19 août 2023

Le Dernier Face à face (1967) de Sergio Sollima

Titre original : « Faccia a faccia »
Autre titre français : « Il était une fois en Arizona »

Le Dernier Face à face (Faccia a faccia)Atteint de tuberculose, Brad Fletcher, un enseignant de la Nouvelle-Angleterre, quitte son travail pour aller s’établir au  Texas. Là, il est pris en otage par un hors-la-loi blessé, Solomon Bennet dit Beauregard. Fletcher l’aide à se soigner et tente de lui inculquer quelques principes moraux. Fasciné et intrigué par cette vie de hors-la-loi, il décide de rejoindre la « horde sauvage » de Bennet…
Le Dernier Face à face ou Il était une fois en Arizona (bien que l’histoire se déroule au Texas !) est un western spaghetti coécrit et réalisé par Sergio Sollima. Le cinéaste italien est surtout connu pour avoir réalisé trois westerns ; celui-ci est le deuxième, suivant Colorado (1966) et précédant Saludos hombre (1968). Avec Leone et Corbucci, Sergio Sollima fait partie des « trois Sergio du western italien ». Le film utilise beaucoup de clichés, se montre souvent basique et le montage paraît très brouillon. Si le film retient l’attention, c’est principalement du fait de son scénario que le réalisateur a écrit avec Sergio Donati, scénariste qui a travaillé également pour Leone. Ils ont créé une situation originale pour mettre face à face un professeur, qui a une forte éthique et insiste sur l’importance du libre choix entre le bien et le mal, et un bandit rustre qui ne croit qu’en la force mais est impressionné par l’intelligence du professeur. Cette situation peut paraître classique mais c’est son évolution qui réserve des surprises. Gian Maria Volontè, ici à la fin de sa période western, montre une belle présence et donne de l’étoffe à son personnage. William Berger a également beaucoup de présence. Le film n’est pas parfait, loin de là, mais constitue une belle curiosité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volontè, Tomas Milian, William Berger, Jolanda Modio
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergio Sollima sur le site IMDB.

Remarque :
• Le personnage de Charlie Siringo travaillant pour l’Agence Pinkerton a réellement existé.
• Tomas Milian et William Berger sont doublés dans la version italienne.
• Les relations entre Gian Maria Volontè (membre du Parti Communiste italien) et Tomas Milian (cubain qui a fui son pays à l’accession de Fidel Castro au pouvoir) ont été houleuses sur le tournage.
• Une version réduite à 93 minutes a longtemps été la seule visible. La version complète de 112 minutes est maintenant rétablie (dans la version vue ici, les scènes récupérées sont facilement identifiables car la police des sous-titres est différente).

Le Dernier Face à face (Faccia a faccia)Tomas Milian et Gian Maria Volontè dans Le Dernier Face à face (Faccia a faccia) de Sergio Sollima.

1 mai 2023

Le Trésor de la montagne sacrée (1979) de Kevin Connor

Titre original : « Arabian Adventure »

Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure)Le tyran magicien Alquazar cherche le pouvoir suprême pour dominer le monde. Un jeune garçon jet un beau prince vont contrecarrer ses plans maléfiques…
Le Trésor de la montagne sacrée est un film britannique réalisé par Kevin Connor. Le scénario est l’œuvre de Brian Hayles, qui a signé quelques épisodes remarqués de la série Doctor Who dans les années soixante. Dans le cinéma anglais, ce type d’aventures arabisantes et exotiques se place dans le sillage du Voleur de Bagdad produit par Alexander Korda (1940). C’est un type de film qui peut paraître vieillot aujourd’hui et Le Trésor de la montagne sacrée n’est pas des plus originaux qui soient. La réalisation est assez soignée mais, finalement, le plus remarquable est que personne n’a semblé prendre cette histoire au sérieux : les évènements sont le plus souvent totalement invraisemblables et certaines séquences pourraient être l’œuvre des Monthy Pyton (par exemple, celle des monstres de fer). Les batailles de tapis volants, façon Star Wars, sont plutôt hilarantes. Donc c’est l’humour, plus que l’exotisme, qui rend le film plutôt plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Christopher Lee, Milo O’Shea, Oliver Tobias, Emma Samms, Puneet Sira
Voir la fiche du film et la filmographie de Kevin Connor sur le site IMDB.

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Remarque :
A noter la présence de Peter Cushing, de Mickey Rooney et de l’actrice française Capucine dans de petits rôles.

Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure)Christopher Lee dans Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure) de Kevin Connor.

Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure)Emma Samms dans Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure) de Kevin Connor.

Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure)Puneet Sira dans Le Trésor de la montagne sacrée (Arabian Adventure) de Kevin Connor.

1 octobre 2020

La Source (1960) de Ingmar Bergman

Titre original : « Jungfrukällan »

La Source (Jungfrukällan)Au XIVe siècle, en Suède. La blonde Karin, fille de Töre, un paysan assez prospère, va porter des cierges à la lointaine église de leur paroisse, de l’autre côté de la forêt. Elle fait route en compagnie de sa sœur adoptive, la brune Ingeri, qu’une sourde jalousie oppose à Karin. À la lisière de la forêt les deux jeunes filles se séparent. Karin poursuit son chemin et rencontre trois bergers rustres…
Le scénario de La Source a été écrit par la romancière suédoise Ulla Isaksson qui fait ici l’adaptation d’un conte médiéval, originellement intitulé « La fille de Töre à Vänge ». L’histoire se situe à une période charnière entre le paganisme et le christianisme. La fille adoptive invoque le dieu Odin et pratique des sortilèges païens alors que le reste de la famille vit au rythme des rites chrétiens. Le thème principal est l’opposition entre le Bien et le Mal et plus précisément sur la difficulté à garder ses convictions et son éthique du Bien lorsque l’on est confronté au Mal absolu. La simplicité du scénario le rend limpide, les décors restituent avec justesse la vie des paysans de cette époque, la photographie de Sven Nykvist est très belle. Tout concourt à donner une grande puissance au récit. A sa sortie, La Source a été le plus souvent considéré comme un film mineur de Bergman mais le temps permet de mieux le juger aujourd’hui. C’est un film atemporel.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Max von Sydow, Birgitta Valberg, Gunnel Lindblom, Birgitta Pettersson
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Remarques :
* Le gardien du pont est certainement censé être Odin. Plusieurs éléments présents dans la scène vont dans ce sens.
* Après avoir déclaré qu’il s’agissait d’un de ses films préférés, Ingmar Bergman a fait volte-face pour déclarer qu’il le voyait comme maladroitement inspiré de Rashōmon d’Akira Kurosawa.

La Source (Jungfrukällan)Birgitta Pettersson et Gunnel Lindblom dans La Source (Jungfrukällan) de Ingmar Bergman.

Max von Sydow (déracinant avec fureur un arbre à mains nues) dans La Source (Jungfrukällan) de Ingmar Bergman.

5 juillet 2020

Dark Crystal (1982) de Jim Henson et Frank Oz

Titre original : « The Dark Crystal »

Dark Crystal (The Dark Crystal)Dans le monde imaginaire Thra, un gigantesque cristal accumule la lumière des trois soleils qui éclairent la planète pour la restituer sous forme d’énergie vitale. Le cristal s’est assombri depuis mille ans. Il est gardé jalousement par les dix Skeksis, rapaces reptiliens hargneux et cruels, au détriment de dix paisibles UrRus mais une prophétie prédit qu’un Gelfling, être d’allure elfique, saura restaurer l’éclat original du cristal…
Dark Crystal est un film américain de fantasy, produit et réalisé par Jim Henson et Frank Oz, les créateurs du Muppet Show. Les personnages et créatures du film sont donc entièrement animés grâce à des marionnettes. Si l’histoire peut paraître assez classique, reposant sur l’opposition du Bien et du Mal, elle est néanmoins assez belle dans sa simplicité. Le récit est vraiment magique grâce à une inventivité foisonnante dans les décors, les plantes intelligentes, les êtres et créatures de ce monde féérique. Ces créatures et une bonne partie des décors ont été conçus par l’illustrateur britannique Brian Froud et son épouse Wendy. La richesse est admirable et nous sommes sans cesse étonnés par ce que nous voyons. Vu aujourd’hui, l’ensemble n’a guère vieilli, seules quelques incrustations trahissent l’âge du film. Une nouvelle version restaurée est sortie en 2019. Fraichement accueilli par la critique à sa sortie, le film a néanmoins conquis le public et Dark Crystal est devenu un classique de la fantasy.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
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Remarque :
* Une suite à Dark Crystal avait été annoncée en 2009 par la Jim Henson Company mais elle n’a jamais vu le jour. En revanche, une série télévisée de 10 épisodes Dark Crystal : Age of Resistance a été produite en 2019, l’histoire étant une préquelle du film de 1982.

Dark Crystal (The Dark Crystal)Dark Crystal de Jim Henson et Frank Oz.

12 juillet 2019

Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) de Werner Herzog

Titre original : « Nosferatu: Phantom der Nacht »

Nosferatu, fantôme de la nuitÀ Wismar, au XIXe siècle, un jeune homme reçoit de son patron la mission d’aller dans les Carpates négocier la vente d’une maison qu’un certain comte Dracula désire acquérir. Dans une auberge proche de sa destination, des villageois tentent de le dissuader de se rendre au château. Il passe outre et se rend chez le comte…
Pour rendre hommage au film muet de F.W. Murnau Nosferatu le vampire (1922), Werner Herzog choisit de tourner une version très proche, allant jusqu’à refaire certaines scènes à l’identique. Hélas, il n’arrive pas à la même puissance évocatrice, le film n’a aucune intensité. Et ce ne sont pas l’ajout des scènes de centaines de rats ou les modifications de l’épilogue qui lui donnent de la force. Le résultat est donc bien décevant, surtout venant de la part d’un cinéaste tel que Werner Herzog. La photographie est finalement le plus réussi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor
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Remarques :
* Production franco-allemande.
* Dans la version de Murnau, le comte Dracula n’avait pas le nom qu’il porte dans le roman de Bram Stoker. N’ayant pu s’entendre avec les ayant-droits du romancier, Murnau l’avait appelé Comte Orlok. Le copyright ayant expiré entre les deux versions, Werner Herzog a pu lui redonner son vrai nom.

Nosferatu, fantôme de la nuitIsabelle Adjani et Klaus Kinski dans Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog.

4 avril 2018

Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich

Vera CruzA la fin de la guerre de Sécession, certains soldats sans attaches ou ayant tout perdu passent au Mexique, alors en pleine guerre civile, pour vendre leurs services au plus offrant. C’est ainsi qu’un ex-officier de l’armée sudiste (Gary Cooper) se voit forcé de faire équipe avec un aventurier rencontré en chemin (Burt Lancaster) dans une mission pour l’empereur Maximilien…
Sur une histoire imaginée par Borden Chase, dont les écrits ont déjà inspirés de grands westerns (Red River de Hawks, Winchester 73 et Bend of the River de Mann… et suivront Far Country toujours de Mann et Man Without a Star de Vidor), Vera Cruz met face à face deux têtes d’affiche pour un film à la réalisation parfaite et au contenu plus complexe qu’attendu. L’histoire est en effet assez simple mais son traitement est très particulier dans le cadre du western classique. Au lieu de montrer une opposition tranchée entre le bien et le mal, entre le bon et le méchant, Vera Cruz adopte une vision plus ambigüe de ses personnages, qui sont à la fois héros et anti-héros. Ainsi, si Gary Cooper montre une grande humanité, il n’hésite pas à trahir ou à tuer pour préserver ses intérêts bassement financiers. Face à lui, Burt Lancaster est bien le méchant de l’histoire mais il est aussi doté d’une indéniable droiture. Il est ambivalent, à l’image de son sourire à la fois carnassier et séducteur, et une utilisation très habile de l’humour le rend plus attirant encore.  Par cette ambivalence, cette façon de proposer des héros imparfaits, Vera Cruz semble ouvrir la voie aux westerns modernes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Burt Lancaster, Denise Darcel, Cesar Romero, Sara Montiel, George Macready, Ernest Borgnine, Charles Bronson
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Vera Cruz
Burt Lancaster et Gary Cooper dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Remarques :
* Vera Cruz a beaucoup influencé Sergio Leone. Il est parfois surnommé « le premier western spaghetti ». A noter que Charles Bronson a un tout petit rôle… où il joue (déjà !) de l’harmonica.

* Gary Cooper était vraiment très mal à l’aise avec son personnage d’anti-héros. Ce serait pour cette raison qu’il a ensuite refusé la proposition de Charles Laughton d’incarner le pasteur dans La Nuit du chasseur, laissant ainsi la place à Robert Mitchum.

* Le film est produit par la société Hecht-Hill-Lancaster formée par Harold Hecht (le producteur, aucune relation avec Ben Hecht le scénariste), James Hill et Burt Lancaster.

* Précision technique : Vera Cruz est le premier (et principal) grand film en SuperScope. L’image est enregistrée en 2:1 puis agrandie (en hauteur) afin d’occuper toute la hauteur du cadre dans les copies d’exploitation. Ce procédé, lancé par la RKO en 1954, ne vivra guère. Son principal avantage était d’éviter l’anamorphose à la prise de vue (tassement horizontal pour occuper toute la surface d’une pellicule 35mm) qui impose d’utiliser des objectifs spéciaux. Son inconvénient est de laisser inutilisée une grande partie de la pellicule (interimage important) et donc d’avoir inévitablement une image finale de qualité inférieure.

Vera Cruz
Burt Lancaster dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Vera Cruz
Ernest Borgnine et Sara Montiel dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

11 août 2017

Les Frères Karamazov (1958) de Richard Brooks

Titre original : « The Brothers Karamazov »

Les frères KaramazovHomme vulgaire et sans principe, Fiodor Karamazov a trois fils très différents : Alexeï est un homme de foi, Ivan est un intellectuel matérialiste et athée, Dimitri est un militaire chez qui le vice et la vertu se livrent une grande bataille. Les tensions sont fortes entre le père et chacun de ses fils… Richard Brooks réalisant une adaptation de Dostoïevski, cela a de quoi surprendre car l’univers habituel du réalisateur américain semble bien éloigné de « l’âme russe ». Pourtant, son adaptation se révèle assez réussie. Elle est en tous cas fidèle avec une bonne retranscription du caractère exalté des personnages. Yul Brynner est Dimitri, le personnage ici le plus complexe dont il montre bien le caractère tourmenté. Richard Brook a toutefois un peu plus de mal à dépasser le niveau conflictuel familial pour restituer toute la dimension métaphysique du roman. On ressent bien les hésitations, les tiraillements de la conscience des personnages, mais cela reste timide. Les questionnements sur l’existence de Dieu et sur le fondement de la morale sont toutefois esquissés. La reconstitution est bien réalisée et l’on remarque un bon travail sur la couleur. Le film n’a pas connu le succès et il est généralement (trop) sévèrement jugé aujourd’hui.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Maria Schell, Claire Bloom, Lee J. Cobb, Albert Salmi, William Shatner, Richard Basehart
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Brooks .comsur le site IMDB.

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Les Frères Karamazov
Richard Basehart, Yul Brynner, William Shatner et Lee J. Cobb (allongé) dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Maria Schell et Claire Bloom dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Richard Basehart, Lee J. Cobb, Yul Brynner, Albert Salmi et William Shatner dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Yul Brynner et Maria Schell dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
William Shatner et Lee J. Cobb dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Remarque :
– La distribution est particulièrement cosmopolite ce qui contribue, sans aucun doute, à la crédibilité du film : Yul Brynner est originaire de l’île de Sakhaline à l’extrême-est de la Russie, Maria Schell est née à Vienne, Claire Bloom est née à Londres, Lee J. Cobb est né à New York et William Shaftner est né à Montréal.

Autres versions :
Les frères Karamazov (Die Brüder Karamasoff) de Carl Froelich et Dimitri Buchowetzki (1921) avec Emil Jannings
Der Mörder Dimitri Karamasoff de Erich Engels et Fyodor Otsep (1931) avec Fritz Kortner
Les frères Karamazov (I fratelli Karamazoff) de Giacomo Gentilomo (1947) avec Fosco Giachetti
Bratya Karamazovy de Ivan Pyrev et Kirill Lavrov (1969)

21 mai 2015

La machine à tuer les méchants (1952) de Roberto Rossellini

Titre original : « La macchina ammazzacattivi »

La Machine à tuer les méchantsDans un petit village au sud de Naples, le photographe Celestino offre l’hospitalité à un vieil homme pour la nuit. Celui-ci lui donne un étrange pouvoir qui lui permettra de combattre le mal : il suffit qu’il prenne en photo la photographie d’un « méchant » pour que celui-ci succombe instantanément en se figeant dans la position de la photo… La Machine à tuer les méchants est un film inattendu dans la filmographie de Roberto Rossellini. Il a tourné cette comédie en 1948, c’est-à-dire juste après Allemagne Année Zéro, mais sans la terminer. Ce sont ses assistants qui l’achèveront en 1951. C’est un mélange de comédie italienne et de néo-réalisme, assez heureux puisque l’ensemble est assez amusant. Bien entendu, nous sommes ici sur un registre bien plus léger mais on pourra noter qu’il y a une réflexion sur le Bien et le Mal, sur l’emplacement de la limite entre les deux et même sur la puissance de Dieu. Donc si l’on regarde bien, il y a là le départ d’une réflexion philosophique qui peut s’inscrire dans celles de François d’Assise ou de Stromboli. Mais le plus visible est bien entendu l’humour et les scénaristes ont eu d’excellentes trouvailles. Il a beaucoup de vie : on crie, on magouille, on s’interpelle, c’est un petit village haut en couleur. Les acteurs sont non-professionnels. La Machine à tuer les méchants est une comédie amusante et intéressante même si, bien entendu, le film n’est pas représentatif de l’oeuvre de Rossellini.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gennaro Pisano, William Tubbs
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Ma machine à tuer les méchants
Gennaro Pisano est le photographe dans La Machine à tuer les méchants de Roberto Rossellini

 

15 mars 2015

Moby Dick (1956) de John Huston

Moby DickAttiré par la mer, le jeune Ismaël se rend dans un petit village de pêcheurs avec la ferme intention de partir pour la grande pêche qui soit : la chasse à la baleine. Il s’engage sur le Pequod du capitaine Achab, un capitaine très respecté qui a perdu une jambe dans une précédente expédition… Adapter le roman d’Herman Melville Moby Dick au cinéma n’est pas chose facile car c’est un récit chargé de symbolisme (1). Cette histoire est une allégorie de la lutte du Bien et du Mal, où l’orgueil et le désir de vengeance sont fustigés et où l’on peut déceler de nombreuses références bibliques. Pour John Huston, le thème fort du roman est le blasphème ; il voit dans l’obstination du capitaine un défi à Dieu (2) et c’est ainsi qu’il a voulut son adaptation à l’écran. Il en a écrit le scénario avec Ray Bradbury, l’écrivain bien connu pour ses écrits de science-fiction. Le tournage fut très difficile et éprouvant, « de tous mes films, le plus difficile à mener à son terme » précise John Houston dans son autobiographie (3). L’interprétation de Gregory Peck a été fortement critiquée, comme étant incapable de restituer toutes la dimension du personnage. Elle est pourtant assez juste mais certainement moins spectaculaire que celles de John Barrymore qui amplifiait le caractère halluciné du capitaine. John Huston la défend même s’il avait prévu au départ de prendre son père Walter Huston pour le rôle. Orson Welles, quant à lui, fait une belle prestation lors du sermon avant le départ. Le Moby Dick de John Huston est sans conteste la meilleure adaptation du roman.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Genn, Orson Welles
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Moby Dick de John Huston
Gregory Peck est le Capitaine Achab du Moby Dick de John Huston (1956)

Remarques :
* La baleine blanche utilisée pour le tournage mesurait trente mètres de long et était trainée par un puissant remorqueur. Du fait des mauvaises conditions météorologiques, ils en perdirent deux. Le bateau utilisé pour le Pequod est un authentique navire racheté à la ville de Scarborough où il servait d’attraction touristique.

* En 1992, Ray Bradbury fait paraître La Baleine de Dublin (Green Shadows, White Whale), une version romancée de sa rencontre avec John Huston et de son séjour en Irlande pendant l’écriture du scénario.

(1) Moby Dick est un roman que l’on lit généralement beaucoup trop jeune (et dans une version courte) pour le comprendre parfaitement. Enfant, on le lit comme un roman d’aventures alors qu’il est bien plus que cela. (Houston va plus loin en déclarant que ceux qui affirment l’avoir lu très jeune sont des menteurs…)
(2) « Achab ne niait pas Dieu mais le considérait comme un assassin : une pensée parfaitement blasphématoire. »
(3) John Huston par John Huston (Pygmalion, 1982 pour l’édition française).

Moby Dick au cinéma :
Jim le harponneur (The Sea Beast) de Millard Webb (1926) avec John Barrymore (muet)
Moby Dick de Llloyd Bacon (1930) avec de nouveau John Barrymore (parlant)
Le Démon des mers (Dämon des Meeres) de Michael Curtiz (1931) avec William Dieterle (version allemande tournée simultanément au film précédent)
Moby Dick de John Huston (1956) avec Gregory Peck

et aussi :
Capitaine Achab de Philippe Ramos (2007) avec Denis Lavant (film centré sur le parcours du Capitaine Achab)

12 mars 2015

Blue Velvet (1986) de David Lynch

Blue VelvetLumberton est une petite ville dominée par l’industrie du bois. Jeffrey, un jeune homme apparemment sage qui s’apprête à travailler dans la quincaillerie familiale, fait une découverte étonnante dans un terrain vague, une découverte qui va l’entraîner dans une aventure très singulière… Ecrit et réalisé par David Lynch, Blue Velvet est un film très personnel, un film noir où l’on retrouve plusieurs thèmes chers au réalisateur, notamment celui de l’envers du décor qui nous fait basculer d’un monde gentil et propret dans celui où règnent les pires turpitudes. Nous passons de l’autre côté du miroir.  Cela se double d’une certaine réflexion sur la lisière entre le Bien et le Mal : le jeune Jeffrey s’implique en effet plus qu’il ne devrait dans son enquête. Quelle est la nature de la fascination qu’exerce sur lui ce monde trouble qu’il découvre ? Quel étrange parallèle peut-on faire entre le personnage de Jeffrey et celui du maléfique Booth ? (Notons que Lynch met hors-circuit le père de Jeffrey au début du film renforçant l’ambigüité : Booth serait-il ainsi une figure paternelle à ses yeux ?) Lynch joue très fort sur les oppositions : les deux femmes qu’aime Jeffrey sont en opposition totale, comme le pile et face d’une même pièce. La sage et conventionnelle Sandy est tout le contraire de Dorothy Vallens, en apparence du moins car Dorothy se sent contaminée par l’esprit maléfique de Booth qui a une emprise totale sur elle, elle craint que ce soit irréversible d’où ses tendances masochistes. Le caractère christique du personnage culmine lors de son apparition nue sur le gazon… Blue Velvet fait partie de ces films stimulants car, plus on se penche dessus, plus on découvre des liens, qui en retour génèrent de nouvelles interrogations. Kyle MacLachlan (que l’on peut voir comme un alter-ego du cinéaste) exprime parfaitement les nombreuses facettes de son personnage, juvénile, faussement naïf, avec une once de perversité enfouie. Denis Hopper est tout entier dans son personnage, une identification qui semble totale. La musique joue un grand rôle dans l’ensemble, la chanson Mysteries of Love d’Angelo Badalamenti chantée par Julee Cruise renforce la sensation la sensation de voir en Blue Velvet un germe de ce que sera la série Twin Peaks quatre ans plus tard.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabella Rossellini, Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Laura Dern, Dean Stockwell
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Blue Velvet de David Lynch
Kyle MacLachlan et Isabella Rossellini dans Blue Velvet de David Lynch

Remarques :
* En regardant la scène où Dean Stockwell simule de chanter sur le In Dreams de Roy Orbison en utilisant une lampe de chantier comme micro, on se dit qu’il n’y a que David Lynch pour avoir de telles idées géniales… En réalité, ce fut en voyant l’acteur tenant une lampe pendant un ajustement de lumières qu’il en eut l’idée. Au départ, il devait tenir un bête micro… Quoiqu’il en soit, l’effet est superbe.
* Comme souvent chez Lynch, le film comporte quelques allusions au personnage de Lincoln (le nom Booth du personnage joué par Denis Hopper et l’appartement de Dorothy Vallens est sur Lincoln Street).

Blue Velvet de David Lynch
David Lynch, Laura Dern et Kyle MacLachlan sur le tournage de Blue Velvet de David Lynch (on pourra noter la ressemblance physique entre Lynch et MacLachlan…)