5 septembre 2021

Marie-Octobre (1959) de Julien Duvivier

Marie-OctobreUn groupe d’ex-résistants, dont certains s’étaient perdus de vue depuis la fin de la guerre, se retrouvent quinze années plus tard. Ils dînent ensemble dans la demeure de leur ancien chef, Castille, qui a été tué par les allemands. Cette soirée est organisée par deux d’entre eux pour percer le mystère de la mort de Castille car ils savent maintenant qu’il y a eu un traitre…
Marie-Octobre est inspiré du roman éponyme de Jacques Robert qui en a écrit l’adaptation avec Julien Duvivier. Il s’agit d’un huis clos avec dix personnages (onze avec la gouvernante) au cours duquel les soupçons vont se porter tour à tour sur chacun. Les dix personnages ont des professions très différentes qui ont parfois une influence. La distribution du film réunit certains des acteurs parmi les plus célèbres du cinéma français de l’époque, chacun restant dans le registre pour lequel il est connu. On est rapidement pris par les discussions et les interrogations qui fusent, d’autant plus facilement que les excellents dialogues sont signés Henri Jeanson. Le film fonctionne tout aussi bien soixante ans après sa sortie. Le récit aborde plusieurs thèmes : le courage, la trahison, la volonté d’oublier. Curieusement, la critique a toujours été très réservée (pour des raisons diverses et un peu confuses) alors que le public l’a transformé en grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Bernard Blier, Robert Dalban, Paul Frankeur, Paul Guers, Daniel Ivernel, Paul Meurisse, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Lino Ventura, Jeanne Fusier-Gir
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Remarque :
* Les scènes ont été tournées dans l’ordre du scénario et les acteurs ne connaissaient pas le nom du traitre avant de tourner la scène finale.

 Marie-Octobre(de g. à d.) Lino Ventura, Paul Frankeur, Robert Dalban, Serge Reggiani, Paul Meurisse, Daniel Ivernel, Danielle Darrieux, Bernard Blier, Paul Guers et Noël Roquevert dans Marie-Octobre de Julien Duvivier.

27 mars 2019

Touche pas la femme blanche ! (1974) de Marco Ferreri

Touche pas la femme blancheLa bataille de Little Big Horn (1876) menée par le général Custer reconstituée dans le trou du chantier du Forum des Halles…
… telle fût l’idée totalement saugrenue mais assez amusante de Marco Ferreri. Touche pas la femme blanche !  est une parodie de western, une farce anachronique remplie d’allégories sociales et politiques. Le réalisateur a repris les acteurs de son film précédent La Grande Bouffe pour les placer en costumes d’époque dans le Paris des années soixante-dix. Certaines scènes de chantier, notamment l’effondrement de bâtiments, sont même intégrées à l’histoire. Ferreri multiplie les anachronismes, à la fois pour accentuer la bouffonnerie de l’ensemble mais aussi pour souligner son propos politique sous-jacent : massacre des indiens, déshumanisation des centres villes, satire de la force d’Etat … sans parler des allusions au Watergate, à l’action de la CIA au Chili. Tout y passe et Ferreri ne donne pas dans la petite dentelle ; ses allégories sont lourdement appuyées. Cela nous vaut quelques bons numéros d’acteurs, comme Serge Reggiani presque nu en indien fou et Michel Piccoli très en verve pour incarner un Buffalo Bill particulièrement haut en couleur. Le résultat n’est toutefois que moyennement convaincant mais le film n’en est pas moins une belle curiosité.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Philippe Noiret, Ugo Tognazzi, Alain Cuny, Serge Reggiani, Darry Cowl
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Touche pas la femme blanche
Touche pas la femme blanche de Marco Ferreri.

Touche pas la femme blanche
Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni dans Touche pas la femme blanche de Marco Ferreri.

Remarques :
Le producteur Alain Sarde a raconté que Ferreri lui aurait dit au début du tournage en lui montrant le trou des Halles : « Tu vois, je vais faire un film là-dedans et je vais enterrer Rassam avec. Je vais le ruiner ! ». Le différent entre Ferreri et son producteur Jean-Pierre Rassam venait du succès de La Grande Bouffe : Rassam aurait réinvesti tous les bénéfices dans deux nouveaux projets (Lancelot du Lac de Bresson et Les Chinois à Paris de Jean Yanne) sans reverser à Ferreri l’intégralité de la part qui lui était due.

Serge Toubiana raconte cette anecdote avec tous les conditionnels qui s’imposent dans son hommage à Alain Sarde ( http://www.cinematheque.fr/cycle/alain-sarde-232.html ) . Sans remettre en cause la véracité des propos d’Alain Sarde, il paraît toutefois peu probable que Ferreri ait volontairement saboté son film. Tout au plus, cela peut expliquer qu’il n’ait freiné aucune de ses « excentricités »…

Touche pas la femme blanche
La scène de la grande bataille finale de Touche pas la femme blanche de Marco Ferreri n’a de toute évidence pas été tournée à Paris mais dans ce qui semble être une grande carrière calcaire. Les immeubles ont été rajoutés un peu grossièrement (probablement par cache).

25 octobre 2018

Napoléon (1955) de Sacha Guitry

NapoléonLe jour de la mort de Napoléon, M. de Talleyrand consent à raconter sa vie à quelques amis à la condition qu’il puisse le faire à sa façon…
Le Napoléon de Sacha Guitry est bien évidemment très marqué par la patte du réalisateur. C’est un film historique, certes, mais une grande importance est donnée aux amours de Napoléon et aux petits conciliabules, bien plus qu’aux grandes batailles ou aux joutes politiques. Le film est savoureux par ses dialogues et les mots d’esprits dont Guitry émaille les quelques trois heures du récit. Il a réuni un plateau de vedettes qui réunit, jusqu’au vertige, les grands noms du cinéma français des années cinquante, parfois pour un rôle de deux minutes, quand ce n’est pas pour pousser la chansonnette. Son trait de génie est d’utiliser deux acteurs différents pour le rôle principal : Daniel Gélin pour Bonaparte et Raymond Pellegrin pour Napoléon qui est probablement l’acteur qui aura donné l’interprétation la plus crédible de l’homme. Ce n’est pas un grand film épique qui exalte, c’est un film qui se savoure (à condition de ne pas être allergique au maniérisme de Guitry, bien entendu). A noter que c’est le seul film français à embrasser toute la vie de Napoléon Bonaparte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Raymond Pellegrin, Daniel Gélin, Michèle Morgan, Micheline Presle, Danielle Darrieux, Pierre Brasseur, Jean Gabin, Jean Marais, Yves Montand, Jean-Pierre Aumont, Serge Reggiani, Dany Robin, Noël Roquevert, Maria Schell, Henri Vidal, Erich von Stroheim, Orson Welles, Sacha Guitry
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Napoléon
Sacha Guitry et Daniel Gélin dans Napoléon de Sacha Guitry.

Napoléon
Raymond Pellegrin dans Napoléon de Sacha Guitry.

5 août 2017

La Grande Pagaille (1960) de Luigi Comencini

Titre original : « Tutti a casa »

La Grande pagaille8 septembre 1943. Un armistice est signé assez précipitamment entre l’armée italienne et les forces alliées. Du jour au lendemain, italiens et allemands se retrouvent ennemis. A la tête d’un petit détachement, le lieutenant Innocenzi (Alberto Sordi) ne peut rejoindre sa caserne prise par les allemands. Livrés à eux-mêmes, sans ordres supérieurs, les soldats n’ont qu’une idée en tête : rentrer à la maison… Tutti a casa était au départ un projet de film documentaire. Le film final, même s’il garde un caractère de témoignage historique, est une œuvre de fiction écrite par Age et Scarpelli, Marcello Fondato et Luigi Comencini. Couvrant la période entre l’Armistice et le soulèvement de Naples fin septembre 1943, il témoigne d’une période trouble qui laissa les officiers désemparés car ils ne savaient que faire (beaucoup n’étaient pas des fascistes convaincus, quiconque avait fait des études pouvait se retrouver officier). Le lieutenant se retrouve ainsi écartelé entre son sens du devoir qui lui dicte de préserver la vie des quelques hommes qu’il lui reste et son instinct de fuite face à une guerre qu’il n’a pas voulu. Comencini fait des ruptures de ton entre le drame et la comédie : certaines des situations douloureuses engendrées par cette confusion étaient également cocasses. Néoréalisme et comédie italienne se rejoignent. Tout l’art de Comencini a été de savoir introduire ces parcelles de comédie sans entamer le caractère dramatique de l’ensemble. Le réalisateur a déclaré qu’il jugeait que Tutti a casa était son meilleur film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Serge Reggiani, Carla Gravina, Martin Balsam
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Tutti a casa
Serge Reggiani et Alberto Sordi dans La Grande pagaille de Luigi Comencini.

2 avril 2017

Manon (1949) de Henri-Georges Clouzot

ManonEn juin 1944 en Normandie, le jeune FFI Robert Desgrieux tombe amoureux de Manon, condamnée par la rumeur publique. Ils fuient ensemble à Paris pour retrouver le frère de Manon qui fait des petits trafics sur le marché noir… Ce Manon d’Henri-Georges Clouzot n’est pas la première adaptation au cinéma du roman de l’Abbé Prévost Manon Lescaut (7 volumes rédigés entre 1727 et 1731) mais, avec l’aide de Jean Ferry, il l’a transposé pour la première fois à l’époque moderne, en l’occurrence la période de l’après-guerre. Cela reste une histoire d’amour fou mais témoigne aussi des troubles de son époque et de l’amoralisme des trafics. Il y a ainsi un contraste appuyé entre les ignominies du monde et la naïveté (ou l’aveuglement) de l’amour : « Rien n’est sale quand on s’aime » croit Manon. Le parallèle a souvent été fait avec Loulou de Pabst : c’est vrai sur le plan de l’amour fou qui peut nous conduire à faire des choses contraires à notre volonté, vrai aussi sur le petit scandale créé par l’amoralité du film, mais plutôt moins sur le personnage de la jeune femme, celui incarné par Louise Brooks paraissait plus réfléchi. Cela ne l’empêche pas d’être assez complexe. L’écrivain de cinéma Ado Kyrou a bien décrit Manon : « Dans une totale ignorance du mal, dans une instinctive négation du « péché », elle cherche désespérément à être femme tout en réalisant l’amour fou avec l’homme qu’elle aime. » A peine âgée de 20 ans, Cécile Aubry incarne son personnage avec beaucoup de candeur. Elle ne fera pas une grande carrière par la suite : son nom est probablement aujourd’hui plus connu de tous comme auteur de Belle et Sébastien. Manon est le premier grand rôle pour Michel Auclair, assez brillant dans son interprétation, un acteur que l’on posait alors en rival potentiel de Gérard Philipe. Le film d’Henri-Georges Clouzot est admirablement mis en scène. Le cinéaste alterne des moments de grande virtuosité (la scène du train bondé par exemple) avec des scènes à la fois tragiques et lyriques, et même audacieuses : cette scène finale où Desgrieux transporte sa Manon d’une façon si particulière dans le désert est assez inouïe, presque christique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Serge Reggiani, Michel Auclair, Cécile Aubry, Andrex, Raymond Souplex, André Valmy, Henri Vilbert
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Manon
Michel Auclair et Cécile Aubry dans Manon de Henri-Georges Clouzot.

Remarques :
* Le second du navire est interprété par le jeune Michel Bouquet (sa 3e apparition à l’écran).
* Première apparition à l’écran pour Rosy Varte : elle est la maitresse de Serge Reggiani.

Principales adaptations :
1912 – Manon Lescaut, film français d’Albert Capellani
1926 – Manon Lescaut, film allemand de Arthur Robison avec Lya De Putti
1927 – Le Roman de Manon (When a Man Loves), film d’Alan Crosland avec John Barrymore et Dolores Costello
1940 : Manon Lescaut, film italien de Carmine Gallone avec Alida Valli et Vittorio De Sica
1949 – Manon, film d’Henri-Georges Clouzot
1954 – Les amours de Manon Lescaut, film italien de Mario Costa
1968 – Manon 70, film français de Jean Aurel avec Catherine Deneuve et Sami Frey
+ plusieurs adaptations pour la télévision dont une mini-série française (1978) avec Fanny Cottençon,
et Manon est également un opéra-comique de Jules Massenet.

6 février 2017

Le Doulos (1963) de Jean-Pierre Melville

Le DoulosPeu après sa sortie de prison, Maurice Faugel (Serge Reggiani) se rend chez un receleur qu’il juge responsable de la mort de sa femme. Il le tue et s’empare des bijoux volés sur lesquels il travaillait. Le lendemain, son meilleur ami Silien (Jean-Paul Belmondo) lui apporte du matériel pour un cambriolage. Silien a mauvaise réputation car il fréquente un commissaire… En argot, un « doulos » est un chapeau mais  aussi un indicateur, nous explique t-on en début de film. C’est aussi le titre d’un roman de Pierre Lesou dont Jean-Pierre Melville a écrit et réalisé l’adaptation. Il y montre une nouvelle fois son attachement au cinéma américain tout en affirmant de plus en plus son style. La forme assez enthousiasmante : de longues séquences, chargées d’atmosphère, à l’éclairage travaillé, avec même parfois de petites prouesses techniques (comme ces panoramiques à 360° lors de l’interrogatoire de Silien). Sur le thème de l’amitié et de la trahison, l’histoire est joliment complexe, tout en restant épurée, avec rien d’inutile ; elle sait nous surprendre (évitez de trop lire avant de voir le film). Chez Melville, le monde des truands est idéalisé, c’est celui du code de l’honneur, policiers et gangsters étant autant respectables. Le Doulos bénéficie d’une très belle distribution, tous les rôles étant parfaitement tenus. Assez bizarrement, le film ne fait l’unanimité parmi les amateurs du genre probablement car il déroute un peu : il nous laisse sans aucune certitude.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Jean Desailly, René Lefèvre, Michel Piccoli
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Remarques :
* Tout comme pour Léon Morin, Prêtre, le film précédent de Melville, l’assistant-réalisateur est le jeune Volker Schlöndorff (22 ans). Le futur réalisateur fait aussi une petite apparition à l’écran en client du bar.

* Une citation détournée de Céline ouvre le film « il faut choisir, mourir ou mentir ? ». En réalité, la citation plus complète montre qu’il n’y est pas question de la trahison : « La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi. » (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit)

Le Doulos
Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans Le Doulos de Jean-Pierre Melville.

12 janvier 2017

La Terrasse (1980) de Ettore Scola

Titre original : « La terrazza »

La TerrasseUne réception sur La Terrasse d’un appartement romain où se retrouvent une vingtaine de personnes. Beaucoup travaillent dans le domaine de la culture. Nous suivons successivement cinq d’entre eux sur les jours qui suivent cette soirée… On ne pourra pas accuser Ettore Scola d’avoir choisi la facilité. Si La Terrasse se présente comme une comédie à sketches, le film est en réalité une profonde réflexion sur l’évolution d’une génération d’intellectuels qui sombre dans le désenchantement en avançant en âge. Et si Scola a réuni une belle brochette d’acteurs très connus, il les a utilisés à contre-emploi prenant ainsi le risque de désarçonner le public tout en se mettant à dos la critique n’appréciant guère ce miroir qu’il leur tend. Ses personnages sont en proie au doute sur ce qu’ils ont fait au cours de leur existence ce qui génère chez eux un fort sentiment d’insatisfaction. Des problèmes amoureux viennent se greffer, car trois de ces cinquantenaires sont mariés ou s’amourachent avec des femmes trentenaires, ce qui met encore plus en évidence leur âge au lieu de le gommer. Ettore Scola montre une grande perfection dans la mise en place de cet ensemble où les personnages se croisent et s’entrecroisent, grâce à la minutie du scénario qu’il a élaboré avec Age et Scarpelli, ces deux grands de la comédie. L’ensemble n’est d’ailleurs pas sans humour mais La Terrasse est avant tout remarquable par l’acuité et la profondeur de son observation et par la réflexion qu’il occasionne chez nous. Son propos est assez atemporel.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Jean-Louis Trintignant, Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli, Serge Reggiani, Marie Trintignant
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Remarque :
De façon amusante, pour les cinq personnages principaux, trois acteurs sont nés la même année : Gassman, Tognazzi, Raggiani (1922, soit 58 ans), puis viennent Mastroianni (1924, 56 ans) et Trintignant (1930, 50 ans).

La Terrasse
Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant, Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman dans La Terrasse de Ettore Scola.

8 octobre 2016

Les Amants de Vérone (1949) de André Cayatte

Les amants de VéroneSur le tournage d’une adaptation de Roméo et Juliette où ils font les doublures, Angelo, un jeune souffleur de verre à Murano, rencontre Georgia, la fille d’un ancien magistrat fasciste dont la famille déchue vit recluse dans un palais vénitien. C’est le coup de foudre. Mais Georgia a été promise par sa famille au louche Raffaele qui les soutient financièrement… André Cayatte et Jacques Prévert ont entrepris de moderniser la tragédie de Shakespeare Roméo et Juliette, un exercice assez délicat. C’est incontestablement une réussite. Comme souvent avec Prévert, les amoureux sont des innocents, victimes de la noirceur de ceux qui les entourent. L’intrigue est assez épurée ce qui lui donne de la force. Le film bénéficie d’une belle interprétation, empreinte de sincérité même si Pierre Brasseur est parfois à la limite de sur-jouer, sans jamais franchir la ligne toutefois. Mais l’élément le plus remarquable est probablement la superbe photographie d’Henri Alekan, que ce soit en intérieur ou en extérieur. Les plans sur les visages d’Anouk Aimée et de Serge Reggiani sont d’une indicible douceur. La scène du coup de foudre sur le balcon est d’une grande beauté. Les amants de Vérone a été un peu éreinté par la critique qui, au lendemain de la guerre, aspirait à autre chose que ce grand classicisme.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Serge Reggiani, Anouk Aimée, Pierre Brasseur, Louis Salou, Martine Carol, Marcel Dalio
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Les amants de Vérone
Serge Reggiani et Anouk Aimée dans Les amants de Vérone de André Cayatte.

Les principales adaptations de la pièce de Shakespeare :
Romeo and Juliet de J. Gordon Edwards (1916) avec Theda Bara
Romeo und Julia im Schnee d’Ernst Lubitsch (1920) (parodie)
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de George Cukor (1936)
… avec Norma Shearer et Leslie Howard
Les Amants de Vérone d’André Cayatte (1949)
… avec Anouk Aimée et Serge Reggiani
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de Renato Castellani (1954)
… avec Laurence Harvey et Susan Shentall
Roméo et Juliette (Guiletta e Romeo) de Riccardo Freda (1964)
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de Franco Zeffirelli (1968)
… avec Leonard Whiting et Olivia Hussey
Roméo + Juliette (Romeo + Juliet) de Baz Luhrmann (1996)
… avec Leonardo DiCaprio et Claire Danes
Tromeo and Juliet de Lloyd Kaufman (1996) avec Jane Jensen et Will Keenan
Romeo and Juliet de Carlo Carlei (2013) avec Douglas Booth et Hailee Steinfeld

2 décembre 2013

Les Portes de la nuit (1946) de Marcel Carné

Les portes de la nuitA Paris, un soir de l’hiver qui a suivi la Libération, Jean Diego retrouve l’un de ses anciens camarades de Résistance. Alors qu’ils fêtent leurs retrouvailles dans un petit restaurant, un homme étrange qui prétend être le Destin, lui prédit qu’il va rencontrer la femme la plus belle du monde… Les Portes de la nuit est souvent considéré le dernier des « grands films » de Marcel Carné. C’est en tous cas, le dernier représentant de ce courant du « réalisme poétique » typique du cinéma français des années trente et le dernier film du tandem formé par Marcel Carné et Jacques Prévert. La gestation du film fut difficile (budget, acteurs) mais si le film est plutôt en deçà des grandes créations de ce merveilleux duo, c’est principalement du fait de l’interprétation. Au lieu du couple Marlene Dietrich / Jean Gabin initialement prévu, ce furent deux débutants qui tinrent les rôles principaux, Yves Montand et Nathalie Nattier ; assez logiquement, ils manquent de présence pour cette histoire très forte, superbement écrite, et qui mêle un amour impossible à l’épineuse question de la recherche des collabos. La musique de Joseph Kosma est remarquable avec, en point d’orgue, la chanson Les Feuilles mortes qui deviendra un impérissable classique. Les Portes de la nuit fut accueilli assez fraîchement et ce n’est que bien plus tard qu’il sera mieux considéré. Même si l’on peut regretter l’absence de grands acteurs qui l’auraient certainement propulsé au niveau de chef d’oeuvre, le film reste un grand film, à la fois beau et marquant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Yves Montand, Nathalie Nattier, Saturnin Fabre, Raymond Bussières, Jean Vilar, Julien Carette
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Remarques :
* La collaboration Carné/Prévert avait débuté dix ans plus tôt avec Jenny (1936). Elle a engendré des grands classiques du cinéma français : Drôle de drame (1937), Le Quai des brumes (1938), Le jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942), Les enfants du Paradis (1945). La seule infidélité de Carné à Prévert fut Hôtel du Nord (1938).
* « Ouvrir les portes de la nuit, autant rêver d’ouvrir les portes de la mer, le flot effacerait l’audacieux. » (Paul Eluard)
* Marlene Dietrich a refusé tout net interpréter la fille d’un collabo et Jean Gabin préférait tourner Martin Roumagnac, un rôle qui lui tenait à coeur.

18 mai 2012

Casque d’or (1952) de Jacques Becker

Casque d'orAu tout début du XXe siècle à Belleville, Marie, une jeune prostituée surnommée Casque d’or à cause de sa chevelure blonde, est avec Roland, un petit malfrat qui fait ses mauvais coups au sein d’une bande dirigée par un petit caïd respectable. Dans une guinguette, Marie rencontre Manda, un ancien voyou devenu honnête. Entre eux, c’est le coup de foudre… Jacques Becker recrée merveilleusement l’atmosphère des faubourgs de Paris des années 1900. Il s’attache surtout à décrire les hommes, les lieux qu’ils fréquentent (où la bonne bourgeoisie vient parfois s’encanailler), la force de l’appartenance à un clan. Simone Signoret et Serge Reggiani sont magnifiques, d’une beauté empreinte de naturel. Leur prestation est d’une grande force. Tous les seconds rôles sont parfaitement tenus, Jacques Becker montrant là une très grande maitrise. Il y a de très belles scènes : la guinguette, le combat et bien entendu ce superbe plan final sur le visage de Simone Signoret. A sa sortie, Casque d’or fut très mal accueilli par la critique française (en Angleterre, il fut en revanche porté aux nues). Devant cet insuccès, Jacques Becker déclara même qu’il trouvait que son film avait trop de temps morts. Les choses ont bien changé depuis puisqu’il est aujourd’hui classé parmi les meilleurs films du cinéma français. A juste titre.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Simone Signoret, Serge Reggiani, Claude Dauphin, Raymond Bussières, Loleh Bellon, Dominique Davray
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Remarque :
Le film est librement inspiré d’une affaire réelle datant de janvier 1902 : deux bandes rivales s’affrontent en une véritable bataille rangée dans le 20e arrondissement de Paris. L’objet de la querelle est une prostituée, Amélie Elie surnommée Casque d’or en raison de son abondante chevelure blonde ramenée sur le sommet de la tête. L’affaire est montée en épingle par la presse et c’est à cette occasion qu’un journaliste du Petit Journal crée le mot « apache » pour désigner les voyous qui agissent en bande : « Ce sont là des mœurs d’Apaches, du Far West, indignes de notre civilisation. Pendant une demi-heure, en plein Paris, en plein après-midi, deux bandes rivales se sont battues pour une fille des fortifs, une blonde au haut chignon, coiffée à la chien ! »
(« Fortifs » est un mot familier, tombé aujourd’hui en désuétude, qui désigne les fortifications qui ont entouré Paris jusqu’en 1919.)