28 octobre 2014

Livre : Panorama impertinent du cinéma français (2014)

de Pierre Bas – Editions Vendémiaire – 664 pages (2 volumes en coffret) – 16 €

Panorama impertinent du cinéma français Scénariste de formation, Pierre Bas s’est mis en tête de dresser une typologie du cinéma français. En étudiant les fondements de plusieurs centaines de films, il est ainsi parvenu à définir 20 genres différents qu’il nomme et caractérise, non sans humour : le premier, par exemple est le « film pique-nique » dont le leitmotiv est « la campagne est la mère patrie de chaque Français ». Il y a aussi le « film bonne conscience », le film « France d’autrefois », etc. Dans chacun de ces genres, il donne une description et une analyse de chaque film, et fait même des regroupements en quelques sous-familles. Il aborde et juge les films essentiellement sur le plan du scénario. Il sait faire  preuve d’humour surtout lorsqu’il a la dent dure…

Ce Panorama impertinent du cinéma français couvre principalement les films sortis ces trente dernières années. Il est étonnamment assez complet en matière de films marquants. La démarche de Pierre Bas est intéressante car elle nous propose un chemin à la fois amusant et édifiant pour porter un regard nouveau sur notre cinéma national. Et, au-delà de la mise en évidence des ressors scénaristiques et des buts recherchés par les scénaristes ou producteurs, cette démarche a également un intérêt sociologique puisqu’elle nous renvoie l’image de notre propre société.

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Le livre sur le site de l’éditeur
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Remarque :
La première édition est parue en 2012 sous le titre « Je vous trouve très conformiste » (Editions Vendémiaire, 413 pages, 26 €). La présente édition au format poche a été complétée avec notamment les films sortis depuis cette date.

27 octobre 2014

My Childhood / My Ain Folks / My Way Home (1972-1978) de Bill Douglas

1. My Childhood (Mon enfance) (48 mn, 1972)
2. My Ain Folks (Ceux de chez moi) (55 mn, 1973)
3. My Way Home (Mon retour) (71 mn, 1978)

Trilogie Bill DouglasDans cette trilogie qu’il a tournée entre 1972 et 1978, l’écossais Bill Douglas raconte son enfance dans un village minier, au lendemain de la guerre, non loin d’Édimbourg. L’histoire commence alors qu’il n’a que sept ans et se poursuit sur une période d’une dizaine d’années environ. Dans une extrême pauvreté, son enfance est profondément triste, faite de brimades, d’arrachement et de solitude. C’est un récit rude, sans édulcoration, réduit à l’essentiel, avec de longs plans. Tout en sachant éviter de tomber dans le misérabilisme, Bill Douglas raconte des scènes qui lui ont laissé un souvenir marquant, se concentrant parfois sur certains objets ; ce n’est donc pas une histoire continue. C’est un « récit émotionnel » dira t-il, description qui peut s’appliquer autant à lui qu’à nous tant il génère en nous des sentiments assez forts. Ce récit nous touche au plus profond de nous-mêmes, il est bien difficile de ne pas éprouver une profonde empathie pour ce jeune garçon. Les deux premiers volets sont particulièrement forts. Bill Douglas a utilisé des acteurs non professionnels ce qui ajoute à l’authenticité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Stephen Archibald, Hughie Restorick
Voir la fiche du film et la filmographie de Bill Douglas sur le site IMDB.

Remarques :
* Le premier volet de la trilogie a été tourné avec une bourse de 4 500 livres du British Film Institute. Le film ayant obtenu le Lion d’Argent au Festival de Venise en 1972, il trouvera des financements pour les deux volets suivants.

* Après cette trilogie, Bill Douglas (1934-1991) n’a tourné qu’un seul film : Comrades en 1986. Il a été en outre professeur à la National Film and Television School (NFTS).

* Bien qu’il ait tourné en couleurs, Bill Douglas a choisi de le tirer en noir et blanc pour donner une atmosphère empreinte de charbon (un seul passage est en couleurs au début de My Ain Folks, un court extrait d’un film avec Lassie que Jamie voit au cinéma)

25 octobre 2014

Le Bel Antonio (1960) de Mauro Bolognini

Titre original : « Il bell’Antonio »

Le bel AntonioAntonio Magnano est de retour chez ses parents à Catane en Sicile, avec une solide réputation de coureur de jupons acquise à Rome. A la grande satisfaction de ses parents, il épouse en grandes pompes Barbara Puglisi, fille de bonne famille, qu’il trouve très belle. A ses yeux, elle a un visage d’ange. Au bout d’une année, il apparaît que la jeune épouse est toujours vierge… Le Bel Antonio est originellement un roman de Vitaliano Brancati qui est ici adapté librement pour le cinéma par Pier Paolo Pasolini, ici scénariste (1). Utilisant le thème de l’impuissance, Pasolini et Bolognini dressent une critique d’une société archaïque et hypocrite, basée sur le patriarcat et l’omniprésence de la famille. La mise en scène de Bolognini est remarquable avec une photographie aux superbes contrastes signée Armando Nannuzzi. Mastroianni fait une très belle interprétation tout en douleur contenue et donne une image christique de son personnage, impression renforcée par le superbe plan final, ce reflet du visage de Mastroianni dans la vitre qui évoque le suaire de Turin.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, Pierre Brasseur, Rina Morelli, Tomas Milian
Voir la fiche du film et la filmographie de Mauro Bolognini sur le site IMDB.
Voir l’analyse du film sur le site DVD Classik

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(1) Le Bel Antonio marque la dernière collaboration de Mauro Bolognini avec Pier Paolo Pasolini qui va se consacrer ensuite à la réalisation. Pour Mauro Bolognini, cette séparation sera également un tournant dans son parcours.

Le Bel Antonio (Il bell'Antonio)Claudia Cardinale et Marcello Mastroianni dans Le Bel Antonio (Il bell’Antonio) de Mauro Bolognini.

24 octobre 2014

Prends l’oseille et tire-toi! (1969) de Woody Allen

Titre original : « Take the Money and Run »

Prends l'oseille et tire-toi!Fort de son succès en tant que scénariste et acteur comique, Woody Allen, âgé de 33 ans, passe à la réalisation pour se mettre lui-même en scène. Il utilise un scénario écrit de longue date avec un ami. Prends l’oseille et tire-toi! raconte l’histoire d’un pilleur de banques parfaitement atypique : malchanceux, maladroit, trouillard, le personnage ne correspond en rien à l’image du gangster. Le film a la forme d’un reportage sérieux avec commentaires en voix-off et témoignages à la clef (les parents n’ont accepté de témoigner qu’à la condition de porter des masques!) Cette forme permet à Woody Allen de placer un très grand nombre de gags, parfois très courts, toujours très inventifs et souvent mémorables (tels le joueur de violoncelle qui tente de suivre une fanfare en train de défiler, le caissier qui n’arrive pas à déchiffrer le mot transmis par le pilleur, le pistolet en savon, les forçats attachés, etc. etc.) Cette structure un peu morcelée est caractéristique de ses premiers films, Prends l'oseille et tire-toi!il faudra attendre Sleepers pour qu’il adopte une structure narrative continue. Avec Prends l’oseille et tire-toi!, Woody Allen se situe pleinement dans l’héritage direct de Chaplin et surtout des Marx Brothers (on notera que le masque utilisé par les parents est un masque de Groucho Marx).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Janet Margolin
Voir la fiche du film et la filmographie de Woody Allen sur le site IMDB.

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Prends l'oseille et tire-toi! (Take the Money and Run)Woody Allen et Janet Margolin dans Prends l’oseille et tire-toi! (Take the Money and Run) de Woody Allen.

23 octobre 2014

Maris et femmes (1992) de Woody Allen

Titre original : « Husbands and Wives »

Maris et femmesJudy et Gabe sont en couple depuis une dizaine d’années. Lorsque Jack et Sally, leurs meilleurs amis, leur annoncent de façon détachée qu’ils ont décidé de se séparer, c’est un véritable choc pour eux… A quelques semaines de sa propre séparation d’avec Mia Farrow, Woody Allen nous livre sa vision de la vie en couple, surtout après le passage du temps. Ce n’est pas, on s’en doute, une vision heureuse mais sans être sombre pour autant. A ses yeux, la vie en couple engendre des frustrations qui prennent du poids avec le temps, frustrations dont il met toutefois un point d’honneur à montrer l’inconsistance et qu’il tourne en dérision. Beaucoup ont trouvé que Mia Farrow n’était vraiment pas montré à son avantage (1) mais on peut en dire autant des autres personnages, le seul personnage épargné étant celui interprété par Woody Allen lui-même ! La construction est habile et plaisante avec cet entrelacs de scènes ponctuées par des interviews (par un psy ? un journaliste ?). L’impression d’être immergé au coeur de ces deux couples est renforcé par le choix technique d’une caméra à l’épaule qui se révèle toutefois franchement pénible : la première scène du film en est même inutilement stressante !
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Mia Farrow, Sydney Pollack, Judy Davis, Juliette Lewis
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Remarques :
* Dans son livre d’entretiens avec Stig Björkman, Woody Allen explique sa démarche :
« J’ai toujours trouvé que l’on perdait un temps fou à faire une belle image, raffinée et précise. Et j’ai fini par penser qu’il serait possible de réaliser des films dont le contenu primerait sur la forme. Je me suis dit : oublions la dolly, travaillons avec la caméra à l’épaule, pour tâcher de filmer ce qu’on peut. Cessons de nous soucier des questions d’étalonnage, de mixage, de privilégier la précision et voyons ce que ça donnera. Ne nous préoccupons pas des raccords, coupons là où ça nous chante, même au risque d’avoir des sautes. Faisons ce qui nous plaît, en ne privilégiant que le contenu du film. Et c’est ce que nous avons fait. »
Dans l’entretien (qui eut lieu en 1993), Woody Allen (tout comme Stig Björkman) est vraiment très satisfait du résultat et se promet de renouveler l’expérience !

* Maris et femmes est le dernier film de Woody Allen avec Mia Farrow, le premier étant Comédie érotique d’une nuit d’été, dix ans auparavant. Ils ont tourné 13 films ensemble. Leur séparation, très médiatisée, profita au film qui bénéficia d’une sortie dans plus de 800 salles aux Etats-Unis, soit la sortie la plus importante jamais accordée à un film de Woody Allen.

(1) Woody Allen a précisé que c’est le rôle de Sally qu’il avait écrit pour Mia Farrow mais que l’actrice avait préféré jouer Judy. On peut la comprendre toutefois car le personnage de la frigide Judy est encore plus malmené par le scénario…

Maris et femmes (Husbands and Wives)Mia Farrow et Woody Allen dans Maris et femmes (Husbands and Wives) de Woody Allen.

22 octobre 2014

Livre : Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction (2014)

de Frank Lafond – Editions Vendémiaire – 416 pages – 26 €

Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction Historien du cinéma, Frank Lafond nous propose ce Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction. Les entrées de ce dictionnaire sont constitués par des films (les plus remarquables), des réalisateurs, les thèmes majeurs (par exemple « voyage dans le temps », « fin du monde », « invasion », etc.), des motifs récurrents (personnages ou créatures, mais aussi objets) et enfin des procédés cinématographiques (« cadrage », « effets spéciaux », etc.)

De bonne longueur, chacun des articles va en profondeur de son sujet. En ce sens, c’est bien plus qu’un dictionnaire. Les films sont décrits et analysés, la filmographie d’un réalisateur est largement commentée. C’est dans les articles sur les thèmes que l’on peut mesurer la qualité du travail de l’auteur qui ne se contente pas de lister ou de répertorier,  il nous livre une vraie analyse du sujet. Le champ d’étude couvre toute l’histoire du cinéma, avec un bon équilibre entre les incontournables et des titres ou créateurs moins connus, tout en sachant que ce type d’ouvrage ne pourra jamais être exhaustif. Quelques photos sont regroupées sur une dizaine de pages en couleurs au centre de l’ouvrage. Au chapitre des regrets, citons l’absence d’index ou de liste des films cités.

Ce Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction est un ouvrage d’une belle profondeur dont la lecture est vraiment enrichissante. Un must pour les amateurs de cinéma de science-fiction et de fantastique.
Note: 5 étoiles

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Remarque :
Par rapport à l’encyclopédie de Jean-Pierre Andrevon parue en 2013 chez Rouge Profond, ce dictionnaire de Frank Lafond comporte certes moins d’entrées mais est plus analytique, chaque article étant bien plus étoffé.

21 octobre 2014

Mr. Smith au sénat (1939) de Frank Capra

Titre original : « Mr. Smith Goes to Washington »

Mr. Smith au sénatResponsable d’un groupe de boy-scouts, le jeune et idéaliste Jefferson Smith est choisi par le gouverneur de son état pour remplacer un sénateur décédé. Il ne sait pas que s’il a été choisi, c’est parce qu’il donne l’apparence d’être facilement contrôlable et qu’il ne pas gêner une importante malversation en-cours… Mr. Smith au sénat est considéré par beaucoup comme étant le meilleur film de Frank Capra ; c’est un film à la gloire de la démocratie américaine qui fut interdit dans plusieurs dictatures, un film qui a suscité des vocations politiques (1) en montrant comment un homme seul et ordinaire, naïf mais sincère, peut mettre à terre les plus puissants quand ils sont corrompus. On peut cependant trouver l’ensemble très manichéen, bourré d’archétypes et regretter que le scénario soit finalement peu développé : il s’attache surtout à susciter la sympathie envers le héros qui est particulièrement malmené et ridiculisé par ses pairs. Mais quoi qu’il en soit, le film a eu un impact considérable. Mr. Smith au sénat est l’archétype du film fédérateur, habité et porté par le souffle de grands idéaux. Plus encore, il nous montre un exemple à suivre. James Stewart, avec son image d’homme ordinaire, était bien l’acteur idéal pour le rôle. Sa prestation est un peu inégale, il surjoue son personnage la plupart du temps mais sa prestation finale est impressionnante (2). Mr. Smith au sénat est en tous cas un film intéressant à voir et à analyser.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Arthur, James Stewart, Claude Rains, Edward Arnold
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Remarques :
* Dans un premier temps, le film avait été mal accueilli par la presse (qui n’est pas toujours montrée à son avantage) et aussi par certains hommes politiques. Des voix se sont élevées pour souligner que le film risquait de donner une mauvaise image de la démocratie américaine. Il est vrai qu’il y a deux choses dans le film : d’une part, le fait que cette démocratie permet à quelques hommes puissants de contrôler journaux et politique et de les utiliser à des fins pas toujours avouables, et d’autre part, le fait qu’elle donne la possibilité à n’importe quel quidam de détruire leur pouvoir excessif. Dans la perception du film par le public, c’est ce deuxième aspect qui a prévalu. Peu importe que Jefferson Smith n’y parvienne qu’à la suite d’un concours de circonstances bien peu crédible, le fait qu’il puise sa volonté et sa droiture dans les paroles des pères de la démocratie balaye tout.

* Originellement, le film comportait une scène finale où le sénateur Smith rentrait chez lui pour être ovationné. Toute cette scène fut coupée après projection à un public-test mais on peut en voir des extraits dans la bande annonce du film.

(1) Frank Capra a dit avoir reçu beaucoup de lettres de personnes qui, inspirés par le film, avaient choisi d’entrer en politique.
(2) Pour obtenir la voix cassée de la scène finale

Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington)James Stewart et Jean Arthur dans Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington) de Frank Capra.

20 octobre 2014

L’Opinion publique (1923) de Charles Chaplin

Titre original : « A Woman of Paris: A Drama of Fate »

L'opinion publiqueDans un petit village de France, Marie Saint-Clair désire fuir un père tyrannique pour se rendre à Paris avec Jean, son fiancé. Ce dernier lui ayant fait faux bond, c’est seule qu’elle doit se chercher une nouvelle vie. Un an plus tard, elle mène une vie de courtisane mondaine…
Aspirant à plus de liberté créative que ne lui offrait son personnage de vagabond, Charles Chaplin écrit et réalise L’Opinion publique, son deuxième long métrage, un film assez atypique dans sa filmographie. C’est un film dramatique, dans lequel il n’apparait pas (1)(2), sans ressort comique (3). Il a tourné cette histoire de triangle amoureux quasi tchékhovien sans scénario formel et sa mise en scène est à la fois sobre, d’une simplicité limpide et assez moderne dans son approche. Le film est remarquable d’équilibre, l’intensité dramatique est forte, sans effet trop appuyé et surtout bien contrebalancée par la folle insouciance des personnages. Premier film de Chaplin pour les Artistes Associés dont il est l’un des quatre fondateurs, L’opinion publique fut un échec commercial, le public n’acceptant ce changement de registre et son absence à l’écran. Chaplin était en quelque sorte prisonnier de son personnage. Il ne renouvellera pas l’expérience. (film muet)
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Edna Purviance, Carl Miller, Adolphe Menjou
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Remarques :
* Le premier titre prévu pour le film était Destiny, puis Public Opinion ce qui explique le titre français.

* Le film avait une préface qui éclaire bien la vision de Chaplin :
« L’humanité est composée, non de héros et de traitres, mais simplement d’hommes et de femmes. Et les passions qui les agitent, bonnes ou mauvaises, c’est la nature qui les leur a données. Ils errent dans l’aveuglement. L’ignorant condamne leurs fautes, le sage les prend en pitié. »
A propos de cette dernière phrase, on pourra remarquer que tout jugement moral est effectivement absent du film.

* La scène qui fut la plus remarquée est celle de l’arrivée du train en gare : le train n’apparait pas à l’image, nous ne voyons que les lumières des wagons (c’est un train de nuit) qui se déplacent sur le mur de la gare alors que la caméra reste centrée sur Edna Purviance qui s’apprête à monter dans le train. Cette façon de placer l’action hors champ était inhabituelle dans le cinéma de l’époque (et rappelons qu’il n’y a pas de bruitages de train non plus puisqu’il s’agit d’un film muet).

* Deux fins ont été tournées : celle que l’on connait (le croisement anonyme) destinée au public américain et une autre, moins morale, pour le public européen : Marie revient vers Pierre après le suicide de Jean.

* Dans l’esprit de Chaplin, A Woman of Paris devait donner un nouvel élan à la carrière d’Edna Purviance en lui ouvrant la possibilité de rôles dramatiques car lui-même ne désirait plus la faire apparaitre dans ses films. Ce ne fut pas le cas mais Chaplin ne l’abandonna pas pour autant car il continua à donner un salaire à l’actrice jusqu’à la fin de ses jours.

* En revanche, le film fut un tremplin pour la carrière d’Adolphe Menjou (américain de naissance, français par son père et irlandais par sa mère) et il continuera à exceller dans ces rôles de playboy mondain, hédoniste et jouisseur.

(1) En réalité, Chaplin apparaît à l’écran quelques secondes en porteur à la gare mais il est impossible de le reconnaitre.
(2) Il faudra attendre 1967 et La Comtesse de Hong Kong, son dernier film, pour voir un autre film de Chaplin dans lequel il ne joue pas.
(3) Au registre de l’humour, il faut quand même citer la scène où la femme jette son collier par la fenêtre pour montrer son détachement des choses matérielles à son amant… avant de se précipiter dans la rue pour l’arracher des mains d’un vagabond qui venait de le ramasser. Et, touche sublime, après quelques pas, elle fait demi-tour et revient donner une pièce au vagabond.

L'Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate)Carl Miller et Edna Purviance dans L’Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate) de Charles Chaplin.

19 octobre 2014

La Femme du dimanche (1975) de Luigi Comencini

Titre original : « La donna della domenica »

La femme du dimancheA Turin, le commissaire Santamaria (Marcello Mastroianni) enquête sur le meurtre d’un architecte poseur et obsédé sexuel. Ses recherches le mènent directement à interroger des membres de la haute bourgeoisie de la ville, notamment Massimo Campi (Jean-Louis Trintignant) riche bourgeois homosexuel et son amie Anna Carla Dosio (Jacqueline Bisset) la jeune femme oisive d’un riche industriel… L’adaptation de ce best-seller de Carlo Fruttero et Franco Lucentini a été écrite par le fameux duo Age et Scarpelli. Certes, La Femme du dimanche n’est pas un des films majeurs de Luigi Comencini mais il constitue une intéressante tentative de mêler intrigue policière et analyse sociale. La femme du dimanche Alors que ses producteurs le pressaient d’en faire un film policier grand public, Comencini a su, en filigrane, mettre en évidence les rapports de classe dans une ville, Turin, où il y a environ 700 000 siciliens, les pauvres, et 300 000 turinois, les riches (1). Avec tant de talents réunis, on peut se demander pourquoi le film n’est au final pas plus convaincant. Peut-être est-ce du à la dose d’humour introduite qui nous pousse à ne pas prendre tout cela très au sérieux. De ce fait, La Femme du dimanche manque quelque peu de force mais son contenu assez subtil le rend intéressant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Jacqueline Bisset, Jean-Louis Trintignant, Aldo Reggiani
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Remarque :
* La musique est d’Ennio Morricone.

(1) Ces chiffres sont donnés par Jean-Louis Trintignant dans une interview télévisée à propos du film. (Voir…)

La Femme du dimanche (La donna della domenica)Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset dans La Femme du dimanche (La donna della domenica) de Luigi Comencini.

18 octobre 2014

Samson et Dalila (1949) de Cecil B. DeMille

Titre original : « Samson and Delilah »

Samson et DalilaMille ans avant Jésus-Christ, la tribu hébraïque des Danites vit sous le joug de Philistins brutaux. Samson, un berger à la force prodigieuse, voudrait libérer son peuple mais il s’éprend de la fille d’un riche marchand philistin… Inspiré de la Bible (le Livre des Juges de l’Ancien Testament), Samson et Dalila est avec Les Dix Commandements le péplum le plus populaire de Cecil B. DeMille. C’est un film grand spectacle en couleurs dont certaines scènes (le combat à mains nues avec un lion et, bien entendu, la démolition du temple) appartiennent à la mythologie du cinéma. Sur un fond (assez récurrent dans les péplums hollywoodiens) de lutte contre le paganisme, Samson et Dalila est avant tout une histoire d’amour impossible, assez fortement chargée d’un érotisme plutôt suggestif. Samson et Dalila Hedy Lamarr, actrice surnommée « la belle femme du monde » (1), et Victor Mature sont avant tout des corps qui ont une présence phénoménale à l’écran. Hedy Lamarr incarne de façon ardente la femme fatale et George Sanders apporte une petite touche de subtilité. La mise en scène un peu statique de Cecil B. DeMille apporte une certaine solennité qui sied au récit. Samson et Dalila est un cocktail savamment dosé, ce qui lui permet d’être toujours aussi plaisant à regarder aujourd’hui.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Hedy Lamarr, Victor Mature, George Sanders, Angela Lansbury, Henry Wilcoxon
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(1) « The Most Beautiful Woman in Films ». Ce surnom lui avait été donné par Louis B. Mayer.

Samson et Dalila (Samson and Delilah)Hedy Lamarr dans Samson et Dalila (Samson and Delilah) de Cecil B. DeMille.