26 février 2023

La Veuve Couderc (1971) de Pierre Granier-Deferre

La Veuve CoudercÀ l’été 1934, un jeune inconnu (Alain Delon) arrive dans un village de Bourgogne. Il se fait engager comme ouvrier dans la ferme de la veuve Couderc (Simone Signoret). Cette maîtresse-femme est en butte à une belle-famille haineuse, qui ne l’a jamais acceptée et souhaite récupérer la ferme…
La Veuve Couderc est un film français réalisé par Pierre Granier-Deferre, adaptation écrite par Pascal Jardin du roman éponyme de Georges Simenon. Il met pour la première fois face à face deux grandes stars du cinéma français qui, avec leur quatorze ans d’écart, forme un couple inattendu. Pierre Granier-Deferre restitue parfaitement l’atmosphère du roman et donne une grande force à la liaison de ses deux personnages. Le lieu très particulier, le pont-levis de Cheuge sur le canal entre Champagne et Bourgogne (1), est bien utilisé pour accentuer la tension de ce drame rural. La musique est de Philippe Sarde. La Veuve Couderc rencontra un formidable succès public à sa sortie. Le producteur Raymond Danon cherchera à réassocier très vite le duo à l’écran (Les Granges brûlées, 1973, réalisé par Jean Chapot).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Simone Signoret, Ottavia Piccolo, Jean Tissier, Monique Chaumette, Boby Lapointe
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(1) Le pont-levis de Cheuge a été construit en 1887. Il vient d’être rénové. Voir sur Google streets

La Veuve CoudercAlain Delon et Simone Signoret dans La Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre.

5 mai 2020

L’Héritage (1976) de Mauro Bolognini

Titre original : « L’eredità Ferramonti »

L'héritage (L'eredità Ferramonti)Rome, années 1880. Gregorio Ferramonti qui a fait fortune dans la boulangerie, méprise et rejette ses trois enfants qu’il accuse de ne pas l’aimer et de n’en vouloir qu’à son argent. Pippo, le plus jeune, est un faible qui se lance sans succès dans un négoce de quincaillerie. Il acquiert son fonds de commerce des époux Carelli, dont il épouse la fille, Irene…
L’Héritage est adapté d’un court roman d’un écrivain toscan peu connu, Gaetano Carlo Chelli. Dans cette histoire de conflit familial aggravé, l’attrait de l’argent fait naitre les pires machiavélismes. C’est aussi un portrait de l’Italie de la fin du XIXe siècle : le père représente la génération qui s’est enrichie par un dur labeur, ses enfants espèrent faire fortune avec moins d’efforts, mais tous seront balayés par une bourgeoisie moderne qui va savoir allier pouvoir politique et économie pour prendre les rênes de la société (c’est le sens de l’épilogue un peu surprenant). La photographie du grand Ennio Guarneri est hélas marquée par des effets de diffusion qui rendent les extérieurs un peu artificiels (et qui datent nettement le film dans les années 70). L’interprétation est dominée par la prestation de Dominique Sanda qui incarne admirablement cette femme machiavélique et sûre de ses charmes (Prix d’interprétation au festival de Cannes 1976). L’Héritage est un film assez puissant, il mérite de figurer parmi les meilleurs de Mauro Bolognini.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Quinn, Fabio Testi, Dominique Sanda, Gigi Proietti, Adriana Asti, Paolo Bonacelli
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L'héritage (L'eredità Ferramonti)Anthony Quinn et Dominique Sanda dans L’Héritage (L’eredità Ferramonti) de Mauro Bolognini.

12 janvier 2019

Le Val d’enfer (1943) de Maurice Tourneur

Le Val d'enferNoël Bienvenu, patron d’une carrière en Haute-Provence, est veuf et vit avec ses parents. Un ami mourant lui demande de s’occuper de sa fille Marthe, installée à Marseille. Noël découvre qu’elle est sans ressources et lui propose alors de venir vivre chez lui…
Ecrit par Carlo Rim, Le Val d’enfer est un film peu connu de la filmographie de Maurice Tourneur. Il est produit sous l’Occupation par la Continental, société de production aux capitaux allemands. C’est un drame réaliste qui met en scène un homme rude et simple. La description de ses rapports avec sa famille donne presque au film des qualités documentaires : on y voit, par exemple, la mère est très effacée, allant jusqu’à manger sur une chaise en retrait de la table où mangent les hommes. Les rapports entre les personnages sont marqués par une certaine rudesse, la communication étant réduite au minimum. Le fond de l’histoire est assez classique, sur le thème de la femme fatale, et met en valeur les notions du bien et du mal avec, comme lueur, la rédemption, toujours possible. On peut bien entendu voir l’idéologie de Vichy présente, c’est inévitable qu’elle le soit, mais ce serait réducteur de réduire le film qu’à cela. Le Val d’enfer est un film français de qualité, sans doute pas franchement remarquable mais tout de même digne d’intérêt. L’interprétation des quatre rôles principaux est excellente.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ginette Leclerc, Gabriel Gabrio, Gabrielle Fontan, Édouard Delmont
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Le val d'enfer
Gabriel Gabrio et Ginette Leclerc dans Le Val d’enfer de Maurice Tourneur.

Remarque :
Le Val d’Enfer est le nom donné à un lieu bien réel, une vallée de calcaire située en contrebas du village des Baux-de-Provence où des carrières ont été ouvertes.

Le Val d'enfer
Gabrielle Fontan, Édouard Delmont et Ginette Leclerc dans Le Val d’enfer de Maurice Tourneur.

3 mai 2017

Un air de famille (1996) de Cédric Klapisch

Un air de familleComme tous les vendredis, la famille Ménard se réunit au café « Au Père Tranquille », tenu par Henri, le fils aîné. Son frère Philippe, cadre dans une entreprise d’informatique, vient d’être interviewé aux informations régionales à la grande fierté de sa mère. Tous s’inquiètent que, Betty, la benjamine aux manières brusques, soit toujours seule à trente ans… Un air de famille est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri deux ans auparavant et récompensée par deux Molières. Le film de Cedric Klapisch en reprend les six acteurs qui connaissent donc parfaitement leur rôle. Il met en relief le poids des relations familiales, les difficultés de ne pas se conformer à un modèle et malmène préjugés, masques et autres faux-semblants. L’ensemble est baigné d’un humour, aussi permanent que féroce. Un air de famille est une petite merveille d’écriture avec une belle profondeur de personnages. Un film qui se revoit toujours avec plaisir.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Bacri, Jean-Pierre Darroussin, Catherine Frot, Agnès Jaoui, Claire Maurier, Wladimir Yordanoff
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Remarque :
En 2017, la pièce est à nouveau mise en scène par Agnès Jaoui au Théâtre de la Porte-Saint-Martin avec une nouvelle distribution.

Un air de famille
Wladimir Yordanoff, Catherine Frot, Claire Maurier, Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Darroussin dans Un air de famille de Cédric Klapisch.

19 avril 2016

Les enfants nous regardent (1943) de Vittorio De Sica

Titre original : « I bambini ci guardano »

Les enfants nous regardentUne mère quitte son mari et son jeune fils pour aller vivre avec son amant… On peut, sans trop se tromper, dire que Les enfants nous regardent est un film de transition entre le cinéma des téléphones blancs de l’époque fasciste et le néoréalisme de l’après-guerre. Il s’agit du premier « grand film » de Vittorio De Sica : plus question ici de jouer le fils de bonne famille qui met les jeunes filles en émoi, il reste cette fois derrière la caméra et aborde un sujet plus sérieux et sociétal. Le héros est ici un petit garçon de sept ans qui assiste au naufrage du couple formé par ses parents. Le propos est moral au plus point (la mère n’a apparemment aucune excuse qui pourrait justifier son comportement) et donc pourrait s’inscrire pleinement dans cette sanctuarisation de la famille commune à toutes les idéologies fascistes. Cependant, le fait d’aborder des tabous comme l’adultère et le suicide a profondément dérangé le pouvoir mussolinien au point que la sortie du film ne put se faire que fin 1944, après la libération de Rome. Certains éléments préfigurent le néoréalisme notamment celui de montrer les défauts de la société au travers des yeux d’un être simple, un enfant. Le film n’a pas la perfection de Sciuscià et Le Voleur de bicyclette, il n’a pas cet équilibre subtil entre lyrisme et regard social, mais reste intéressant à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Emilio Cigoli, Luciano De Ambrosis, Isa Pola
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Remarques :
* Il s’agit de la première grande collaboration de De Sica avec le scénariste Cesare Zavattini, qui est sans conteste l’un des scénaristes les plus importants de toute l’histoire du cinéma italien. Pour De Sica, il écrira les scénarios de Sciuscià, Le Voleur de bicyclette, Miracle à Milan, etc… jusqu’au Jardin des Finzi-Contini en 1970.

* La scène finale paraît peu subtile, d’un symbolisme simple et trop fort. L’historien (et grand spécialiste du cinéma italien) Jean A. Gili suggère que cette scène a pu être imposée par la censure.

 

Les enfants nous regardent
Luciano De Ambrosis et Emilio Cigoli dans Les enfants nous regardent de Vittorio De Sica.

23 janvier 2015

September (1987) de Woody Allen

SeptemberDans une maison de la Nouvelle Angleterre, Lane reçoit sa mère, ex-star de cinéma plutôt frivole, pour quelques jours de même que son amie Stephanie. Le voisin de Lane l’aime secrètement alors que Lane est amoureuse de Peter, un écrivain venu habiter quelques semaines dans sa maison pour parvenir à écrire au calme, mais Peter est attiré par Stephanie qui est mariée… Pour écrire September, Woody Allen dit avoir été inspiré par la maison de campagne de Mia Farrow, maison qu’il a reconstituée en studio. Il y place un drame aux accents tchékhoviens basé sur six personnages. Si September a souvent été rapproché d’Interiors (1978) pour son atmosphère bergmanienne, il n’a pas tout à fait la même profondeur. Le sujet principal est ici l’inaccessibilité de l’être aimé, les rares tentatives par Woody Allen d’élargir le propos restent limitées dans leur portée. Woody Allen marque certains contrastes : face à l’abnégation tourmentée de Lane, dont l’interprétation par Mia Farrow a parfois des inflexions christiques, la mère paraît particulièrement égoïste et superficielle (mais c’est leur seul personnage qui ressortira indemne). Il n’y a aucun plan d’extérieurs : tout le film se déroule dans la maison pour laquelle Carlo Di Palma a créé de beaux éclairages, parfois à la bougie (lors de la panne). September fut un très gros échec commercial pour Woody Allen.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dianne Wiest, Mia Farrow, Elaine Stritch, Sam Waterston, Denholm Elliott, Jack Warden
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Remarques :
* Woody Allen avait tourné et monté une première version de September avec Maureen O’Sullivan dans le rôle de la mère, Charles Durning dans le rôle du voisin, et Christopher Walken, rapidement remplacé par Sam Shepard, dans le rôle de Peter. Peu satisfait du résultat (surtout de la prestation de Maureen O’Sullivan), Woody Allen a décidé de tout refaire. La première version a été détruite.

* Fait unique dans sa filmographie : 1987 est une année où Woody Allen a sorti deux longs métrages cinéma, September et Radio Days.

September de Woody Allen
Mia Farrow et Sam Waterston dans September de Woody Allen.

24 novembre 2013

Journal intime (1962) de Valerio Zurlini

Titre original : « Cronaca familiare »

Journal intimeRome, en 1945. Enrico apprend la mort de son jeune frère. Il se remémore comment ils avaient été séparés très jeunes après la mort de leur mère et comment ils s’étaient retrouvés par hasard presque vingt ans plus tard… Journal intime est adapté d’un roman de Vasco Pratolini qui a participé à l’adaptation en ajoutant certaines scènes à son récit. Cette chronique familiale (c’est la traduction du titre original) repose sur la difficulté de communication entre les deux frères avec un mélange d’amour et de fort ressentiment alimenté par les non-dits. Valerio Zurlini accentue (avec sans doute un certain excès) cette non-communication par sa photographie aux couleurs ternes, ses décors vides aux murs délabrés, ses pièces immenses et sales. Le film est empreint d’une tristesse sourde nourrie du regret de tout ce qui n’a pas été dit. Ce grand mélodrame peut paraitre un peu trop appuyé.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Jacques Perrin, Sylvie
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Ne pas confondre avec :
Journal intime (Caro diario) de Nanni Moretti (1993).

29 mai 2013

The Descendants (2011) de Alexander Payne

The DescendantsSa femme étant tombé dans un coma profond à la suite d’un accident de bateau, Matt doit se rapprocher de ses deux filles, âgées de 10 et 17 ans, tout en gérant la vente d’un grand terrain appartenant à sa famille… Adaptation d’un roman de Kaui Hart Hemmings, The Descendants mêle habilement l’ironie et le drame, avec juste quelques effets faciles pour générer l’émotion, mais sans excès. Alexander Payne traite une nouvelle fois d’une crise existentielle masculine, ici la délicate reconstruction d’une harmonie familiale, et le fait avec une certaine sensibilité. L’histoire se déroule à Hawaï, terre natale de l’auteure du roman qui utilise les différentes iles de l’archipel pour créer une métaphore de l’éclatement de la famille. L’ensemble est assez léger et facile à regarder.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George Clooney, Shailene Woodley, Amara Miller, Nick Krause
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The DescendantsShailene Woodley, George Clooney et Amara Miller dans The Descendants de Alexander Payne.

16 avril 2013

La chatte sur un toit brûlant (1958) de Richard Brooks

Titre original : « Cat on a Hot Tin Roof »

La chatte sur un toit brûlantDans une prospère plantation du Mississippi, on fête le soixante-cinquième anniversaire du patriarche, Big Daddy, qui est sur le point de mourir d’un cancer. Le couple de son fils, Brick, est en pleine crise. Il repousse constamment sa jolie femme Maggie et tente de noyer son dégoût dans l’alcool… La chatte sur un toit brûlant est une pièce de Tennessee Williams qui remporta un grand succès à Broadway sous la direction d’Elia Kazan. Mais c’est pourtant Richard Brooks qui l’adaptera au grand écran (1) avec un couple d’acteurs très photogéniques : Elizabeth Taylor et Paul Newman. Hollywood oblige, toute référence à l’homosexualité de Brick a été gommée mais il reste toute la puissance et l’intensité qui sont propres aux pièces de Tennessee Williams. La frustration, la cupidité, le mensonge, la culpabilité nourrissent l’atmosphère surchauffée de ce drame familial qui débouche sur des réflexions plus profondes sur la vie ou la mort. La chatte sur un toit brûlantTous les rôles sont magnifiquement tenus à commencer bien entendu par le tout jeune (et très beau) Paul Newman et une Elizabeth Taylor dont la sensualité a de quoi réveiller un mort (2). Burl Ives, de son côté, exprime une force peu commune. Oui, finalement, malgré toutes les concessions faites lors de l’adaptation, La chatte sur un toit brûlant conserve bien toute sa puissance.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Elizabeth Taylor, Paul Newman, Burl Ives, Jack Carson, Judith Anderson, Madeleine Sherwood
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Remarques :
* Burl Ives (Big Daddy) et Madeleine Sherwood (Mae) tenaient déjà le même rôle dans la pièce jouée à Broadway sous la direction d’Elia Kazan ; Ben Gazzara interprétait Brick et Barbara Bel Geddes était Maggie.
* Le film était prévu pour être tourné en noir et blanc mais Richard Brooks insista pour tourner en couleurs afin de profiter des yeux bleus de Paul Newman et ceux d’Elizabeth Taylor, couleur violette. Les couleurs sont d’ailleurs superbes.

(1) Elia Kazan était en désaccord avec Tennessee Williams à propos de certaines modifications nécessaires selon lui. La situation se reproduira avec Doux oiseau de jeunesse (Sweet Bird of Youth) dont la pièce sera montée à Broadway par Elia Kazan pour être ensuite portée à l’écran en 1962 par Richard Brooks (avec… Paul Newman dans le rôle principal).
(2) On pourra remarquer que toute cette sensualité dégagée par l’actrice, loin de nous détourner de l’action, intensifie le drame car elle amplifie l’importance du refus de Brick.