14 septembre 2015

La Chronique de Grieshuus (1925) de Arthur von Gerlach

Titre original : « Zur Chronik von Grieshuus »

La Chronique de Grieshuus Au XVIIe siècle dans le Holstein (région d’Allemagne touchant le Danemark, au nord de Hamburg), le seigneur de Grieshuus voit en son fils aîné Hinrich son digne héritier, tandis que le cadet, qu’il n’aime guère, fait des études de droit en ville. Mais Hinrich tombe amoureux de Bärbe, la fille d’un serf et le maître ne peut accepter cette idylle… Le nom du réalisateur, Arthur von Gerlach, n’évoquera certainement rien à la plupart des amateurs de cinéma et pour cause : on ne lui connait qu’une autre réalisation (1). Et pourtant, La Chronique de Grieshuus, récemment redécouvert, fut un film majeur de la grande époque de l’UFA. L’adaptation de ce conte de Theodor Storm, écrivain inspiré par les landes austères et romantiques de son Allemagne du Nord natale, est signée Thea von Harbou (scénariste et épouse de Fritz Lang). Il s’agit d’un sombre récit d’amour impossible et de lutte fratricide, un mélodrame assez appuyé avec un final teinté d’expiation. Les éclairages, notamment en intérieurs, sont tout à fait dans l’esprit du clair-obscur, plutôt impressionniste (2), avec une belle utilisation de voiles de lumière. Le chef-opérateur est le talentueux Fritz Arno Wagner que l’on connait surtout pour avoir travaillé pour Murnau et Fritz Lang. La production s’est étalée sur presque deux années pour un tournage dans les vastes studios de Babelsberg (dans la banlieue de Berlin) qui n’avaient alors rien à envier à ceux d’Hollywood. La restauration du film est assez remarquable. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Arthur Kraußneck, Paul Hartmann, Rudolf Forster, Lil Dagover
Voir la fiche du film et la filmographie de Arthur von Gerlach sur le site IMDB.

La Chronique de Grieshuus
(de g. à d.) Paul Hartmann, Rudolf Forster et Arthur Kraußneck dans La Chronique de Grieshuus de Arthur von Gerlach. L’éclairage est superbe, un véritable tableau…

(1) La noce au pied de la potence (Vanina oder Die Galgenhochzeit) avec Asta Nielsen et Paul Wegener (1922), adaptation d’un roman de Stendhal.
La carrière d’Arthur von Gerlach a été brutalement interrompue par son décès prématuré en 1925.
(2) C’est ainsi que les décrit assez justement Lotte Eisner dans son ouvrage « L’écran démoniaque » (Ramsay).

4 septembre 2015

Jour de colère (1943) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « Vredens dag »
Autre titre : « Dies Irae »

Dies iraeDans le Danemark de 1623, le pasteur d’un village a recueilli et épousé une très jeune femme, du même âge que son fils issu d’un premier mariage. Celui-ci rentre vivre avec son père au moment où le pasteur fait brûler vive une femme accusée de sorcellerie… Après l’échec commercial de Vampyr, Dreyer reste dix ans sans tourner. Ce n’est qu’en 1943, alors que son pays est occupé, qu’il parvient à réaliser ce Jour de colère, une histoire de sorcellerie et d’amour impossible dans l’austère Danemark du XVIIe siècle. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Wiers-Jenssen que Dreyer avait vue presque vingt ans auparavant. Le film est remarquable par sa très grande beauté formelle. Les décors sont épurés (mais sans avoir l’abstraction de ceux de Jeanne d’Arc) et les éclairages particulièrement travaillés, avec une superbe répartition  des noirs et des blancs. Le film a souvent été rapproché des peintures de Rembrandt, certains le qualifiant même de « Rembrandt vivant ». L’image évoque la peinture non seulement par l’éclairage mais aussi par le placement des personnages : c’est particulièrement net dans les plans sur les jurés par exemple. Il faut aussi mentionner les panoramiques tournants savamment synchronisés (1). Toute cette beauté plastique peut toutefois nous détacher du récit : la scène de torture de la vieille femme accusée devient ainsi objet d’émerveillement visuel alors qu’elle est bien entendu atroce sur le fond. Cette scène évoque bien entendu les pratiques des occupants nazis. Et pour rester sur le fond, André Bazin a souligné avec justesse que le désespoir final de la jeune femme peut exprimer aussi bien l’aveu que le mensonge. De son côté, Georges Sadoul affirme que Dreyer croit à la sorcellerie, ce qui semble effectivement probable mais pas certain, toutefois. Jour de colère est un très beau film : rarement l’austérité et la beauté formelle n’ont été si harmonieusement accordées.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lisbeth Movin, Thorkild Roose, Preben Lerdorff Rye, Sigrid Neiiendam, Anna Svierkier
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Jour de colère
Lisbeth Movin dans Jour de colère de Carl Theodor Dreyer.

(1) Le panoramique sur les enfants de choeur lors des funérailles est d’une perfection absolue : les enfants tournent autour de la pièce et la camera tourne dans le même sens mais un peu plus lentement, créant ainsi un mouvement apparent inverse dont le décalage rythmé par leurs chants. Du grand art.

1 août 2015

Légendes d’automne (1994) de Edward Zwick

Titre original : « Legends of the Fall »

Légendes d'automneAu tout début du XXe siècle, un ex-colonel de l’armée élève ses trois fils dans un ranch isolé du Montana avec ses amis indiens. Le plus jeune des trois qui vient de finir ses études dans l’Est revient au ranch avec sa jeune fiancée… Adapté d’une nouvelle de Jim Harrison, Légendes d’automne est une des ces grandes sagas familiales dont les américains ont le secret. Amour impossible, drames familiaux, trahisons, bravoure, tous les éléments sont réunis pour un cocktail savamment dosé d’émotions intenses. Les yeux s’humectent effectivement à plusieurs reprises mais le déroulement du récit montre vite une certaine artificialité : tout semble trop bien réglé, terriblement prévisible. Le film commence alors à paraître bien long (2h15, c’est pourtant à peine supérieur au minimum syndical des sagas familiales). La photographie est superbe, utilisant parfaitement les belles étendues du Montana (ce fut filmé un peu plus au nord, au Canada). Brad Pitt chevauchant avec ses longs cheveux blonds au vent est terriblement photogénique. En revanche, son jeu ne se montre pas vraiment convainquant, c’est également le cas des autres acteurs qui ne se montrent guère concernés.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Brad Pitt, Anthony Hopkins, Aidan Quinn, Julia Ormond, Henry Thomas
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Legends of the Fall
Aidan Quinn, Henry Thomas et Brad Pitt sont les trois frères de Légendes d’automne de Edward Zwick.

13 juillet 2015

Une bonne planque (1972) de Alberto Lattuada

Titre original : « Bianco, rosso e… »

Une bonne planqueRapatriée de Lybie après le coup d’état de Kadhafi, soeur Germana est nommée supérieure d’un hôpital dans le nord de l’Italie. Elle se retrouve face à un « convalescent chronique » soutenu par le maire communiste ; il occupe une chambre alors qu’il n’est pas malade et semble se mêler de tout… Une bonne planque (titre français particulièrement ridicule) est une histoire assez surprenante, celle d’un amour impossible entre une nonne et un communiste militant. L’idée de base est assez prometteuse et la mise en place se révèle assez intrigante et plutôt bien faite. Sophia Loren est impériale dans ce rôle de mère supérieure qui dirige son hôpital avec fermeté. On remarque au passage que les habits de nonne n’enlèvent rien à sa beauté, elle se révèle être sans conteste la plus séduisante des nonnes… Hélas, le film semble partir ensuite dans plusieurs directions, tirant souvent vers la comédie, des scènes qui semblent plaquées sur le reste. L’ensemble n’est pas exempt de lourdeur et la musique qui veut se donner des airs d’Ennio Morricone n’arrange rien. Le film est plutôt à ranger du côté des curiosités, c’est un peu dommage car l’histoire méritait mieux.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Sophia Loren, Adriano Celentano, Fernando Rey
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Une bonne planque
Sophia Loren dans Une bonne planque de Alberto Lattuada.

Remarques :
* Le titre original Bianco, rosso e… (« blanc, rouge et… ») fait référence aux drapeaux libyen (celui de la République arabe libyenne de 1969 : blanc, rouge et noir) et italien (blanc, rouge et vert) mais il fait aussi référence à la blancheur de l’habit de nonne et au rouge du communisme…

* Le scénario est signé Jaja Fiastri et Tonino Guerra ; ce dernier est un scénariste italien majeur qui a notamment écrit pour Antonioni, Rosi, Fellini…

3 juin 2015

Le Mystère de la section 8 (1937) de Victor Saville

Titre original : « Dark Journey »

Le Mystère de la section 81915, la Première Guerre mondiale. Dans la capitale de la Suède qui s’est déclarée neutre, Madeleine Goddard est à la tête d’un magasin de mode qui vend des robes faites à Paris. Elle travaille aussi pour les services secrets et fait passer des informations…
Réalisé par le britannique Victor Saville et produit par Alexander Korda, Dark Journey est pour la jeune Vivien Leigh la première occasion d’être tout en haut de l’affiche (1). L’actrice y montre déjà une belle aisance qui couplée à sa beauté naturelle lui donne une grande présence à l’écran. Elle forme un beau couple avec le grand séducteur Conrad Veidt (l’acteur allemand dont l’épouse était juive s’était réfugié à Londres). L’actrice a avoué ne pas tout avoir compris dans cette histoire, il faut dire que la neutre Stockholm est présentée comme une place où les agents (parfois doubles) des différentes nations en guerre se font face et se côtoient (2). Cela engendre des situations assez compliquées car on ne sait pas toujours très bien qui est avec qui et contre qui. Soulignons que le but du propos n’est visiblement pas d’exalter la fibre patriotique, on ne prend pas partie car c’est l’amour qui au final est le plus fort. L’ensemble est de bonne facture, porté par la présence lumineuse de Vivien Leigh.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Conrad Veidt, Vivien Leigh, Joan Gardner
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Dark Journey
Vivien Leigh et Conrad Veidt dans Le Mystère de la section 8 de Victor Saville

Remarque :
* La base de l’histoire est de Victor Saville lui-même avec l’aide de l’américain John Monk Saunders et du scénariste de Korda, Lajos Biró.

(1) Victor Saville avait prévu d’engager Miriam Hopkins mais le producteur Alexander Korda la subtilisa pour un autre film (Men are not Gods, 1936) et lui proposa la jeune Vivien Leigh à la place.

(2) Sur ce plan, on peut faire le parallèle avec Casablanca, film où Conrad Veidt joue également (l’officier allemand de la Gestapo).

Dark Journey
Conrad Veidt et Vivien Leigh dans Le Mystère de la section 8 de Victor Saville

16 mai 2015

Merci la vie (1991) de Bertrand Blier

'Merci la vie'Dans une station vide en bord de mer, l’adolescente Camille pousse son caddie plein de poissons où s’accrochent des mouettes. Elle trouve au milieu de la rue Joëlle, jeune femme inanimée en robe de mariée qui vient de se faire abandonner brutalement par un homme en voiture de sport. Elle la ramène chez elle… Ecrit et réalisé par Bertrand Blier, Merci la vie a souvent été décrit comme une sorte de pendant féminin à Les Valseuses. Il est bien plus abouti toutefois. Le film nous surprend constamment, se jouant des codes et des interdits du cinéma, assemblant les scènes en un patchwork imprévisible, brouillant les époques, passant sans crier gare de la couleur au noir et blanc (sépia en réalité). Le burlesque et le dramatique se télescopent, la réalité et le fantasme n’ont plus de séparation nette. Merci la vie est un grand film surréaliste… Sur le fond, Bertrand Blier pointe du doigt certains désordres de notre civilisation : le désert affectif en premier lieu, la difficulté d’aimer et d’être aimé (Camille doit même pousser son père à faire l’amour à sa mère pour pouvoir être conçue), les multiples obstacles à l’amour que sont la guerre, les maladies (le film a été écrit en pleine « explosion » du sida), la vieillesse, etc. Merci la vie est un film brillant et insolent dans lequel il faut se laisser aller car, comme l’a dit Bertrand Blier lui-même, c’est « un film d’émotions ».
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Charlotte Gainsbourg, Anouk Grinberg, Michel Blanc, Jean Carmet, Annie Girardot, Jean-Louis Trintignant, Catherine Jacob, Gérard Depardieu
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Merci la vie
Charlotte Gainsbourg et Anouk Grinberg dans ‘Merci la vie’ de Bertrand Blier.

12 avril 2015

Tourments (1964) de Mikio Naruse

Titre original : « Midareru »

TourmentsMariée très jeune, Reiko ne l’est restée que quelques mois, son jeune mari étant mort à la guerre. Depuis dix-huit ans, elle s’est entièrement dévouée à faire prospérer le commerce de sa belle famille tout en espérant que le jeune frère de son défunt mari prenne un jour le relais. Il a maintenant 25 ans mais mène une vie quelque dissolue. Pendant ce temps, les supermarchés s’implantent et font une sérieuse concurrence aux petits commerces… Tourments fait partie des derniers films de Mikio Naruse. Le cinéaste japonais en a, lui-même, écrit la base de l’histoire. Une fois de plus, il s’agit d’un très beau portrait de femme dont la fidélité, l’effacement et l’abnégation émeuvent profondément. Le mélodrame peut paraître classique dans ses fondements, voire assez simple ou du moins, épuré, mais la perfection de sa mise en scène par Naruse force l’admiration. La progression est remarquable, partant d’une certaine légèreté pour finir dans une grande intensité. Actrice fétiche du réalisateur, Hideko Takamine fait preuve de grande délicatesse dans son interprétation, exprimant à la fois la force de son personnage mais aussi sa fragilité et son aspiration secrète à l’amour. La filmographie de Mikio Naruse est loin d’être aussi connue qu’elle le mériterait et, au sein de celle-ci, Tourments est l’un des films les moins répandus… Quel dommage !
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Hideko Takamine, Yûzô Kayama, Mitsuko Kusabue, Yumi Shirakawa, Aiko Mimasu
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Tourments de Mikio Naruse
L’émouvante Hideko Takamine dans Tourments de Mikio Naruse

Homonymes :
Ne pas confondre avec….
Tourments (Hets) de Alf Sjöberg (1944) sur un scénario d’Ingmar Bergman
Tourments (El) de Luis Bunuel (1953) également chroniqué sur ce blog
Tourments de Jacques Daniel-Norman (1954) avec Tino Rossi
Tourments (Trápení) du tchèque Karel Kachyna (1962)

4 avril 2015

La Cible humaine (1950) de Henry King

Titre original : « The Gunfighter »

La cible humaineJimmy Ringo est connu pour être le tireur le plus rapide de l’Ouest mais cette réputation lui pèse. Constamment défié par de jeunes cowboys à la recherche de notoriété, il aspire maintenant à une vie plus calme et se rend dans la petite ville où se trouve la femme qu’il a aimée. Mais, comme partout où il se rend, son arrivée est loin de passer inaperçue et les ennuis arrivent vite… Basé sur une histoire d’André de Toth, The Gunfighter est un western assez peu traditionnel. Il n’y a que peu d’action dans ce portrait de héro fatigué. Du mythe, il nous montre le revers de la médaille. Le film se déroule quasiment en temps réel, presqu’en huis clos, deux points qui le rapprochent de High Noon (Le train sifflera trois fois) que Fred Zimmerman tournera deux ans plus tard. Henry King a tourné The Gunfighter avec une certaine simplicité et même une économie de moyens, sans musique. Gregory Peck y est affublé d’une moustache qui a, semble t-il, beaucoup dérouté à l’époque. Elle n’est pas très heureuse, il est vrai, mais lui attribuer l’échec commercial du film est certainement excessif. Celui-ci est certainement dû au manque d’action. The Gunfighter méritait mieux car c’est un film intéressant par son approche originale d’un des plus grands mythes de l’Ouest, celui du roi de la gâchette. Il est également, avec High Noon précédemment cité, l’un des premiers westerns à donner une grande place à la psychologie de ses personnages.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden
Voir la fiche du film et la filmographie de Henry King sur le site IMDB.

The Gunfighter
Gregory Peck (et sa moustache) dans La Cible humaine d’Henry King

The Gunfighter
Gregory Peck, Karl Malden (à l’arrière plan) et Skip Homeier dans La Cible humaine d’Henry King

Remarques :
* Le film a été distribué sous plusieurs titres français : La cible humaine à sa sortie en France en 1952 puis L’Homme aux abois à sa ressortie en 1962. En Belgique, le titre fut L’Homme au revolver.

* Le personnage a bien existé, Johnny Ringo (1850-1882), un tueur hors-la-loi mort dans des conditions mystérieuses.

16 mars 2015

L’Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage

Titre original : « A Farewell to Arms »

L'adieu aux armesPendant la Première Guerre mondiale, en Italie, un lieutenant-ambulancier rencontre une infirmière dans un hôpital. Ils tombent amoureux l’un de l’autre mais la guerre les sépare à nouveau… Dans sa version de 1932, L’Adieu aux armes est la première adaptation d’un roman d’Ernest Hemingway au cinéma (1). Pour Frank Borzage, c’est avant tout une histoire d’amour et Hemingway sera dépité face à tout le romanesque déployé. La guerre ne devient en effet qu’une simple toile de fond sur laquelle Borzage exprime les thèmes qui lui sont chers, à savoir que l’Amour est plus fort que tout, il est plus fort que la guerre, il est plus fort que le mort. Hemingway avait toutefois un peu tort car au-delà du romanesque, L’Adieu aux armes reste un grand film pacifique où la cruauté de la guerre est bien démontrée. Le film eut quelques soucis avec la censure mais l’homosexualité latente de l’ami chirurgien (merveilleusement interprété par Adolphe Menjou) et aussi celle de l’amie infirmière est bizarrement passée au travers. Le principal handicap du film se situe certainement au niveau du couple formé par Helen Hayes et Gary Cooper : il manque une certaine alchimie qui nous ferait vraiment croire à l’amour-passion…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Helen Hayes, Gary Cooper, Adolphe Menjou
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Borzage sur le site IMDB.
A lire aussi : une présentation plus enthousiaste d’Olivier Bitoun sur DVDClassiks

Voir les autres films de Frank Borzage chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Frank Borzage

L'Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage
Gary Cooper, Adolphe Menjou, Mary Philips et Helen Hayes dans L’Adieu aux armes de Frank Borzage

Remarques :
* Le film a été distribué aux Etats-Unis avec deux fins différentes, laissées au choix des directeurs de salles : l’une triste conforme au roman, l’autre plus heureuse.
* Lors de la ressortie du film en 1938, pour se conformer au Code Hays alors en place, 12 minutes furent enlevées. Certaines sources parlent également d’une scène ajoutée afin de bien valider le mariage : un gros plan pour montrer l’échange des anneaux. Heureusement, la version originale fut conservée par David O. Selznick.
* A noter : plusieurs plans en caméra subjective lorsque Gary Cooper est emmené à l’hôpital.

* Remakes :
L’adieu aux armes (A Farewell to Arms) de Charles Vidor (1957) avec Rock Hudson et Jennifer Jones
et aussi :
Les Amants de l’enfer (Force of Arms) de Michael Curtiz (1951) avec William Holden et Nancy Olson, une transposition de l’histoire dans la Seconde Guerre mondiale (Hemingway n’étant pas crédité).

L'Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage
Gary Cooper et Helen Hayes dans L’Adieu aux armes de Frank Borzage.

(1) Il faudra attendre 11 ans pour voir la seconde adaptation d’un roman d’Ernest Hemingway à l’écran : Pour qui sonne le glas (1943) de Sam Wood avec… Gary Cooper.

26 février 2015

La Vengeance du docteur Joyce (1947) de Lawrence Huntington

Titre original : « The Upturned Glass »

La vengeance du docteur JoycePour illustrer son cours de psychologie criminelle, un professeur d’université raconte le cas d’un meurtre commis par vengeance, par une personne qu’il dit parfaitement lucide et sain d’esprit, un neurochirurgien de talent … The Upturned Glass est le premier des quelques films britanniques produits par James Mason. Il en a écrit l’histoire avec sa femme Pamela qui joue l’un des rôles principaux (la belle-soeur Kate), une histoire qui s’inscrit dans cette veine psychanalytique de la seconde moitié des années quarante. Elle évoque notamment certains films d’Hitchcock comme Spellbound. La direction de Lawrence Huntington n’est pas spécialement remarquable. S’il n’est un pas un grand film, The Upturned Glass comporte plusieurs originalités qui le rende séduisant : la construction est assez particulière et c’est alors que l’on est persuadé de sa composition qu’elle se révèle tout autre ; le déroulement du scénario est parfait, avec une distanciation élégante ; la fin est inattendue, elle est du genre que l’on ne peut trouver dans les films hollywoodiens. Et, bien entendu, il y a la présence de James Mason dans un rôle qui lui va (on s’en doute puisqu’il l’a écrit) comme un gant. Peu répandu, The Upturned Glass est un film qui ne manque pas de charme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Mason, Rosamund John, Pamela Mason
Voir la fiche du film et la filmographie de Lawrence Huntington sur le site IMDB.

Remarque :
* James Mason a signé le scénario sous le John Monaghan. Pamela Mason apparaît quant à elle sous le nom Pamela Kellino (le nom de son premier mari) qui était alors son nom de scène.

The Upturned Glass
James Mason dans The Upturned Glass (1947)