soja et lentilles).
* Le roman de Harry Harrison s’intitule Make room ! Make room ! (1966). En dehors de ce roman, ses histoires étaient souvent marquées par un certain humour. Il a notamment créé les personnages Ratinox (The Stainless Steel Rat) et Bill, le héros galactique (Bill, the Galactic Hero) (récemment porté à l’écran) qu’il a fait vivre dans plusieurs romans. Harry Harrison a eu sans doute plus d’influence en étant éditeur de plusieurs magazines publiant des nouvelles.
* La composition si particulière du Soleil vert n’était pas dans le roman. Cette facette a été introduite par le scénariste Stanley R. Greenberg.
* Soleil vert est le dernier film d’Edward G. Robinson. L’acteur était très malade pendant le tournage et en outre était devenu presque totalement sourd. Il est décédé en janvier 1973, avant même la sortie du film.
* Le jeu vidéo auquel joue la jeune femme dans l’appartement de Joseph Cotten est Computer Space. Ce jeu créé en 1971 par Nolan Bushnell (futur créateur d’Atari) est le premier jeu vidéo en machine d’arcades (à pièces). A l’époque du tournage, c’était le seul. Pong apparaitra quelques mois plus tard.

 

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer
Charlton Heston et Edward G. Robinson dans Soleil vert de Richard Fleischer

Soleil vert (1973) de Richard Fleischer
Les camions-bennes anti-émeute à l’oeuvre dans un monde en proie à la surpopulation dans Soleil vert de Richard Fleischer.

2 janvier 2015

Poulet au vinaigre (1985) de Claude Chabrol

Poulet au vinaigreDans une petite ville de province, trois notables (le médecin, le notaire et le boucher) ont un projet d’opération immobilière juteuse. Mais ils se heurtent à l’obstination d’une femme invalide et de son fils facteur qui refusent de vendre leur maison…
Adapté d’un roman de Dominique Roulet, Poulet au vinaigre est le film qui a permis à Claude Chabrol de rebondir après une série de réalisations plus mineures pour la télévision. L’inspecteur Lavardin en est le personnage le plus remarquable, un policier atypique qui utilise des procédés très personnels et qui aime les oeufs au paprika (on peut toutefois être un peu circonspect face à ses méthodes de tortionnaire, on peut y voir là une certaine banalisation de la torture). Jean Poiret y excelle mais, pour Claude Chabrol, cette histoire est surtout l’occasion de dresser un portrait au vitriol (ou plutôt au vinaigre) de la bourgeoisie de province. Parmi les seconds rôles, Pauline Laffont est assez remarquable dans un style qui rappelle beaucoup sa mère.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Poiret, Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Topart, Lucas Belvaux, Pauline Lafont, Caroline Cellier
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Remarques :
* Le personnage de l’inspecteur Lavardin a été réutilisé par Chabrol l’année suivante pour Inspecteur Lavardin (1986). On le retrouvera également à la télévision à partir de 1988 dans une série de téléfilms de 90 mn : Les dossiers secrets de l’inspecteur Lavardin.

Poulet au vinaigre de Claude Chabrol

18 décembre 2014

Le crime était presque parfait (1954) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Dial M for Murder »

Le crime était presque parfaitAyant découvert que sa femme le trompe, un ancien champion de tennis a projeté de la tuer. Il a mis au point un plan qui lui permet d’avoir un alibi parfait et pour lequel il recrute les services d’un ancien camarade de collège au passé trouble… Bien qu’il soit l’un des films les plus connus d’Alfred Hitchcock, Le crime était presque parfait n’est guère apprécié du cinéaste (1). En panne sur un nouveau scénario alors qu’il devait un film à la Warner, il n’a en effet choisi de faire cette adaptation d’une pièce de théâtre que par défaut. Plutôt que d’en gommer les origines théâtrales, il les accentue : il situe tout le film dans une seule et unique pièce et va jusqu’à utiliser un plancher en bois pour garder l’impression d’une scène. Le plus extraordinaire est que l’on ne ressent jamais cet espace limité tant le scénario se déroule à la perfection. Le crime était presque parfait est un film de dialogues. La scène où Ray Milland prend au piège son ancien camarade de collège pour le forcer à exécuter son plan est assez remarquable : très longue et extrêmement passionnante, on ne raterait une phrase pour rien au monde. Le crime était presque parfait est sans aucun doute l’une des plus belles réussites de « théâtre filmé ». Il se revoit toujours avec le même plaisir.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ray Milland, Grace Kelly, Robert Cummings, John Williams, Anthony Dawson
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Remarques :
* La pièce originale a été écrite par Frederick Knott. Elle a été jouée 552 fois (10/1952 – 02/1954) ce qui en fait un franc succès. John Williams (le policier) et Anthony Dawson (le tueur) y tenaient le même rôle.
* Alfred Hitchcock a quelque peu modifié l’histoire : sans doute pour la rendre plus troublante, le cinéaste a rendu le mari plus sympathique que dans la pièce où il tuait sa femme surtout pour l’argent, la liaison de sa femme avec son amant étant terminée. De plus, le personnage de l’amant paraît ici bien superficiel et moins intelligent que le mari. La femme est particulièrement hypocrite. Sans doute, Hitchcock voulait-il faire germer en nous l’idée troublante que le mari méritait peut-être de réussir un plan si bien préparé…
* Cameo : Alfred Hitchcock est visible sur la photographie du banquet (environ à 12’30). A noter qu’il est assez net que les visages de Ray Milland, d’Anthony Dawson et d’Alfred Hitchcock ont été collés après coup sur une photo…
* Hitchcock souligne que les robes portées par Grace Kelly sont de couleurs vives au début du film et deviennent de plus en plus foncées au fur et à mesure que l’intrigue devient plus sombre.
* Dans certaines scènes, Hitchcock a placé la caméra dans une fosse pour accentuer l’effet de contre-plongée.
* Le crime était presque parfait a été tourné en 3D, version qui fut peu visible avant qu’elle ressorte en 1980.

Remake :
Meurtre parfait (A Perfect Murder) de Andrew Davis (1998) avec Michael Douglas et Gwyneth Paltrow.

Homonyme :
Le crime était presque parfait (The Unsuspected) de Michael Curtiz (1947) avec Claude Rains, Joan Caulfield et Audrey Totter.

(1) Lors de ses entretiens avec François Truffaut, Alfred Hitchcock dit « Nous pouvons passer rapidement sur ce film car il n’y a pas grand-chose à en dire » et ce n’est qu’à l’insistance de Truffaut qu’il consent à en parler un peu.

Le crime était presque parfait
La scène la plus célèbre du film Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock (de g. à d.: Anthony Dawson et Grace Kelly)

8 novembre 2014

La Dame du lac (1947) de Robert Montgomery

Titre original : « Lady in the Lake »

La dame du lacLe détective Phillip Marlowe (1) est chargé par la directrice de collection d’un grand éditeur de retrouver la femme disparue de son patron. Elle espère ainsi que son patron pourra divorcer de sa femme volage et l’épouser, elle… La Dame du lac est adapté d’un roman de Raymond Chandler. Ce film est entré dans l’histoire du cinéma comme étant le premier film entièrement réalisé en vision subjective c’est-à-dire que nous sommes à la place du détective privé et nous voyons ce qu’il voit. Les personnages s’adressent à nous en nous regardant, brisant ainsi le plus grand interdit du cinéma, le fameux « regard caméra ». Le seul moment où nous voyons le héros, c’est lorsqu’il se regarde dans une glace. C’est l’acteur Robert Montgomery qui a su convaincre la MGM de se lancer dans cette entreprise périlleuse et de lui en confier la réalisation (2). Le résultat est assez surprenant, assurément original, plutôt intense lors des tête-à-tête, parfois spectaculaire (lorsque l’on se prend un coup de poing en pleine figure par exemple). La dame du lac En revanche, le procédé peut encourager les acteurs à sur-jouer et le héros manque fatalement d’épaisseur. Entre outre, on peut penser que, assez paradoxalement, le procédé gêne, plus qu’il ne favorise, l’identification du spectateur avec le personnage puisque celui-ci a des réactions qui diffèrent de celles qu’il aurait eues ou, plus simplement, qu’il aimerait voir (3). Audrey Totter est superbe et fait une très belle prestation ; du fait de l’ « absence » du héros, elle est d’ailleurs le personnage le plus fort du film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Montgomery, Audrey Totter, Lloyd Nolan, Leon Ames
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Remarques :
* Avant La Dame du lac, plusieurs films comportaient quelques scènes en caméra subjective. On peut notamment citer le début de Docteur Jekyll et Mr. Hyde (1931) de Rouben Mamoulian. Orson Welles a eu, lui aussi, un projet de film entièrement en caméra subjective.

* Pour écrire l’adaptation, Raymond Chandler s’est en réalité basé sur trois de ses nouvelles : The Lady in the Lake (1939), Bay City Blues (1937) et No Crime in the Montains (1941).

* Dans une lettre à son ami Alex Barris, Raymond Chandler a un jugement très sévère sur le film : «  La technique oeil-de-la-caméra dans Lady in the Lake, c’est un vieux truc à Hollywood. Tous les jeunes scénaristes et les jeunes metteurs en scènes l’ont essayée. « Faisons de la caméra un personnage » ; à un moment ou à un autre, on a entendu ça à toutes les tables de Hollywood.  J’ai connu un type qui voulait que la caméra soit l’assassin ; et ça ne pourrait marcher qu’à condition de tricher énormément. La caméra est trop honnête. » Raymond Chandler dans Lettres, Ed. Christian Bourgeois ou 10/18.

La Dame du Lac - The Lady in the Lake

(1) Le prénom de Philip Marlowe est écrit avec deux « l » dans La dame du lac (inscriptions sur la fenêtre de son bureau dont l’ombre est énorme sur le mur). Est-ce de l’humour de la part de Montgomery ou le reflet de dissensions avec Chandler ? On ne le sait. Ce qui est clairement de l’humour en revanche, c’est le nom au générique de l’actrice interprétant Chrystal Kingsby et, en plus, ce surprenant jeu de mot est en français (il faut mieux éviter de le comprendre dans le générique de début car cela déflore l’énigme).

(2) Auparavant, Robert Montgomery n’avait réalisé qu’une partie de They Were Expendable de John Ford.

(3) On pourra objecter que le problème est le même pour un roman écrit à la première personne. Ce n’est pourtant pas vraiment le cas. La matérialité de l’image engendre des mécanismes différents d’identification. Notons également que, affranchis de ce problème de divergence héros/spectateur grâce à la possibilité d’une interactivité, les jeux vidéo ont réintroduit massivement le principe de la caméra subjective.

19 octobre 2014

La Femme du dimanche (1975) de Luigi Comencini

Titre original : « La donna della domenica »

La femme du dimancheA Turin, le commissaire Santamaria (Marcello Mastroianni) enquête sur le meurtre d’un architecte poseur et obsédé sexuel. Ses recherches le mènent directement à interroger des membres de la haute bourgeoisie de la ville, notamment Massimo Campi (Jean-Louis Trintignant) riche bourgeois homosexuel et son amie Anna Carla Dosio (Jacqueline Bisset) la jeune femme oisive d’un riche industriel… L’adaptation de ce best-seller de Carlo Fruttero et Franco Lucentini a été écrite par le fameux duo Age et Scarpelli. Certes, La Femme du dimanche n’est pas un des films majeurs de Luigi Comencini mais il constitue une intéressante tentative de mêler intrigue policière et analyse sociale. La femme du dimanche Alors que ses producteurs le pressaient d’en faire un film policier grand public, Comencini a su, en filigrane, mettre en évidence les rapports de classe dans une ville, Turin, où il y a environ 700 000 siciliens, les pauvres, et 300 000 turinois, les riches (1). Avec tant de talents réunis, on peut se demander pourquoi le film n’est au final pas plus convaincant. Peut-être est-ce du à la dose d’humour introduite qui nous pousse à ne pas prendre tout cela très au sérieux. De ce fait, La Femme du dimanche manque quelque peu de force mais son contenu assez subtil le rend intéressant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Jacqueline Bisset, Jean-Louis Trintignant, Aldo Reggiani
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Remarque :
* La musique est d’Ennio Morricone.

(1) Ces chiffres sont donnés par Jean-Louis Trintignant dans une interview télévisée à propos du film. (Voir…)

La Femme du dimanche (La donna della domenica)Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset dans La Femme du dimanche (La donna della domenica) de Luigi Comencini.

27 juillet 2014

Meurtre à Hollywood (1988) de Blake Edwards

Titre original : « Sunset »

Meurtre à HollywoodA la fin des années vingt, Tom Mix est une des plus grandes vedettes d’Hollywood avec son personnage de cowboy justicier. Son producteur fait venir Wyatt Earp comme conseiller sur un film. Le célèbre shérif et l’acteur vont se retrouver impliqués dans une histoire peu claire et face à un meurtre à résoudre… Sunset, Meurtre à Hollywood, est un film peu apprécié, le plus souvent qualifié de très mauvais. Serait-il pris trop au sérieux ? Car ce que Blake Edwards nous livre est avant tout une comédie, une comédie qui joue avec l’image que le cinéma se donne de lui-même. Parmi les grandes stars du cinéma muet, Tom Mix est en effet l’une des plus stéréotypées : dans ses films, tout lui réussit et quand il arrive sur son cheval blanc, les vilains ont du souci à se faire. Blake Edwards s’amuse à coller l’image du personnage sur l’acteur, un peu comme si on plaçait deux miroirs face à face. De son côté, Wyatt Earp est doté d’un tact et d’une intuition peu commune ; le tandem est donc redoutable. Mais tout cela n’est pas très sérieux et comme les personnages le disent eux-mêmes : « Tout est vrai, à un ou deux mensonges près (2)». Blake Edwards place par-dessus cela une intrigue policière à la Chandler, embrouillée juste ce qu’il faut et parsème le film de multiples clin d’oeils cinématographiques. Meurtre à Hollywood est un amusant divertissement où Blake Edwards joue avec l’image du cinéma. Il est étonnant qu’il soit si peu apprécié…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bruce Willis, James Garner, Malcolm McDowell, Mariel Hemingway
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Remarques :
* Le titre Sunset est probablement une plaisanterie : une réponse au Sunrise de Murnau…?

* Si le numéro burlesque interprété par le producteur à la cérémonie des Oscars s’inspire bien évidemment du personnage de Charlot, on ne peut considérer que le personnage du producteur est inspiré de Charles Chaplin… ne serait-ce que parce que Chaplin n’a jamais vraiment produit d’autres films que les siens (mis à part un film de Josef von Sternberg). D’ailleurs, l’histoire du bateau indiquerait plutôt Randolph Hearst… Ce personnage du producteur n’est certainement pas basé sur une seule personne réelle, c’est un mélange de plusieurs personnalités.

* Blake Edwards a fait une reconstitution de la première cérémonie des Oscars, ce qui place l’histoire précisément en 1929.

3 avril 2014

Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011) de David Fincher

Titre original : « The Girl with the Dragon Tattoo »

Millénium: Les hommes qui n'aimaient pas les femmesAffaibli par une affaire où il est accusé de diffamation, un journaliste est contacté par un riche industriel pour faire une enquête sur la disparition de sa nièce vingt cinq auparavant. Il pense qu’elle a été assassinée par un membre de sa propre famille… Le roman de Stieg Larsson, Millenium, véritable phénomène planétaire avec ses 65 millions d’exemplaires vendus, avait déjà été adapté à l’écran par le suédois Niels Arden Oplev en 2009 avant cette version américaine. David Fincher est un cinéaste assez difficile à cerner mais l’on pouvait craindre que le réalisateur multiplie les effets et appuie sur les aspects les plus sordides de l’histoire, mais il n’en est rien. Il est parvenu à trouver un bel équilibre en restant très proche du roman et à bien restituer cette ambiance nordique si particulière sans affaiblir la critique sociale sous-jacente et la présence d’un certain fascisme malsain. L’image est assez belle avec ses couleurs désaturées, la caméra est fluide, le rythme est rapide. Voilà donc un bon thriller qui repose, il est vrai, sur un excellent scénario.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Stellan Skarsgård
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Autre adaptation :
Millénium de Niels Arden Oplev (2009) avec Michael Nyqvist et Noomi Rapace.

28 mars 2014

Citizen Kane (1941) de Orson Welles

Citizen KaneLe magnat de la presse Charles Foster Kane vient de mourir. Un journaliste enquête sur sa vie pour découvrir le sens de ses dernières paroles : « Rosebud »… Toujours cité parmi les plus grands films de toute l’histoire du cinéma, Citizen Kane est probablement, avec Naissance d’une Nation de Griffith, celui qui a eu le plus d’influence sur les autres réalisateurs. Véritable condensé de créativité, Citizen Kane fait suite à une décennie, celle des années trente, où le cinéma hollywoodien s’est fortement normalisé. Grâce au succès de son émission radiophonique La Guerre des Mondes, une adaptation du roman H.G. Wells tellement bien mise en scène qu’elle jeta la panique dans une partie de l’Amérique, le jeune Orson Welles va bénéficier, à 25 ans et pour son premier film, de ce dont tout réalisateur rêve sans jamais l’obtenir : une carte blanche totale. Entièrement libre, il va bousculer toutes les règles. Il sait toutefois s’entourer de quelques professionnels aguerris, notamment Herman J. Mankiewicz (le frère aîné de Joseph L. Mankiewicz) à l’écriture du scénario et Gregg Toland, talentueux directeur de la photographie.

La construction est totalement inhabituelle : non seulement tout le film est un flashback (1) mais en plus les dix premières minutes nous donnent en quelque sorte le sommaire du film qui se construit ensuite autour de cinq récits précis de la part de cinq personnes différentes (2). L’autre grande innovation de Citizen Kane est dans l’utilisation d’une grande profondeur de champ : Orson Welles désire que tout soit net pour être proche de la vision humaine et, pour ce faire, non seulement il utilise des objectifs grands-angles mais en plus il réalise certains trucages de superposition qui lui permettent par exemple de placer des objets nets au tout premier plan. Le placement de la caméra est aussi très original avec des plongées spectaculaires mais surtout des contre-plongées (la caméra étant parfois placée dans un trou dans le sol). Combinées aux grands- angles, ces contre-plongées nous permettent de voir largement les plafonds alors que l’usage était jusqu’alors de tourner sans plafond (ne serait-ce qu’à cause du système des éclairages). L’utilisation de l’ombre et la lumière est aussi remarquable, un personnage pouvant être totalement en ombre chinoise avant de faire quelques pas pour apparaître en pleine lumière.

C’est sans doute sur le fond que le film paraît le plus faible : si le personnage de Kane est inspiré du magnat de la presse Randolf Hearst et si le propos est de montrer la puissance de l’argent et la faiblesse des hommes ainsi que le caractère multiforme d’une vérité qui serait dès lors inatteignable, la démonstration manque parfois de fil directeur en semblant s’égarer dans ses ramifications multiples. Le propos reste toutefois fort et marquant, suffisamment en tous cas pour que Randolph Hearst fasse tout pour saborder la carrière du film et qu’il y parvienne. Citizen Kane a en effet été un échec commercial malgré un accueil enthousiaste du public et de la critique, les exploitants de salle préférant éviter de se mettre à dos les journaux de Hearst. Avec le recul, Citizen Kane apparaît comme un tournant dans l’histoire du cinéma, Orson Welles apportant un souffle nouveau de créativité et remettant au premier plan la notion d’auteur-réalisateur.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Joseph Cotten, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead, Everett Sloane
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(1) Comme pour toutes les autres innovations de Citizen Kane, Orson Welles n’a pas inventé le flashback. The Power and the Glory de Preston Sturgess (1933) entre autres avait déjà l’ensemble du récit encapsulé dans un flashback. Il en est de même pour les fameux plafonds… Orson Welles n’a d’ailleurs jamais prétendu avoir tout inventé. Ce qui est remarquable, c’est d’avoir tant d’innovations dans un seul et même film.

(2) Au départ du projet, les récits devaient porter sur les mêmes évènements, chacun nous donnant une version différente, ce qui aurait été encore plus novateur. Ce procédé narratif sera celui de Rashômon de Kurosawa quelque dix ans plus tard. L’idée a toutefois été gardée en partie car certains évènements sont racontés plusieurs fois.

25 mars 2014

Pauline détective (2012) de Marc Fitoussi

Pauline détectivePlaquée par son petit ami, Pauline se laisse entraîner par sa soeur dans un palace de la Riviera italienne pour deux semaines de vacances. Rédactrice en chef d’un journal spécialisé dans le fait divers, elle décide de mener sa propre enquête lorsqu’une femme disparaît un peu soudainement… Ecrit et réalisé par Marc Fitoussi, Pauline détective est un divertissement tout à fait dans l’esprit Club des 5. C’est une comédie policière certes légère, mais plutôt bien faite, avec de bons personnages, à commencer par celui de Pauline fort bien interprété par une Sandrine Kiberlain très volubile qui montre beaucoup de maitrise dans l’exubérance. Les seconds rôles sont également très bien définis et interprétés. Dans ce genre de comédie farfelue, tout l’art est bien doser tous ses éléments et Marc Fitoussi y est parvenu. Pauline détective est ainsi très amusant et nous fait passer un bon moment.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy, Claudio Santamaria, Antoine Chappey
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