16 juillet 2017

Fumerie d’opium (1947) de Raffaello Matarazzo

Titre original : « La fumeria d’oppio »

Fumerie d'opiumLe Maestro est à la tête d’une organisation criminelle qui a transformé sa villa en fumerie d’opium. Ses hommes ayant tué une femme pour la voler, il fait accuser un toxicomane du meurtre. Mais la sœur du jeune homme veut tout faire pour le disculper et elle reçoit l’aide d’un mystérieux Za-la-Mort… Avant de se spécialiser dans les mélodrames, Raffaello Matarazzo a surtout réalisé des comédies et ce film policier constitue presque une transition entre ces deux périodes. L’histoire est en effet fortement teintée de mélodrame, celui d’une jeune femme qui tente de sauver son frère des griffes de la drogue. Elle reçoit l’aide d’une sorte de Robin des Bois qui a maille à partir avec la justice. La réalisation est loin d’être remarquable mais le plus gênant est l’interprétation outrée de la jeune femme qui, finalement, nous agace plus qu’elle nous apitoie. Et face à elle, son chevalier blanc manque singulièrement de charisme. L’ensemble n’est, il faut bien l’avouer, guère convaincant. Fumerie d’opium est un film particulièrement rare.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Emilio Ghione Jr., Mariella Lotti, Paolo Stoppa, Emilio Cigoli
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Remarque :
* Les quatre scénaristes sont Ettore Maria Margadonna, Raffaello Matarazzo, Mario Monicelli et Tullio Pinelli.

Fumerie d'opium
Emilio Ghione Jr. et Mariella Lotti dans Fumerie d’opium de Raffaello Matarazzo.

Fumerie d'opium
Emilio Cigoli et Adriana de Roberto dans Fumerie d’opium de Raffaello Matarazzo.

15 juillet 2016

La Femme aux maléfices (1950) de Nicholas Ray

Titre original : « Born to Be Bad »

Born to be BadDonna (Joan Leslie) accueille de bon coeur sa cousine Christabel (Joan Fontaine) sous son toit sans savoir qu’elle va s’arranger pour attirer l’attention de tous les hommes que Donna fréquente, à commencer par son riche fiancé… Born to Be Bad fait partie des premiers films de Nicholas Ray. Ce mélodrame paraît nettement moins remarquable que ses autres réalisations. L’intrigue est finalement assez conventionnelle et donc prévisible, avec une dimension psychanalytique sous-jacente qui reste hélas non développée. L’ensemble est sauvé par une belle interprétation, y compris dans les seconds rôles. Joan Fontaine casse ici son image habituelle de jeune femme parfaite et irréprochable. Le directeur de la photographie est le très expérimenté (et talentueux) Nicholas Musucara. On remarquera de nombreux très beaux plans et la prédilection de Nicholas Ray pour les escaliers… Le talent et l’inventivité de Ray pour la mise en scène sont patents dans la scène d’ouverture qui introduit un à un les principaux protagonistes en un vaste ballet de personnages sur un simple palier.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joan Fontaine, Robert Ryan, Zachary Scott, Joan Leslie, Mel Ferrer
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Remarques :
* Born to Be Bad fait partie des quelques films dont Nicholas Ray refusait de parler.
* La scène de fin en happy end sur le tarmac de l’aérodrome a été ajoutée à la demande d’Howard Hugues (qui venait de racheter RKO Pictures). Cette scène fait sourire tant elle paraît peu crédible. Il est d’ailleurs peu probable qu’elle ait été tournée par Nicholas Ray. Le simple fait de voir soudainement Zachary Scott aux commandes d’un avion surprend… sauf si on se rappelle qu’Howard Hugues est un grand fan d’aviation !
* Le film n’est sorti en France qu’en 1985.

* Homonyme (sans aucun rapport) :
Born to Be Bad de Lowell Sherman (1934) avec Loretta Young et Cary Grant, film de la 20th Century Fox qui n’est, semble t-il, jamais sorti en France.

Born to be bad
Zachary Scott, Joan Fontaine et Mel Ferrer dans Born to be Bad de Nicholas Ray.

Born to be bad
Harold Vermilyea, Joan Leslie et Robert Ryan dans Born to be Bad de Nicholas Ray.

1 mai 2016

Le Grand Amour (1931) de Otto Preminger

Titre original : « Die grosse Liebe »

Le Grand AmourDix ans après la fin de la guerre, un ancien prisonnier revient à Vienne, sa ville natale. La mère d’un soldat porté disparu le prend pour son fils. Il n’ose la contredire de peur de lui briser le coeur… Le Grand Amour est le premier film d’Otto Preminger alors âgé de 26 ans, le seul qu’il ait tourné en langue allemande. On ne peut pas dire que le réalisateur austro-hongrois fasse grand cas de cette période puisqu’il fait débuter son autobiographie en 1935 (c’est-à-dire au moment où il a émigré aux Etats-Unis) et c’est à peine s’il mentionne au détour d’une phrase « un petit film que j’avais auparavant dirigé ». Effectivement, ce film de jeunesse n’est pas vraiment remarquable. C’est un mélodrame dont l’histoire est assez classique et peu développée. On notera toutefois une satire de l’optimisme économique (où les gens se forcent à dire que ça va mieux), la critique de la bureaucratie et la satire des riches commerçants parvenus qui font des fêtes assez tapageuses. Preminger s’amuse à réaliser une petite prouesse technique, un panoramique à 360 degrés dans une pièce fermée (on peut supposer que les fils viennent du sol ou du plafond). Otto Preminger réalisera son premier film américain cinq ans plus tard en 1936 et son premier « grand film » (Laura en 1944) sera son sixième.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Hansi Niese, Attila Hörbiger
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Die grosse Liebe
Hansi Niese et Attila Hörbiger dans Le Grand Amour de Otto Preminger.

Die grosse Liebe
Hansi Niese et Hugo Thimig dans Le Grand Amour de Otto Preminger.

24 mars 2016

Humoresque (1946) de Jean Negulesco

HumoresqueA New York, un concert du violoniste Paul Boray est annulé au dernier moment. Le violoniste est dévasté par une triste nouvelle qu’il vient d’apprendre. Il se remémore son parcours… Tiré d’une nouvelle de Fannie Hurst adaptée par Clifford Odets (membre majeur du Group Theatre), Humoresque est un superbe mélodrame où la musique tient une place de premier plan. Il s’agit d’une variation sur le thème de l’amour qui doit céder la place à une passion plus forte. En outre, comme beaucoup de films de cette époque, notamment de la Warner, il joue ostensiblement sur la fascination/répulsion pour Humoresque les milieux huppés de la haute société et sur le pouvoir (prétendument) potentiellement néfaste des arts. Le déroulement du scénario est parfait, avec plusieurs retournements de situation, et Negulesco a apporté beaucoup de soin dans la mise en scène avec des effets élaborés (comme, par exemple, la fameuse scène du miroir où, derrière Joan Crawford, on peut voir la pièce inversée) et des enchaînements très recherchés. Joan Crawford, ici dans l’un des ses meilleurs rôles, fait montre d’une extraordinaire présence à l’écran et son jeu intériorisé fait merveille. Humoresque fut un beau succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joan Crawford, John Garfield, Oscar Levant
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Remarques :
* John Garfield donne vraiment l’impression de jouer. L’illusion est parfaite. L’astuce a été de faire un grand trou dans son costume au niveau du coude par lequel un vrai violoniste passait son bras. Il y avait un violoniste de chaque côté, un pour le bras droit et un pour le bras gauche.
* Au niveau du son, c’est Isaac Stern qui joue et, lors des gros plans sur le violon sans le visage de John Garfield dans le champ, ce sont les mains d’Isaac Stern que l’on voit à l’écran.
* Oscar Levant est pianiste avant d’être acteur, ce qui explique que son jeu de mains soit si crédible. C’est même lui qui joue réellement certaines parties dont le Tristan de Wagner, le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski et La Danse du sabre d’Aram Khatchatourian.
* Humoresques est un cycle de huit pièces pour piano d’Antonín Dvořák, la plus connue étant la 7e.

Humoresque
John Garfield, Oscar Levant et Joan Crawford  dans Humoresque de Jean Negulesco.

Ne pas confondre avec :
Humoresque de Frank Borzage (1920) avec Gaston Glass sur un scénario de Frances Marion, film qui n’a pas lien avec celui-ci même s’il s’agit également de l’histoire d’un violoniste.

19 septembre 2015

L’Indésirable (1914) de Michael Curtiz

Titre original : « A tolonc »

L'indésirableDans un petit village des Carpates, une jeune femme a été élevée par son oncle qu’elle prenait pour son père. Sur son lit de mort, celui-ci lui apprend que sa mère n’est pas morte. Se retrouvant seule, elle doit aller à la ville proche se faire engager comme servante dans une maison bourgeoise. Le fils de la famille tombe amoureux d’elle… Le réalisateur Michael Curtiz, bien connu pour ses grands succès hollywoodiens comme Robin des Bois ou Casablanca, n’a émigré aux Etats-Unis qu’en 1926. Avant cela, il a tourné plusieurs dizaines de films à partir de 1912 dans sa Hongrie natale puis en Autriche. Récemment restauré, L’indésirable est le dixième et le seul survivant de sa période hongroise. A ce titre, sa valeur historique est bien entendu immense car il nous permet de voir un bel exemple de la production cinématographique d’Europe centrale à cette époque. L’indésirable est l’adaptation d’une pièce de théâtre célèbre, il est interprété par des comédiens très connus sur les planches. Il s’agit d’un mélodrame que l’on trouvera aujourd’hui très banal et sans grand intérêt, mais ce n’était certainement pas le cas des spectateurs de l’époque. Comme pour tous les films de cette époque, le jeu des acteurs est assez théâtral mais sans excès, aucune grandiloquence ni rigidité ici, et tout est filmé en plans moyens avec de très rares plans rapprochés. Il n’y a rien de franchement notable si ce n’est que l’ensemble est de bonne facture pour un jeune réalisateur de 28 ans, à l’aube d’une longue et prolifique carrière (172 réalisations entre 1912 et 1961).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Lili Berky, Victor Varconi
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L'indésirable
Victor Varconi et Lili Berky dans L’indésirable de Michael Curtiz.

L'indésirable
L’un des très rares plans rapprochés, pour mieux montrer aux spectateurs l’action de verser la poudre dans la bouteille  : Lili Berky dans L’indésirable de Michael Curtiz.

1 août 2015

Légendes d’automne (1994) de Edward Zwick

Titre original : « Legends of the Fall »

Légendes d'automneAu tout début du XXe siècle, un ex-colonel de l’armée élève ses trois fils dans un ranch isolé du Montana avec ses amis indiens. Le plus jeune des trois qui vient de finir ses études dans l’Est revient au ranch avec sa jeune fiancée… Adapté d’une nouvelle de Jim Harrison, Légendes d’automne est une des ces grandes sagas familiales dont les américains ont le secret. Amour impossible, drames familiaux, trahisons, bravoure, tous les éléments sont réunis pour un cocktail savamment dosé d’émotions intenses. Les yeux s’humectent effectivement à plusieurs reprises mais le déroulement du récit montre vite une certaine artificialité : tout semble trop bien réglé, terriblement prévisible. Le film commence alors à paraître bien long (2h15, c’est pourtant à peine supérieur au minimum syndical des sagas familiales). La photographie est superbe, utilisant parfaitement les belles étendues du Montana (ce fut filmé un peu plus au nord, au Canada). Brad Pitt chevauchant avec ses longs cheveux blonds au vent est terriblement photogénique. En revanche, son jeu ne se montre pas vraiment convainquant, c’est également le cas des autres acteurs qui ne se montrent guère concernés.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Brad Pitt, Anthony Hopkins, Aidan Quinn, Julia Ormond, Henry Thomas
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Legends of the Fall
Aidan Quinn, Henry Thomas et Brad Pitt sont les trois frères de Légendes d’automne de Edward Zwick.

7 juin 2015

Victoire sur la nuit (1939) de Edmund Goulding

Titre original : « Dark Victory »

Victoire sur la nuitRiche héritière, Judith Traherne mène une vie oisive et mondaine. Fréquemment, elle est prise de fortes migraines et a des troubles de la vue. Le docteur Steele lui annonce qu’il faut l’opérer… Dark Victory fait partie de ces grands mélodrames hollywoodiens qui ont massivement drainé des foules vers les cinémas. Bette Davis a harcelé la Warner pour qu’elle achète les droits de cette pièce jouée à Broadway : elle était persuadée que ce rôle serait magnifique pour elle. Jack Warner dut se faire prier car il était convaincu que le film ne marcherait pas (1). Bette Davis est effectivement remarquable dans ce rôle d’héritière assez irritante, elle trouve toujours le ton juste, elle ne sur-joue jamais, elle montre la prodigieuse étendue de son registre. Dans la fameuse scène des bulbes de jacinthe, à la fin du film, elle fait passer beaucoup d’émotion tout en restant très sobre dans son jeu. C’est magnifique (et très émouvant). Face à elle, George Brent est comme toujours bien fade. Humphrey Bogart n’a qu’un petit rôle dans un registre plutôt inhabituel pour lui. La musique est de Max Steiner. Dark Victory fut l’un des plus grands succès de la décennie pour la Warner.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, George Brent, Humphrey Bogart, Geraldine Fitzgerald, Ronald Reagan
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Remarques :
* Les auteurs de la pièce sont George Emerson Brewer Jr. et Bertram Bloch. A noter que Brewer est le fils d’un chirurgien.

* 1939 fut une grande année pour Bette Davis : Dark Victory (Goulding), The Old Maid (Goulding) et The Private Lives of Elizabeth and Essex (Michael Curtiz) furent trois grands succès. Deux fois Oscarisée (Dangerous et Jezebel), Bette Davis était alors l’actrice numéro un au box office. Seule ombre au tableau : elle n’a pu décrocher le rôle qu’elle convoitait dans Autant en emporte le vent.

(1) « Qui a envie d’aller voir une femme devenir aveugle ? » Tel était le jugement de Jack Warner sur le potentiel commercial du film. Il se trompait… Avec les seuls bénéfices du film, la Warner a dit-on pu construire trois nouveaux studios de tournage !

Dark Victory
Geraldine Fitzgerald (à gauche) est la meilleure amie de Bette Davis (à droite) dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
George Brent est un brillant chirurgien dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Humphrey Bogart est un gentlemen farmer dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Ronald Reagan est un alcoolique mondain dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding (à gauche : Bette Davis)

4 avril 2014

Close to My Heart (1951) de William Keighley

Close to My HeartLorsque qu’elle apprend avec certitude qu’elle ne pourra avoir d’enfants, Midge Sheridan convainc son mari d’en adopter un. Pour éviter d’avoir à attendre plus de deux ans sur la liste d’attentes du centre d’adoption, elle se prend d’affection pour un bébé trouvé dont personne ne connait les origines… Close to My Heart est tiré d’un roman de James R. Webb qui en a écrit lui-même l’adaptation. On peut aisément comprendre que Gene Tierney, qui avait donné naissance à un enfant handicapé mental quelques années auparavant et dont le mariage était si instable, ait été attirée et touchée par ce personnage de femme ressentant un fort besoin de maternité. Elle se donne ici pleinement et fait une belle prestation. Le fond du propos est de chercher à convaincre le public que la méchanceté et les pulsions criminelles ne se transmettent pas par les gènes mais par l’environnement dans lequel l’enfant grandit. Cette démarche n’était certainement pas inutile à l’époque (certaines croyances ne subsistent-elles d’ailleurs pas encore de nos jours ?) Si les intentions sont louables, le résultat n’en est pas moins conventionnel pour autant et le film manque singulièrement de relief dans son développement. Assez méconnu, Close to My Heart est l’avant dernier film de William Keighley, réalisateur de la Warner qui a surtout signé des gangsters films dans les années trente, notamment avec James Cagney.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Ray Milland, Gene Tierney
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15 mars 2014

Péché mortel (1945) de John M. Stahl

Titre original : « Leave Her to Heaven »

Péché mortelUn écrivain fait la rencontre d’une jeune fille de bonne famille dans un train. Elle est fascinée par son visage car l’homme ressemble à son père décédé il y a peu de temps. A leur arrivée, ils s’aperçoivent qu’ils se rendent chez la même personne dans un ranch du Nouveau Mexique. L’attraction réciproque ne fait que grandir et aboutit rapidement à un mariage… Comme le montrent clairement l’affiche et le générique, Leave Her to Heaven est tiré d’un best-seller signé Ben Ames Williams. La Fox en a confié la réalisation à John Stahl, grand spécialiste du mélodrame. Mais, et c’est bien là que réside tout son attrait, Leave Her to Heaven est bien plus qu’un mélodrame puisque, à mesure que l’histoire avance, nous basculons dans le film noir. Très rarement, la symbiose de ces deux genres, mélodrame et film noir, n’a été si réussie. L’histoire est à rapprocher de la vogue des thèmes psychanalytiques à cette époque mais le monumental complexe d’Oedipe non résolu qui en est ici le noeud est toutefois inséré avec une certaine discrétion. L’image, signée Leon Shamroy (1), est absolument superbe avec un Technicolor de toute beauté (des rouges éclatants, une teinte générale brun doré et de belles nuances de bleus, les verts étant judicieusement en retrait). Gene Tierney - Péché mortel Et il y a Gene Tierney… belle et sublime, dont la douceur naturelle rend la noirceur de ses desseins encore plus terrifiante. Elle fait une très belle interprétation de ce personnage complexe sous une façade parfaitement lissée et maitrisée. Face à elle, Cornel Wilde peut paraître un peu fade mais cela correspond à son personnage et la toute jeune (20 ans) Jeanne Crain, alors étoile montante de la Fox, a également un rôle tout en retenue. De nombreuses scènes restent gravées dans nos mémoires : les cendres, la barque et surtout l’escalier… Bien qu’il reste peu connu (pas assez du moins), Leave Her to Heaven est un film vraiment remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gene Tierney, Cornel Wilde, Jeanne Crain, Vincent Price, Darryl Hickman
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Remarques :
Péché mortel * La fameuse scène de l’escalier a bien failli être coupée par la Censure mais elle a pu être sauvée in extremis.
* Le titre Leave Her to Heaven est tiré d’une phrase d’Hamlet de Shakespeare : le fantôme du père d’Hamlet lui enjoint de ne rien tenter contre sa mère mais de laisser le Ciel se charger de la punir (ce que les distributeurs français ont exprimé bien maladroitement en traduisant par Péché mortel…)
* Dans son autobiographie, Gene Tierney décrit le tournage comme ayant été assez difficile. Le lieu de tournage au bord du lac (Bass Lake en Californie) était difficilement accessible par la route. Le tournage de la scène de la barque eut lieu en novembre et l’eau était glacée : on lui donnait de petites rasades de whisky entre les prises pour réactiver sa circulation sanguine (d’ailleurs, d’après IMDB, le jeune Darryl Hickman aurait été atteint de pneumonie en tournant la scène).

(1) Le directeur de la photographie Leon Shamroy a été oscarisé pour ce film.

23 janvier 2014

Les Désemparés (1949) de Max Ophüls

Titre original : « The Reckless Moment »

Les désemparésLucia Harper vit avec ses enfants et son beau-père près de Los Angeles, son mari étant détaché pour de longs mois à l’étranger. Elle tente sans résultat d’éloigner un escroc qui a séduit sa fille. Cette dernière finit par comprendre les mauvaises intentions de son petit ami et, lors d’une entrevue houleuse, il est tué accidentellement… Les Désemparés est l’adaptation d’un roman d’Elisabeth Sanxay Holding, un roman qui aurait été l’un des préférés de Raymond Chandler. L’histoire est, il est vrai, plutôt originale, pas forcément toujours très crédible mais ce sont les rapports entre les personnages qui en font tout l’intérêt. Elle mêle ainsi mélodrame et film noir avec une variation très particulière de la notion de famille, où la recherche de protection engendre un fort repli sur soi, la famille devenant un vase clos. Max Ophüls nous place très proche de ses personnages, avec comme toujours une caméra fluide et de beaux mouvements tournants. Les Désemparés n’eut hélas qu’un budget assez réduit mais le résultat n’en est que plus remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Joan Bennett, Geraldine Brooks, Henry O’Neill, Roy Roberts
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Remarque :
Comme pour ses autres films américains, Max Ophüls signe ici Max Opuls. C’est son dernier film américain, il rentrera en France peu après.