16 mars 2022

Nous avons gagné ce soir (1949) de Robert Wise

Titre original : « The Set-Up »

Nous avons gagné ce soir (The Set-Up)Bill « Stoker » Thompson est un boxeur raté en fin de carrière qui perd tous ses matchs. Il doit affronter un jeune boxeur prometteur suivi par un caïd de la pègre qui a acheté le match. Mais le manager de Stocker, certain qu’il va perdre de toutes façons, ne le prévient pas qu’il doit se coucher…
Nous avons gagné ce soir est un film américain réalisé par Robert Wise. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il est adapté d’un poème… un long poème narratif que Joseph Moncure March a écrit en 1928. Le film a la réputation d’être l’un des meilleurs films sur la boxe. Son réalisme, si souvent souligné, n’est qu’apparent car, en réalité, la forme est très travaillée que ce soit dans sa photographie expressionniste (œuvre de Milton R. Krasner) ou dans ses dialogues stylisés. Le récit se déroule en temps réel (trois ans avant High Noon !), sur une soirée entre 21h05 et 22h16 comme l’attestent plusieurs plans sur une horloge. Les séquences de boxe ont été chorégraphiées par John Indrisano et filmées avec trois caméras dont une à l’épaule. Le film connut un grand succès et fit connaitre Robert Wise.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Ryan, Audrey Totter, George Tobias, Alan Baxter, Wallace Ford
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Wise sur le site IMDB.

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Remarque :
* Ma note de 3 étoiles serait certainement supérieure si je n’étais pas si hermétique à la boxe…!

Nous avons gagné ce soir (The Set-Up)Robert Ryan et Audrey Totter dans Nous avons gagné ce soir (The Set-Up) de Robert Wise.

1 mars 2015

The Unsuspected (1947) de Michael Curtiz

Titre français : « Le crime était presque parfait »

Ne pas confondre ce film avec celui d’Alfred Hitchcock : Le crime était presque parfait (1954). A part le titre français, ils n’ont rien en commun.

Le crime était presque parfaitLa secrétaire de Victor Grandison, animateur d’une série criminelle à la radio, est retrouvée pendue dans la maison de son patron. Par ailleurs, Grandison a deux nièces dont l’une est en voyage à l’étranger. On la dit morte dans l’incendie du bateau qui la transportait. Un homme se présente au domicile comme étant son mari… L’histoire de The Unsuspected est adaptée d’un roman de Charlotte Armstrong (1). Elle est un peu complexe du fait du nombre de personnages mais les évènements s’enchaînent plutôt bien, même si on pourra objecter que l’ensemble n’est pas toujours très crédible. Michael Curtiz se livre avec son chef opérateur Woody Bredell (qui venait d’achever le tournage de Les Tueurs de Siodmack) à de nombreuses recherches sur l’éclairage, les ombres, les reflets qui rendent le film assez remarquable par son style. Les seconds rôles masculins sont un peu faibles, défaut qui est bien contrebalancé par la présence de Claude Rains et par les rôles féminins, tous très bien tenus. The Unsuspected est un film noir à découvrir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joan Caulfield, Claude Rains, Audrey Totter, Constance Bennett, Hurd Hatfield, Fred Clark
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Curtiz sur le site IMDB.

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The Unsuspected (1947) de Michael Curtiz
Audrey Totter et Ted North dans The Unsuspected de Michael Curtiz

The Unsuspected (1947) de Michael Curtiz
Plongée vertigineuse et travail sur les éclairages… Joan Caulfield dans The Unsuspected de Michael Curtiz

(1) A noter que Claude Chabrol a adapté deux romans de Charlotte Armstrong : La Rupture (1970) et Merci pour le chocolat (2000).

8 novembre 2014

La Dame du lac (1947) de Robert Montgomery

Titre original : « Lady in the Lake »

La dame du lacLe détective Phillip Marlowe (1) est chargé par la directrice de collection d’un grand éditeur de retrouver la femme disparue de son patron. Elle espère ainsi que son patron pourra divorcer de sa femme volage et l’épouser, elle… La Dame du lac est adapté d’un roman de Raymond Chandler. Ce film est entré dans l’histoire du cinéma comme étant le premier film entièrement réalisé en vision subjective c’est-à-dire que nous sommes à la place du détective privé et nous voyons ce qu’il voit. Les personnages s’adressent à nous en nous regardant, brisant ainsi le plus grand interdit du cinéma, le fameux « regard caméra ». Le seul moment où nous voyons le héros, c’est lorsqu’il se regarde dans une glace. C’est l’acteur Robert Montgomery qui a su convaincre la MGM de se lancer dans cette entreprise périlleuse et de lui en confier la réalisation (2). Le résultat est assez surprenant, assurément original, plutôt intense lors des tête-à-tête, parfois spectaculaire (lorsque l’on se prend un coup de poing en pleine figure par exemple). La dame du lac En revanche, le procédé peut encourager les acteurs à sur-jouer et le héros manque fatalement d’épaisseur. Entre outre, on peut penser que, assez paradoxalement, le procédé gêne, plus qu’il ne favorise, l’identification du spectateur avec le personnage puisque celui-ci a des réactions qui diffèrent de celles qu’il aurait eues ou, plus simplement, qu’il aimerait voir (3). Audrey Totter est superbe et fait une très belle prestation ; du fait de l’ « absence » du héros, elle est d’ailleurs le personnage le plus fort du film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Montgomery, Audrey Totter, Lloyd Nolan, Leon Ames
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Montgomery sur le site IMDB.

Remarques :
* Avant La Dame du lac, plusieurs films comportaient quelques scènes en caméra subjective. On peut notamment citer le début de Docteur Jekyll et Mr. Hyde (1931) de Rouben Mamoulian. Orson Welles a eu, lui aussi, un projet de film entièrement en caméra subjective.

* Pour écrire l’adaptation, Raymond Chandler s’est en réalité basé sur trois de ses nouvelles : The Lady in the Lake (1939), Bay City Blues (1937) et No Crime in the Montains (1941).

* Dans une lettre à son ami Alex Barris, Raymond Chandler a un jugement très sévère sur le film : «  La technique oeil-de-la-caméra dans Lady in the Lake, c’est un vieux truc à Hollywood. Tous les jeunes scénaristes et les jeunes metteurs en scènes l’ont essayée. « Faisons de la caméra un personnage » ; à un moment ou à un autre, on a entendu ça à toutes les tables de Hollywood.  J’ai connu un type qui voulait que la caméra soit l’assassin ; et ça ne pourrait marcher qu’à condition de tricher énormément. La caméra est trop honnête. » Raymond Chandler dans Lettres, Ed. Christian Bourgeois ou 10/18.

La Dame du Lac - The Lady in the Lake

(1) Le prénom de Philip Marlowe est écrit avec deux « l » dans La dame du lac (inscriptions sur la fenêtre de son bureau dont l’ombre est énorme sur le mur). Est-ce de l’humour de la part de Montgomery ou le reflet de dissensions avec Chandler ? On ne le sait. Ce qui est clairement de l’humour en revanche, c’est le nom au générique de l’actrice interprétant Chrystal Kingsby et, en plus, ce surprenant jeu de mot est en français (il faut mieux éviter de le comprendre dans le générique de début car cela déflore l’énigme).

(2) Auparavant, Robert Montgomery n’avait réalisé qu’une partie de They Were Expendable de John Ford.

(3) On pourra objecter que le problème est le même pour un roman écrit à la première personne. Ce n’est pourtant pas vraiment le cas. La matérialité de l’image engendre des mécanismes différents d’identification. Notons également que, affranchis de ce problème de divergence héros/spectateur grâce à la possibilité d’une interactivité, les jeux vidéo ont réintroduit massivement le principe de la caméra subjective.

15 mars 2012

Le facteur sonne toujours deux fois (1946) de Tay Garnett

Titre original : « The postman always rings twice »

Le facteur sonne toujours deux foisVoyageant là où ses pas le portent, Frank Chambers se laisse engager dans un restaurant-station service au bord d’une route. Le propriétaire affable a une femme bien plus jeune que lui, Cora. Frank est immédiatement attiré par Cora… La M.G.M. a acheté dès 1935 les droits du livre de James Cain Le facteur sonne toujours deux fois mais le Code Hays interdisait de porter à l’écran cette histoire d’attirance sexuelle poussant au crime. Plutôt que de montrer, Tay Garnett dut utiliser la suggestion ; le film est ainsi assez représentatif de la forme de l’érotisme dans le cinéma américain des années quarante. Tay Garnett accentue l’un des éléments qui font toute l’originalité du roman : la femme du Facteur sonne toujours deux fois n’a rien d’une femme fatale à la sensualité perfide et qui fréquente des lieux interlopes. Le facteur sonne toujours deux fois Lana Turner ressemble à une américaine moyenne, sportive et gaie, avec des désirs simples en dehors de toute extravagance. Elle est aussi terriblement belle, toute habillée de blanc. Comme le font remarquer Borde et Chaumeton (1), le slogan du film aurait pu être : «Si l’aviez connue, vous auriez fait comme lui !» Cette histoire se déroule dans l’Amérique ordinaire et c’est bien cela qui avait de quoi affoler la censure. Le film fut un grand succès. Bien que situé à la lisière du genre, Le facteur sonne toujours deux fois est l’un des plus beaux films noirs des années quarante.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lana Turner, John Garfield, Cecil Kellaway, Hume Cronyn, Leon Ames, Audrey Totter
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Remarques :
Le facteur sonne toujours deux foisLe sens du titre Le facteur sonne toujours deux fois n’est pas d’une grande évidence. Il n’y a bien entendu aucun facteur, réel ou symbolique, dans cette histoire. James Cain a donné plus tard l’explication : il a soumis son manuscrit à treize éditeurs avant d’être accepté par le quatorzième et il avait la hantise de son facteur qui lui apportait les manuscrits retournés. Même s’il allait au fond de son jardin pour ne pas l’entendre, il l’entendait toujours car il sonnait toujours deux fois !
Le facteur sonne toujours deux foisLe film de Tay Garnett en donne une autre explication, un peu vaseuse, il faut bien le reconnaître : le facteur est Dieu qui, s’il ne punit pas pour le premier crime, punira pour le second. Il reprend aussi l’image du second coup de sonnette que l’on entend jusqu’au fond de son jardin.

(1) Borde et Chaumeton « Panorama du film noir américain 1941-1953 », remarquable étude parue en 1955.

Le roman de James Cain a été porté 4 fois à l’écran :
Le dernier tournant de Pierre Chenal (1939) avec Michel Simon et Fernand Gravey
Ossessione (Les amants diaboliques) de Visconti en 1943.
The postman always ring twice (Le facteur sonne toujours deux fois) célèbre film noir de Tay Garnett (1946) avec le couple Lana Turner / John Garfield,
The postman always ring twice (Le facteur sonne toujours deux fois) de Bob Rafelson en 1981, version plus racoleuse avec Jessica Lange et Jack Nicholson.
En outre, Chair de Poule de Julien Duvivier (1963) avec Robert Hossein et Catherine Rouvel présente de grandes analogies avec le roman de James Cain.