3 décembre 2019

Laissez bronzer les cadavres (2017) de Hélène Cattet et Bruno Forzani

Laissez bronzer les cadavres! (Laissez bronzer les cadavres)Après avoir braqué violemment un fourgon blindé, Rhino et sa bande sont allés se réfugier dans un village abandonné sur les hauteurs de la côte méditerranéenne où ne vivent qu’une artiste en mal d’inspiration et un écrivain bohême…
Laissez bronzer les cadavres est l’adaptation d’un roman de la Série noire coécrit par Jean-Patrick Manchette (son premier roman en 1971) avec Jean-Pierre Bastid. Hélène Cattet et Bruno Forzani sont un couple de cinéastes français vivant à Bruxelles. Leur film est très stylé, dans l’esprit du début des années soixante-dix, puisant largement dans le western italien. Les effets de style sont très appuyés : très gros plans, plans esthétiques, images psychédéliques, musique style Morricone. Quelques séquences érotico-oniriques lorgnent plus franchement vers le giallo (cinéma d’exploitation italien des années 60 et 70) et paraissent un peu grotesques (on peut toujours se dire que c’est une satire). Le côté « sanglant » est toutefois bien contenu et l’ensemble reste visible. Tout cela est plaisant mais on peut regretter que les réalisateurs n’apportent pas un réel plus à cet exercice de pur esthétisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Bernie Bonvoisin, Michelangelo Marchese, Marc Barbé
Voir la fiche du film et la filmographie de Hélène Cattet et Bruno Forzani sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Laissez bronzer les cadavresLe lieu de l’action de Laissez bronzer les cadavres de Hélène Cattet et Bruno Forzani.

Remarque:
Laissez bronzer les cadavres est le troisième long métrage du couple qui a également signé une demi-douzaine de courts-métrages.

17 mars 2015

Allemagne année zéro (1948) de Roberto Rossellini

Titre original : « Germania, anno zero »

Allemagne année zéroEté 1947. Dans Berlin en ruines, une famille se débat pour survivre : le père est très malade, le fils aîné, ancien soldat de la Wehrmacht, ne sort jamais par crainte de se déclarer, sa soeur fréquente les bars le soir pour gagner un peu d’argent mais refuse de tomber dans la prostitution. C’est Edmund, le plus jeune fils, qui est le plus actif. Il tente de rendre divers services, va vendre des choses au marché noir… Après Rome, ville ouverte et Paisa, Allemagne année zéro clôture la trilogie néoréaliste de Rossellini sur la guerre après laquelle le réalisateur ira vers des films plus intimistes. Ce film est très différent des deux premiers car d’une part il nous montre les conséquences de la guerre non plus du côté italien mais du côté de l’agresseur et, d’autre part, tout est montré par les yeux d’un enfant, être innocent par essence (1). Ce choix est important car il permet d’évacuer toute accusation sur la conduite passée pour se concentrer sur les mécanismes moraux qui ont abouti à ce désastre. Le récit est à la fois intense et très authentique, presque documentaire, au plus haut point néo-réaliste dans son approche : à travers les yeux d’un enfant, c’est l’état de toute une société qui nous est montré. Cet enfant sera amené à accomplir des actes dont la portée le dépasse totalement et dont il sera la victime innocente.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Edmund Moeschke, Ernst Pittschau, Ingetraud Hinze, Franz-Otto Krüger, Erich Gühne
Voir la fiche du film et la filmographie de Roberto Rossellini sur le site IMDB.

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Allemagne année zéro de Roberto Rossellini
Edmund Moeschke, l’enfant de Allemagne année zéro de Roberto Rossellini

Rossellini expose ses intentions sur Allemagne année zéro :
« Les Allemands étaient des êtres humains comme les autres ; qu’est-ce qui a pu les amener à ce désastre ? La fausse morale, essence même du nazisme, l’abandon de l’humilité pour le culte de l’héroïsme, l’exaltation de la force plutôt que celle de la faiblesse, l’orgueil contre la simplicité. C’est pourquoi j’ai choisi de raconter l’histoire d’un enfant, d’un être innocent que la distorsion d’une éducation utopique amène à perpétrer un crime en croyant accomplir un acte héroïque. Mais la petite flamme de la morale n’est pas éteinte en lui : il se suicide pour échapper à ce malaise à cette contradiction. »

Il poursuit avec cette intéressante vision/définition du néo-réalisme :
« Le néo-réalisme consiste à suive un être, avec amour, dans toutes ses découvertes, toutes ses impressions. Il est un être tout petit au-dessous de quelque chose qui le frappera effroyablement au moment précis où il se trouve librement dans le monde, sans s’attendre à quoi que ce soit. Ce qui importe avant tout pour moi, c’est cette attente ; c’est elle qu’il faut développer, la chute devant rester intacte. »
(Les Cahiers du Cinéma n°50 (août-sept. 1955) et 52 (nov. 1955) : Dix ans de cinéma par Roberto Rossellini)

Alleùagne année zéro

L’enfant Edmund et son père (Edmund Moeschke et Ernst Pittschau) dans Allemagne année zéro de Roberto Rossellini

(1) Il est impossible de ne pas rapprocher également ce choix à la tragédie qui frappait Rossellini à la même époque. Le réalisateur venait de perdre son fils aîné (d’une appendicite aigüe à l’âge de 9 ans). Il lui a dédié son film et a probablement choisi l’acteur Edmund Moeschke en partie pour sa légère ressemblance avec son fils.

3 mars 2015

Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Titre original : « Paisà »

PaïsaSix sketches dans l’Italie en guerre entre l’été 1943 et le printemps 1945. 1) En Sicile, lors du débarquement de juillet 1943, une petite troupe de soldats américains se fait guider par une jeune fille qui sera accusée à tort. 2) A Naples, un gamin vole les chaussures d’un soldat américain. Lorsqu’il retrouve l’enfant, il entreprend de le ramener à ses parents mais découvre qu’il est orphelin et vit dans une misère la plus totale. 3) A Rome, une jeune fille devenue prostituée ramasse un soldat américain saoul et reconnait celui qu’elle avait accueilli six plus tôt et qui avait promis de venir la chercher. 4) A Florence, en pleine bataille pour la libération de la ville, une infirmière anglaise cherche à rejoindre le chef des partisans avec qui elle avait eu une aventure avant la guerre. 5) Dans l’Apennin du Nord, trois aumôniers militaires américains sont accueillis pour la nuit dans un couvent franciscain. Lorsque les moines réalisent que l’un est protestant et l’autre juif, ils décident de jeuner pour obtenir leur conversion. 6) Dans le delta du Pô, des partisans en petit nombre et quelques parachutistes alliés se battent désespérément contre les Allemands dans les marais… En suivant la progression des Alliés, du sud au nord, les six sketches de Païsa nous dressent un portrait de l’Italie se libérant du joug allemand, un portrait d’un réalisme presque documentaire et présentant la situation du peuple italien sous de nombreuses facettes. Tourné peu de temps après les évènements qu’il relate, au milieu du grouillement des rues encore emplies de soldats alliés et des décombres, Païsa est plus qu’un témoignage, c’est une réflexion sur l’avenir de son pays et des hommes qui le composent. Le plus étonnant, c’est le recul dont fait preuve Rossellini alors que ces évènements n’ont que quelques mois, que l’avenir est totalement incertain. La vision qu’il nous propose semble être à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Rome, ville ouverte était une vision à l’échelle d’une ville, Paisa est à l’échelle d’un pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maria Michi, Harriet Medin, William Tubbs
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Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Remarques :
* Coscénariste et assistant sur le tournage de Païsa, Federico Fellini raconte : « Je crois avoir appris de Rossellini ­ un apprentissage jamais traduit en paroles, jamais exprimé, jamais transformé en programme ­ la possibilité de marcher en équilibre au milieu des conditions les plus hostiles, les plus opposées, et en même temps la capacité naturelle de tourner à son propre avantage ces adversités, de les transformer en un sentiment, en des valeurs émotionnelles, en un point de vue. »

* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste de Rossellini ».

Païsa (1946) de Roberto Rossellini
Gar Moore et Maria Michi dans la troisième séquence de Païsa de Roberto Rossellini

22 septembre 2012

Le troisième homme (1949) de Carol Reed

Titre original : « The third man »

Le troisième hommePeu après la fin de la guerre, l’écrivain de romans populaires Holly Martins arrive à Vienne sans un sou en poche pour retrouver son ami Harry Lime qui lui a promis un emploi. Il apprend que son ami vient juste d’être tué dans un accident. Les circonstances de sa mort lui paraissent bien obscures… Adaptation d’un roman de Graham Greene, Le troisième homme a connu un grand succès populaire et cinéphilique : c’est l’un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma et certainement le film anglais le plus connu. Ce succès, il le doit à son atmosphère si particulière, pleine de mystère avec ses scènes nocturnes et ses coins sombres, beaucoup de scènes ayant été tournées sur place dans la Vienne à demi-dévastée. Il le doit aussi et surtout à la musique jouée la cithare d’Anton Karas qui eut un succès immense à l’époque, devenant ainsi un grand atout publicitaire pour le film ; elle reste aujourd’hui l’une des musiques de film les plus connues. Auprès des cinéphiles, l’aura du Troisième homme fut encore plus forte à la suite de rumeurs liées à la présence d’Orson Welles : l’acteur/réalisateur aurait, disait-on, fortement influencé le tournage et même modelé le scénario, le style général du film et la présence de Joseph Cotten appuyant ces croyances. En réalité, l’action d’Orson Welles est limitée à quelques répliques, dont sa fameuse sur le coucou suisse(1), et l’idée du plan des doigts à travers la grille. Le troisième homme montre des influences diverses, reprend certains des codes du film noir, évoque beaucoup les films d’Hitchcock dans sa période anglaise. Carol Reed fait ici un usage assez immodéré du Dutch angle(2). Même si sa réputation peut paraître excessive, Le troisième homme est un très bon film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joseph Cotten, Alida Valli, Orson Welles, Trevor Howard
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Remarque :
Le troisième homme est produit par Alexandre Korda et David O. Selznick. Ce sera la seule collaboration entre ces deux grands producteurs. Carol Reed est également coproducteur.

(1) Pour justifier ses actes odieux, Harry Lime (Orson Welles) a cette formule restée célèbre : « En Italie, pendant trente ans sous les Borgia, ils ont eu guerre, terreur, meurtres et massacres mais cette période a produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu cinq cent ans d’amour fraternel, de démocratie et de paix et qu’ont-ils produit ? Le coucou ! »
Dans ses entretiens avec Bogdanovitch, Orson Welles raconte qu’à la sortie du film, des suisses lui ont gentiment fait remarquer que le coucou n’avait pas été inventé en Suisse mais en Bavière.
On pourrait aussi lui faire remarquer qu’à l’époque de la Renaissance, l’armée suisse était l’une des plus redoutables et redoutées d’Europe (il suffit de lire Machiavel qui mentionne souvent son efficacité dans L’art de la guerre).

(2) Le terme Dutch angle (ou Dutch tilt ou German angle) désigne la technique qui consiste à pencher légèrement la caméra sur le côté pour faire un cadrage oblique et créer ainsi un sentiment d’insécurité, de léger malaise (en français, plan hollandais peut être parfois utilisé, ou même cadrage oblique).

26 mai 2012

Berlin Express (1948) de Jacques Tourneur

Berlin ExpressJuste après la fin de la seconde guerre mondiale, un américain, un anglais, une française et un officier russe assistent à une tentative d’attentat dans un train. La personne visée est un professeur allemand chargé par alliés de présider une commission pour l’unification de l’Allemagne vaincue… Berlin Express est remarquable comme étant le premier film américain tourné dans l’Allemagne de l’après-guerre. Le film a ainsi un réel aspect documentaire : il montre les villes dévastées de Frankfort et de Berlin, vaste champs de ruines où les cigarettes jouent le rôle de monnaie. L’histoire, écrite par Curt Siodmack (frère de Robert Siodmack), est certainement moins remarquable, prônant l’entente entre les peuples tout en restant dans les stéréotypes. Elle montre toutefois les difficultés de l’Europe à se reconstruire, une impérieuse nécessité qui demandaient à surmonter les divisions, sans sous-estimer le danger de la présence des nostalgiques du nazisme. La mise en place de l’intrigue est très bien réalisée, avec un puzzle qui s’assemble peu à peu et une voix-off qui fait naître la tension. L’interprétation manque sans doute un peu d’éclat, Merle Oberon a ici peu de présence. Tout en restant en deçà des grands films de Jacques Tourneur, Berlin Express reste très intéressant à regarder.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Merle Oberon, Robert Ryan, Charles Korvin, Paul Lukas
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