3 décembre 2023

Il maestro di Vigevano (1963) de Elio Petri

Il maestro di VigevanoLe professeur Antonio Mombelli enseigne dans une école primaire de Vigevano. Sa femme Ana est profondément insatisfaite du modeste train de vie que son mari peut lui offrir. Antonio est fier d’appartenir à la classe intellectuelle : il considère comme une honte pour lui et sa famille que sa femme veuille travailler à l’usine pour compléter ses revenus et que son jeune fils, poussé par sa mère, travaille occasionnellement comme garçon de courses…
Il maestro di Vigevano, parfois francisé L’Instituteur de Vigevano, est un film italien réalisé par Elio Petri, son deuxième long métrage. Age et Scarpelli ont signé le scénario d’après un roman de Lucio Mastronardi. Cette histoire dresse le portrait d’un homme ordinaire qui fait excessivement attention à sa position sociale bien que très modeste. Il rejette l’esprit d’entreprise et ceux que sa femme considère comme « arrivés ». Il ne voit que de l’arrivisme autour de lui. Le récit est largement parsemé de touches d’humour, mais il s’agit d’un humour plutôt amer. Le personnage fait pitié à voir, obséquieux face à son directeur qui lui fait subir des humiliations farfelues. Assez sombre, ce mini-portrait de la société italienne fustige les conventions sociales et le désir de trop se soucier de sa position. Sans vraiment démériter, le film n’est pas remarquable dans la (courte) filmographie d’Elio Petri. Il est d’ailleurs très méconnu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Claire Bloom, Vito De Taranto
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Alberto Sordi et Vito De Taranto dans Il maestro di Vigevano de Elio Petri.

11 août 2017

Les Frères Karamazov (1958) de Richard Brooks

Titre original : « The Brothers Karamazov »

Les frères KaramazovHomme vulgaire et sans principe, Fiodor Karamazov a trois fils très différents : Alexeï est un homme de foi, Ivan est un intellectuel matérialiste et athée, Dimitri est un militaire chez qui le vice et la vertu se livrent une grande bataille. Les tensions sont fortes entre le père et chacun de ses fils… Richard Brooks réalisant une adaptation de Dostoïevski, cela a de quoi surprendre car l’univers habituel du réalisateur américain semble bien éloigné de « l’âme russe ». Pourtant, son adaptation se révèle assez réussie. Elle est en tous cas fidèle avec une bonne retranscription du caractère exalté des personnages. Yul Brynner est Dimitri, le personnage ici le plus complexe dont il montre bien le caractère tourmenté. Richard Brook a toutefois un peu plus de mal à dépasser le niveau conflictuel familial pour restituer toute la dimension métaphysique du roman. On ressent bien les hésitations, les tiraillements de la conscience des personnages, mais cela reste timide. Les questionnements sur l’existence de Dieu et sur le fondement de la morale sont toutefois esquissés. La reconstitution est bien réalisée et l’on remarque un bon travail sur la couleur. Le film n’a pas connu le succès et il est généralement (trop) sévèrement jugé aujourd’hui.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Maria Schell, Claire Bloom, Lee J. Cobb, Albert Salmi, William Shatner, Richard Basehart
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Les Frères Karamazov
Richard Basehart, Yul Brynner, William Shatner et Lee J. Cobb (allongé) dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Maria Schell et Claire Bloom dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Richard Basehart, Lee J. Cobb, Yul Brynner, Albert Salmi et William Shatner dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Yul Brynner et Maria Schell dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
William Shatner et Lee J. Cobb dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Remarque :
– La distribution est particulièrement cosmopolite ce qui contribue, sans aucun doute, à la crédibilité du film : Yul Brynner est originaire de l’île de Sakhaline à l’extrême-est de la Russie, Maria Schell est née à Vienne, Claire Bloom est née à Londres, Lee J. Cobb est né à New York et William Shaftner est né à Montréal.

Autres versions :
Les frères Karamazov (Die Brüder Karamasoff) de Carl Froelich et Dimitri Buchowetzki (1921) avec Emil Jannings
Der Mörder Dimitri Karamasoff de Erich Engels et Fyodor Otsep (1931) avec Fritz Kortner
Les frères Karamazov (I fratelli Karamazoff) de Giacomo Gentilomo (1947) avec Fosco Giachetti
Bratya Karamazovy de Ivan Pyrev et Kirill Lavrov (1969)

21 juillet 2017

Les Boucaniers (1958) de Anthony Quinn

Titre original : « The Buccaneer »

Les boucaniers1814. Peu après la vente de la « Louisiane » (un vaste territoire allant jusqu’au Canada) aux Etats-Unis par Napoléon, les anglais veulent profiter de la faiblesse de l’armée américaine pour s’emparer de la Nouvelle-Orléans. Mais les îles côtières de la Louisiane sont occupées par le pirate français Jean Lafitte qui va avoir un rôle important dans l’issue de la guerre anglo-américaine de 1812… The Buccaneer est un remake du film homonyme (Les Flibustiers en français) tourné par Cecil B. DeMille en 1938. Le réalisateur devait initialement produire un remake dirigé par Yul Brynner mais sa santé déclinante l’obligea se mettre en retrait pour ne superviser que d’assez loin la production. C’est finalement son beau-fils, l’acteur Anthony Quinn, qui le réalisa. Le résultat est loin d’être à la hauteur des espérances, l’ensemble n’ayant pas de force dans le récit ni la vivacité habituelle des films de pirates. La réalité historique est bien entendu arrangée mais le plus gênant est le personnage de Jean Lafitte, montré vraiment trop noble pour être crédible en pirate. La reconstitution de la bataille de la Nouvelle Orléans est assez bien réalisée toutefois. Les Boucaniers sera la seule réalisation d’Anthony Quinn. Cecil B. DeMille décédera en janvier 1959, un mois seulement après la sortie du film.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Claire Bloom, Charles Boyer, Inger Stevens, Charlton Heston
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Remarques :
* Jean Lafitte aurait eu une aventure avec la femme du gouverneur. Pour ménager la morale, le scénario opta pour la fille du gouverneur (qui dans la réalité n’avait que 2 ans à cette époque… !)
* Jean Lafitte a gagné beaucoup d’argent avec le commerce des esclaves, aspect passé ici sous silence pour ne pas ternir son image.
* Anthony Quinn tenait le rôle de Beluche dans la version de 1938.

The Buccaneer
Charles Boyer, Yul Brynner et Lorne Greene dans Les Boucaniers de Anthony Quinn.

The Buccaneer
Charlton Heston en Andrew Jackson (futur président des Etats-Unis) et Yul Brynner dans Les Boucaniers de Anthony Quinn.

23 avril 2017

L’Homme de Berlin (1953) de Carol Reed

Titre original : « The Man Between »

L'homme de BerlinLa jeune Susanne arrive à Berlin pour rendre visite à son frère, médecin militaire anglais. Dès son arrivée, elle remarque que la femme allemande de son frère a un comportement étrange, faisant tout pour paraître joyeuse alors qu’elle est en réalité très soucieuse… Basée sur une histoire de l’allemand Walter Ebert, l’histoire de The Man Between se situe dans le Berlin de l’après-guerre, à l’époque où la circulation entre les deux zones était toujours possible tout en étant contrôlée de très près (le mur sera construit en 1961). L’atmosphère et le traitement de l’histoire ne sont pas sans rappeler Le Troisième Homme que Reed a réalisé quatre ans plus tôt. La mise en place intrigue beaucoup (surtout lorsque l’on ne sait rien de l’histoire) et le développement assez complexe fait monter la tension jusqu’à une longue poursuite très réussie. Quelques notes d’humour viennent étrangement se mêler au récit, la palme en ce domaine revenant à la scène de l’enlèvement avec une voiture pleine de neige assez unique en son genre. James Mason fait une belle performance linguistique : il s’exprime à la fois en allemand (avec un très bon phrasé, paraît-il) et en anglais avec un accent germanique. Même s’il n’a pas la puissance du Troisième Homme, cet Homme de Berlin est prenant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Mason, Claire Bloom, Hildegard Knef, Geoffrey Toone
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Remarques :
* The Man Between est également le titre de l’autobiographie de Carol Reed (Chatto & Windus, 1990, pas d’édition française à ce jour).

The Man Between
Claire Bloom et James Mason dans L’homme de Berlin de Carol Reed.

The Man Between

28 avril 2016

Richard III (1955) de Laurence Olivier

Richard IIIA la fin du XVe siècle en Angleterre, Richard duc de Gloucester a oeuvré pour mettre sur le trône son frère aîné Edward IV non sans en ressentir une forte jalousie : difforme et bossu, il n’a pas tous les atouts pour prétendre lui-même au trône mais il sait qu’il peut y parvenir par la ruse. Il va d’abord s’attacher à écarter définitivement son second frère George… Oeuvre de jeunesse de William Shakespeare, Richard III dresse un portrait très sombre du souverain : un homme fourbe qui ne cesse de comploter et fait tuer ceux qui se mettent en travers de son chemin. Ce portrait ne correspond pas vraiment à la vérité historique mais donne de la matière à l’une des plus grandes pièces de Shakespeare. Après avoir brillamment adapté Henry V et Hamlet, Richard III était un choix assez logique pour Laurence Olivier. Le résultat est tout aussi intéressant même s’il est généralement moins bien considéré du fait d’une mise en scène jugée trop simple. Il y a certes moins de nouveautés, si ce n’est qu’il n’hésite pas à s’adresser directement à la caméra, procédé très rare au cinéma mais un peu plus courant au théâtre. L’ensemble a été tourné en studios à l’exception du dernier acte, la bataille de Bosworth, qui a été tournée… en Espagne. Laurence Olivier reste très fidèle à l’esprit et au texte ; son interprétation est à la fois intense et juste. Son Richard III est vraiment mémorable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Laurence Olivier, Cedric Hardwicke, Ralph Richardson, John Gielgud, Pamela Brown, Claire Bloom
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Remarque :
* Les mauvais résultats commerciaux du film aux Etats-Unis (en partie dus au fait que le film était sorti simultanément à la télévision) et la mort du producteur anglais Alexander Korda ont mis fin prématurément aux adaptations shakespeariennes de Laurence Olivier. Il n’a pas pu trouver le financement pour monter Macbeth, nous privant de ce qui aurait certainement été une très grande interprétation.

Autres adaptations de la pièce :
Richard III (1912) de André Calmette et James Keane avec Frederick Warde. En 1996, une copie en bon état de ce film précédemment inconnu a été découverte. Sa durée de 55 mn en fait l’un des tous premiers longs métrages.
Richard III (1995) de Richard Loncraine avec Ian McKellen, où la pièce est transposée au XXe siècle, dans une Angleterre fictive sous régime fasciste dans les années 1930.
Richard III (2008) de Scott Anderson avec Scott Anderson

À noter aussi :
Looking for Richard (1996) de Al Pacino qui est un documentaire autour de la pièce et de son impact sur le monde actuel.

Richard III
Laurence Olivier dans Richard III de Laurence Olivier.

22 mars 2013

Les Feux de la rampe (1952) de Charles Chaplin

Titre original : « Limelight »

Les feux de la rampeA Londres, en 1914, Calvero est un clown autrefois célèbre mais aujourd’hui sans contrat. Il sauve et recueille une jeune fille qui avait tenté de se suicider. Il l’aide à reprendre goût à la vie… Il est bien entendu difficile de ne pas voir dans Les Feux de la rampe le testament artistique de Chaplin. Il l’avait d’ailleurs conçu pour être son ultime réalisation (1). Chaplin avait été très affecté par l’échec de Mr Verdoux et était en outre la cible d’une campagne de dénigrement, l’Amérique étant alors en plein maccarthisme (2). L’histoire en elle-même aurait pu donner un mélodrame très classique mais Chaplin lui donne une profondeur étonnante, Les feux de la rampe exposant ses réflexions sur la vie, l’avancée en âge, le caractère éphémère et fragile du succès, le désamour du public. Il sous-tend toutefois l’ensemble d’une note positive : le passage de témoin à la jeune génération, pleine de vie et d’avenir. Il mêle le spectacle de music-hall, numéros comiques et danse, à son propos. Le final est particulièrement brillant : le numéro qu’il fait en duo avec Buster Keaton est une merveille d’humour et le dénouement est particulièrement intense. Les Feux de la rampe est un film très complet.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Claire Bloom, Nigel Bruce, Buster Keaton, Sydney Chaplin, Norman Lloyd
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Remarques :
* Chaplin situe l’action à Londres en 1914, soit exactement l’époque où il a quitté la capitale de l’Angleterre pour aller aux Etats-Unis. La boucle est en quelque sorte bouclée…
* En 1952, Buster Keaton est hélas un comique oublié. Ce n’est que quelques années plus tard, vers la fin des années cinquante,  qu’il sera vraiment redécouvert.
* Edna Purviance, qui a tourné tant de films avec Chaplin à l’époque du muet, fait partie des extras mais ce n’est pas certain qu’elle apparaisse dans le film car Chaplin avait pour habitude de lui verser systématiquement un salaire qu’elle tienne un rôle ou pas. Le site IMDB lui attribue le rôle d’une certaine Mrs Parker.
* Les enfants que l’on voit dans la toute première scène (qui disent à Calvero que la logeuse est sortie) sont les propres enfants de Chaplin : Josephine (3 ans), Michael (6 ans) et Geraldine Chaplin (8 ans).
* L’un des trois musiciens de rue est Snub Pollard, comique du cinéma muet qui a tourné notamment avec Harold Lloyd avant de tenter une carrière en solo.

(1) Chaplin réalisera encore deux autres films après Les Feux de la rampe : Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong Kong (1967).
(2) La campagne de dénigrement était si importante que Chaplin décida que la première de son film se ferait à Londres. C’est en cours de traversée qu’il apprit que son visa de retour lui serait refusé (Chaplin était toujours officiellement de nationalité anglaise). C’est ainsi que les Etats-Unis ont mis l’un de leurs plus grands artistes à la porte.

28 novembre 2011

Les liaisons coupables (1962) de George Cukor

Titre original : « The Chapman Report »

Les liaisons coupablesLe Dr Chapman et son équipe se rendent à Los Angeles pour réaliser une enquête sur vie sexuelle des femmes américaines… Les liaisons coupables est basé sur un best-seller d’Irving Wallace (1). George Cukor dresse le portrait de quatre femmes qui sont insatisfaites de leur mariage ou de leur vie sexuelle. Ces quatre personnages féminins sont volontairement très typés. Le film provoqua la colère de la Ligue pour la Vertu qui parvint à faire opérer de nombreuses coupes et à faire ajouter une fin, plus morale (2). Cukor est bien servi par quatre actrices de talent, dont la jeune Jane Fonda et l’anglaise Claire Bloom qui fait une belle interprétation de nymphomane névrosée. Les liaisons coupables Les acteurs masculins sont en revanche plus ternes. La photographie est superbe, un très beau Technicolor. Les liaisons coupables est généralement mal considéré. C’est assez injuste car, malgré ses coupes, il ne manque pas de charme, ni d’intérêt. Cukor a su éviter toute vulgarité et a même donné une certaine élégance par sa mise en scène.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Shelley Winters, Jane Fonda, Claire Bloom, Glynis Johns, Efrem Zimbalist Jr., Harold J. Stone
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(1) Le roman d’Irving Wallace était basé sur les Kinsey Reports, une vaste enquête dont les résultats furent publiés dans deux livres parus en 1948 et 1953 qui firent scandale.
(2) La dernière scène, où le Dr Chapman et son assistant citent le chiffre de 85% de mariages heureux comme résultat de l’enquête, a été ajoutée sous la pression de la Legion of Decency (Ligue pour la Vertu) afin de montrer que les « déviances » montrées dans le film étaient loin d’être la norme.