30 janvier 2024

Une femme de notre temps (2022) de Jean-Paul Civeyrac

Une femme de notre tempsJuliane, commissaire de police à Paris, est une femme d’une grande intégrité morale. Mais la découverte de la double vie de son mari va soudain la conduire à commettre des actes dont elle ne se serait jamais crue capable…
Une femme de notre temps est un film français écrit et réalisé par Jean Paul Civeyrac. Ce n’est pas un polar, il s’agit plutôt d’un parcours intérieur avec pour thèmes le deuil inconsolable, le mensonge, la trahison (plus exactement, le fait de se sentir trahi), le basculement d’une vie. Très bien. Mais rien ne fonctionne, le film ne trouve jamais son équilibre, tout paraît artificiellement alourdi, les scènes sont inutilement étirées. La musique est particulièrement insupportable car elle se montre insistante à vouloir créer une atmosphère dramatique. Elle est l’œuvre de Valentin Silvestrov, un compositeur ukrainien qui n’est pas à blâmer car c’est l’utilisation de sa musique qui est outrancière. Les acteurs semblent absents. Seule la scène finale (avec l’arc) est notable. Apprécié par (une partie de) la critique.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Sophie Marceau, Johan Heldenbergh, Cristina Flutur
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Sophie Marceau et Johan Heldenbergh dans Une femme de notre temps de Jean-Paul Civeyrac.

23 avril 2023

Madeleine Collins (2021) de Antoine Barraud

Madeleine CollinsJudith a depuis des années une double vie : en Suisse, elle vit avec Abdel avec qui elle élève une petite fille ; en France, elle est la mère de deux garçons avec Melvil. Elle justifie son absence régulière en prétextant des voyages dans d’autres pays européens pour son métier de traductrice…
Madeleine Collins est un film français écrit et réalisé par Antoine Barraud. Il s’agit d’un film assez troublant qui brouille constamment les maigres pistes offertes au spectateur. Le début nous fait penser à L’emploi du temps d’après le roman d’Emmanuel Carrère mais rapidement on se rend compte que la situation est bien différente, même si ces histoires ont pour thème commun le mensonge. Nous restons très longtemps dans l’ignorance face au comportement des personnages mais l’explication arrive doucement dans le dernier tiers du film. Antoine Barraud a su capter puis garder toute notre attention. Il faut bien entendu éviter de lire des commentaires sur le film qui dévoileraient trop de choses. Virginie Effira est parfaite, y compris dans les scènes les plus intenses. L’ensemble est assez brillant et bien écrit.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs : Virginie Efira, Quim Gutiérrez, Bruno Salomone, Jacqueline Bisset, Thomas Gioria, Valérie Donzelli
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Madeleine CollinsQuim Gutiérrez et Virginie Efira dans Madeleine Collins de Antoine Barraud.

10 avril 2022

La Vérité (2019) de Hirokazu Kore-eda

La VéritéGrande vedette de cinéma, Fabienne change la perception que le public a d’elle en publiant ses mémoires. À sa demande, sa fille installée aux États-Unis revient en France avec sa famille. La relation entre les deux femmes a toujours été difficile et les retrouvailles sont houleuses…
La Vérité est un film franco-japonais écrit et réalisé par Hirokazu Kore-eda. Le réalisateur japonais signe là son premier long métrage réalisé hors du Japon et dans une langue qui lui est étrangère. Il a en effet tourné en France, avec une distribution entièrement française et une équipe française. Le fond du propos peut paraître classique, les délicates relations mère-fille, mais il y introduit une réflexion sur la vérité et le mensonge : « Qu’est-ce qui fait qu’une famille est une famille ? Est-ce la vérité ou le mensonge ? Et vous, que choisiriez-vous entre une vérité cruelle et un doux mensonge ? » (1) Cette réflexion prend place dans un milieu qui a une relation particulière à la vérité : après tout, un acteur ne fait-il pas que mentir ? Il est assez étonnant de voir Catherine Deneuve interpréter un personnage si odieux qui pourrait être elle-même. L’actrice semble jouer sans hésiter sur cette ambigüité. Enfin, dernière finesse de Kore-eda, il insère un film dans le film, un tournage en cours, dont le propos retourne comme un gant la situation mère-fille. Si l’on peut qualifier l’ensemble du propos de philosophique, le ton général reste léger et l’approche délicate. La fin du film est un peu gentillette mais cela n’enlève rien à ses qualités. La Vérité a été bien accueilli par la critique, un peu moins bien par le public semble t-il.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Ethan Hawke, Clémentine Grenier, Manon Clavel, Alain Libolt
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(1) Extrait de la note d’intention de Hirokazu Kore-eda.

La VéritéCatherine Deneuve et Juliette Binoche et Ethan Hawke dans La Vérité de Hirokazu Koreeda.

Homonyme :
La Vérité (1960) de Henri-Georges Clouzot avec Brigitte Bardot

18 décembre 2021

Family Romance, LLC (2019) de Werner Herzog

Family Romance, LLCDans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide mais évolue bien et ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que ce « père » est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère…
Family Romance, LLC est un film vraiment unique en son genre. Ce n’est ni une oeuvre de fiction, ni un documentaire. Non seulement la société Family Romance existe bel et bien mais encore l’acteur principal du film, Ishii Yuichi, en est le fondateur. La société emploie actuellement 800 personnes, 800 acteurs peut-on même dire. Si l’on considère que le cinéma joue constamment avec les barrières entre réel et fiction, on comprend aisément pourquoi mettre en scène Family Romance  LLC a attiré un cinéaste comme Werner Herzog : on ne sait plus très bien où mettre ces barrières si tant est qu’elles existent encore ici. Herzog a tout de même écrit un scénario et a tourné le film avec des moyens très légers, laissant les acteurs improviser. Le cinéaste précise qu’il ne parle pas japonais mais qu’il percevait le sens des échanges. Tous les acteurs sont des non professionnels. Accessoirement, le film nous permet de découvrir un petit pan de la culture japonaise. Un film assez troublant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ishii Yuichi, Mahiro Tanimoto, Miki Fujimaki
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Family Romance, LLCIshii Yuichi et Miki Fujimaki dans Family Romance, LLC de Werner Herzog.

Family Romance, LLCMahiro Tanimoto, Ishii Yuichi et Werner Herzog sur le tournage de Family Romance, LLC de Werner Herzog.

3 avril 2021

El reino (2018) de Rodrigo Sorogoyen

El reinoManuel López Vidal est un homme politique influent à l’avenir prometteur. Mais son implication dans une affaire de corruption vient remettre en cause sa réputation. Prêt à tout pour conserver une place montante au sein de son parti, il va très vite plonger dans une spirale infernale…
El reino (= le royaume) est un thriller politique espagnol écrit par Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña. Pour évoquer « la situation politique préoccupante en Espagne où les affaires de corruption ne cessent de se multiplier depuis quelques années », ils ont choisi un angle original et inattendu : tout le déroulement de l’histoire est vu par les yeux d’un politicien corrompu. Cette approche n’est, de toute évidence, pas là pour générer l’empathie mais plutôt pour mieux mettre en relief l’omniprésence du mensonge, à tous les niveaux et dans tous les rapports avec autrui. A noter que aucun parti, ni même couleur politique, n’est mentionné, probablement pour rendre le propos plus universel. La caméra de Rodrigo Sorogoyen est très mobile, collant de près au personnage, à tel point que le début du film perturbe quelque peu. Mais le plus remarquable est l’énergie qui dégage de l’ensemble, une énergie également insufflée par le jeu nerveux d’Antonio de la Torre. Pour son second long métrage, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen montre indéniablement un style qui lui est propre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Antonio de la Torre, Mónica López, Josep Maria Pou, Bárbara Lennie
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El reinoAntonio de la Torre dans El reino de Rodrigo Sorogoyen.

4 juin 2019

L’Apparition (2018) de Xavier Giannoli

L'apparitionEncore traumatisé par la mort récente de son photographe, un reporter de guerre est contacté par un membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican pour une mission particulière. Dans le sud de la France, une jeune fille a affirmé avoir vu la Vierge Marie plusieurs fois et des milliers de pèlerins affluent déjà sur le lieu des apparitions présumées. Bien que ce monde lui soit totalement étranger, il accepte de faire partie de la commission d’enquête…
Ecrit et réalisé par Xavier Giannoli, L’Apparition est un film assez différent de la production habituelle et mérite d’être remarqué. Cette histoire est traitée comme un polar religieux et le récit fonctionne particulièrement bien en tant que film d’enquête. L’histoire est assez prenante, nimbée d’un voile mystique qui voile la réalité. Toutefois, hisser l’ensemble au niveau d’une réflexion philosophique sur la Foi relève plutôt de l’enthousiasme de certains critiques : le sujet n’est pas abordé. En revanche, il y a une réflexion sur la notion de vérité, ce qui la définit, ce qui la constitue ; peut-elle être différente pour chacun ? En ce sens, la fin du film pourra déconcerter mais n’était-ce pas la seule possible ? En évitant la facilité d’une explication, n’est-elle pas aussi la plus réaliste ? Tout au plus, peut-on lui reprocher d’être édulcorée d’éléments superflus. La jeune Galatéa Bellugi incarne parfaitement cette jeune fille qui se veut touchée par la grâce et Vincent Lindon est dans son registre habituel, style ours fragile et, comme d’habitude, on ne comprend strictement rien aux sons qui sortent de sa bouche (sous-titres obligatoires). La musique, signée Arvö Part et George Delerue, est superbe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vincent Lindon, Galatéa Bellugi, Patrick d’Assumçao, Anatole Taubman, Elina Löwensohn
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L'Apparition
Galatéa Bellugi dans L’Apparition de Xavier Giannoli.

20 novembre 2017

Manèges (1950) de Yves Allégret

ManègesAu chevet de sa jeune femme Dora, entre la vie et la mort à la suite d’un accident, Robert est en pleurs, dévasté par la peur de la perdre. Il se remémore les jours heureux… Ecrit par Jacques Sigurd et Yves Allégret, Manèges va encore plus loin dans la noirceur que Dédée d’Anvers et Une si jolie petite plage, les deux films précédents du tandem. Ce n’est pas un « film noir » dans le sens classique du terme mais c’est un des films les plus noirs qui soient. Les personnages sont ici franchement haïssables par leur cruauté, leur égoïsme et leur cupidité. Il n’y a aucun rayon de soleil dans cette histoire qui laisse le spectateur vacillant, ébranlé dans sa foi dans la nature humaine. On peut reprocher à Sigurd et Allégret de ne montrer que le côté noir des choses, oubliant ainsi de donner un peu de profondeur à leurs personnages. On peut toutefois noter une critique du nouvel ordre social qui s’est établi à la Libération et, heureusement, Bertrand Blier et Simone Signoret font une interprétation remarquable d’intensité.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Simone Signoret, Jane Marken, Jacques Baumer, Frank Villard
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Remarques :
* Devant un tel portrait si sombre de la gent féminine, il paraît difficile de ne pas employer le mot « misogynie ». Yves Allégret a cette réputation, en effet. Mais un autre élément est à prendre en compte : entre Dédée d’Anvers où l’actrice attire notre sympathie et le tournage de Manèges, Simone Signoret, épouse d’Yves Allégret, a rencontré Yves Montand ce qui provoquera un divorce l’année suivante. Manèges serait-il un règlement de comptes entre le metteur en scène et son épouse/interprète ?
* Dans son autobiographie La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, Simone Signoret raconte que les spectateurs l’ont détestée dans ce film et l’arrêtaient dans la rue pour lui dire.

Manèges
Bernard Blier, Jacques Baumer et Simone Signoret dans Manèges d’Yves Allégret.

2 août 2017

Plus fort que le diable (1953) de John Huston

Titre original : « Beat the Devil »

Plus fort que le diableDans un petit village du sud de l’Italie, un petit groupe d’individus assez interlopes, visiblement en cheville, attendent d’embarquer sur un bateau qui doit les emmener en Afrique. Ils sont abordés par un couple d’anglais qui seront aussi du voyage… A côté des nombreux films majeurs que compte la filmographie de John Huston, Beat the Devil ne peut que paraître mineur. Il n’en est pas moins remarquable. L’adaptation de ce roman de Claud Cockburn a été quelque peu hasardeuse : le premier scénario fut jugé très mauvais et c’est Truman Capote qui sauva la production en le réécrivant au tout dernier moment et au fur à mesure du tournage. Le film est assez difficile à décrire si ce n’est comme un détournement parodique des codes du film de gangster. Cette cohabitation forcée d’un ensemble de personnalités très disparates donne des résultats assez saugrenus. L’ensemble baigne d’un humour qui frôle le nonsense et les dialogues de Truman Capote sont vraiment savoureux. Le film est une belle surprise. Mal présenté à sa sorti (l’affiche ci-contre en est un exemple : elle laisse présager un grand film d’aventures), le film fut un échec commercial.  Beat the Devil fut le sixième film de John Huston avec Humphrey Bogart. Ce fut hélas le dernier. John Huston aura la pénible charge d’écrire l’oraison funèbre de son ami Bogie deux ans plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Jennifer Jones, Gina Lollobrigida, Robert Morley, Peter Lorre, Edward Underdown
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Remarques :
* Le film est produit par Santana, la compagnie d’Humphrey Bogart.
* La plus grande partie du film a été tournée à Ravello, près d’Amalfi au sud de Naples.
* Une anecdote circule à propos de Beat the Devil : le jeune Peter Sellers aurait doublé Humphrey Bogart dans certaines scènes lorsqu’il eut les dents cassées dans un accident automobile. Le doublage est si bien fait qu’il est indétectable… (John Huston mentionne bien cet accident dans ses mémoires mais il a eu lieu avant le premier jour de tournage… Patrick Brion ajoute que Sellers aurait également doublé certains acteurs italiens qui n’avaient pas compris les directives qu’on leur donnait).
* Le film est tombé dans le domaine public et les copies qui circulent sont souvent tronquées ou de mauvaise qualité.

Beat the Devil
Humphrey Bogart et Jennifer Jones (en blonde!) dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Peter Lorre, Marco Tulli et Robert Morley dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Humphrey Bogart, Gina Lollobrigida et Edward Underdown dans Plus fort que le diable de John Huston (photo publicitaire).

1 juin 2016

Le Bienfaiteur (1942) de Henri Decoin

Le BienfaiteurDans la petite ville de Barfleur sur Oron, Monsieur Moulinet est tenu en haute estime. Il déjeune tous les dimanches midi avec Monsieur le Maire et quelques notables. Il s’est forgé une belle réputation notamment en faisant un don généreux à l’Association des orphelines que dirige Mme Berger dont il est amoureux. Mais quand il se rend à Paris, Monsieur Moulinet a des activités tout autres qui sont bien moins avouables… Le scénario de Le Bienfaiteur est une variante de L’Etrange Monsieur Victor de Jean Grémillon (1938) où Raimu interprétait déjà un homme à double vie. Le film est loin d’être aussi remarquable. L’histoire est si mal écrite qu’elle en devient totalement invraisemblable et l’interprétation n’améliore guère les choses : Suzy Prim finit par faire sourire à force de vouloir paraître malheureuse et Raimu ne semble guère concerné par cette histoire, il est bien loin de ses meilleurs rôles. Le savoir-faire d’Henri Decoin ne peut sauver vraiment l’ensemble qui paraît maladroit. Le plus intéressant est finalement la peinture des notables d’une petite ville de province (un peu dans l’esprit de ce que fera Chabrol quelques décennies plus tard).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Raimu, Suzy Prim, Pierre Larquey, René Bergeron, Yves Deniaud, Charles Granval, Jacques Baumer
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Remarques :
* Il paraît difficile de ne pas replacer le thème du film dans son époque : le film a été tourné sous l’Occupation, période où l’intimité était une notion attaquée et mise à mal. Or le thème du film est justement de pointer du doigt que la respectabilité peut cacher les choses les plus inavouables.
* La secrétaire du journal est Simone Signoret, ici dans l’un des ses tous premiers rôles de figuration.

Le Bienfaiteur
Raimu (à droite) est chef d’une bande de petits malfrats dans Le Bienfaiteur de Henri Decoin.

5 mai 2016

Les Monstres (1963) de Dino Risi

Titre original : « I mostri »

Les monstresLes monstres est une série de 19 sketches qui illustrent, sur le ton de la comédie, les défauts et travers de la nature humaine. Comme dans (presque) tous les films à sketches, certains paraissent plus faibles que d’autres. Il faut accepter ce principe car, sinon on ne peut dépasser le stade de dire que « l’ensemble est inégal ». On pourrait bien entendu reprocher la profusion de sketches et la voir comme la conséquence d’une certaine paresse structurelle. En fait, cette profusion permet aux auteurs de frapper tous azimuts : personne n’est épargné, les puissants et les riches sont autant fustigés que les plus pauvres. Elle permet aussi de montrer les multiples formes du mensonge et de l’hypocrisie (on peut citer aussi le cynisme, le machisme, la liste est longue…) Ce sont des croquis, de durées très diverses, allant de 45 secondes à plus de 15 minutes, toujours très incisifs, soulignant à grands traits l’ironie des situations. Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman sont les deux piliers de cette brochette de portraits ; ils nous font un véritable récital, Gassman montrant ses talents de déguisement (y compris en femme). Les Monstres est un film plus fort qu’il ne paraît : sur le coup, il peut paraître un peu anodin mais, plus on y repense après coup, plus il apparaît riche et juste dans les visions qu’il nous propose. En outre, le propos n’est nullement connoté « années soixante » car pratiquement toutes ces visions sont toujours aussi actuelles. Avec Le Fanfaron du même Dino Risi, Les Monstres est l’un des premiers grands films de la comédie italienne, genre qui va durer à son meilleur une bonne dizaine d’années. Il est l’illustration de sa puissance, de son caractère subversif et aussi de sa portée sociologique qui la fait dépasser largement le cadre du simple divertissement.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Marino Masé, Marisa Merlini, Michèle Mercier, Ugo Attanasio
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Remarques :
* Ont contribué à l’écriture du scénario : Age et Scarpelli, Elio Petri, Dino Risi, Ettore Scola, Ruggero Maccari… que des grands noms du cinéma italien.
* Un vingtième sketch a été coupé dans les versions visibles en France.
* Le film a eu une suite : Les Nouveaux Monstres de Mario Monicelli et Dino Risi (1977) avec Vittorio Gassman, Ornella Muti et Alberto Sordi

 

Les Monstres
Ricky Tognazzi et Ugo Tognazzi dans le premier sketch de Les monstres de Dino Risi (Ricky est aussi le fils d’Ugo dans la vraie vie, il est aujourd’hui acteur et metteur en scène).

Les 19 sketches :
(A ne lire qu’après avoir vu le film car les descriptions ci-dessous peuvent dévoiler en partie le punch final. Il n’y a d’ailleurs aucun intérêt à lire cette liste avant de voir le film. Cette liste permet seulement de repenser après coup à la finalité des sketches, de mieux voir leur force et de mesurer à quel point l’ensemble forme un tout.)

1. La bonne éducation (7′) avec Ugo Tognazzi
Un père inculque à son jeune fils des principes moraux franchement douteux.

2. Le monstre (1′) avec Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi
Deux policiers se mettent en avant devant les photographes avec le monstrueux assassin qu’ils viennent d’arrêter. On peut se demander lequel est le plus monstrueux des trois…

3. Comme un père (7′) avec Ugo Tognazzi et Lando Buzzanca
Un homme frappe à la porte d’un ami en pleine nuit. Il s’inquiète car son épouse rentre tard le soir. Il la soupçonne de le tromper…

4. Rapt (5′) avec Vittorio Gassman et Maria Mannelli
Une vieille dame terrorisée est littéralement enlevée pour participer à un tournage de cinéma.

5. Le pauvre soldat (9′) avec Ugo Tognazzi
Un soldat apprend que sa soeur a été assassinée. Il se dit inconsolable mais va profiter de la situation…

6. Une vie de chien (3′) avec Vittorio Gassman
Un homme très pauvre ment à sa famille sur la façon dont il remplit ses journées.

7. La journée d’un parlementaire (12′) avec Ugo Tognazzi
Un député, qui mène ostensiblement une vie exemplaire et monacale, couvre une affaire de corruption.

8. Sur le sable (2′) avec Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi
Le machisme à l’oeuvre sur la plage peut cacher autre chose… (à mes yeux, c’est le plus bizarre dans son propos.)

9. Le témoin volontaire (12′) avec Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi
Un homme décide de témoigner contre un accusé au grand dam de l’avocat de la défense qui va le discréditer.

10. Les deux orphelins (3′) avec Vittorio Gassman et Daniele Vargas
Un homme pauvre exploite l’infirmité d’un aveugle pour solliciter la générosité des passants et fait en sorte qu’il ne soit pas soigné.

11. L’embuscade (2′) avec Ugo Tognazzi
Un policier use de stratagèmes pour verbaliser devant un kiosque à journaux.

12. La victime (9′) avec Vittorio Gassman et Rika Dialyna
Pour rompre avec sa maitresse, un homme joue la victime et s’arrange pour que la demande de rupture vienne d’elle.

13. Vernissage (4′) avec Ugo Tognazzi
Après avoir pris possession de sa première auto (qui va obliger sa famille à se serrer la ceinture), un homme n’a qu’une hâte : aller voir les prostituées.

14. La Muse (5′) avec Vittorio Gassman et Jacques Herlin
Une jurée littéraire s’arrange pour faire primer un jeune écrivain sans talent afin de coucher avec lui.

15. On oublie vite (2′) avec Ugo Tognazzi
Au cinéma, face à une scène d’exécution sommaire de partisans pendant la guerre, un homme parle à sa femme de la beauté du petit mur derrière les exécutés : il veut faire le même chez lui.

16. La rue est à tout le monde (45″) avec Vittorio Gassman
Traversant sur un passage clouté, un homme invective les automobilistes qui roulent trop vite à son goût. Il monte ensuite dans sa voiture et roule comme un forcené, manquant de peu d’écraser les piétons qui traversent.

17. L’opium du peuple (8′) avec Ugo Tognazzi et Michèle Mercier
Pendant que son mari est vissé devant la télévision, une femme couche avec son amant dans la pièce à côté, laissant la porte ouverte pour entendre l’annonce de fin des programmes.

18. Le Testament de Saint François (3′) avec Vittorio Gassman
Avant une intervention télévisée, un homme maniaque de son apparence fait d’incessantes demandes de retouches au maquilleur. C’est en fait un ecclésiastique qui fait une émission sur le message de Saint François d’Assises, prônant l’humilité et le mépris des choses matérielles.

19. Le noble art (17′) avec Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi
Afin de gagner quelques sous, un boxeur à la retraite use d’arguments fallacieux pour convaincre un de ses anciens amis simple d’esprit de remonter sur le ring, pour un combat soit-disant gagné d’avance.

Sketch coupé en France (en 2e position dans le film) :
La recommandation avec Vittorio Gassman
Un acteur célèbre recommande un collègue peu connu puis finit par le torpiller car il porte la poisse (sketch non vu, ce résumé est celui de Jacques Lourcelles).