6 septembre 2020

Le Flambeur (1974) de Karel Reisz

Titre original : « The Gambler »

Le Flambeur (The Gambler)Professeur de littérature en université, Alex Freed est prisonnier de son vice pour le jeu. Quand il a perdu tout son argent, il emprunte à sa petite amie, à sa mère. Quand ses proches ne lui sont plus d’aucune aide, il se tourne vers de dangereux malfrats avec qui il aura maille à partir. Malgré tout cela, il ne peut pas arrêter de jouer…
Le Flambeur est lointainement inspiré du roman Le Joueur de Dostoïevski (publié en 1866). C’est le premier film américain du réalisateur britannique d’origine tchécoslovaque Karel Reisz. Le cinéaste se concentre sur un aspect principal de son personnage, son caractère irrationnel qui l’entraîne dans une fuite en avant autodestructrice. Les fondements de cette attitude ne sont qu’à peine explorés, on le voit juste professer sur le sujet de l’acceptation du risque ou de l’autosuggestion. La scène finale à forte connotation masochiste a été très remarquée. James Caan fait une belle prestation. Le film peut dérouter, ou même déplaire par son manque de profondeur, mais il jouit d’une excellente réputation.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: James Caan, Paul Sorvino, Lauren Hutton
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Le Flambeur (The Gambler)Lauren Hutton et James Caan dans Le Flambeur (The Gambler) de Karel Reisz.

Remake :
The Gambler de Rupert Wyatt (2014) avec Mark Wahlberg et Jessica Lange.

18 décembre 2015

La Vénus à la fourrure (2013) de Roman Polanski

La Vénus à la fourrureFatigué après avoir fait passer des auditions toute la journée en vain pour sa pièce La Vénus à la fourrure, un metteur en scène (Mathieu Amalric) voit arriver une actrice (Emmanuelle Seigner) très en retard alors qu’il est resté seul dans le théâtre. Non sans difficulté, il se laisse convaincre de l’auditionner, persuadé qu’elle ne conviendra pas, mais dès les premières lignes sa surprise est grande… La Vénus à la fourrure de Roman Polanski est adapté d’une pièce de l’américain David Ives, variation autour du livre homonyme de Sacher-Masoch. C’est un huis clos comme Polanski les affectionne, où un jeu subtil et ambigu va s’installer entre les deux seuls personnages et qui va nous tenir en haleine pendant plus de 90 minutes. Le début est toutefois un peu difficile, le personnage de l’actrice étant particulièrement pénible de vulgarité (chewing-gum compris) mais, heureusement, tout change lorsque l’audition commence réellement (en fait, il faudrait revoir ce début après avoir mieux compris le personnage). Le reste est un délice, d’une écriture parfaite, où les rapports de domination/soumission vont s’installer très lentement pour mieux de renverser ensuite, où la vie réelle s’immisce dans la pièce (à moins que ce soit l’inverse). Ce jeu de manipulation est troublant, sans cesse surprenant, parfois déroutant mais aussi fascinant. Emmanuelle Seigner est assez merveilleuse dans son rôle très complexe, personnage aux multiples facettes, qui joue avec les apparences, qui est toujours plus que ce que l’on attend. Mathieu Amalric est moins éblouissant, il faut dire que son personnage est finalement beaucoup plus simple. A noter que l’on peut certainement voir dans son personnage le cinéaste lui-même. La Vénus à la fourrure est une belle réussite de Roman Polanski, un des ses meilleurs films sans aucun doute, un des ces films dont on se dit que lui seul pouvait faire si brillamment.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric
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La Vénus à la fourrure
Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner dans La Vénus à la fourrure de Roman Polanski

 

19 avril 2015

La Clé de verre (1942) de Stuart Heisler

Titre original : « The Glass Key »

La clé de verreHomme politique trouble, Paul Madvig décide de soutenir la candidature à la mairie de Ralph Henry qui veut assainir la ville, rompant ainsi brutalement ses relations avec le patron de maisons de jeux Nick Varda. En réalité, Madvig s’est surtout entichée de la fille de Ralph Henry. Ed Beaumont, le bras droit de Madvig ne voit pas cela d’un bon oeil. Ses craintes se justifient lorsque le fils de Ralph Henry est retrouvé mort dans une ruelle… Comme Le Faucon Maltais, le roman le plus connu des cinéphiles de Dashiell Hammett, La Clé de verre a été porté plusieurs fois à l’écran en moins de dix ans : Frank Tuttle l’avait déjà adapté en 1935 dans une assez bonne version avec George Raft et Edward Arnold. Cette version de 1942 est assez fidèle au roman dans le déroulement de l’histoire, à ceci près qu’elle se concentre sur la relation entre Beaumont et la fille de Henry. Pour la Paramount, l’occasion était trop belle de réunir à nouveau Alan Ladd et Veronica Lake à l’écran, après l’énorme succès de Tueurs à gages quelques mois auparavant, et de jouer sur la tension sexuelle générée par le couple et sur une certaine aura de mystère autour de Veronica Lake. Par rapport au livre, les relations ambigües entre Beaumont et l’homme de main Jeff, fortement teintées d’homosexualité et de sadomasochisme, sont restées (assez bizarrement, du fait de la censure). Sur le fond, le film met le doigt sur la corruption des politiques qui sont aux ordres de la pègre. Au final, on peut donc considérer que cette version de La clé de verre restitue bien l’esprit assez subversif des romans de Dashiell Hammett.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Brian Donlevy, Veronica Lake, Alan Ladd, Richard Denning, Joseph Calleia, William Bendix
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The Glass Key (1942)
Brian Donlevy, Alan Ladd et Veronica Lake dans La clé de verre de Stuart Heisler (photo publicitaire)

Remarque :
* Pendant le tournage, Alan Ladd s’est retrouvé réellement assommé par William Bendix à la suite d’une erreur dans le coup porté par ce dernier. Bendix s’est à tel point confondu en excuses que ce fut le début d’une profonde amitié entre les deux acteurs qui durera jusqu’à leur mort (la même année en 1964).

Autres adaptations :
The Glass Key de frank Tuttle (1935) avec George Raft, Claire Dodd et Edward Arnold
Miller’s crossing des frères Coen (1990) (inspirés de deux romans de Hammett : La Clé de verre et La Moisson rouge)

Veronica Lake
Veronica Lake dans La clé de verre de Stuart Heisler (photo publicitaire)

12 mars 2015

Blue Velvet (1986) de David Lynch

Blue VelvetLumberton est une petite ville dominée par l’industrie du bois. Jeffrey, un jeune homme apparemment sage qui s’apprête à travailler dans la quincaillerie familiale, fait une découverte étonnante dans un terrain vague, une découverte qui va l’entraîner dans une aventure très singulière… Ecrit et réalisé par David Lynch, Blue Velvet est un film très personnel, un film noir où l’on retrouve plusieurs thèmes chers au réalisateur, notamment celui de l’envers du décor qui nous fait basculer d’un monde gentil et propret dans celui où règnent les pires turpitudes. Nous passons de l’autre côté du miroir.  Cela se double d’une certaine réflexion sur la lisière entre le Bien et le Mal : le jeune Jeffrey s’implique en effet plus qu’il ne devrait dans son enquête. Quelle est la nature de la fascination qu’exerce sur lui ce monde trouble qu’il découvre ? Quel étrange parallèle peut-on faire entre le personnage de Jeffrey et celui du maléfique Booth ? (Notons que Lynch met hors-circuit le père de Jeffrey au début du film renforçant l’ambigüité : Booth serait-il ainsi une figure paternelle à ses yeux ?) Lynch joue très fort sur les oppositions : les deux femmes qu’aime Jeffrey sont en opposition totale, comme le pile et face d’une même pièce. La sage et conventionnelle Sandy est tout le contraire de Dorothy Vallens, en apparence du moins car Dorothy se sent contaminée par l’esprit maléfique de Booth qui a une emprise totale sur elle, elle craint que ce soit irréversible d’où ses tendances masochistes. Le caractère christique du personnage culmine lors de son apparition nue sur le gazon… Blue Velvet fait partie de ces films stimulants car, plus on se penche dessus, plus on découvre des liens, qui en retour génèrent de nouvelles interrogations. Kyle MacLachlan (que l’on peut voir comme un alter-ego du cinéaste) exprime parfaitement les nombreuses facettes de son personnage, juvénile, faussement naïf, avec une once de perversité enfouie. Denis Hopper est tout entier dans son personnage, une identification qui semble totale. La musique joue un grand rôle dans l’ensemble, la chanson Mysteries of Love d’Angelo Badalamenti chantée par Julee Cruise renforce la sensation la sensation de voir en Blue Velvet un germe de ce que sera la série Twin Peaks quatre ans plus tard.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabella Rossellini, Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Laura Dern, Dean Stockwell
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Blue Velvet de David Lynch
Kyle MacLachlan et Isabella Rossellini dans Blue Velvet de David Lynch

Remarques :
* En regardant la scène où Dean Stockwell simule de chanter sur le In Dreams de Roy Orbison en utilisant une lampe de chantier comme micro, on se dit qu’il n’y a que David Lynch pour avoir de telles idées géniales… En réalité, ce fut en voyant l’acteur tenant une lampe pendant un ajustement de lumières qu’il en eut l’idée. Au départ, il devait tenir un bête micro… Quoiqu’il en soit, l’effet est superbe.
* Comme souvent chez Lynch, le film comporte quelques allusions au personnage de Lincoln (le nom Booth du personnage joué par Denis Hopper et l’appartement de Dorothy Vallens est sur Lincoln Street).

Blue Velvet de David Lynch
David Lynch, Laura Dern et Kyle MacLachlan sur le tournage de Blue Velvet de David Lynch (on pourra noter la ressemblance physique entre Lynch et MacLachlan…)

1 octobre 2014

Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier (1980) de Pedro Almodóvar

Titre original : « Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón »

Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartierPepi est violée par un policier qui habite en face de chez elle. Elle décide de se venger en poussant sa femme, aux forts penchants masochistes, à le quitter… En 1980, alors que Franco n’est mort que depuis cinq ans, l’Espagne se libère peu à peu la chape de plomb imposée par le dictateur. Pedro Almodovar s’engouffre par la brèche ainsi ouverte et signe là un film corrosif et provocateur, porté par cette liberté nouvelle qui gagne tout le pays. Ses personnages sont hauts en couleur : homosexuels exubérants, transsexuels, masochistes et même une femme à barbe. Un peu brouillon, le film est très marqué par son époque et, vu aujourd’hui, il est surtout intéressant en ce qu’il illustre à la fois l’immense changement du pays et qu’il préfigure le cinéma d’Almodovar. Le tournage (en 16 mm) s’est étalé sur une année car le financement a été difficile à réunir, les moyens utilisés sont rudimentaires mais cela n’a pas empêché Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier de connaître un beau succès en Espagne.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Carmen Maura, Félix Rotaeta, Cecilia Roth
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Remarques :
* Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier n’est pas à proprement parler le premier long métrage d’Almodovar puisqu’il avait déjà réalisé un film en Super-8, Folle… folle… fólleme Tim!, en 1978.
* Alaska y los Pegamoides (Alaska et les Pegamoides) est un groupe madrilène, considéré comme l’un des plus représentatifs de la scène punk-rock de l’Espagne des années quatre-vingt. Et c’est donc Alaska elle-même qui joue le rôle de Bom.

Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier (Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón)Alaska, Carmen Maura et Eva Siva dans Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier (Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón) de Pedro Almodóvar.