14 novembre 2019

Le Gang des tueurs (1948) de John Boulting

Titre original : « Brighton Rock »
Autre titre (USA) : « Young Scarface »

Le Gang des tueurs (Brighton Rock)Dans la ville balnéaire de Brighton, au sud de l’Angleterre, un journaliste est pris en chasse par une bande de petits malfrats pour avoir indirectement provoqué la mort de leur chef. Il est tué par le jeune et ténébreux Pinkie. Mais une jeune serveuse risque de l’impliquer…
Adaptation du roman homonyme de Graham Greene qui a participé son écriture, Brighton Rock est l’un des rares noirs britanniques, probablement le plus beau d’entre eux. Produit et réalisé par les frères Boulting (Roy produit et John réalise), le film montre l’envers du décor de cette ville qui semble dédiée aux loisirs. Son contenu revêt un aspect sociologique certain. Mais le plus mémorable est le personnage principal du jeune gangster psychopathe, un personnage extrêmement complexe, désillusionné, paranoïaque, hermétique. Le film sera un tremplin pour Richard Attenborough qui n’est ici qu’au tout début de sa carrière d’acteur et futur réalisateur. Tous les seconds rôles sont bien tenus. L’atmosphère est forte et la tension permanente. Brighton Rock mériterait d’être plus connu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Richard Attenborough, Hermione Baddeley, William Hartnell, Carol Marsh
Voir la fiche du film et la filmographie de John Boulting sur le site IMDB.

Remarques :
* L’avertissement du début, qui replace artificiellement l’intrigue dix ans en arrière, a été imposé par la censure pour éviter de ternir l’image de la station balnéaire.
* La fin, ô combien ironique, a été conçue par Graham Greene comme un artifice pour éviter les foudres de la censure.
* Les scènes de rues ont été filmées le plus souvent en caméra cachée.

>> Lire aussi une excellente analyse du film et de ses personnages par Frédéric Mercier sur DVDClassik.

Le Gang des tueurs (Brighton Rock)Richard Attenborough et Carol Marsh dans Le Gang des tueurs (Brighton Rock) de John Boulting.

Remake :
Brighton Rock de Rowan Joffe (2010) avec Sam Riley, Andrea Riseborough, Helen Mirren, remake qui semble être bien moins remarquable…

12 novembre 2017

Le Refroidisseur de dames (1968) de Jack Smight

Titre original : « No Way to Treat a Lady »

Le Refroidisseur de damesUn pasteur, paraissant d’humeur fort gaie, s’introduit chez une veuve sexagénaire. Après l’avoir mise en confiance, il l’étrangle et dépose le cadavre dans la salle de bains. Le détective Morris Brummell est chargé de l’affaire… Basé sur un roman de William Goldman, le scénario de No Way to Treat a Lady comporte certaines originalités, à la fois dans le mode opératoire de ce tueur en série et dans le jeu qu’il joue avec la police. Le moyen utilisé par la police pour le forcer à se dévoiler est aussi inattendu. Certes, ces originalités paraissent moins criantes après un demi-siècle supplémentaire de thrillers mais on peut se demander pourquoi, avec ces atouts, le résultat paraît si fade. Ce n’est pas la faute de Rod Steiger qui fait une belle prestation dans ses multiples déguisements, donnant de la puissance à son personnage, sans aucun excès. Non, les raisons sont plutôt à chercher du côté de la mise en scène de Jack Smight qui a bien du mal à trouver la difficile symbiose recherchée entre le film noir et la comédie. L’assemblage est au moins inattendu mais l’ensemble montre une certaine mollesse. Le film nous laisse sur une vague impression qu’il aurait pu être beaucoup mieux…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, Lee Remick, George Segal
Voir la fiche du film et la filmographie de Jack Smight sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jack Smight chroniqués sur ce blog…

Le refroidisseur de dames
Rod Steiger dans l’un de ses multiples déguisements de Le Refroidisseur de dames de Jack Smight.

Le refroidisseur de dames
Lee Remick et George Segal dans Le Refroidisseur de dames de Jack Smight.

20 février 2015

La Femme à abattre (1951) de Bretaigne Windust et Raoul Walsh

Titre original : « The Enforcer »

La femme à abattreMalgré d’intenses mesures de protection, la police ne peut empêcher la mort d’un truand qui avait accepté de témoigner contre son patron. Celui-ci risque de sortir libre du tribunal le lendemain. Les enquêteurs repassent en revue toute l’enquête pour trouver une preuve qui leur permettrait d’empêcher cela… The Enforcer marque un tournant dans l’histoire du cinéma car il marque le passage du film noir vers le crime organisé. Basée sur les révélations du truand Abe Reles, l’histoire se situe au moment où la police découvre la constitution d’une sorte de syndicat du crime. The Enforcer est d’ailleurs le premier film où sont employés les mots contract, hit, finger man (1), mots qui laissent les enquêteurs vraiment perplexes. Bien entendu, la stupeur de cette découverte ne joue plus sur nous aujourd’hui mais le film reste assez prenant grâce à un excellent déroulé du scénario, très accessible malgré l’imbrication de flashbacks. La séquence qui clôt le film est assez remarquable (les haut-parleurs et le reflet dans la porte sont des idées superbes).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Zero Mostel, Ted de Corsia, Everett Sloane, Roy Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Bretaigne Windust et celle de Raoul Walsh sur le site IMDB.

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Remarques :
La femme à abattre* La plus grande partie de The Enforcer a été tournée sous la direction de Raoul Walsh : après quelques jours de tournage, le réalisateur Bretaigne Windust est tombé malade et c’est Humphrey Bogart qui a demandé à Raoul Walsh de le remplacer quelques jours. Sa maladie étant plus grave que prévue, Raoul Walsh a en réalité terminé le tournage ! Raoul Walsh n’est toutefois pas crédité au générique car il n’a pas voulu causer du tort à Bretaigne Windust qui pouvait percer grâce à ce film. Ce ne fut pas le cas : Bretaigne Windust n’a tourné ensuite que pour la télévision, son nom n’est guère connu des cinéphiles. A noter qu’il avait précédemment dirigé deux films avec Bette Davis : June Bride (1948) et Winter Meeting (1948) et qu’il était avant cela metteur en scène à Broadway.

The Enforcer
(de g. à d.) Roy Roberts, Zero Mostel et Humphrey Bogart dans The Enforcer.

* Le film est sorti au Royaume Uni sous le titre Murder, Inc. qui était dans la vie réelle le nom de l’organisation décrite par Abe Reles quelques mois avant le tournage du film.
* The Enforcer est le dernier film d’Humphrey Bogart pour la Warner, studio pour lequel il tournait depuis 1932.

Homonyme :
The Enforcer (L’inspecteur ne renonce jamais) de James Fargo (1976) avec Clint Eastwood en Dirty Harry.

(1) Contract = la commande du meurtre, hit = le meurtre lui-même, finger man = l’homme qui montre la cible.

16 avril 2014

Witness (1985) de Peter Weir

Titre français parfois utilisé : « Témoin sous surveillance »

Witness: Témoin sous surveillanceDe passage dans la gare de Philadelphie, un enfant de la communauté Amish est témoin du meurtre d’un homme. Lorsqu’il découvre que des policiers sont impliqués, l’inspecteur John Book (Harrison Ford) doit se réfugier chez les Amish… Pour son premier film américain, on peut dire que l’australien Peter Weir a réussi un coup de maître : tout en adoptant l’enveloppe très hollywoodienne d’un film policier, il a su conserver une approche toute personnelle et son attrait pour les civilisations perdues ou isolées. L’idée de départ toutefois est celle du producteur Edward S. Feldman qui eut bien du mal à imposer son projet (1). L’intrigue policière est rapidement délaissée pour se concentrer sur cette communauté Amish qui vit de manière identique depuis le XVIIIe siècle. L’approche de cette vaste communauté puritaine et austère est très respectueuse, nous montrant une partie de son fonctionnement et la formidable entraide entre ses membres (superbe scène de la construction d’une grange). Leur non violence est tout en contraste avec celle du monde extérieur mais l’approche de Peter Weir n’est aucunement manichéenne : il met en parallèle plus qu’il n’oppose. Witness, c’est aussi l’histoire d’un amour impossible. Harrison Ford est remarquable. L’acteur sortait de plusieurs films à succès (Star Wars, Indiana Jones) qui l’enfermaient dans un certain type de rôles. Witness lui a permis de prouver qu’il pouvait interpréter des rôles d’une certaine profondeur. Sa présence a certainement contribué au succès populaire du film. Face à lui, Kelly McGillis montre beaucoup de sensibilité avec un visage presque angélique. Witness fut un très grand succès. Même s’il n’y a plus aujourd’hui cet aspect de la découverte d’une communauté étonnante, Witness est, trente ans plus tard, toujours aussi enthousiasmant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harrison Ford, Kelly McGillis, Lukas Haas, Alexander Godunov, Danny Glover
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Remarques :
* Lukas Haas, âgé de 8 ans au moment du tournage, a maintenant presque 40 ans et plus de 80 films à son actif.
* La communauté Amish n’a pas trop apprécié être propulsée ainsi sur le devant de la scène, estimant que le film donnait d’eux une image fausse. En outre, ils ont du faire face à un afflux de curieux.

(1) Initialement, Edward S. Feldman a proposé le projet à la Fox qui lui a répondu que la Fox ne faisait pas de « rural movies ». Le projet a ensuite plus ou moins fait le tour de tous les studios avant d’être accepté in extremis par la Paramount.

28 janvier 2014

Gloria (1980) de John Cassavetes

GloriaAlors que les tueurs de la Mafia sont au pied de son immeuble pour le tuer, un comptable de la Mafia qui a « trahi » confie à une voisine son jeune fils de six ans ainsi qu’un livre compromettant…
Gloria est un film assez à part dans la filmographie de John Cassavetes. S’il a bien écrit lui-même cette histoire de Mafia, c’était originellement pour la vendre à Columbia et c’est lorsque le rôle échût à Gena Rowlands que Cassavetes fut intéressé pour la tourner lui-même (1). La lutte d’une personne seule contre la Mafia n’est pas un thème très nouveau au cinéma mais le traitement de Cassavetes est assez remarquable. Le résultat est en effet très différent des normes habituelles et pourtant le film a son lot de scènes d’action, des poussées assez brutales qui sont d’autant plus inattendues qu’elles viennent d’une femme à l’apparence très classique. Gloria est avant tout le portrait d’une femme et des liens qu’elle noue avec ce garçon de six ans qui l’encombre. Son passé quelque peu tumultueux semble la pousser vers une certaine normalité, à recréer un semblant de famille. C’est aussi un film très réaliste, tourné parfois en décors naturels au milieu de la foule, Cassavetes allant jusqu’à faire jouer de vrais truands. Il semble vouloir nous montrer l’envers du décor. La performance de Gena Rowlands est assez spectaculaire, exprimant une force peu commune. Le jeu du jeune garçon n’est pas toujours à la hauteur mais cela a le mérite d’accentuer le côté monolithique de son personnage. La fin est plutôt énigmatique, il est même assez difficile de deviner les intentions de Cassavetes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, John Adames
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Remarque :
* L’héroïne se prénomme Gloria Swenson, c’est à dire le nom à une lettre près le nom de la célèbre actrice du cinéma muet Gloria Swanson.
* Le jeune John Adames n’a joué dans aucun autre film après Gloria.

Remake (raté) :
Gloria de Sidney Lumet (1999) avec Sharon Stone

(1) Il faut rappeler que Gena Rowlands et John Cassavetes étaient mari et femme.

27 janvier 2013

The star witness (1931) de William A. Wellman

The Star WitnessUne famille assiste à l’assassinat d’un policier par un gangster. Tous l’ont vu de près et permettent ainsi à la police de l’identifier. Le caïd est arrêté mais il doit passer en jugement. C’est alors que le gang du malfrat s’en prend à la famille… En 1931, des voix commençaient à s’élever pour reprocher à Hollywood, et plus principalement à la Warner, de faire l’apologie du gangstérisme. Wellman avait d’ailleurs réalisé quelques mois plus tôt Public Enemy qui avait eu beaucoup de succès. Avec The Star Witness (= le témoin clé), la Warner désirait montrer sa bonne volonté pour participer à la lutte contre la criminalité organisée. Il s’agit donc ici d’encourager les citoyens à aider la police (1) et le moins que l’on puisse dire est que le propos est très appuyé : gangsters vraiment abjects, scène d’intimidation vraiment brutale, discours moralisateurs et patriotiques tirant même sur la xénophobie. C’est le personnage du grand-père, un vétéran de la Guerre de Sécession interprété de façon exubérante par Charles « Chic » Sales (très grimmé puisqu’il était alors âgé de 45 ans), qui est principalement utilisé pour déclencher un sursaut patriotique. Malgré la rapidité de tournage, la réalisation de William Wellman est comme toujours très bonne. On remarquera une belle scène de fusillade vers la fin du film, vue au travers des barreaux d’un escalier, avec de beaux jeux d’ombres.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Walter Huston, Charles ‘Chic’ Sale, Grant Mitchell, Dickie Moore, Nat Pendleton
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Remarques :
* Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Lucien Hubbard.
* Le plus jeune des deux garçons est interprété par Dickie Moore qui, à 6 ans, en était déjà à son 16e film! Il tournera jusqu’en 1957 dans plus de 100 films. Il est d’ailleurs toujours en vie (en ce début 2013, il a 87 ans).

(1) The Star Witness fut d’ailleurs sorti un peu précipitamment alors que dans l’affaire d’une fusillade à Harlem,  où plusieurs enfants avait été tués, la police éprouvait des difficultés à obtenir des témoignages.