16 décembre 2019

The Square (2017) de Ruben Östlund

The SquareChristian est conservateur d’un musée d’art moderne à Stockholm, il prépare sa prochaine exposition intitulée The Square autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard des autres…
Le réalisateur quarantenaire suédois Ruben Östlund a écrit et réalisé The Square, une satire grinçante sur la difficulté de mettre en pratique ses idées et ses sentiments humanistes. Son personnage principal, bien que pétri de bonnes intentions, se retrouve, par maladresse, constamment dans des situations embarrassantes. Le film ne suit pas vraiment une trame scénaristique forte, il est construit comme une suite de (longues) saynètes sans liaison entre elles. Le réalisateur a visiblement cherché à créer un certain malaise chez le spectateur et il y parvient. Il n’hésite pas à aller aux frontières du grotesque et la scène emblématique du diner de gala (voir l’affiche) est un bel exemple de scène aussi racoleuse que les vidéos virales de YouTube qu’il raille. L’analyse sociologique donne dans la facilité et la critique de l’art conceptuel est caricaturale, presque puérile. L’image est soignée, léchée pourrait-on dire, mais la mise en scène, tout élaborée qu’elle puisse être, est très froide. The Square est un film qui génère des sentiments très différents selon les spectateurs : certains semblent l’apprécier bien plus que moi, à commencer par le jury du festival de Cannes qui l’a gratifié d’une Palme d’or.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West, Terry Notary
Voir la fiche du film et la filmographie de Ruben Östlund sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Ruben Östlund chroniqués sur ce blog…

The SquareClaes Bang dans The Square de Ruben Östlund.

6 septembre 2019

Millénium, le film – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2009) de Niels Arden Oplev

Titre original : « Män som hatar kvinnor »

Millénium, le film - Les hommes qui n'aimaient pas les femmesCassé par un procès en diffamation qu’il vient de perdre, un journaliste d’investigation travaillant pour le magazine Millenium est contacté par un gros industriel pour relancer une enquête abandonnée depuis quarante ans…
Ce film suédo-danois est la première adaptation du roman de Stieg Larsson, véritable phénomène planétaire avec ses 65 millions d’exemplaires vendus. Le réalisateur danois Niels Arden Oplev reste fidèle au livre, ne le simplifiant qu’à peine et ne succombant pas à la mode du rythme rapide : il prend son temps pour mieux se concentrer sur l’atmosphère. L’histoire nous captive d’autant plus. La suédoise Noomi Rapace est assez stupéfiante dans son rôle. Le film a donné une notoriété internationale à ses deux acteurs principaux. Du fait du succès de ce premier volet de la trilogie de Larsson, les suites initialement prévues pour être quatre téléfilms furent finalement exploitées sous la forme de deux longs métrages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michael Nyqvist, Noomi Rapace, Lena Endre, Sven-Bertil Taube, Peter Haber
Voir la fiche du film et la filmographie de Niels Arden Oplev sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarque :
* Stieg Larsson n’a pas connu l’immense succès de son roman. Le journaliste-écrivain est décédé d’une crise cardiaque à 50 ans en 2004, quelques mois avant la parution du premier tome. Il était connu pour son engagement contre l’extrémisme de droite.

Millénium, le film - Les hommes qui n'aimaient pas les femmesMillénium, le film – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes de Niels Arden Oplev.

La trilogie Millénium  de Sveriges Television:
Millénium, le film – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2009) de Niels Arden Oplev
Millénium 2: La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette (2009) de Daniel Alfredson
Millénium 3: La reine dans le palais des courants d’air (2009) de Daniel Alfredson
également remonté en mini-série :
Millénium (2010) 6 épisodes de 90 mn (total des ajouts par rapport aux films = 90 mn environ)

Autre adaptation :
Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (The Girl with the Dragon Tattoo , 2011) de David Fincher avec Daniel Craig et Rooney Mara.

1 mars 2018

Monika (1953) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommaren med Monika »
Autres titres français : « Un été avec Monika », « Monika et le désir »

MonikaPeu après s’être rencontrés, Harry, garçon livreur, et Monika, ouvrière dans un magasin d’alimentation, décident de quitter la ville de Stockholm. Ils se rendent sur l’île d’Ornö où ils mènent une vie libre et idyllique…
Ingmar Bergman a tourné Monika avec très peu de moyens alors qu’il traversait une période délicate (qui l’avait contraint à tourner des films publicitaires). L’histoire, adaptée d’un roman de Per Anders Fogelström, est très simple mais ce qui rend le film si remarquable est la façon dont Bergman l’aborde en privilégiant les personnages sur le récit. Sa caméra nous place au milieu d’eux, elle semble vouloir nous placer en troisième personnage comme en témoigne le long et célèbre regard-caméra. Avec le recul, il est étonnant de voir à quel point le film est précurseur de la Nouvelle Vague. Il est si en avance que les « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma ne le remarqueront pas tout de suite : Rohmer et Godard ne le verront sous cet angle qu’en 1958, lors d’une rediffusion à la Cinémathèque. Il faut dire qu’à sa sortie ses aspects érotiques avaient pris le dessus et occulté tout le reste (érotisme qui ne saute plus vraiment aux yeux aujourd’hui mais bien réel en 1953). C’est Godard qui pointera sa valeur subversive sur le plan moral, avec une remise en cause du schéma traditionnel de la famille, et le déclarera comme étant une source d’inspiration pour le « jeune cinéma moderne ». Monika a ainsi acquis le statut de mythe…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harriet Andersson, Lars Ekborg
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ingmar Bergman chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Ingmar Bergman

Monika
Harriet Andersson et Lars Ekborg dans Monika de Ingmar Bergman.

Monika
Le célèbre regard-caméra d’Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.
En 1958, Godard dit de ce plan : « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter volontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma. »
On peut aussi y voir autre chose, un regard de défi, Bergman nous mettant à la place d’Harry. C’est un regard soutenu pendant de nombreuses secondes, assez inexpressif, comme vidé de tout sentiment. Monika sait ce qu’elle va faire mais ses désillusions la rendent indifférente.
Ces deux façons de voir l’héroïne ont partagé (et partagent toujours) les cinéphiles : Monika est-elle une victime qui se libère d’un cadre trop étroit ou fait-elle preuve d’un égoïsme aussi extrême que blâmable ?

Monika
Lars Ekborg et Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.

27 février 2018

L’attente des femmes (1952) de Ingmar Bergman

Titre original : « Kvinnors väntan »

L'attente des femmesDans leur villa de vacances, quatre femmes attendent leurs maris, les frères Lobelius, qui doivent les rejoindre. L’une d’elles est très déprimée par le vide de son couple et, pour la réconforter, les trois autres lui racontent un épisode peu avouable de leur vie qui a changé l’orientation de leur couple…
Ingmar Bergman a tourné L’attente des femmes juste avant Monika. Il en a écrit le scénario avec sa (troisième) femme Gun Grut. Il se présente comme un film à sketches avec trois histoires indépendantes, une formule qui a séduit le cinéaste qui a pu adopter à chaque fois un style très différent. La première, un triangle amoureux très classique, est peut-être celle où il adopte un style le plus personnel. Il y montre de la sensibilité dans son approche des personnages. La deuxième histoire, particulièrement ennuyeuse, est d’un style inspiré de l’expressionnisme allemand et la troisième est une comédie assez amusante de type screwball, une typique « comédie du remariage ». Ingmar Bergman cherche son style et n’a pas encore cette faculté de nous emmener profondément dans ses personnages. De ce fait, l’ensemble n’échappe pas à une certaine banalité apparente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anita Björk, Eva Dahlbeck, Maj-Britt Nilsson, Birger Malmsten, Gunnar Björnstrand, Jarl Kulle
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ingmar Bergman chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Ingmar Bergman

L'attente des femmes
Anita Björk, Gerd Andersson (à l’arrière-plan), Eva Dahlbeck et Aino Taube dans L’attente des femmes de Ingmar Bergman.

19 juin 2017

Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Offret »

Le Sacrifice(Exceptionnellement, le synopsis qui suit couvre tout le film car il est, à mon avis, préférable de le connaitre avant de voir de film) Ex-comédien célèbre, Alexandre s’est retiré avec sa famille pour vivre isolé sur une île au large des côtes suédoises. Le jour de son anniversaire, une guerre nucléaire mondiale est déclenchée. Alexandre fait le vœu à Dieu de renoncer à ce qui lui est le plus cher et de ne plus prononcer une parole si tout redevient comme avant. Le facteur, passionné des phénomènes paranormaux, lui conseille d’aller chez sa voisine qui est un peu sorcière (ou un ange, au choix) et qui saura exaucer son vœu. C’est le cas. Il détruit alors sa maison et sacrifie sa liberté… Le Sacrifice est l’ultime film d’Andrei Tarkovski qui décèdera hélas quelques mois plus tard. Il s’agit d’une longue parabole dont plusieurs aspects restent assez obscurs. Le premier tiers (avant le passage des bombardiers) m’a personnellement le plus enchanté : de longs monologues d’Alexandre qui s’interroge sur sa vie et son rapport à la société. Autant ses réflexions sont intéressantes, autant les autres personnages paraissent futiles, le cas le plus extrême étant sa femme, une anglaise nostalgique de la vie mondaine (qui symbolise certainement la futilité de notre monde moderne mais on peut se demander comment Alexandre a pu vivre tant d’années avec elle). Le reste m’a paru inutilement imagé et lent, disons qu’Alexandre doit éprouver lui-même sa capacité à désirer le bien. On peut ne pas partager l’attrait du réalisateur pour le paranormal (mais toute l’histoire n’est peut-être qu’un rêve, aucun indice ne permet de trancher). La spectaculaire scène finale est devenue l’un des plans-séquences les plus célèbres de Tarkovski. Le film est une production franco-suédoise (le réalisateur a quitté sa Russie natale pour la Suède), plusieurs acteurs sont doublés, y compris la française Valérie Mairesse qui est plutôt inattendue dans un tel film. Le Sacrifice est, en tous cas, visuellement très beau.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erland Josephson, Susan Fleetwood, Allan Edwall, Sven Wollter, Valérie Mairesse
Voir la fiche du film et la filmographie de Andreï Tarkovski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andreï Tarkovski chroniqués sur ce blog…

Voir un livre sur Le Sacrifice qui vient de sortir (472 pages)…
Voir les livres sur Andreï Tarkovski

Remarques :
* Tarkovski fait un hommage appuyé à Bergman : Erland Josephson est l’un des acteurs fétiches de Bergman ; Sven Nykvist, le directeur de la photographie attitré de Bergman, est derrière la caméra ; les décors sont signés Anna Asp, oscarisée pour les décors de Fanny et Alexandre ; le tournage a eu lieu sur l’île de Gotland où Bergman a tourné plusieurs de ses films ; pour couronner le tout, Daniel Bergman, fils du réalisateur, est un assistant.

* Bergman n’aimait pas vraiment le film, disant en quelque sorte que Tarkovski avait surtout fait du Tarkovski.

* Le Sacrifice a été sélectionné par le Vatican dans la catégorie « Religion » de sa liste de « 45 grands films ».

 

Le Sacrifice
Allan Edwall, Erland Josephson, Filippa Franzén et Susan Fleetwood dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

Le Sacrifice
Tournage de la scène finale de Le Sacrifice de Andrei Tarkovski. (Il s’agit vraisemblablement de la première prise car la fumée est bien plus verticale que dans le film. La caméra s’étant enrayée au beau milieu du plan-séquence, la maison a en effet été reconstruite pour faire une seconde prise.)

Le Sacrifice
La maison et sa miniature dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

23 mars 2016

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014) de Roy Andersson

Titre original : « En duva satt på en gren och funderade på tillvaron »

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existenceSi le film du suédois Roy Andersson est si déconcertant, ce n’est pas tant par la forme, qui est plutôt attirante par son originalité : il s’agit d’une succession de saynètes filmées en plans-séquence, en plan large et caméra fixe, de véritables tableaux vivants qui se succèdent sur un rythme contemplatif. Les couleurs sont plutôt froides, sombres, tristes. Les humains qui évoluent dans le cadre ont le teint blafard, paraissent déshumanisés, ils en deviennent parfois abstraits ou de simples objets. Jusque là, ça va… c’est sur le fond que ça se gâte car, hormis quelques scènes assez évidentes, il est très difficile de percevoir la signification de ces tableaux. L’ensemble est pour le moins abscons. Les références historiques sont très suédoises (le roi Charles XII, supposé homosexuel, la bataille de Poltava perdue contre la Russie, la neutralité de la Suède en 1943, etc.) Tout le reste est majoritairement obscur mais l’ensemble semble marqué par un mélange de mal-être et de culpabilisation, par le sentiment de n’être, à l’instar des deux vendeurs de farces-attrapes, qu’un pion aux buts pitoyables : « Le monde est horrible et j’en fais partie », telle semble être cette philosophie sur l’existence promise par le titre.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Holger Andersson, Nils Westblom
Voir la fiche du film et la filmographie de Roy Andersson sur le site IMDB.

Remarques :
* Toutes les scènes ont été tournées en studio, y compris la scène de l’affiche ci-dessus (l’une des rares scènes d’extérieur). Voir une vidéo de la construction du décor  …

* Il s’agit du troisième volet de la Trilogie des vivants :
1 – Chansons du deuxième étage (2000)
2 – Nous, les vivants (2007)
3 – Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014)

Un pigeon perché sur une branche
Le pigeon perché sur une branche est empaillé, autant dire qu’il a tout loisir de  philosopher sur l’existence…

Un pigeon perché sur une branche

 

31 octobre 2015

Scènes de la vie conjugale (1973) de Ingmar Bergman

Titre original : « Scener ur ett äktenskap »

Scènes de la vie conjugaleMariés depuis dix ans, Marianne et Johan renvoient l’image d’un couple idéal, une réussite que leur envient leurs amis. Mais, un jour, Johan annonce qu’il va partir vivre avec une jeune femme qu’il a rencontrée… Ingmar Bergman a tourné Scènes de la vie conjugale pour la télévision, six épisodes de 50 minutes qui eurent un succès considérables en Suède (les derniers épisodes furent suivis par trois millions de téléspectateurs, soit la moitié de la population du pays). Bergman en a tiré un long métrage de 2h50 qui conserve le découpage en six tableaux. Bergman a adopté la technique de la télévision, abondance de gros plans et de champs-contre-champs, pour ce long huis clos sentimental qui ausculte ce couple à l’intérieur duquel les rapports vont évoluer considérablement sur la période. Le cas est délibérément banal mais, au delà des apparences, Bergman cherche le vrai. Ses personnages sont des adultes raisonnables (et raisonneurs) mais n’en sont pas moins « analphabètes du sentiment ». Johan, avec sa carapace ironique, peut certainement être vu comme un alter-ego du cinéaste. Liv Ullmann semble s’être pleinement investie dans son personnage (assez universel) de femme à la conquête de son émancipation et de son identité, une quête qui s’inscrit pleinement dans les années soixante-dix. Cette longue réflexion, qui dépasse largement son caractère circonstanciel, se révèle finalement très enrichissante. Il est toutefois compréhensible que le film soit diversement apprécié. Pour tout avouer, il nous avait plutôt ennuyé lorsque nous l’avions vu une première fois, il y a certes assez longtemps de cela…
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Liv Ullmann, Erland Josephson
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ingmar Bergman chroniqués sur ce blog…

Scènes de la vie conjugale
Liv Ullmann et Erland Josephson dans Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman

3 juin 2015

Le Mystère de la section 8 (1937) de Victor Saville

Titre original : « Dark Journey »

Le Mystère de la section 81915, la Première Guerre mondiale. Dans la capitale de la Suède qui s’est déclarée neutre, Madeleine Goddard est à la tête d’un magasin de mode qui vend des robes faites à Paris. Elle travaille aussi pour les services secrets et fait passer des informations…
Réalisé par le britannique Victor Saville et produit par Alexander Korda, Dark Journey est pour la jeune Vivien Leigh la première occasion d’être tout en haut de l’affiche (1). L’actrice y montre déjà une belle aisance qui couplée à sa beauté naturelle lui donne une grande présence à l’écran. Elle forme un beau couple avec le grand séducteur Conrad Veidt (l’acteur allemand dont l’épouse était juive s’était réfugié à Londres). L’actrice a avoué ne pas tout avoir compris dans cette histoire, il faut dire que la neutre Stockholm est présentée comme une place où les agents (parfois doubles) des différentes nations en guerre se font face et se côtoient (2). Cela engendre des situations assez compliquées car on ne sait pas toujours très bien qui est avec qui et contre qui. Soulignons que le but du propos n’est visiblement pas d’exalter la fibre patriotique, on ne prend pas partie car c’est l’amour qui au final est le plus fort. L’ensemble est de bonne facture, porté par la présence lumineuse de Vivien Leigh.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Conrad Veidt, Vivien Leigh, Joan Gardner
Voir la fiche du film et la filmographie de Victor Saville sur le site IMDB.

Voir les autres films de Victor Saville chroniqués sur ce blog…

Dark Journey
Vivien Leigh et Conrad Veidt dans Le Mystère de la section 8 de Victor Saville

Remarque :
* La base de l’histoire est de Victor Saville lui-même avec l’aide de l’américain John Monk Saunders et du scénariste de Korda, Lajos Biró.

(1) Victor Saville avait prévu d’engager Miriam Hopkins mais le producteur Alexander Korda la subtilisa pour un autre film (Men are not Gods, 1936) et lui proposa la jeune Vivien Leigh à la place.

(2) Sur ce plan, on peut faire le parallèle avec Casablanca, film où Conrad Veidt joue également (l’officier allemand de la Gestapo).

Dark Journey
Conrad Veidt et Vivien Leigh dans Le Mystère de la section 8 de Victor Saville

15 février 2015

Les Fraises sauvages (1957) de Ingmar Bergman

Titre original : « Smultronstället »

Les fraises sauvagesLe professeur Borg, âgé de 78 ans, doit recevoir un prix couronnant ses cinquante années en tant de docteur. Il se rend en voiture à l’Université de Lund avec sa belle-fille Marianne. Pendant le trajet, il revit certains éléments de son passé… Ecrit et réalisé par Ingmar Bergman, Les Fraises sauvages fait partie des oeuvres les plus profondes du cinéma. Cet homme qui se sent proche de la mort porte un regard sur sa vie, à la fois par introspection et par le regard des autres, ce qui génère en lui une foule de sentiments variés, parfois contradictoires, qui le désorientent. La forme est aussi enthousiasmante que le fond car Bergman fait preuve d’une remarquable limpidité et d’une grande simplicité dans sa mise en scène ; rien n’est appuyé et pourtant tout est fort. En 1957, Bergman avait déjà une vingtaine de films à son actif mais il n’avait pas encore quarante ans : tant de maturité dans son cinéma et dans son propos qui aborde de nombreux aspects fondamentaux de la vie est assez exceptionnel. C’est d’autant plus étonnant que l’on sait qu’il y a souvent, dans ses films, une certaine identification de Bergman avec son personnage principal. Ce n’est pas un film sombre et amer, comme en témoigne la très belle fin ; la lucidité de son propos le place au-delà de cette simple problématique. Ce n’est pas non plus un film sur la mort, c’est bien plus un film sur la vie, sur ce qui la constitue, sur l’essence-même du passé. Comme j’ai pu personnellement le constater, Les Fraises sauvages est un film que l’on peut voir plusieurs fois, à des moments différents de notre vie, et ressentir différemment. Sa profondeur le permet.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor Sjöström, Bibi Andersson, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Max von Sydow
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ingmar Bergman chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Ingmar Bergman

Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman
Ingrid Thulin et Victor Sjöström dans Les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman

Remarques :
* Victor Sjöström avait exactement l’âge de son personnage. Rappelons que Victor Sjöström est l’un des plus grands cinéastes du cinéma muet et, à ce titre, l’un des maîtres de Bergman. Ses films sont hélas assez difficiles à voir aujourd’hui. D’abord en Suède, puis à Hollywood entre 1924 et 1930 où il réalisa de grands films (notamment avec Lilian Gish) qui n’eurent jamais le succès qu’ils méritaient, ce cinéaste a toujours fait preuve d’un grand lyrisme dans ses réalisations mais aussi d’inventivité (voir sa filmographie sur IMDB). Les Fraises sauvages est son dernier film en tant qu’acteur puisqu’il est décédé deux ans plus tard.
* La première scène de rêve au début du film est un hommage au très beau film de Victor Sjöström La Charrette fantôme (1921).

3 juin 2014

Les Troubles d’Adalen (1969) de Bo Widerberg

Titre original : Ådalen 31

Ådalen 31En 1931, alors qu’une grève dure depuis plusieurs semaines dans une petite ville au nord de Stockholm, un adolescent s’initie à la vie et à l’amour. Mais, lorsque les patrons font venir des ouvriers de l’extérieur, les grévistes se mobilisent pour repousser les « jaunes ». L’armée est alors appelée en renfort… Les Troubles d’Adalen est un film écrit et réalisé par le suédois Bo Widerberg qui s’inspire de faits historiques : un carton à la fin du film nous apprend que c’est à la suite des évènements d’Adalen et de l’émoi qu’ils suscitèrent que les sociaux-démocrates purent prendre le pouvoir et ajoute que la Suède est depuis cette date gouvernée par les sociaux-démocrates (ce qui est toujours vrai aujourd’hui). Ådalen 31 est réalisé à une époque où le socialisme suédois est en difficulté et Widerberg semble vouloir en rappeler les fondements. Mais son film n’est pas seulement un film politique car il commence comme une chronique sociale presque champêtre où Kjell, le fils d’un des grévistes, tombe amoureux de la fille du directeur. L’approche de Widerberg est pleine de délicatesse, il utilise la fraicheur et l’innocence pour mettre en relief les différences de classe, évoque des questions assez profondes par petites touches comme cette scène où la femme du directeur montre à Kjell un livre de peinture et lui apprend à prononcer « Pierre-Auguste Renoir » : cette façon très touchante de montrer le désir de s’élever et les vertus de l’éducation et de la connaissance est assez remarquable. Le contexte de la grève n’est alors qu’à peine présent et ce n’est qu’aux deux-tiers du film que les « évènements » prennent leur place. Le déroulement est alors plus percutant mais, même dans cette partie, Widerberg est indéniablement plus influencé par la Nouvelle Vague que par Eisenstein. Il ne joue pas la carte du lyrisme et de l’héroïsme mais préfère mettre en valeur la volonté de bâtir sur de nouvelles bases.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peter Schildt, Kerstin Tidelius, Roland Hedlund, Marie De Geer, Anita Björk
Voir la fiche du film et la filmographie de Bo Widerberg sur le site IMDB.