24 juin 2017

Le Jour le plus long (1962) de Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki

Titre original : « The Longest Day »

Le Jour le plus longAdapté d’un livre de Cornelius Ryan, Le Jour le plus long retrace les évènements du 6 juin 1944, jour du débarquement des alliés en Normandie. Trois réalisateurs, un nombre incalculable d’acteurs connus, un budget important, le producteur Darryl F. Zanuck a tout fait pour créer le film qui soit la reconstitution ultime d’un évènement majeur de l’Histoire.
Cinématographiquement parlant, le film n’a pas grande valeur : il est mal écrit et mal monté, confus et même parfois ennuyeux. C’est un véritable fourre-tout.
En revanche, du fait de son succès commercial, le film eut un impact considérable. C’est probablement le plus bel exemple du « cinéma qui se substitue à l’Histoire ». Deux exemples : c’est le film Le Jour le plus long qui a vraiment fait entrer dans l’Histoire l’épisode du parachutiste resté accroché au clocher de Sainte-Mère-Église, devenant l’anecdote la plus célèbre du Débarquement ; les historiens restent très partagés sur sa véracité. Le cas des deux Messerschmitt en est un autre : cette séquence un peu grotesque, dont l’humour paraît déplacé, a fait prospérer la croyance que l’aviation allemande était ce jour-là inopérante (alors qu’en réalité, il y eut plus de sept cent sorties d’avions allemands pour attaquer les troupes alliées). En fait, cette séquence a été introduite parce que Zanuck n’avait réussi à mettre la main que sur deux Messerschmitt en état de voler.
Mais pour beaucoup, le film est devenu l’Histoire et le fait qu’aucun autre film ne vienne le détrôner a accentué le phénomène (le plus proche est Il faut sauver le soldat Ryan en 1998). Malgré ses défauts, Le Jour le plus long a tout de même atteint son objectif : rendre hommage à tous ces soldats dont beaucoup laissèrent leur vie ce jour-là sur une plage de Normandie. Ils méritaient bien qu’une telle superproduction leur soit consacrée.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Mitchum, John Wayne, Henry Fonda, Curd Jürgens, Bourvil, Gert Fröbe, Eddie Albert, Arletty, Jean-Louis Barrault, Richard Beymer, Richard Burton, Red Buttons, Pauline Carton, Sean Connery, Irina Demick, Mel Ferrer, Steve Forrest, Leo Genn, John Gregson, Paul Hartmann, Jeffrey Hunter, Karl John, Fernand Ledoux, Alexander Knox, Christian Marquand, Roddy McDowall, Sal Mineo, Kenneth More, Edmond O’Brien, Wolfgang Preiss, Madeleine Renaud, Georges Rivière, Robert Ryan, George Segal, Jean Servais, Rod Steiger, Richard Todd, Peter van Eyck, Robert Wagner, Georges Wilson
Voir la fiche du film sur le site IMDB.

A lire : un récit intéressant sur le tournage du film

le jour le plus long
John Wayne dans Le Jour le plus long de Darryl F. Zanuck.

Remarques :
* L’anglais Ken Annakin a tourné les scènes anglaises, l’américain Andrew Marton a tourné les scènes américaines et l’allemand Bernhard Wicki les scènes allemandes.
* Darryl F. Zanuck était très présent sur le tournage et a même réalisé lui-même certaines séquences.
* Le tournage eut lieu en Normandie mais aussi en Corse et sur l’île de Ré.
* Bon nombre d’acteurs sont beaucoup trop âgés pour leur rôle : par exemple, le lieutenant-colonel Vandervoort interprété par John Wayne avait en réalité 27 ans. Même au moment du tournage 17 ans plus tard, il avait dix ans de moins que John Wayne (54 ans)!
* Le Jour le plus long est l’une des rares superproductions hollywoodiennes où les acteurs s’expriment dans leur langue : les français parlent français, les allemands parlent allemand… Une version tout en anglais fut toutefois réalisée pour le marché américain notamment.
* Le film connut un immense succès commercial, une manne bienvenue pour la Fox qui était alors bien mal en point à cause de Cléopâtre.
* Une version colorisée a été réalisée pour le 50e anniversaire du débarquement en 1994. Elle fut diffusée sur TF1, puis vendue en version VHS.

le jour le plus long
Darryl F. Zanuck sur le tournage (à la Pointe du Hoc) du Jour le plus long.

23 juin 2017

Une merveilleuse histoire du temps (2014) de James Marsh

Titre original : « The Theory of Everything »

Une merveilleuse histoire du tempsEn 1963 à Cambridge, le jeune Stephen est un étudiant brillant en cosmologie qui cherche encore son sujet de thèse. Ce sera « le temps ». Il tombe amoureux d’une étudiante en art avant de découvrir qu’il est atteint de la maladie de Charcot. On ne lui donne tout au plus que deux ans à vivre… S’il est une personne qui mérite amplement d’avoir un biopic sur son parcours, c’est bien Stephen Hawkins dont le parcours est exemplaire. Que ce soit dans le domaine de la physique ou dans sa vie personnelle, il symbolise à merveille les vertus du « think outside the box » et de la ténacité : par une approche originale, il est le premier physicien à avoir laissé entrevoir la possibilité d’un rapprochement entre la relativité générale et la mécanique quantique (la fameuse « théorie du tout », d’où le titre original du film) et il a persisté à vouloir vivre malgré les sombres pronostics et les difficultés dues à son handicap. Bien entendu, le film insiste beaucoup plus sur sa maladie que sur ses travaux et on y retrouve les codes et travers du genre (ces films montrent toujours les 5% d’inspiration mais jamais les 95% de transpiration), mais il s’agit heureusement d’un film anglais… le même film fait par Hollywood aurait certainement été terrifiant ! Eddie Redmayne est à la fois saisissant et touchant. Une merveilleuse histoire du temps est un beau film qui rend un juste hommage à ce scientifique hors du commun.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Eddie Redmayne, Felicity Jones
Voir la fiche du film et la filmographie de James Marsh sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Le film est basé sur l’autobiographie de Jane Hawkins.
* Stephen Hawkins a aujourd’hui 75 ans. Il a récemment réaffirmé son intention d’aller dans l’espace avec Virgin Galactic (sa place est réservée).
* Pour en savoir plus sur les travaux de Stephen Hawkins : une vidéo de Science étonnante (excellente chaîne YouTube sur la physique de David Louapre).

The theory of everything
Maxine Peake, Eddie Redmayne et Felicity Jones dans Une merveilleuse histoire du temps de James Marsh.

Stephen Howkins
A gauche, le mariage de Stephen Hawkins en 1965, à droite la scène reconstituée dans Une merveilleuse histoire du temps de James Marsh.

22 juin 2017

Pauvres millionnaires (1959) de Dino Risi

Titre original : « Poveri milionari »

Pauvres millionnairesAmis depuis toujours, Romolo et Salvatore se sont mariés le même jour mais le voyage de noces commun tourne court. De retour à Rome, Salvatore se fait renverser par une riche jeune veuve et devient amnésique. Cette dernière s’entiche de lui et le fait nommer directeur du grand magasin où travaille Romolo… Après le succès du réussi Pauvres mais beaux, Dino Risi lui a donné deux suites : Beaux mais pauvres et ce Pauvres millionnaires. Nous retrouvons le même quatuor qui tente de s’établir après que les garçons aient trouvé un travail. L’histoire a perdu son caractère de regard social pour évoluer sur le terrain du burlesque pur. Le scénario est particulièrement improbable, ce qui n’est pas très grave en soi s’il exploitait bien les situations cocasses créées. Mais ce n’est pas vraiment le cas, hélas. Certes, il y a quelques bonnes trouvailles et de bons moments mais l’ensemble nous laisse sur une impression d’insatisfaction. Côté acteur, Renato Salvatori sort une fois de plus du lot : il n’a pas son pareil pour ces rôles de garçon aussi niais et immature qu’attachant. La fin était de toute évidence conçue pour permettre une suite qui ne vit pas le jour. Pauvres millionnaires fait partie de la première période de la filmographie de Dino Risi, avant ses plus belles réussites qui en firent un grand cinéaste.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Maurizio Arena, Renato Salvatori, Lorella De Luca, Alessandra Panaro, Sylva Koscina
Voir la fiche du film et la filmographie de Dino Risi sur le site IMDB.

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Pauvres millionnaires
Lorella De Luca, Maurizio Arena et Renato Salvatori dans Pauvres millionnaires de Dino Risi.

21 juin 2017

La Femme aux miracles (1931) de Frank Capra

Titre original : « The Miracle Woman »

La Femme aux miraclesA la mort de son père pasteur, Florence Fallon (Barbara Stanwyck) accepte par dépit l’offre d’un escroc qui désire exploiter ses dons oratoires à des fins commerciales. Elle devient rapidement une prédicatrice très connue. L’écoutant à la radio, un jeune aveugle prêt à se suicider reprend goût à la vie et se rend au temple pour la rencontrer… The Miracle Woman est adapté d’une pièce de John Meehan inspirée de la célèbre prédicatrice canadienne Aimee Semple McPherson, pionnière dans l’usage des médias. Le film est une satire des sectes et des faux prédicateurs. Frank Capra a déclaré plus tard regretter de ne pas avoir été assez loin : il charge le personnage de l’acolyte de tous les maux (ce personnage n’existait pas dans la pièce), laissant intacte la jeune femme qui serait donc manipulée. Cela permet en tous cas à Capra de placer une notion assez récurrente dans ses films : c’est grâce à l’autre que l’on peut se transformer. Et cela marche dans les deux sens : le jeune aveugle se redécouvre grâce à Florence et elle-même retrouvera la paix en quittant le mensonge grâce à lui. La prestation de Barbara Stanwyck est assez remarquable, tout comme la photographie de Joseph Walker. Le film fut un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, David Manners, Sam Hardy
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Barbara Stanwyck et David Manners dans La Femme aux miracles de Frank Capra.

Remarques :
* The Miracle Woman fut interdit en Grande Bretagne et ne sortit au Canada qu’en 1977.

* Sur la prédicatrice Aimee Semple McPherson, le scénariste Herman J. Mankiewicz a écrit en 1949 un ouvrage que son frère Joseph voulut porter à l’écran. La famille de la prédicatrice s’y opposa. En 1976, un téléfilm The Disappearance of Aimee réalisé par Anthony Harvey a mis en scène le (prétendu ?) kidnapping d’Aimee Semple McPherson et le procès qui a suivi (avec Faye Dunaway et Bette Davis).

* La scène de l’incendie fut réalisée sans incrustations et Barbara Stanwyck et David Manners furent réellement au beau milieu des flammes.

20 juin 2017

Le Dirigeable (1931) de Frank Capra

Titre original : « Dirigible »

Le DirigeableAmis de longue date, Jack, commandant d’un dirigeable, et Frisky, pilote d’essai casse-cou, ont pour mission d’accompagner un explorateur tentant d’accéder au pôle Sud. Ayant peur de perdre son mari, la femme de Frisky demande à Jack de l’écarter de cette dangereuse… Aux alentours de 1930, les films sur l’aviation connurent une certaine vague de popularité (1). Le patron de la jeune Columbia, Harry Cohn, prend donc le risque d’une couteuse production, il  décide de ne pas regarder à la dépense pour ce Dirigible. C’est alors le film le plus couteux jamais réalisé par le studio. L’histoire écrite par Frank Wead (2) s’inspire du crash du dirigeable Italia près du pôle Nord en 1928. Un triangle amoureux y a été greffé mais l’essentiel du film repose sur l’action avec des scènes spectaculaires pour l’époque, comme ce crash d’un dirigeable pris dans une tempête. Bien fait, le film fut un succès commercial bienvenu pour la Columbia.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Holt, Ralph Graves, Fay Wray
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Le dirigeable
Fay Wray, Ralph Graves et Jack Holt dans Le Dirigeable de Frank Capra.

Le Dirigeable
Le dirigeable Los Angeles de la Marine américaine (oui les dirigeables sont des ships et dépendent de la Marine) a été utilisé pour le tournage de Le Dirigeable de Frank Capra. A noter que, dans la scène de l’accrochage de l’avion, certains plans ont été donnés par la Marine qui faisait alors de telles expérimentations.

Remarques :
* A l’époque du film, le pôle Sud avait déjà été atteint à pied par une expédition norvégienne en 1911 et survolé en avion en 1929. Ensuite, il faudra attendre 1956 pour qu’un avion s’y pose.

* Les scènes avec le Los Angeles ont été tournées à Lakehurst dans le New Jersey, son port d’attache (c’est là où le Hindenburg explosera quelques années plus tard). A la suite d’une grève des techniciens, le tournage a dû être déplacé. Les scènes du pôle Sud ont été tournées dans le désert californien sous un soleil de plomb, la neige étant simulée avec des cornflakes décolorés. Les acteurs avaient une poche de glace dans la bouche pour créer de la condensation ce qui posait quelques problèmes d’intelligibilité des paroles.

(1) Citons simplement Wings de Wellman (Paramount, 1927), Hell’s Angels d’Howard Hughes (United Artists, 1930), The Lost Zeppelin d’Edward Sloman (Tiffany, 1930) et bien entendu Flight (Columbia, 1929) dirigé par Frank Capra.
(2) Frank Wead est ce scénariste auquel John Ford a rendu hommage dans son film L’aigle vole au soleil (The Wings of Eagles, 1957).

19 juin 2017

Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Offret »

Le Sacrifice(Exceptionnellement, le synopsis qui suit couvre tout le film car il est, à mon avis, préférable de le connaitre avant de voir de film) Ex-comédien célèbre, Alexandre s’est retiré avec sa famille pour vivre isolé sur une île au large des côtes suédoises. Le jour de son anniversaire, une guerre nucléaire mondiale est déclenchée. Alexandre fait le vœu à Dieu de renoncer à ce qui lui est le plus cher et de ne plus prononcer une parole si tout redevient comme avant. Le facteur, passionné des phénomènes paranormaux, lui conseille d’aller chez sa voisine qui est un peu sorcière (ou un ange, au choix) et qui saura exaucer son vœu. C’est le cas. Il détruit alors sa maison et sacrifie sa liberté… Le Sacrifice est l’ultime film d’Andrei Tarkovski qui décèdera hélas quelques mois plus tard. Il s’agit d’une longue parabole dont plusieurs aspects restent assez obscurs. Le premier tiers (avant le passage des bombardiers) m’a personnellement le plus enchanté : de longs monologues d’Alexandre qui s’interroge sur sa vie et son rapport à la société. Autant ses réflexions sont intéressantes, autant les autres personnages paraissent futiles, le cas le plus extrême étant sa femme, une anglaise nostalgique de la vie mondaine (qui symbolise certainement la futilité de notre monde moderne mais on peut se demander comment Alexandre a pu vivre tant d’années avec elle). Le reste m’a paru inutilement imagé et lent, disons qu’Alexandre doit éprouver lui-même sa capacité à désirer le bien. On peut ne pas partager l’attrait du réalisateur pour le paranormal (mais toute l’histoire n’est peut-être qu’un rêve, aucun indice ne permet de trancher). La spectaculaire scène finale est devenue l’un des plans-séquences les plus célèbres de Tarkovski. Le film est une production franco-suédoise (le réalisateur a quitté sa Russie natale pour la Suède), plusieurs acteurs sont doublés, y compris la française Valérie Mairesse qui est plutôt inattendue dans un tel film. Le Sacrifice est, en tous cas, visuellement très beau.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erland Josephson, Susan Fleetwood, Allan Edwall, Sven Wollter, Valérie Mairesse
Voir la fiche du film et la filmographie de Andreï Tarkovski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andreï Tarkovski chroniqués sur ce blog…

Voir un livre sur Le Sacrifice qui vient de sortir (472 pages)…
Voir les livres sur Andreï Tarkovski

Remarques :
* Tarkovski fait un hommage appuyé à Bergman : Erland Josephson est l’un des acteurs fétiches de Bergman ; Sven Nykvist, le directeur de la photographie attitré de Bergman, est derrière la caméra ; les décors sont signés Anna Asp, oscarisée pour les décors de Fanny et Alexandre ; le tournage a eu lieu sur l’île de Gotland où Bergman a tourné plusieurs de ses films ; pour couronner le tout, Daniel Bergman, fils du réalisateur, est un assistant.

* Bergman n’aimait pas vraiment le film, disant en quelque sorte que Tarkovski avait surtout fait du Tarkovski.

* Le Sacrifice a été sélectionné par le Vatican dans la catégorie « Religion » de sa liste de « 45 grands films ».

 

Le Sacrifice
Allan Edwall, Erland Josephson, Filippa Franzén et Susan Fleetwood dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

Le Sacrifice
Tournage de la scène finale de Le Sacrifice de Andrei Tarkovski. (Il s’agit vraisemblablement de la première prise car la fumée est bien plus verticale que dans le film. La caméra s’étant enrayée au beau milieu du plan-séquence, la maison a en effet été reconstruite pour faire une seconde prise.)

Le Sacrifice
La maison et sa miniature dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

18 juin 2017

Tutti dentro (1984) de Alberto Sordi

Tutti dentroLe juge Annibale Salvemini est entièrement dévoué à sa tâche de lutte contre la corruption. Promu à la suite du départ en retraite de son supérieur, il émet rapidement une centaine de mandats d’arrêts et se concentre sur une affaire de détournement de pots de vin qui met en cause un de ses anciens amis… Acteur bien connu des meilleures comédies italiennes, Alberto Sordi a également réalisé une quinzaine de long métrages dont cet assez rare Tutti dentro (= Tout le monde au trou). Il en a écrit le scénario avec son vieux compère Rodolfo Sonego (qui a beaucoup écrit pour lui depuis 1954 dont le fameux L’Argent de la vieille de Comencini). L’histoire prophétise l’opération Mains propres du début des années quatre vingt-dix : une série d’enquêtes judiciaires visant des personnalités qui mirent au jour tout un système de corruption. Alberto Sordi mêle habilement sérieux et comédie, tout l’humour étant apporté par son propre personnage : le juge est un original aux cheveux longs qui emploie des ruses assez personnelles pour parvenir à ses fins. De façon inattendue, c’est l’acteur cher à Scorsese, Joe Pesci, qui lui fait face (doublé en italien bien entendu).
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Joe Pesci, Dalila Di Lazzaro, Giorgia Moll
Voir la fiche du film et la filmographie de Alberto Sordi sur le site IMDB.

 

Tutti Dentro
Alberto Sordi et Joe Pesci dans Tutti dentro de Alberto Sordi.

17 juin 2017

Juliette ou la Clef des songes (1951) de Marcel Carné

Juliette ou La clef des songesDans sa prison, un jeune homme s’évade par le rêve et rend visite au Pays de l’Oubli. Il y recherche Juliette, la jeune fille qu’il aime mais aucun des habitants du village n’a de mémoire… Juliette ou La clef des songes est adapté d’une pièce écrite par Georges Neveux en 1927. Une première adaptation (sur laquelle avait travaillé Cocteau) avait débuté en 1941 avec Jean Marais et Micheline Presle mais la production en avait rapidement été arrêtée à cause de la guerre. Quand il la reprend quelque dix ans plus tard, Marcel Carné transforme entièrement le scénario. Il semble avoir voulu retrouver le climat poétique des Visiteurs du soir mais n’y parvient qu’imparfaitement. Malgré les bonnes interprétations de Gérard Philipe et Suzanne Cloutier (délicatement irréelle), il se dégage une certaine froideur de l’ensemble et nous restons à bonne distance. Cela nous permet d’apprécier à leur juste valeur les superbes décors d’Alexandre Trauner éclairés et filmés par Henri Alekan, deux maitres de leur spécialité. Les scènes de forêt sont absolument merveilleuses. Le film a souvent été jugé assez sévèrement ; certes il n’est pas parfait mais son atmosphère onirique n’est pas sans charme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, Suzanne Cloutier, Jean-Roger Caussimon, Yves Robert
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Carné sur le site IMDB.

Voir les autres films de Marcel Carné chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Marcel Carné

Remarques :
* Pour les scènes de forêt, Alexandre Trauner a ajouté des faux arbres parmi les vrais pour en contrôler la densité.
* Aussi incroyable que cela puisse paraître, le village est un décor.
* On peut noter une certaine influence du merveilleux film d’Henry Hathaway Peter Ibbetson (1935).
* Lire le dossier sur le film sur le site internet marcel-carne.com … avec notamment des articles d’époque parus dans Cinémonde et le scénario romancé paru dans Mon Film.

Juliettte ou la Clef des songes
Suzanne Cloutier est Juliette dans Juliette ou La clef des songes de Marcel Carné.

Juliettte ou la Clef des songes
Gérard Philipe dans Juliette ou La clef des songes de Marcel Carné.

Juliette ou La clef des songes
Gérard Philipe et Jean-Roger Caussimon dans Juliette ou La clef des songes de Marcel Carné.

15 juin 2017

Under the Skin (2013) de Jonathan Glazer

Under the SkinUn alien, ayant pris l’apparence d’une jeune femme très séduisante (Scarlett Johansson), sillonne les rues de Glasgow en Ecosse au volant d’un van. Elle cherche à attirer des hommes seuls pour les conduire dans une maison où ils sont comme « consommés » ou « assimilés »… Basé sur un roman de Michel Faber, néerlandais et écossais d’adoption, Under the Skin est un film pour le moins étonnant. Il ne ressemble à nul autre. L’anglais Jonathan Glazer a mis près de dix ans à le mettre sur pied. La base du scénario est assez classique, un thème récurrent dans la science-fiction : la découverte de la richesse du ressenti humain par un extraterrestre le pousse à vouloir devenir humain (thème que j’ai toujours trouvé un peu présomptueux, soit-dit en passant!) Mais, ce thème ne sert finalement que de trame. Si le film est envoûtant, c’est plus par sa forme et les belles trouvailles de Jonathan Glazer : il crée un contraste surprenant entre les scènes « humaines » au style de documentaire social avec des vues réelles, et les scènes « aliens » épurées à l’extrême, très stylisées. La rareté des paroles alliée à une musique très pleine, parfois à la limite de la dissonance, contribue à créer une atmosphère forte et étrange. L’hiver écossais est bien exploité par le réalisateur : le brouillard qui symbolise le passage d’un monde à l’autre pour l’héroïne, la forêt aux allures féériques qui symbolise sa difficulté à décrypter l’esprit humain. Tout cela est assez superbe. La médiatisation du fait que Scarlett Johansson a fait elle-même toutes les scènes de nu a contribué à donner au film une audience très large. Film étrange, unique, prégnant, Under the Skin pourra être diversement apprécié.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Scarlett Johansson
Voir la fiche du film et la filmographie de Jonathan Glazer sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Jonathan Glazer fait un hommage à Kubrick dans la première scène et les motards sont un hommage à Cocteau : ces émissaires de l’intelligence alien, chargés des basses besognes et également de retrouver Scarlett pour la remettre dans le droit chemin, rappellent en effet les messagers de la Mort dans Orphée.
* Les hommes qui montent dans le van ne savaient pas qu’il s’agissait d’un film, ils n’ont été prévenus qu’après, à l’exception toutefois de l’homme au visage déformé, Adam Pearson atteint d’une maladie génétique, qui a été recruté.
* Le van était truffé de huit caméras, camouflées et tournant simultanément, de minuscules caméra CCD de la taille d’une GoPro mais pouvant être montée avec un (gros) objectif anamorphique super16.

Under the Skin
Scarlett Johansson dans Under the Skin de Jonathan Glazer.

Under the Skin
La « fabrication » de Scarlett Johansson ouvre le film…  un évident hommage à 2001, l’odyssée de l’espace. Jonathan Glazer rapproche visuellement l’infiniment grand, l’espace, et l’infiniment petit. Superbe.

14 juin 2017

Sylvia Scarlett (1935) de George Cukor

Sylvia ScarlettDu fait des malversations de son père, une jeune femme française doit se déguiser en garçon pour le suivre dans fuite vers l’Angleterre. En chemin, ils sympathisent avec un petit escroc et font équipe tous les trois… La notoriété actuelle de cette comédie de George Cukor repose en grande partie sur le travestissement de Katharine Hepburn. Il faut bien avouer que le scénario (adapté d’un roman de Compton MacKenzie paru en 1918) n’est guère vraisemblable et part un peu dans tous les sens. Sylvia Scarlett est finalement un film assez étrange du fait du travestissement de Katharine Hepburn, bien entendu, mais aussi parce que l’actrice parle un peu en français avec une voix haut perchée et le bostonien Cary Grant tente (sans grand résultat, semble t-il) de prendre l’accent cockney londonien. Et il y a ce curieux mélange entre comédie, aventure romantique et tragédie (le père qui sombre peu à peu dans la folie) sans qu’aucun aspect ne prévale vraiment. A sa sortie, le film fut très mal reçu par la critique et par le public, choqué par le travestissement. L’image de Katharine Hepburn en pâtit, l’actrice allait enchaîner ensuite les échecs qui lui vaudraient le surnom de « box-office poison » quelques années plus tard. Elle fait pourtant une belle performance. Seul Cary Grant s’en tira sans dommage, montrant au contraire qu’il avait des talents pour la comédie. Vu aujourd’hui, Sylvia Scarlett apparaît comme une belle curiosité, certainement en avance sur son temps sur le plan de la sexualité et qui explore la frontière entre réalité et illusion.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Katharine Hepburn, Cary Grant, Brian Aherne, Edmund Gwenn
Voir la fiche du film et la filmographie de George Cukor sur le site IMDB.

Voir les autres films de George Cukor chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur George Cukor

Remarques :
* Il s’agit d’une nouvelle vision de ce film pour ce blog, la présentation précédente (10 ans auparavant) était bien plus négative, assez sévère même. Lire…
* La scène d’ouverture située à Marseille fut rajoutée après les premières projections-tests pour bien montrer Katharine Hepburn habillée en fille avec des nattes.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Edmund Gwenn, Katharine Hepburn et Cary Grant dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn et Brian Aherne dans Sylvia Scarlett de George Cukor.

Sylvia Scarlett
Katharine Hepburn sur le tournage Sylvia Scarlett de George Cukor. Le photographe de cette superbe photo de tournage s’est baissé pour être dans le champ (ce qu’il tient est le trépied de son appareil, au dessus de lui). Cette photo figure dans le très beau livre Tournages 1910-1939 (ed. Le Passage/La Cinémathèque).