6 août 2021

Parfum de femme (1974) de Dino Risi

Titre original : « Profumo di donna »

Parfum de femme (Profumo di donna)Un irascible capitaine en retraite, resté aveugle à la suite d’une explosion, décide d’aller à Naples retrouver un ami ; il se fait accompagner dans ce voyage par un jeune soldat en permission, mais il ne veut aucune pitié, ne supporte aucun désagrément, se montre souvent agressif pour cacher son amertume…
Fait inhabituel dans la filmographie de Dino Risi, Parfum de femme est adapté d’un roman (signé Giovanni Arpino). Le cinéaste en a écrit l’adaptation avec Ruggero Maccari, excellent scénariste avec lequel il a déjà collaboré à plusieurs reprises (Le Fanfaron, La Marche sur Rome, Les Monstres) et qui écrira ensuite beaucoup pour Ettore Scola. Il s’agit d’une histoire très forte sur la confrontation de deux personnalités à des points totalement opposés de leur parcours : l’un pense n’avoir plus rien à attendre de la vie alors que l’autre la découvre à peine. Cette confrontation de deux tempéraments opposés n’est pas sans rappeler Le Fanfaron. Le film est marqué par la formidable prestation de Vittorio Gassman, en homme désabusé qui aime se montrer cynique, mais aussi jouisseur, capable de déceler la présence des femmes grâce à leur parfum. C’est probablement l’un de ses rôles les plus complexes (et il en a beaucoup à son actif). Le film n’est pas sans défaut : cette histoire puissante aurait mérité une meilleure photographie et une utilisation de la musique plus subtile.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Alessandro Momo, Agostina Belli
Voir la fiche du film et la filmographie de Dino Risi sur le site IMDB.

Voir les autres films de Dino Risi chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Dino Risi

Remarque :
* Alessandro Momo a trouvé la mort peu après la fin du tournage dans un accident de moto qu’il était trop jeune pour conduire. Il était âgé de 17 ans. Il avait été remarqué l’année précédente aux côtés de Laura Antonelli dans Malizia de Salvatore Samperi (1973).

Parfum de femme (Profumo di donna)Alessandro Momo et Vittorio Gassman dans Parfum de femme (Profumo di donna) de Dino Risi.

Parfum de femme (Profumo di donna)Agostina Belli et Alessandro Momo dans Parfum de femme (Profumo di donna) de Dino Risi.

7 janvier 2019

A vingt-trois pas du mystère (1956) de Henry Hathaway

Titre original : « 23 Paces to Baker Street »

À vingt-trois pas du mystèreCélèbre dramaturge américain vivant à Londres, Phillip Hannon est aveugle à la suite d’un accident mais s’efforce de vivre normalement malgré ce handicap. Un jour où il s’est rendu seul au pub, son ouïe fine lui permet d’entendre partiellement une conversation de l’autre côté de la cloison : un homme et une femme semblent planifier un enlèvement…
Le scénario de À vingt-trois pas du mystère est basé sur le roman La Nurse qui disparut de Philip MacDonald. L’élément le plus astucieux, le fait de faire mener l’enquête par un aveugle, a été ajouté par le scénariste Nigel Balchin. C’est un ajout très habile qui rend l’histoire assez remarquable. Elle nous intrigue et sait nous surprendre par des développements inattendus. La trame n’est pas sans évoquer celle de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. Henry Hathaway montre une fois de plus son talent, la réalisation est de bonne facture et il sait donner un excellent rythme qui nous tient en haleine.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Van Johnson, Vera Miles, Cecil Parker, Patricia Laffan, Maurice Denham
Voir la fiche du film et la filmographie de Henry Hathaway sur le site IMDB.

Voir les autres films de Henry Hathaway chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le titre original est un évident hommage à Sherlock Holmes. Le scénariste a tout de même réussi à la placer dans la bouche de Van Johnson (… de façon un peu parachutée tout de même).
* Ce film américain a été tourné en partie (extérieurs) en Angleterre. Une loi fiscale anglaise incitait alors les studios américains à réinvestir localement les bénéfices tirés de l’exploitation des films en Grande-Bretagne.

23 paces to Baker Street
Vera Miles, Van Johnson et Cecil Parker dans À vingt-trois pas du mystère de Henry Hathaway.

24 décembre 2017

Un coin de ciel bleu (1965) de Guy Green

Titre original : « A Patch of Blue »

Un coin de ciel bleuUne jeune fille aveugle, maintenue sans éducation et maltraitée par une mère et un grand-père alcooliques, fait la rencontre d’un homme qui va lui ouvrir de nouveaux horizons. Elle ignore que cet homme est noir…
Adapté d’un roman d’Elizabeth Kata, A Patch of Blue est un film sur lequel il est difficile de porter un jugement en faisant abstraction de son impact social. Ses intentions de combattre les à-priori sur la couleur de peau sont louables et il ne faut pas négliger que ce film est sorti dans le contexte très raciste des années soixante : les évènements sanglants du Bloody Sunday en Alabama et le Voting Rights Act interdisant les discriminations raciales dans le vote datent de la même année 1965. Il est donc difficile de dire du mal de ce film. Toutefois, on peut trouver ses ficelles assez grossières. Les personnages de la mère et du grand-père, qui sont les seuls à être ouvertement racistes, sont absolument abominables. Shelley Winters a avoué avoir été malade de jouer un tel rôle. On la comprend. Le personnage interprété par Sydney Poitier est, quant à lui, parfait sous tous rapports : intelligent, équilibré, attentionné. Malgré ces excès de typage, le film est émouvant, notamment lorsque l’apprentissage de la jeune fille devient un véritable éveil à la vie. Le film connut un grand succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sidney Poitier, Shelley Winters, Elizabeth Hartman, Wallace Ford
Voir la fiche du film et la filmographie de Guy Green sur le site IMDB.

A patch of blue
Sidney Poitier et Elizabeth Hartman dans Un coin de ciel bleu de Guy Green.

Remarques :
* Pour le rôle, Elizabeth Hartmann portait des lentilles opaques qui lui ôtaient effectivement la vue.
* Les scènes de baiser furent enlevées des copies destinées aux états du Sud des Etats-Unis où le mariage mixte était encore interdit par la loi.
* A Patch of Blue est le premier film d’Elizabeth Hartmann (21 ans) qui s’est retrouvée nominée aux Oscars pour le rôle. Cette lumineuse actrice n’a hélas pas fait une grande carrière par la suite. Dépressive, elle s’est donné la mort à l’âge de 43 ans.
* Excellent directeur de la photographie, oscarisé pour Les Grandes Espérances de David Lean (1946), l’anglais Guy Green est passé à la réalisation au milieu des années cinquante où sa carrière fut moins remarquable.

21 juin 2017

La Femme aux miracles (1931) de Frank Capra

Titre original : « The Miracle Woman »

La Femme aux miraclesA la mort de son père pasteur, Florence Fallon (Barbara Stanwyck) accepte par dépit l’offre d’un escroc qui désire exploiter ses dons oratoires à des fins commerciales. Elle devient rapidement une prédicatrice très connue. L’écoutant à la radio, un jeune aveugle prêt à se suicider reprend goût à la vie et se rend au temple pour la rencontrer… The Miracle Woman est adapté d’une pièce de John Meehan inspirée de la célèbre prédicatrice canadienne Aimee Semple McPherson, pionnière dans l’usage des médias. Le film est une satire des sectes et des faux prédicateurs. Frank Capra a déclaré plus tard regretter de ne pas avoir été assez loin : il charge le personnage de l’acolyte de tous les maux (ce personnage n’existait pas dans la pièce), laissant intacte la jeune femme qui serait donc manipulée. Cela permet en tous cas à Capra de placer une notion assez récurrente dans ses films : c’est grâce à l’autre que l’on peut se transformer. Et cela marche dans les deux sens : le jeune aveugle se redécouvre grâce à Florence et elle-même retrouvera la paix en quittant le mensonge grâce à lui. La prestation de Barbara Stanwyck est assez remarquable, tout comme la photographie de Joseph Walker. Le film fut un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, David Manners, Sam Hardy
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Capra sur le site IMDB.

Voir les autres films de Frank Capra chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Frank Capra


Barbara Stanwyck et David Manners dans La Femme aux miracles de Frank Capra.

Remarques :
* The Miracle Woman fut interdit en Grande Bretagne et ne sortit au Canada qu’en 1977.

* Sur la prédicatrice Aimee Semple McPherson, le scénariste Herman J. Mankiewicz a écrit en 1949 un ouvrage que son frère Joseph voulut porter à l’écran. La famille de la prédicatrice s’y opposa. En 1976, un téléfilm The Disappearance of Aimee réalisé par Anthony Harvey a mis en scène le (prétendu ?) kidnapping d’Aimee Semple McPherson et le procès qui a suivi (avec Faye Dunaway et Bette Davis).

* La scène de l’incendie fut réalisée sans incrustations et Barbara Stanwyck et David Manners furent réellement au beau milieu des flammes.

7 juin 2015

Victoire sur la nuit (1939) de Edmund Goulding

Titre original : « Dark Victory »

Victoire sur la nuitRiche héritière, Judith Traherne mène une vie oisive et mondaine. Fréquemment, elle est prise de fortes migraines et a des troubles de la vue. Le docteur Steele lui annonce qu’il faut l’opérer… Dark Victory fait partie de ces grands mélodrames hollywoodiens qui ont massivement drainé des foules vers les cinémas. Bette Davis a harcelé la Warner pour qu’elle achète les droits de cette pièce jouée à Broadway : elle était persuadée que ce rôle serait magnifique pour elle. Jack Warner dut se faire prier car il était convaincu que le film ne marcherait pas (1). Bette Davis est effectivement remarquable dans ce rôle d’héritière assez irritante, elle trouve toujours le ton juste, elle ne sur-joue jamais, elle montre la prodigieuse étendue de son registre. Dans la fameuse scène des bulbes de jacinthe, à la fin du film, elle fait passer beaucoup d’émotion tout en restant très sobre dans son jeu. C’est magnifique (et très émouvant). Face à elle, George Brent est comme toujours bien fade. Humphrey Bogart n’a qu’un petit rôle dans un registre plutôt inhabituel pour lui. La musique est de Max Steiner. Dark Victory fut l’un des plus grands succès de la décennie pour la Warner.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, George Brent, Humphrey Bogart, Geraldine Fitzgerald, Ronald Reagan
Voir la fiche du film et la filmographie de Edmund Goulding sur le site IMDB.

Voir les autres films de Edmund Goulding chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Les auteurs de la pièce sont George Emerson Brewer Jr. et Bertram Bloch. A noter que Brewer est le fils d’un chirurgien.

* 1939 fut une grande année pour Bette Davis : Dark Victory (Goulding), The Old Maid (Goulding) et The Private Lives of Elizabeth and Essex (Michael Curtiz) furent trois grands succès. Deux fois Oscarisée (Dangerous et Jezebel), Bette Davis était alors l’actrice numéro un au box office. Seule ombre au tableau : elle n’a pu décrocher le rôle qu’elle convoitait dans Autant en emporte le vent.

(1) « Qui a envie d’aller voir une femme devenir aveugle ? » Tel était le jugement de Jack Warner sur le potentiel commercial du film. Il se trompait… Avec les seuls bénéfices du film, la Warner a dit-on pu construire trois nouveaux studios de tournage !

Dark Victory
Geraldine Fitzgerald (à gauche) est la meilleure amie de Bette Davis (à droite) dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
George Brent est un brillant chirurgien dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Humphrey Bogart est un gentlemen farmer dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding

Dark Victory
Ronald Reagan est un alcoolique mondain dans Victoire sur la nuit de Edmund Goulding (à gauche : Bette Davis)

4 avril 2012

Los olvidados (1950) de Luis Buñuel

Los olvidadosDans la banlieue la plus pauvre de Mexico, un groupe d’adolescents traine dans les rues. L’un deux, El Jaibo, récemment évadé d’une maison de redressement, possède un ascendant sur les autres et les entraîne à commettre des méfaits. Le jeune Pedro se retrouve impliqué malgré lui… Los olvidados (les oubliés) marque le retour de Luis Buñuel sur le devant de la scène. Il s’est immergé plusieurs mois dans les bidonvilles de Mexico pour observer et voir la réalité de très près. Il signe ainsi un film proche du néo-réalisme italien (1), un film fort, sans sensationnalisme ni excès de misérabilisme mais dont les images sont marquantes. Luis Buñuel ne porte pas de jugement, il n’accuse pas la société qui tente d’apporter des solutions, il rend compte d’une situation sans issue. Il n’y a aucun manichéisme : fourbe et traitre, El Jaibo est la figure du mal et pourtant Buñuel le rend attachant dans une courte scène. Le seul jugement vraiment sévère est porté sur la mère de Pedro, incapable de donner la moindre parcelle d’amour. Los olvidados fut d’abord très mal reçu au Mexique. Déjà pendant le tournage, l’équipe était hostile mais, à sa sortie, Buñuel dut faire face à de nombreuses critiques acerbes : on lui reprochait de donner une mauvaise image du pays. Ce n’est qu’après un accueil triomphal à Cannes (en partie grâce à ses amis surréalistes) que le film put être plus largement distribué (2). Los olvidados a été inscrit par l’Unesco au Registre Mémoire du Monde en 2003.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Roberto Cobo, Estela Inda, Miguel Inclán, Alfonso Mejía, Alma Delia Fuentes
Voir la fiche du film et la filmographie de Luis Buñuel sur le site IMDB.
Voir les autres films de Luis Buñuel chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* En France, les distributeurs sortirent le film sous le titre Los olvidados, Pitié pour eux, sous-titre qualifié de « ridicule » par Buñuel.
* Une autre fin, tournée par sécurité par Buñuel qui craignait la censure, a été redécouverte 50 ans après la sortie. Ce happy-end n’a heureusement jamais été utilisé. Il est présent sur certaines versions en DVD.

(1) Luis Buñuel dit avoir beaucoup aimé Sciuscià de Vittorio de Sica.
(2) Dans ses mémoires, Luis Buñuel raconte que Georges Sadoul avait reçu ordre du Parti Communiste français de ne pas parler du film, jugé film bourgeois (à cause de l’intervention de l’agent de police dans la scène du pédophile et de l’angélisme de la ferme/maison de redressement). Ce n’est que lorsque Poudovkine écrivit un article louangeur sur Los olvidados dans La Pravda quelques mois plus tard, que le PCF révisa instantanément son jugement.