2 décembre 2013

Les Portes de la nuit (1946) de Marcel Carné

Les portes de la nuitA Paris, un soir de l’hiver qui a suivi la Libération, Jean Diego retrouve l’un de ses anciens camarades de Résistance. Alors qu’ils fêtent leurs retrouvailles dans un petit restaurant, un homme étrange qui prétend être le Destin, lui prédit qu’il va rencontrer la femme la plus belle du monde… Les Portes de la nuit est souvent considéré le dernier des « grands films » de Marcel Carné. C’est en tous cas, le dernier représentant de ce courant du « réalisme poétique » typique du cinéma français des années trente et le dernier film du tandem formé par Marcel Carné et Jacques Prévert. La gestation du film fut difficile (budget, acteurs) mais si le film est plutôt en deçà des grandes créations de ce merveilleux duo, c’est principalement du fait de l’interprétation. Au lieu du couple Marlene Dietrich / Jean Gabin initialement prévu, ce furent deux débutants qui tinrent les rôles principaux, Yves Montand et Nathalie Nattier ; assez logiquement, ils manquent de présence pour cette histoire très forte, superbement écrite, et qui mêle un amour impossible à l’épineuse question de la recherche des collabos. La musique de Joseph Kosma est remarquable avec, en point d’orgue, la chanson Les Feuilles mortes qui deviendra un impérissable classique. Les Portes de la nuit fut accueilli assez fraîchement et ce n’est que bien plus tard qu’il sera mieux considéré. Même si l’on peut regretter l’absence de grands acteurs qui l’auraient certainement propulsé au niveau de chef d’oeuvre, le film reste un grand film, à la fois beau et marquant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Yves Montand, Nathalie Nattier, Saturnin Fabre, Raymond Bussières, Jean Vilar, Julien Carette
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Carné sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Marcel Carné chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* La collaboration Carné/Prévert avait débuté dix ans plus tôt avec Jenny (1936). Elle a engendré des grands classiques du cinéma français : Drôle de drame (1937), Le Quai des brumes (1938), Le jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942), Les enfants du Paradis (1945). La seule infidélité de Carné à Prévert fut Hôtel du Nord (1938).
* « Ouvrir les portes de la nuit, autant rêver d’ouvrir les portes de la mer, le flot effacerait l’audacieux. » (Paul Eluard)
* Marlene Dietrich a refusé tout net interpréter la fille d’un collabo et Jean Gabin préférait tourner Martin Roumagnac, un rôle qui lui tenait à coeur.

1 décembre 2013

Fureur apache (1972) de Robert Aldrich

Titre original : « Ulzana’s Raid »

Fureur apacheA la tête d’un petit groupe, l’indien apache Ulzana s’échappe du fort de l’Arizona où il était consigné. Il pille les fermes isolées à l’entour et massacre leurs occupants. Une petite escouade de soldats est chargée de le mettre hors d’état de nuire. Elle est dirigée par un jeune officier idéaliste et sans expérience, aidé par un éclaireur blanc aguerri (Burt Lancaster) et un scout indien… Sur un scénario remarquablement écrit par Alan Sharp, Fureur apache est un western qui, malgré les apparences, s’écarte plutôt des sentiers battus et c’est probablement l’un des westerns les plus importants des années soixante dix. Il s’agit d’une traque où chacun chasse l’autre. Comme souvent avec Robert Aldrich, les scènes d’action sont percutantes, assez directes, mais ce sont les scènes de discussions qui sont les plus étonnantes, lorsque le jeune officier cherche à comprendre les raisons de cette violence du chef indien. L’explication donnée ne peut nous faire aboutir qu’à la conclusion que toute cohabitation est impossible. C’est donc une vision assez dure que nous offre Robert Aldrich, nous sommes loin de la bienveillance envers les indiens de Little Big Man sorti deux ans plus tôt. Que l’on approuve ou pas le propos, force est de reconnaitre la perfection du déroulement du scénario et de sa mise en scène. Fureur apache est un film particulièrement prenant d’un bout à l’autre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Bruce Davison, Jorge Luke, Richard Jaeckel, Joaquín Martínez
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Aldrich sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Robert Aldrich chroniqués sur ce blog…

Lire aussi l’analyse d’Olivier Bitoun sur DVD Classik qui approfondit le parallèle avec Bronco Apache (Apache) qu’Aldrich a tourné 18 ans plus tôt, en 1954.

30 novembre 2013

Sommaire de novembre 2013

The SwimmerDes Hommes sans loiLes grands ducsMacbethLes Hommes contreJournal intimeGildaLe Désert rouge

The Swimmer

(1968) de Frank Perry

Des Hommes sans loi

(2012) de John Hillcoat

Les grands ducs

(1996) de Patrice Leconte

Macbeth

(1948) de Orson Welles

Les Hommes contre

(1970) de Francesco Rosi

Journal intime

(1962) de Valerio Zurlini

Gilda

(1946) de Charles Vidor

Le Désert rouge

(1964) de Michelangelo Antonioni

Pépé le MokoChérie, je me sens rajeunirNoblesse obligeBienvenue à GattacaIls attrapèrent le bacVampyrAu nom du peuple italienHoly Motors

Pépé le Moko

(1937) de Julien Duvivier

Chérie, je me sens rajeunir

(1952) de Howard Hawks

Noblesse oblige

(1949) de Robert Hamer

Bienvenue à Gattaca

(1997) de Andrew Niccol

Ils attrapèrent le bac

(1948) de Carl Theodor Dreyer

Vampyr

(1932) de Carl Theodor Dreyer

Au nom du peuple italien

(1971) de Dino Risi

Holy Motors

(2012) de Leos Carax

Le Gang AndersonAntoine et AntoinetteL'aigle vole au soleilL.627La Nuit de VarennesContes immorauxParis, TexasQui a tué Vicky Lynn?

Le Gang Anderson

(1971) de Sidney Lumet

Antoine et Antoinette

(1947) de Jacques Becker

L’aigle vole au soleil

(1957) de John Ford

L.627

(1992) de Bertrand Tavernier

La Nuit de Varennes

(1982) d’Ettore Scola

Contes immoraux

(1974) de Walerian Borowczyk

Paris, Texas

(1984) de Wim Wenders

Qui a tué Vicky Lynn?

(1941) de H. Bruce Humberstone

Rivière sans retourMontparnasse 19Dollars

Rivière sans retour

(1954) de Otto Preminger

Montparnasse 19

(1958) de Jacques Becker

Dollars

(1971) de Richard Brooks

Nombre de billets : 27

29 novembre 2013

The Swimmer (1968) de Frank Perry

Titre français parfois utilisé : « Le Plongeon »

Le plongeonPar un bel après-midi d’été, un homme sort des bois en maillot de bain pour plonger dans la piscine d’une belle propriété du Connecticut. L’homme connait visiblement les propriétaires qui l’accueillent chaleureusement, véritablement heureux de le revoir. De leur terrasse qui domine une petite vallée, il lui prend l’idée de passer de propriété en propriété jusque chez lui, nageant de piscine en piscine… Basé une histoire écrite par John Cheever, The Swimmer est un film très original, un peu déroutant sans aucun doute mais franchement remarquable. Il surprend par sa forme et son contenu, cachant bien son jeu dans le premier tiers du film pour ensuite se dévoiler peu à peu (d’ailleurs, je conseillerais d’en lire le moins possible sur le film avant de le visionner). Pour ne pas trop en dire, disons que l’histoire est en réalité une belle allégorie sur la réussite sociale et le rêve américain ; sur le fond, The Swimmer n’est d’ailleurs sans rappeler d’autres films de la même époque comme Le Lauréat. Si le déroulement du scénario est parfait, le film n’est pas sans défaut sur le plan de la forme : ralentis, transitions, les effets sont souvent trop appuyés. La fin est ratée, l’insistance mélodramatique la rend presque risible. A 55 ans, Burt Lancaster passe tout le film en maillot de bain (quand ce n’est pas moins…) Avec son corps athlétique allié à une séduisante maturité, il porte le film beaucoup plus haut que ne l’aurait fait un autre acteur. Trop déroutant, The Swimmer n’a connu que peu de succès à sa sortie. Il fait aujourd’hui partie de ces films méconnus qui méritent vraiment d’être découverts. Original et étonnant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Janet Landgard, Janice Rule
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Perry sur le site IMDB.

Remarques :
* Le scénario a été écrit par Eleanor Perry, la femme du réalisateur (elle a écrit le scénario de tous ses films).
* Le film n’est, semble t-il, pas sorti en France à l’époque. IMDB donne bien une date de sortie française en 1968 mais les revues de cinéma de l’époque ne le mentionnent pas. Quoiqu’il en soit, The Swimmer est ressorti en 2010.
* Sydney Pollack a été appelé à la rescousse par le producteur pour retourner une scène avec Janice Rule (l’ancienne amante de Ned).

Lire aussi (mais plutôt après avoir vu le film) l’analyse d’Olivier Bitoun sur DVDClassik.

28 novembre 2013

Des Hommes sans loi (2012) de John Hillcoat

Titre original : « Lawless »

Des hommes sans loiDans les montagnes des Appalaches dans les années vingt, de nombreux paysans distillent de l’alcool malgré la prohibition et le revendent à l’entour. C’est la grande spécialité des trois frères Bondurant. Une légende prétend qu’ils sont invincibles… Des Hommes sans loi est adapté d’un roman écrit par l’un des descendants de la famille, Matt Bondurant. Selon ses propres dires certains faits sont réels, d’autres sont inventés. Le scénario a été écrit par Nick Cave (oui, le Nick Cave de Nick Cave & The Bad Seeds) qui signe également la musique, excellente bien entendu. L’originalité de ce film de gangsters est de se dérouler à la campagne, et qui plus est la campagne la plus reculée qui soit. Les Appalaches étaient en effet à cette époque d’une extrême pauvreté. On peut rapprocher Des Hommes sans loi des films de western et la réalisation de l’australien John Hillcoat est d’un beau classicisme. Hélas, le scénario est plutôt réduit, tape-à-l’oeil et se complait à étaler une violence d’une grande sauvagerie.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Guy Pearce, Jessica Chastain, Gary Oldman
Voir la fiche du film et la filmographie de John Hillcoat sur le site IMDB.

Homonyme :
Hommes sans loi (King of the Underworld) de Lewis Seiler (1939) avec Humphrey Bogart

27 novembre 2013

Les grands ducs (1996) de Patrice Leconte

Les grands ducsTrois comédiens refusant de prendre leur retraite parviennent à se faire engager pour jouer dans une comédie de boulevard dont le producteur est au bord de la faillite. La troupe part en tournée en province… Il faut faire preuve de bonne volonté et laisser son côté « bon public » prendre le dessus pour apprécier au moins un peu Les grands ducs. Le scénario ne présentant aucune originalité, cette comédie de Patrice Leconte repose entièrement sur le trio formé par Philippe Noiret, Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort qui ont tendance à jouer la surenchère et à se déchaîner en roue libre. Catherine Jacob interprète une star hystérique et charge également beaucoup la barque. Quant au personnage joué par Michel Blanc, il est préférable de ne pas en parler. Tout l’humour repose sur la démesure.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Jean Rochefort, Catherine Jacob, Michel Blanc, Clotilde Courau
Voir la fiche du film et la filmographie de Patrice Leconte sur le site IMDB.

Voir les autres films de Patrice Leconte chroniqués sur ce blog…

26 novembre 2013

Macbeth (1948) de Orson Welles

MacbethAlors qu’il rentre de la guerre avec son ami Banquo, Macbeth rencontre trois sorcières qui lui prédisent qu’il sera roi et que les descendants de Banquo lui succèderont. Quand elle prend connaissance de cette prédiction, Lady Macbeth le presse d’agir au plus vite… Orson Welles, dans tous ses films, aime explorer l’âme humaine au plus profond. On comprend aisément que Macbeth, cette fable puissante sur l’ambition dans son expression la plus destructrice, ait tant fasciné le cinéaste. A l’âge de 21 ans, en 1936, il l’avait déjà monté sur les planches de façon innovante… avec uniquement des acteurs noirs. Le fait d’avoir un budget excessivement réduit n’était pas pour l’arrêter dans sa détermination : il tourne l’ensemble en vingt et un jours pour la Republic, une compagnie plus habituée à tourner des westerns et dont il utilise studios et costumes. Les décors paraissent faits en carton (et ils le sont…) mais, paradoxalement, cette épure lui permet de porter son adaptation beaucoup plus haut, donnant une grandeur et une abstraction naturelle à son film. Elle fait encore mieux ressortir la fureur dévorante de son ambitieux personnage qu’il interprète magistralement. Le public anglo-saxon accueillit cette adaptation très froidement, reprochant à Welles d’avoir utilisé des acteurs à l’accent écossais (1). Le film fut ainsi beaucoup plus apprécié dans les autres pays, notamment en France, tout en souffrant de la comparaison avec le Hamlet de Laurence Olivier, tourné avec un budget beaucoup plus important et sorti simultanément. Ce Macbeth d’Orson Welles est assez unique, c’est une adaptation pleine de noirceur et de rage meurtrière qui nous traverse et nous engloutit.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Jeanette Nolan, Dan O’Herlihy, Roddy McDowall
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site IMDB.

Voir les autres films de Orson Welles chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* En guise de répétition grandeur nature, Welles donna une représentation de Macbeth sur scène à Salt Lake City en 1947.
* Afin de pouvoir tourner plus rapidement, Welles enregistra d’abord les textes seuls. Les acteurs n’eurent ensuite qu’à mimer la parole pendant le tournage, permettant ainsi aux techniciens (selon les propres dires du cinéaste) de brailler leurs ordres et de faire moult bruits intempestifs en maniant leurs appareils.
* Orson Welles dit toutefois avoir postsynchronisé les dialogues après le tournage pour atténuer le « scottish burr » à la demande de Charles Feldman, ami de Welles et coproducteur (entretiens avec Peter Bogdanovich).
* Le film n’a longtemps été visible que dans sa version réduite à 89 minutes. La version initiale de 107 minutes n’a refait surface que dans les années quatre-vingt. Un placard en début de film précise que 8 minutes d’introduction musicale ont été enlevées.
* Janette Nolan (Lady Macbeth), dont c’est ici le premier film, était alors une actrice de radio. Elle aura ensuite une longue carrière au cinéma à la télévision (197 films d’après IMDB), sa participation ultime étant à 86 ans dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux de Redford, quelques mois avant sa mort.
* Il est difficile de lister les autres adaptations de Macbeth au cinéma (et plus encore à la télévision) tant elles sont nombreuses. Deux des plus remarquables sont toutefois le Macbeth de Roman Polanski (1971) et Kumonosu jô d’Akira Kurosawa (1957).

(1) Rappelons que Macbeth se déroule en Ecosse… C’est pour être plus près de l’esprit de Shakespeare qu’Orson Welles avait tenu à ce fameux « scottish burr ». On désigne sous ce terme la façon de prononcer les « r » de façon gutturale qui est si typique de l’accent écossais.

25 novembre 2013

Les Hommes contre (1970) de Francesco Rosi

Titre original : « Uomini contro »

Les hommes contrePremière Guerre mondiale. Nous sommes en 1916 dans le nord de l’Italie où les italiens se battent contre les autrichiens. Un général italien qui vient de perdre dans un mouvement de panique une position importante veut la reprendre coûte que coûte. Mais ce sommet de colline se révèle imprenable… Adapté d’un roman d’Emilio Lussu, Les Hommes contre n’est pas sans rappeler Les Sentiers de la gloire de Kubrick. Le film de Rosi est lui aussi un film militant qui dénonce la barbarie de la guerre et ses nombreuses morts inutiles, des morts d’autant plus révoltantes quand elles sont causées par l’obstination aveugle d’un ou deux officiers. Les faits rapportés sont réels et il y eut bien une mutinerie de soldats à l’été 1917 près de Santa Maria la Longa. Les Hommes contre est sorti en 1970, en résonance avec un certain courant pacifique et antimilitariste qui se développait alors. En Italie, un procès pour « dénigrement de l’armée » fut intenté mais se termina par un acquittement. Francesco Rosi est très direct dans sa démarche, nous livrant sans fard une dure réalité qui parle d’elle-même : tout discours devient inutile. L’interprétation est parfaite, jamais appuyée, sans aucun accent mélodramatique. Presque à la limite du documentaire, le film fait aujourd’hui oeuvre de mémoire.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mark Frechette, Alain Cuny, Gian Maria Volonté
Voir la fiche du film et la filmographie de Francesco Rosi sur le site IMDB.

Voir les autres films de Francesco Rosi chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Emilio Lussu a réellement vécu en tant que soldat les évènements décrits (en 1916 et 1917). Il a écrit le livre Les Hommes contre beaucoup plus tard en 1938. Dans le film, il est représenté par le jeune Lieutenant Sassu. Comme son personnage, l’écrivain a été tout d’abord interventionniste (favorable à l’entrée en guerre de l’Italie contre L’Autriche et l’Allemagne) avant de changer d’opinion après avoir vu les atrocités de la guerre. La fin du livre est toutefois différente de la fin du film car il survivra. Dans l’Entre-deux guerres, il aura une activité politique et combattra activement le fascisme naissant. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il sera ministre dans le premier gouvernement d’unité nationale de l’Italie libérée.

>> Pour se faire une idée de l’accueil critique en France du film à sa sortie, lire les extraits de presse sur le site de la Cinémathèque Française.

24 novembre 2013

Journal intime (1962) de Valerio Zurlini

Titre original : « Cronaca familiare »

Journal intimeRome, en 1945. Enrico apprend la mort de son jeune frère. Il se remémore comment ils avaient été séparés très jeunes après la mort de leur mère et comment ils s’étaient retrouvés par hasard presque vingt ans plus tard…
Journal intime est adapté d’un roman de Vasco Pratolini qui a participé à l’adaptation en ajoutant certaines scènes à son récit. Cette chronique familiale (c’est la traduction du titre original) repose sur la difficulté de communication entre deux frères avec un mélange d’amour et de fort ressentiment alimenté par les non-dits. Valerio Zurlini accentue (avec sans doute un certain excès) cette non-communication par sa photographie aux couleurs ternes, ses décors vides aux murs délabrés, ses pièces immenses et sales. Le film est empreint d’une tristesse sourde nourrie du regret de tout ce qui n’a pas été dit. Ce grand mélodrame peut paraitre un peu trop appuyé.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Jacques Perrin, Sylvie
Voir la fiche du film et la filmographie de Valerio Zurlini sur le site IMDB.

Ne pas confondre avec :
Journal intime (Caro diario) de Nanni Moretti (1993).

22 novembre 2013

Gilda (1946) de Charles Vidor

GildaA Buenos-Aires, le joueur et tricheur professionnel Johnny Farrell se fait engager par le patron d’une maison de jeu. Il devient rapidement son bras droit. Un jour, son patron lui présente Gilda, la jeune femme qu’il vient d’épouser…
Sur une histoire de E.A. Ellington, Charles Vidor réalise l’un des films américains les plus remarquables de l’après-guerre. Si Gilda est classé dans les films noirs, c’est plus par son atmosphère car il se démarque du genre sur au moins deux points fondamentaux : tout d’abord, c’est un film sans violence, où l’intrigue amoureuse prend le pas sur l’intrigue policière qui est finalement très réduite. Ensuite, c’est un film lumineux, même dans ses scènes de nuit : les décors sont baignés de lumière, notamment l’intérieur de la maison de jeu, et les personnages (Rita Hayworth bien entendu, mais aussi Glenn Ford) semblent nous irradier de lumière. L’image d’ailleurs est superbe.

Gilda L’histoire est joliment complexe, la trame psychologique sur laquelle évoluent les relations entre les personnages est riche, jouant beaucoup sur les opposés (amour/haine, attirance/répulsion) et sur l’ambivalence. Gilda est en outre chargé de toute une symbolique sexuelle qui sait être extrêmement puissante tout en restant dans le cadre des règles de moralité du Code Hays. Rita Hayworth n’apparaît pas avant quinze minutes mais quelle apparition ! On en a le souffle coupé. Plus tard, toute la sensualité développée par l’actrice culmine dans cette scène très célèbre où elle ôte lentement son long gant noir en chantant « Put the Blame on Mame ». Cette scène est l’une des plus ouvertement érotiques du cinéma hollywoodien des années quarante et cinquante. Plus subtile, et assez surprenante, est cette indéniable homosexualité latente dans les rapports entre Farrell et son patron : il y a là bien plus qu’une simple dévotion/admiration. L’interprétation de Glenn Ford est d’ailleurs assez remarquable.

Gilda Si, à sa sortie, Gilda fut copieusement méprisé par la critique (1), le succès populaire fut très important mais il se concentra essentiellement sur Rita Hayworth qui devint une figure iconique, notamment auprès des G.I. Les raisons de son succès peuvent paraitre bien futiles et Charles Vidor n’est certes pas le plus grand des réalisateurs mais Gilda est l’un de ces films qui ont atteint un dosage quasiment parfait de leurs constituants, un film assez magique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Rita Hayworth, Glenn Ford, George Macready, Joseph Calleia, Steven Geray
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.

Voir les autres films de Charles Vidor chroniqués sur ce blog…

Remarque :
* Rita Hayworth est doublée par Anita Ellis dans la plupart des parties chantées.

(1) « Un film lent, confus et inintéressant » New York Times. « Ennuyeux et plutôt embrouillé » New York Herald Tribune. « Une nullité de premier ordre » Daily News.

Gilda

Gilda

Gilda