12 juillet 2014

Coup de foudre (1944) de Charles Vidor

Titre original : « Together Again »
Autre titre (Belgique) : « Nous deux »

Coup de foudreLa petite ville de Brookhaven a érigé une statue à son maire dont la droiture est toujours vénérée cinq ans après sa mort. C’est sa femme, Anne, qui a pris sa suite. Très accaparée par sa tâche, elle ne s’est pas remariée. Lorsque la statue est accidentellement décapitée, Anne part à New York chercher un sculpteur pour la remplacer… Le texte de l’affiche le prouve : le titre Together Again s’applique plus aux acteurs qu’à l’histoire. Nous retrouvons à l’écran le couple formé par Irene Dunne et Charles Boyer qui avait été si populaire en 1939 dans Love Affair (Elle et lui) de Leo McCarey (1). Cette fois, ils se retrouvent dans une comédie que l’on rattache au genre screwball, bien que le genre soit en 1944 nettement sur sa fin. Loin des aspects progressistes de certaines comédies screwball, on pourra remarquer que le propos est ici assez ouvertement conservateur : la femme ne se définit que par rapport à l’homme, elle peut avoir une carrière professionnelle (voire politique comme ici) mais elle ne peut être heureuse si elle ne se marie pas et, Together Again - Affiche belge (Nous deux) quand cela arrive, elle doit tout abandonner pour se consacrer à son mari… On pourra aussi s’amuser à relever plusieurs traits nettement misogynes ici et là. Mais ce n’est pas principalement pour cette raison que le film déçoit : la mise en scène de Charles Vidor n’est pas franchement remarquable, l’humour est assez peu présent, les dialogues manquent de brillance. Seul le charme et l’éloquence raffinée de Charles Boyer relève l’ensemble et donne un peu d’intérêt au film.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Irene Dunne, Charles Boyer, Charles Coburn, Mona Freeman, Jerome Courtland
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.

Voir les autres films de Charles Vidor chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* A noter que (pour une fois) le titre français Coup de foudre est bien trouvé  car le tonnerre joue un rôle non négligeable dans cette histoire.

(1) Les deux acteurs étaient également ensemble dans When Tomorrow comes (Veillée d’amour) de John Stahl (1939). Together Again est donc le troisième film où ils partagent l’affiche.

22 novembre 2013

Gilda (1946) de Charles Vidor

GildaA Buenos-Aires, le joueur et tricheur professionnel Johnny Farrell se fait engager par le patron d’une maison de jeu. Il devient rapidement son bras droit. Un jour, son patron lui présente Gilda, la jeune femme qu’il vient d’épouser…
Sur une histoire de E.A. Ellington, Charles Vidor réalise l’un des films américains les plus remarquables de l’après-guerre. Si Gilda est classé dans les films noirs, c’est plus par son atmosphère car il se démarque du genre sur au moins deux points fondamentaux : tout d’abord, c’est un film sans violence, où l’intrigue amoureuse prend le pas sur l’intrigue policière qui est finalement très réduite. Ensuite, c’est un film lumineux, même dans ses scènes de nuit : les décors sont baignés de lumière, notamment l’intérieur de la maison de jeu, et les personnages (Rita Hayworth bien entendu, mais aussi Glenn Ford) semblent nous irradier de lumière. L’image d’ailleurs est superbe.

Gilda L’histoire est joliment complexe, la trame psychologique sur laquelle évoluent les relations entre les personnages est riche, jouant beaucoup sur les opposés (amour/haine, attirance/répulsion) et sur l’ambivalence. Gilda est en outre chargé de toute une symbolique sexuelle qui sait être extrêmement puissante tout en restant dans le cadre des règles de moralité du Code Hays. Rita Hayworth n’apparaît pas avant quinze minutes mais quelle apparition ! On en a le souffle coupé. Plus tard, toute la sensualité développée par l’actrice culmine dans cette scène très célèbre où elle ôte lentement son long gant noir en chantant « Put the Blame on Mame ». Cette scène est l’une des plus ouvertement érotiques du cinéma hollywoodien des années quarante et cinquante. Plus subtile, et assez surprenante, est cette indéniable homosexualité latente dans les rapports entre Farrell et son patron : il y a là bien plus qu’une simple dévotion/admiration. L’interprétation de Glenn Ford est d’ailleurs assez remarquable.

Gilda Si, à sa sortie, Gilda fut copieusement méprisé par la critique (1), le succès populaire fut très important mais il se concentra essentiellement sur Rita Hayworth qui devint une figure iconique, notamment auprès des G.I. Les raisons de son succès peuvent paraitre bien futiles et Charles Vidor n’est certes pas le plus grand des réalisateurs mais Gilda est l’un de ces films qui ont atteint un dosage quasiment parfait de leurs constituants, un film assez magique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Rita Hayworth, Glenn Ford, George Macready, Joseph Calleia, Steven Geray
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.

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Remarque :
* Rita Hayworth est doublée par Anita Ellis dans la plupart des parties chantées.

(1) « Un film lent, confus et inintéressant » New York Times. « Ennuyeux et plutôt embrouillé » New York Herald Tribune. « Une nullité de premier ordre » Daily News.

Gilda

Gilda

Gilda

22 octobre 2011

Les amours de Carmen (1948) de Charles Vidor

Titre original : « The loves of Carmen »

Les amours de Carmen« Les Carmen passent, une seule restera : Rita Hayworth » clamait la publicité de Columbia qui a tout misé sur la présence de l’actrice. On a même jugé inutile de reprendre la musique de Bizet tant le succès était assuré d’avance… Effectivement, le rôle lui va bien (1) mais elle est hélas l’unique atout de ce film qui ne brille guère par ailleurs. Les amours de Carmen est traité de façon très conventionnelle. Charles Vidor, qui a déjà fait tourner l’actrice dans Cover Girl et surtout dans Gilda, a pourtant bénéficié d’un budget important mais rien ne fonctionne vraiment dans cette Espagne de pacotille (2). Il nous reste la vision de Rita Hayworth en Technicolor (ce qui permit au public de vérifier qu’elle était bien rousse) ; elle nous gratifie de deux danses très sensuelles qui constituent les deux temps forts du film (3). Autant l’actrice semble à l’aise dans son rôle, autant Glenn Ford fait un Don José guère convaincant. Les amours de Carmen est globalement plutôt ennuyeux.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Rita Hayworth, Glenn Ford, Ron Randell, Victor Jory, Arnold Moss
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.
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Remarques :
(1) A ce propos, on peut rappeler que les parents de Rita Hayworth sont espagnols et que son deuxième prénom est Carmen (Margarita Carmen Cansino)…
(2) Le film a, de plus, été tourné en Californie, près du Mount Whitney, des décors qui n’évoquent pas vraiment l’Espagne !
(3) Les deux danses ont été chorégraphiées par le propre père de Rita Hayworth : Eduardo Cansino. A noter également que son oncle, José Cansino, est l’un des danseurs et que son frère, Vernon Cansino, joue l’un des soldats qui escortent Carmen en prison.

Les (principales) Carmen au cinéma :
Geraldine Farrar dans Carmen de Cecil B. De Mille (1915)
Theda Bara dans Carmen de Raoul Walsh (1915)
Edna Purviance dans A burlesque on Carmen de Charles Chaplin (1916)
Pola Negri dans Carmen de Ernst Lubitsch (1918)
Raquel Meller dans Carmen de Jacques Feyder (1926)
Dolores del Rio dans The loves of Carmen de Raoul Walsh (1927)
Viviane Romance dans Carmen de Christian-Jaque (1945)
Rita Hayworth dans The loves of Carmen de Charles Vidor (1948)
Dorothy Dandridge dans Carmen Jones de Otto Preminger (1954)
Laura del Sol dans Carmen de Carlos Saura (1983)
Julia Migenes dans Carmen de Francesco Rosi (1984)
Hélène Delavault, Zehava Gal et Eva Saurova dans La tragédie de Carmen de Peter Brook (1983)