14 mars 2012

Le train sifflera 3 fois (1952) de Fred Zinnemann

Titre original : « High Noon »

Le train sifflera 3 foisAlors qu’il vient de se marier le matin même et qu’il s’apprête à rendre son étoile de shérif, Will Kane apprend qu’un truand qu’il a fait enfermer quelques années auparavant sera de retour par le train de midi. Tout le monde sait qu’il revient pour régler ses comptes. Ses sbires l’attendent déjà sur le quai. Le shérif Kane tente de convaincre la population de l’aider à affronter le hors-la-loi… Le train sifflera 3 fois est l’un des westerns les plus connus et appréciés du grand public. Sa construction est remarquable puisque le film se déroule en temps réel sur 85 minutes, le temps étant ponctué par des plans d’horloge régulièrement espacés et appuyés par une musique évoquant un tic-tac (1). Les scènes d’action sont donc ainsi regroupées à la fin, après midi. Le train sifflera 3 fois Le film est aussi une fable politique déguisée puisque cette histoire de shérif abandonné lâchement par sa population permettait de décrire la chasse aux sorcières et le maccarthysme (2). L’image est en noir et blanc, lumineux et sans ombre, ce qui est original. Le train sifflera 3 fois divise les cinéphiles, certains fustigent sa simplicité. Si le film n’est pas parfait, si l’on peut regretter le statisme de certaines scènes, l’ensemble fonctionne parfaitement et se révèle être particulièrement intense. Gary Cooper est admirable en shérif fatigué et déçu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Thomas Mitchell, Lloyd Bridges, Katy Jurado, Grace Kelly, Otto Kruger, Lon Chaney Jr., Harry Morgan, Lee Van Cleef
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Zinnemann sur le site IMDB.

(1) Le producteur Stanley Kramer a affirmé par la suite que cette construction avait en réalité été faite au montage, affirmation qui avait probablement pour unique but de discréditer le scénariste et producteur associé Carl Foreman. Cette version des faits a toujours été formellement contestée par Zinnemann, montrant le scénario original et le plan de travail comme preuves.
(2) Pendant la production de High Noon, le scénariste (et producteur) Carl Foreman fut convoqué devant la commission HUAC (House Un-American Activities Committee) pour avoir brièvement été membre du parti communiste dix ans plus tôt. Il fut ensuite placé sur liste noire après avoir refusé de donner des noms. Ne pouvant plus travailler, il émigra en Angleterre pour continuer d’écrire sous un pseudonyme.

Remarques :
* La chanson Do Not Forsake Me, Oh, My Darlin’ est chantée par Tex Ritter. Elle a été reprise en français par John Williams sous le titre Si toi aussi tu m’abandonnes.
* Le train sifflera 3 fois marque les débuts de Lee Van Cleef au cinéma. C’est aussi le premier grand rôle pour Grace Kelly.
* Le (superbe) film Rio Bravo (1959) est souvent présenté comme la réponse d’Howard Hawks et de John Wayne à High Noon. John Wayne a d’ailleurs décrit le film High Noon comme étant « un-american » (littéralement « qui ne porte pas les valeurs de l’Amérique » mais le terme a été souvent employé, notamment lors du maccarthysme, pour désigner les communistes… c’est tout à fait du John Wayne de faire une telle déclaration!)

13 réflexions sur « Le train sifflera 3 fois (1952) de Fred Zinnemann »

  1. J’aime beaucoup ce western. Je trouve notamment très intéressant le fait que Will Kane « joue les prolongations ». Si je me souviens bien, quand il apprend que son ennemi sera bientôt de retour en ville, il ne renonce pas tout de suite à ses désirs de retraite et il quitte la ville « malgré tout ». Ce n’est qu’après qu’il se dit que son devoir moral aurait exigé de lui qu’il reste, une décision qui… disons ne fait pas immédiatement l’unanimité, pour ne pas trop en dévoiler.

    Je trouve que cette volte-face rend le film plus intéressant encore. Même si Will Kane est un héros, vous avez raison de souligner que « la veuve et l’orphelin » se montrent bien indignes de lui – une thématique que je retrouve dans « L’homme des hautes plaines » de Clint Eastwood. Mais les propres atermoiements du shérif me paraissent véritablement un grand moteur du film: tout cela est finalement très humain. Will Kane est un homme qui redresse la tête, pas un type invulnérable investi d’une mission divine.

  2. Oui, mais si Will Kane revient en ville affronter le hors-le-loi, ce n’est pas que par devoir moral… Il estime (à juste titre) que s’il ne règle pas le « problème » maintenant, il ne pourra jamais vivre en paix, que l’autre le retrouvera tôt ou tard. C’est pourquoi, la population fait preuve de grande lâcheté quand elle lui conseille de s’enfuir : ces braves gens préfèrent qu’il aille se faire tuer ailleurs (alors que c’est pour eux qu’il a envoyé ce bandit en prison 5 ans auparavant).

  3. On le sait, un film n’est jamais tourné dans l’ordre chronologique des scènes. Pour éviter les erreurs entre les raccords, on a recours à une script-girl qui note tous les détails à respecter. Celle qui officiait sur ce film a dû être distraite : l’étoile de shérif que porte Gary Cooper n’est jamais épinglée sur sa chemise de la même façon d’un plan à l’autre. Elle penche vers la gauche, vers la droite, est épinglée plus haut, plus bas, et il est même un plan où elle est absente !

  4. Comme « 3h10 pour Yuma » de Delmer Daves ou effectivement « Rio Bravo » de Howard Hawks, la psychologie l’emporte sur l’action. Ce genre de western est appelé par Hervé Bazin le sur-western et le définit ainsi:
    « un western qui aurait honte de n’être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire d’ordre esthétique, sociologique, moral, psychologique, érotique ».

  5. A l’attention du grandpetitxav(ier?) qui commente ci-dessus : ce n’est pas Hervé Bazin (le romancier de « Vipère au poing ») qui a parlé de « sur-western » mais… André Bazin, sans doute le seul critique de cinéma vraiment génial que la France ait connu.
    Cela dit, malgré toutes les réserves émises depuis soixante ans au sujet de ce film, force est de constater que « Le Train sifflera trois fois » a passé haut la main l’épreuve du temps et tient formidablement bien le coup en ce début de vingt et unième siècle. L’hôte de ce blog a bien raison d’apprécier ce western à sa juste valeur. « Rio Bravo » de Howard Hawks se voulait une réponse tant au film de F. Zinnemann qu’à celui de D. Daves, « 3:10 pour Yuma », deux westerns (excellents) qu’il n’aimait pas beaucoup. Si le film de Hawks est réussi, ceux de ses collègues ne le sont pas moins, qui pourtant ne jouissent pas des mêmes faveurs auprès de la critique. Gary Cooper en Will Kane est assez inoubliable, il faut bien le dire. On peut embarquer sur ce train aussi souvent que possible. On ne s’en lassera jamais.

  6. Merci Samuel pour relever mes manquements. Honte à moi!
    Et j’approuve ce qui suit la mise au point. Gary Cooper est inoubliable à arpenter les rues de cette ville à la recherche de soutien.

  7. C’est drôle, je viens de revivre sur arte ce soir l’attente de ce train qui arrive à midi pile dans le récit (high noon), et force est de constater que 62 ans après, ce classique du western d’attente en N&B tient toujours droit sur ses rails avec beaucoup d’efficacité provenant de son scénario exemplaire. Il n’a pour lui qu’un seul mouvement de caméra intéressant -tout le film étant axé sur le montage chronologique de l’espace-temps – celui où elle s’élève à la grue pour plonger sur ce bon vieux, loyal et intègre Gary devenant un point minuscule solitaire au milieu de la grand rue désertée et sans ombre de protection

  8. Pourtant grand amateur de westerns, j’y suis allé en reculant, vu les critiques négatives de tout poil (sauf ici !!)… j’avais du le voir, mais alors tout-tout gamin, mais c’est tout…
    Au final ?
    CHEF D’OEUVRE !!!!!!
    Du prologue (magnifique, presque élégiaque) au duel final : pas un temps mort, pas le moindre gramme de gras.
    Gary Cooper est magistral : il faut le voir crevant la trouille en allant au feu, mais y allant quand même, abandonné (du moins le croit-on) par les deux femmes de sa vie : c’est rude, bon sang !
    Je l’ai trouvé supérieur à 3:10 To Yuma de Daves, que j’aime pourtant, et au Silver Lode de Dwan, qui s’inspire beaucoup du film de Zinnemann et que j’apprécie également. Je le préfère presque, dans son dépouillement et son efficacité brute, à Rio Bravo de Hawks (blasphème !).
    Il semble qu’il soit de bon ton de renier ce film, qui, pourtant, n’a rien perdu de son attrait magique. Je mets cela sur le compte d’un certain snobisme, je ne peux l’expliquer autrement.

  9. SEUL CONTRE TOUS

    Ce train est arrivé fin septembre 52 en gare des écrans parisiens, dans un circuit de salles réservées plutôt habituellement aux séries B, mais le titre français fit un grand succès au film, certainement plus que l’original High Noon (Plein midi) ne l’aurait fait. Cette connotation de Résistance – Le train sifflera trois fois – période pas si lointaine, est pour le coup un vrai film de résistance de la part de son héros Gary le shériff fatigué, ça se voit sur son visage et ses cinquante ans. il a décidé du reste de prendre sa retraite, tout plaquer en se mariant là maintenant – il est 10h30 ce dimanche matin dans la petite bourgade d’Hadleyville perdue dans le grand Ouest – avec une jolie blonde quaker de 20 ans – c’est Grâce Kelly encore inconnue dans un de ses tout premiers rôles. Il a bien raison Gary de profiter de la vie et penser couler des jours heureux et tranquilles en ouvrant un petit commerce dans la ville d’à coté. il remise donc son étoile de marshall – the tin star, l’étoile d’étain – du nom du titre original de la nouvelle publiée dans un journal et qui a servi pour le scénario – exemplaire – du film
    Tout a commencé par trois étranges cavaliers – dont le jeune et muet mais déjà reconnaissable Lee van Cleef – qui se sont donné rendez-vous pour se diriger à cheval vers le cheval de fer de la petite gare d’Hadleyville dont l’arrivée est annoncée pour midi. Tout a commencé sur le son d’une marche de chevaux en cadence rappelant celle du mouvement d’un chemin de fer sur laquelle très vite s’accroche la lancinante ballade chantée de Dimitri Tiomkin, un tube que tout le monde a fredonné, qui revient en boucle. Commence toujours, commence alors une longue attente – quasi en temps réel – du train dont on ne saura jamais pourquoi il doit siffler trois fois – sans doute pour annoncer son arrivée et celle d’un passager indésirable que les trois autres attendent. Toute cette mise en place qui s’effectue posément est très efficace car elle donne un tempo perpétuel et dilaté de l’attente qui ne faiblira jamais. Sergio Leone s’en souviendra pour sa magistrale et longue ouverture de Il était une fois dans l’Ouest.
    Tout ça pour dire que Gary, en attendant la venue du nouveau shériff qui n’arrivera que par le train du lendemain, en ne confiant pas la permanence au sheriff adjoint qu’il juge inexpérimenté, et aussi par ce que cela lui procure un cas de conscience, reprend son étoile pour la journée, perd sa promise et va de Charybde en Scylla. Fait rarissime dans les codes virils du western, le héros admet avoir peur. Tout cela et toute la suite, et tout ce que je n’ai pas révélé des richesses du scénario qui quand on le voit à l’écran parait pourtant très simple, ne formerait qu’un western classiquement agréable par sa construction et son montage, puis par l’interprétation du sobre et malheureux Gary seul contre tous, qui lui vaudra un oscar (et qui attisera la création d’autres scénarios de même tonneau qui suivront). Tout cela s’il ne fallait en faire une lecture au second degré (codée) que bien peu de spectateurs firent à l’époque, devenue ensuite si évidente qu’elle forme le seul enjeu possible maintenant, celle de la sulfureuse chasse aux sorcières du sénateur américain MacCarthy et sa lamentable liste noire, réflexion sur la conduite humaine, la lâcheté collective que le film met au premier plan. Le western et le film noir, deux produits typiquement américains, permettent d’aborder, sous couvert de genres ou de divertissement, par métaphores, ces enjeux. Il y a même un personnage du nom de Samuel Fuller. Une belle réussite en forme de réflexion que l’on peut prendre (aussi) au premier degré

  10. Merci pour ce commentaire. Je vous avouerais que je n’avais jamais fait le lien entre le titre français et la Résistance !! (« Le train sifflera trois fois » est en effet un des messages codés les plus célèbres utilisés par la Résistance.) Il est vrai que le titre français est très supérieur au titre original. Ce n’est pas courant…

    A propos de la lecture politique du film, il est en effet possible que les spectateurs français ne la firent pas à l’époque. Mais le cas fut certainement différent aux Etats-Unis : il y a la fameuse déclaration de John Wayne (« It’s the most un-American thing I’ve seen in my whole life ») et les commentaires d’Hedda Hopper, journaliste de ragots très pro-McCarthy, qui s’est déchaînée contre le film. La vision politique était donc certainement plus présente dans les esprits outre-Atlantique.

  11. Un film que l’on peut effectivement ne prendre qu’au premier degré, et qui constitue en cela un western-thriller des plus convaincants, dont je retiens le sens de la synthèse tout à fait admirable : 81 minutes sans une seconde en trop. Top ! C’est une des caractéristiques de ces films, véritables petits bijoux d’efficacité maximale, tel ceux de Boetticher ou encore Dwan… qualifiés avec une condescendance certaine de « séries B », ce qu’ils étaient, mais dans le sens noble du terme : peu de moyens, mais utilisés de façon magistrale. Ce sont des films à montrer dans toutes les écoles de cinéma, aux jeunes cinéastes de la génération « clips vidéos », dont les œuvres sont gâchées, entre autre, par cette maladie du sur-découpage.

  12. on vante à juste titre le scénario du film et l’interprétation des acteurs mais on passe souvent sur la mise en scène que je trouve particulièrement remarquable. La scène de duel finale est une des meilleures jamais vues dans un western, grâce à son découpage et à ses cadrages.

  13. Je l’ai revu hier soir (6 ans après), et je lui ai trouvé un certain manque de rythme, quand même ; voire un côté hiératique, sentencieux.
    Du coup, je le trouve inférieur aux deux autres films que je mentionnais dans mon commentaire de 2017, particulièrement celui de Daves.
    Il reste néanmoins incontournable !

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