17 décembre 2020

J’accuse (2019) de Roman Polanski

J'accuseEn 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, officier français de confession juive, est condamné à la déportation à vie pour avoir fourni des documents secrets à l’Allemagne. Le commandant Picquart, promu lieutenant-colonel et chef du deuxième Bureau, découvre que le commandant Esterhazy est en réalité le véritable espion…
L’Affaire Dreyfus a déchiré la France de la Troisième République pendant douze ans, de la condamnation d’Alfred Dreyfus en 1894 à sa réhabilitation pleine et entière en 1906. Etonnamment, le cinéma français n’avait jamais vraiment traité cette affaire : avant ce J’accuse de Roman Polanski, il faut remonter aux reconstitutions « à chaud » de Georges Méliès et de Pathé. Les quelques films qui abordèrent plus profondément le sujet sont étrangers ou des téléfilms.
Roman Polanski désirait depuis longtemps faire un film sur l’Affaire Dreyfus. Il collabore ici à nouveau avec l’auteur britannique Robert Harris (scénariste de Ghost Writer) qui lui a écrit un roman sur mesure. L’originalité de leur approche est traiter l’affaire non pas comme une affaire judiciaire mais comme une histoire d’espionnage. Au prix d’une très légère déformation de la réalité (1), ils ont centré leur récit sur le commandant Picquart. Profondément antisémite, plus par tradition que par conviction toutefois, cet officier va découvrir, une fois promu à la tête des services des renseignements, que toute l’accusation à laquelle il a lui-même participé ne reposait en réalité sur rien. Le déroulement du scénario est parfait, il capte toute notre attention, ce qu’un récit plus traditionnel n’aurait probablement pas réussi à faire. L’atmosphère récréée est forte, notamment dans les locaux du service des renseignements. La réalisation est parfaite, tout est parfaitement dosé. J’accuse est bien le grand film que cette affaire méritait d’avoir. Il a tout de même fallu attendre plus d’un siècle…

Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Dujardin, Louis Garrel, Grégory Gadebois, Emmanuelle Seigner, Wladimir Yordanoff, Vincent Perez, Melvil Poupaud
Voir la fiche du film et la filmographie de Roman Polanski sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Roman Polanski chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Roman Polanski

(1) Les principales altérations de la réalité concernent la présence de Picquart à une réunion secrète des soutiens de Dreyfus où sont présents Zola et Clémenceau et la façon dont Picquart tient tête à sa hiérarchie (notamment en quittant la salle d’audition).

J'accuseJean Dujardin dans J’accuse de Roman Polanski.

Autres films traitant de l’Affaire Dreyfus:
1899 : L’Affaire Dreyfus, 11 films d’1 minute de Georges Méliès (sur le mode des actualités reconstituées, chaque film reconstituant un épisode de l’Affaire)
1899 : L’Affaire Dreyfus, 8 films d’1 minute produits par la société Pathé frères (réalisateur inconnu) (même mode, tounés moins d’un mois après ceux de Méliès)
1930 : Dreyfus, film allemand de Richard Oswald
1931 : Dreyfus, film anglais de F.W. Kraemer et Milton Rosmer
1937 : The Life of Émile Zola, film américain de William Dieterle avec Paul Muni
1958 : I accuse, film américain de José Ferrer avec José Ferrer

Téléfilms :
1978 : Zola ou la Conscience humaine, film français en quatre épisodes de Stellio Lorenzi (Antenne 2)
1991 : Can a Jew Be innocent? film anglais en quatre épisodes de Jack Emery (BBC)
1991 : Prisoners of Honor, film américain de Ken Russel
1994 : L’Affaire Dreyfus, film français en deux épisodes d’Yves Boisset (France 2)
1994 : Rage et Outrage,  film français de George Whyte
1995 : Dreyfus in Opera and Ballet, film allemand en anglais.

17 mars 2018

Patton (1970) de Franklin J. Schaffner

PattonEn 1943, George S. Patton arrive en Tunisie pour prendre le commandement des troupes américaines alors très mal en point face à l’Afrikakorps de Rommel. Il renforce la discipline et restaure la confiance en remportant une victoire contre les chars allemands…
Sur un scénario co-écrit par Francis Ford Coppola, Patton retrace le parcours de ce général hors du commun, féru d’Histoire et, selon lui, né pour se battre. Le récit se concentre ainsi plus sur le personnage que sur ses faits d’armes. Le général Patton était incontestablement un brillant stratège mais il fut souvent tenu à l’écart par l’état-major car impossible à contrôler et enclin à faire des maladresses diplomatiques ou médiatiques. La vérité historique est assez bien respectée et le plus remarquable dans le film est dans la distance prise avec le sujet : ce n’est ni un éloge admiratif ni une condamnation, c’est avant tout le portrait d’un homme qui se sentait investi d’une mission et qui a joué un rôle important dans le déroulement de la Seconde Guerre mondiale. L’interprétation de George C. Scott est en tous points parfaite, très puissante.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George C. Scott, Karl Malden, Stephen Young, Michael Strong
Voir la fiche du film et la filmographie de Franklin J. Schaffner sur le site IMDB.

Voir les autres films de Franklin J. Schaffner chroniqués sur ce blog…

Remarque :
* George C. Scott fut le premier acteur à refuser son Oscar, s’opposant ainsi à cette grande foire communicationnelle et réfutant le principe-même d’une compétition entre les acteurs.

Patton
George C. Scott dans Patton de Franklin J. Schaffner.

Patton
George C. Scott et Karl Malden dans Patton de Franklin J. Schaffner.

Partton
George C. Scott dans Patton de Franklin J. Schaffner.

15 mai 2016

La Belle Ténébreuse (1928) de Fred Niblo

Titre original : « The Mysterious Lady »

La Belle ténébreuseAu début de la Première Guerre mondiale, à Vienne, le capitaine Karl von Raden se retrouve par hasard dans la même loge à l’opéra qu’une femme très belle et mystérieuse. Il la raccompagne chez elle et, bien qu’elle repousse tout d’abord ses avances, ils tombent rapidement amoureux l’un de l’autre… The Mysterious Lady est le treizième film de Greta Garbo qui était alors âgée de 23 ans, le sixième de sa carrière hollywoodienne. Il vient juste après The Divine Woman (1) qui lui valut son surnom de La Divine. C’est un film qui est généralement considéré comme mineur et on se demande bien pourquoi. Certes Greta Garbo n’avait guère envie de le tourner, elle était alors très fatiguée autant physiquement que psychologiquement (2). Le résultat est néanmoins merveilleux. Le film commence comme une pure histoire d’amour pour introduire ensuite une intrigue d’espionnage. Ce mélange d’amour et d’espionnage, avec les dilemmes qui en découlent, n’est pas sans évoquer Mata Hari que Garbo tournera quelques années plus tard. Mais ce n’est pas tant le scénario qui est remarquable. La Belle ténébreuse Greta Garbo est magnifique, toujours très belle, d’une présence phénoménale. La direction de Fred Niblo est d’une grande sensibilité. On notera quelques mouvements de caméra, judicieusement utilisés. La photographie est très belle, signée bien entendu par le talentueux William Daniels (le directeur de la photographie attitré de Greta Garbo). Certaines scènes sont absolument magiques, comme par exemple celle où elle allume les bougies : quelle délicatesse dans l’éclairage, quelle subtilité dans le cadrage pourtant très rapproché, on a l’impression que la caméra caresse son visage! La copie visible aujourd’hui comporte quelques passages détériorés mais ils sont heureusement de courte durée. The Mysterious Lady est un très beau film. (film muet)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Conrad Nagel, Gustav von Seyffertitz
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Niblo sur le site IMDB.

Voir les autres films de Fred Niblo chroniqués sur ce blog…

(1) The Divine Woman de Victor Sjöström (1928) est hélas un film perdu, du moins dans sa totalité. Seul un fragment de neuf minutes est parvenu jusqu’à nous.
(2) Après The Divine Woman, la MGM avait accordé plusieurs mois de vacances à Greta Garbo, fait extrêmement rare pour une vedette sous contrat et payée à la semaine.

The Mysterious Lady
Conrad Nagel et Greta Garbo dans La Belle ténébreuse de Fred Niblo.

The Mysterious Lady
Greta Garbo et Conrad Nagel  dans La Belle ténébreuse de Fred Niblo (photos publicitaires : celle de gauche est très proche d’une scène du film, celle de droite est posée).

13 mai 2016

Diplomatie (2014) de Volker Schlöndorff

DiplomatieLa nuit du 24 au 25 août 1944. Alors que les alliés avancent à grands pas, le sort de Paris est entre les mains du Général Von Choltitz, Gouverneur du Grand Paris, qui se prépare, sur ordre d’Hitler, à faire sauter la capitale. Le consul suédois Nordling parvient à s’introduire auprès de lui pour tenter de le convaincre de ne pas accomplir l’irréparable… Diplomatie est l’adaptation d’une pièce de Cyril Gély qu’André Dussollier et Niels Arestrup ont jouée plus de 200 fois sur les planches. Ils sont donc pleinement dans leurs personnages et savent donner une belle intensité à cette confrontation. La réalisation de Volker Schlöndorff, dont c’est ici le vingt-huitième long métrage, est sobre et juste, elle sait mettre en relief la qualité du texte. L’histoire est une extrapolation de faits réels puisque les deux hommes se sont effectivement rencontrés plusieurs fois mais il s’agissait de négocier un cessez-le-feu et la libération de prisonniers politiques. La réddition de Von Choltitz lors de la Libération de Paris avait déjà été l’objet du roman Paris brûle-t-il ? publié en 1964, adapté au cinéma deux ans plus tard par René Clément.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: André Dussollier, Niels Arestrup
Voir la fiche du film et la filmographie de Volker Schlöndorff sur le site IMDB.

Voir les autres films de Volker Schlöndorff chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Volker Schlöndorff

Remarque :
César de la meilleure adaptation en 2015.

Diplomatie
Niels Arestrup et André Dussollier dans Diplomatie de Volker Schlöndorff.

25 novembre 2013

Les Hommes contre (1970) de Francesco Rosi

Titre original : « Uomini contro »

Les hommes contrePremière Guerre mondiale. Nous sommes en 1916 dans le nord de l’Italie où les italiens se battent contre les autrichiens. Un général italien qui vient de perdre dans un mouvement de panique une position importante veut la reprendre coûte que coûte. Mais ce sommet de colline se révèle imprenable… Adapté d’un roman d’Emilio Lussu, Les Hommes contre n’est pas sans rappeler Les Sentiers de la gloire de Kubrick. Le film de Rosi est lui aussi un film militant qui dénonce la barbarie de la guerre et ses nombreuses morts inutiles, des morts d’autant plus révoltantes quand elles sont causées par l’obstination aveugle d’un ou deux officiers. Les faits rapportés sont réels et il y eut bien une mutinerie de soldats à l’été 1917 près de Santa Maria la Longa. Les Hommes contre est sorti en 1970, en résonance avec un certain courant pacifique et antimilitariste qui se développait alors. En Italie, un procès pour « dénigrement de l’armée » fut intenté mais se termina par un acquittement. Francesco Rosi est très direct dans sa démarche, nous livrant sans fard une dure réalité qui parle d’elle-même : tout discours devient inutile. L’interprétation est parfaite, jamais appuyée, sans aucun accent mélodramatique. Presque à la limite du documentaire, le film fait aujourd’hui oeuvre de mémoire.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mark Frechette, Alain Cuny, Gian Maria Volonté
Voir la fiche du film et la filmographie de Francesco Rosi sur le site IMDB.

Voir les autres films de Francesco Rosi chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Emilio Lussu a réellement vécu en tant que soldat les évènements décrits (en 1916 et 1917). Il a écrit le livre Les Hommes contre beaucoup plus tard en 1938. Dans le film, il est représenté par le jeune Lieutenant Sassu. Comme son personnage, l’écrivain a été tout d’abord interventionniste (favorable à l’entrée en guerre de l’Italie contre L’Autriche et l’Allemagne) avant de changer d’opinion après avoir vu les atrocités de la guerre. La fin du livre est toutefois différente de la fin du film car il survivra. Dans l’Entre-deux guerres, il aura une activité politique et combattra activement le fascisme naissant. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il sera ministre dans le premier gouvernement d’unité nationale de l’Italie libérée.

>> Pour se faire une idée de l’accueil critique en France du film à sa sortie, lire les extraits de presse sur le site de la Cinémathèque Française.

4 mai 2012

Sept jours en mai (1964) de John Frankenheimer

Titre original : « Seven Days in May »

Sept jours en maiAlors que le Président des Etats-Unis et le congrès viennent d’approuver un accord sur le désarmement conjoint avec l’U.R.S.S., un général d’extrême-droite, farouchement opposé au traité, s’apprête à prendre le pouvoir par un coup d’état… Le début des années soixante voit un durcissement de la Guerre Froide. Plusieurs films vont nous montrer les dangers du surarmement. Sept jours en mai est adapté d’un best-seller de Fletcher Knebel et Charles W. Bailey II, sorti l’année précédente. L’assassinat de John Kennedy décupla le retentissement du film (pour nous, français, il nous évoque aussi le Putsch des Généraux de 1961). La construction est assez remarquable et, une fois installée, la tension ne faiblit plus. La mise en scène de John Frankenheimer est nerveuse et très directe, comme on peut s’en rendre compte dès la scène d’introduction où des manifestants, pour et contre le traité, s’opposent violemment. En général putschiste, Burt Lancaster a (comme toujours) une forte présence à l’écran qui rend le film d’autant plus angoissant. Le film aborde plusieurs thèmes ; certains restent aujourd’hui très actuels, comme l’exploitation de la peur pour augmenter sa popularité, d’autres le sont moins (prendre le contrôle des radios et télévisions ne suffiraient plus pour asseoir un coup d’état). Avec sa réalisation parfaite, Sept jours en mai reste l’un des plus beaux exemples de politique-fiction réussie.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Kirk Douglas, Fredric March, Ava Gardner, Edmond O’Brien
Voir la fiche du film et la filmographie de John Frankenheimer sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Frankenheimer chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film ayant l’assentiment de la Maison Blanche (John Kennedy avait lu le livre et l’avait déclaré crédible), John Frankenheimer eut accès aux intérieurs afin d’en faire une réplique fidèle en studio.
* Le film est censé se dérouler dans un futur proche, en 1969-70.