8 octobre 2020

Le Rite (1969) de Ingmar Bergman

Titre original : « Riten »

Le Rite (Riten)Trois comédiens célèbres sont interrogés par un juge d’instruction car leur dernière création théâtrale est considérée contraire aux bonnes mœurs…
Ingmar Bergman a écrit et réalisé Le Rite pour la télévision suédoise. Le film a ultérieurement connu une diffusion en salles. Cette genèse explique la sobriété et le petit nombre de décors ainsi que la profusion de gros plans sur les visages. Mais ce n’est pas cela qui rend Le Rite si peu attrayant. L’ensemble se révèle abscons et austère, les personnages sont typés à l’extrême au point de paraître surjoués. Certes, on identifie aisément certains des thèmes favoris de Bergman : la censure, le fisc (ses deux bêtes noires), la bureaucratie, le caractère particulier des acteurs aux sentiments exacerbés allant jusqu’à la névrose, les règles sociales, la fonction du théâtre… Mais, hélas, tous ces thèmes sont abordés de façon si austère et outrée que le film apparaît passablement rébarbatif.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ingrid Thulin, Anders Ek, Gunnar Björnstrand, Erik Hell
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Remarque :
* Ingmar Bergman interprète lui-même le prêtre que l’on aperçoit très fugitivement dans le confessionnal.

Le Rite (Riten)Gunnar Björnstrand, Ingrid Thulin et Anders Ek dans Le Rite (Riten) de Ingmar Bergman.

4 janvier 2020

La Religieuse (1966) de Jacques Rivette

Titre complet : Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot

La ReligieuseAu XVIIIe siècle, Suzanne Simonin, née de père inconnu, est cloîtrée contre son gré par ses parents qui la destinent à la vie conventuelle sans qu’elle en ait la vocation…
La Religieuse de Jacques Rivette, son deuxième long métrage, est l’adaptation du roman anticlérical de Denis Diderot paru en 1796. Le film fut interdit à sa sortie ce qui provoqua un tollé. Grâce à cette publicité, il connut un assez beau succès lorsqu’il put enfin être projeté sur les écrans un an plus tard en 1967 (avec une interdiction au moins de 18 ans qui ne sera levée qu’en 1975). L’adaptation reste très proche du roman. C’est un film très austère, à la mise en scène dépouillée, long, très long. En outre, Jacques Rivette utilise le son de façon surprenante, avec des bruitages mixés très forts (peut-être s’agit-il d’une expérimentation pour traduire le tourment des personnages). Cette bande sonore et une musique légèrement dissonante amplifient l’aspect rebutant du film. La Religieuse de Rivette bénéficie toujours aujourd’hui de son aura de « film interdit ».
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Anna Karina, Liselotte Pulver, Micheline Presle, Francine Bergé, Francisco Rabal
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Remarque :
Le producteur Georges de Beauregard avait proposé dès la fin des années cinquante à Jacques Rivette de réaliser une adaptation du roman de Diderot La Religieuse. Après un avis de précensure défavorable, le scénario écrit par Jacques Rivette et Jean Gruault est d’abord adapté en 1963 au théâtre au Studio des Champs-Élysées, sous la direction de Jean-Luc Godard et avec Anna Karina dans le rôle principal. La pièce passa inaperçue et n’eut aucun succès.

La ReligieuseAnna Karina (à droite) dans La Religieuse de Jacques Rivette.

Autre adaptation :
La Religieuse de Guillaume Nicloux (2013) avec Pauline Étienne

28 septembre 2019

La Lune était bleue (1953) de Otto Preminger

Titre original : « The Moon Is Blue »

La Lune était bleueUne jeune femme rencontre au sommet de l’Empire State Building un architecte qui l’invite à dîner. L’homme, qui sort d’une liaison compliquée, est séduit par sa spontanéité et son ingénuité…
La Lune était bleue (The Moon Is Blue) est au départ une pièce de F. Hugh Herbert qu’Otto Preminger avait lui-même montée à Broadway avec grand succès. Il s’agit d’une comédie légère dont l’humour joue beaucoup sur le caractère de la jeune femme : sa fraicheur et sa franchise la portent à parler de tout très directement. Comme un enfant, sa curiosité la pousse à poser des questions inattendues. Elle n’est toutefois ni stupide ni inexpérimentée ; elle prend d’ailleurs le dessus et emmène tout le monde là elle veut aller. Elle est aussi particulièrement volubile, les dialogues sont abondants et brillants ce qui donne à l’ensemble un parfum de marivaudage moderne. Maggie McNamara connait bien le rôle puisqu’elle l’a déjà tenu sur les planches à Chicago. Face à elle, William Holden paraît étonnamment vulnérable et David Niven est parfait dans un rôle qui semble taillé pour lui. Cette comédie gentille est le premier film sorti par un grand studio sans l’agrément de la censure. Le film fut un succès.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Holden, David Niven, Maggie McNamara
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La Lune était bleueWilliam Holden, Maggie McNamara et David Niven dans La Lune était bleue de Otto Preminger.

Remarques :
* Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, le scénario fut refusé par la censure car il « présentait de façon gaie et légère la séduction et la possibilité du sexe en dehors du mariage » (contrairement à la légende, le rejet n’était pas seulement motivé par l’emploi des mots « vierge », « maitresse » et « séduction »). Les présidents d’United Artists soutinrent Preminger qui put donc tourner son scénario malgré ce refus. The Moon Is Blue devint ainsi le premier film sorti par une Major sans l’autorisation du PCA (Production Code Administration) depuis la généralisation de ce code Hays aux alentours de 1934.
Le film terminé fut donc banni de nombreuses petites villes… ou montré à des audiences non-mixtes (seulement des hommes ou seulement des femmes!)  Certains états interdirent le film. Le plus coriace fut le Kansas et United Artists dut aller jusqu’à la Cour Suprême pour faire lever l’interdiction. Cette affaire eut pour résultat d’affaiblir l’influence du code de censure. Le strict Joseph Breen démissionnera dès l’année suivante en 1954. Le Code périclitera ensuite lentement jusqu’à sa disparition totale au milieu des années 60.

* Le film fut fermement condamné par les organismes catholiques américains (National Catholic Legion of Decency et Catholic Parent-Teacher League). En revanche, en France, le journal La Croix vantait sa fantaisie et son charme.

* Une version en langue allemande a été tournée en parallèle : Die Jungfrau auf dem Dach avec Hardy Krüger, Johannes Heesters et Johanna Matz. Krüger et Matz font une courte apparition dans la version anglaise (le couple de touristes qui attend pour se servir de la longue-vue panoramique au somment de l’Empire State à la fin du film). Holden et McNamara apparurent de la même façon dans la version allemande. Le chauffeur de taxi est interprété par Gregory Ratoff dans les deux versions.

 

La Lune était bleueL’affiche conçue par Soul Bass pour La Lune était bleue de Otto Preminger.

* Une lune bleue est la pleine lune supplémentaire qui se produit lorsqu’une année comporte 13 pleines lunes, au lieu de 12  habituellement (12 fois 29 jours 1/2 est en effet inférieur à 365 jours). Le terme n’est pas vraiment courant en français. En revanche, en anglais, l’expression « once in a blue moon » est assez courante. Elle est équivalente à notre « tous les 36 du mois », c’est à dire « assez rarement » (voire jamais). L’origine de l’expression n’est pas connue  (car, bien entendu, la lune n’est jamais bleue).

4 août 2017

Taxi Téhéran (2015) de Jafar Panahi

Taxi TéhéranJafar Panahi s’improvise chauffeur de taxi et filme les discussions avec ses passagers pour montrer les évolutions de la société iranienne… Le cinéaste iranien Jafar Panahi a été condamné en 2011 à une interdiction de faire des films pendant 20 ans pour « propagande contre le régime ». Il a néanmoins réussi à tourner trois longs-métrages depuis cette date avec tous les risques que cela comporte. Avec ses airs d’images volées, Taxi Téhéran se situe à la lisière du documentaire : les clients du taxi sont en fait des acteurs non professionnels dont l’identité n’est pas dévoilée, certains (la nièce, l’avocate) jouent leur propre rôle. Les situations sont assez rocambolesques mais elles permettent d’aborder plusieurs aspects de la société iranienne : les croyances, les trafics, la peine de mort, la transmission, la censure cinématographique, l’emprisonnement et quelques autres. Dans la forme, le film rappelle Ten d’Abbas Kiarostami (2002), avec heureusement un flot de paroles bien moins dense. Avec Taxi Téhéran, Jafar Panahi nous offre un témoignage très original sur l’état de son pays.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs:
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Taxi Téhéran
Jafar Panahi est au volant de son taxi dans Taxi Téhéran de Jafar Panahi.

17 décembre 2016

Cape et poignard (1946) de Fritz Lang

Titre original : « Cloak and Dagger »

Cape et poignardVers la fin de la Seconde Guerre mondiale, un chercheur en physique nucléaire reçoit pour mission d’aller en Europe pour entrer en contact avec des physiciens que les nazis forcent à travailler pour eux. Le but est d’empêcher l’ennemi de travailler sur la bombe atomique… Cloak and Dagger était le surnom donné à l’Office of Strategic Services (OSS), agence de renseignement américaine créée en 1942 (et qui sera remplacée en 1945 par la CIA). C’est aussi le titre d’un livre-enquête paru en 1946 qui a été source d’inspiration pour le scénario de ce film (qui n’est pas vraiment basé sur des faits réels). On peut le classer parmi les films de propagande, même s’il est sorti après la fin de la guerre ; Hiroshima était alors très récent et il était nécessaire de justifier la bombe et ne pas effrayer les populations. La fin initiale que Fritz Lang avait prévue et tournée (voir ci-dessous) fut d’ailleurs escamotée par la Warner pour placer une fin plus heureuse. Cloak and Dagger apparaît en deçà des autres réalisations de Lang. Ce n’est pas tant le flagrant manque de crédibilité qui joue en sa défaveur mais plutôt son manque de cohésion. Personne ne semble à l’aise dans son rôle, à commencer par Gary Cooper. En fait, ce sont les scènes d’action (ou plus exactement de grande tension) qui sont les plus réussies, comme cette scène de lutte silencieuse dans l’entrée d’un immeuble. Dans ces moments-là, Fritz Lang montre tout son art.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Lilli Palmer, Robert Alda, Vladimir Sokoloff
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Remarques :
* Fritz Lang a raconté à Lotte Eisner que la scène finale du film constituait « un avertissement contre la nouvelle terreur représentée par les capacités destructrices de la bombe » mais qu’elle a été coupée et même détruite.
* Il semble que cette fin se déroulait ainsi :
Le chercheur italien meurt de ses blessures dans l’avion. Juste avant de mourir, il montre une photo prouvant que les nazis ont bien un centre actif de recherches en Bavière. Un commando est envoyé sur place. Jesper (Gary Cooper) les accompagne. Ils découvrent un site abandonné et supposent que le centre de recherches a été démantelé, probablement transféré mais où ? En Espagne ? En Argentine ? Ailleurs ? La scène finale montrait Gary Cooper sortant du site abandonné, observant la nature riante et déclarant : « Nous ne sommes qu’au début de l’ère atomique et que Dieu nous garde si nous pensons garder cela pour nous ou si nous croyons pouvoir mettre un terme aux guerres avec cette arme sans nous détruire nous-mêmes. »

Cloak and Dagger
Gary Cooper et Lili Palmer dans Cape et poignard de Fritz Lang.

7 novembre 2015

Good Morning, Vietnam (1987) de Barry Levinson

Good Morning, VietnamUn nouveau disc jockey, connu pour son humour, arrive au Vietnam pour animer la radio des forces armées. Son ton irrévérencieux va le rendre instantanément populaire chez les soldats au grand dam de ses supérieurs directs… Les films abordant la guerre du Vietnam sous un angle humoristique ne sont pas légion et Barry Levinson parvient à trouver le juste équilibre grâce à une belle utilisation des talents comiques de Robin Williams. Tout le film repose sur la performance assez spectaculaire de l’acteur où l’improvisation, a-t-on affirmé, tient une place importante : certains trouveront qu’il en fait beaucoup mais c’est justement quand il en fait trop qu’il excelle… Hormis cela, le film a des ressorts assez classiques, le gentil trublion en prise à des chefs bornés et imbéciles, et se charge d’une intrigue sentimentale assez inutile qui relève d’un certain idéalisme. Sur la guerre en elle-même, le propos est finalement assez édulcoré, teinté d’une ironie bienveillante, jamais mordante. Si le film met en évidence la censure des informations diffusées (ce qui est difficilement qualifiable de révélation), il n’atteint vraiment une dimension que lors de la scène emblématique où l’on voit des bombardements de villages alors que Louis Armstrong chante « It’s a wonderful world » : ce spectaculaire télescopage crée une image forte. Pour le reste, Good Morning, Vietnam est un surtout un excellent divertissement, assez unique en son genre toutefois.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robin Williams, Forest Whitaker, Bruno Kirby
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Good morning Vietnam
Robin Williams et Forest Whitaker dans Good Morning, Vietnam de Barry Levinson.

4 février 2015

Amator (1979) de Krzysztof Kieslowski

AmatorUn employé achète une caméra pour filmer sa fille qui vient de naître. Quand son patron apprend cela, il lui demande de filmer un évènement de son entreprise. C’est le début d’une passion… L’Amateur (parfois titré Le Profane) fait partie des premiers longs métrages du polonais Krzysztof Kieslowski qui livre un peu de lui-même dans ce récit. Comme il a pu l’être lui-même, son héros est gagné par une passion dévorante du cinéma qui phagocyte peu à peu sa vie personnelle et lui donne un regard nouveau sur le monde qui l’entoure. Il apprivoise son langage, le cadrage, le montage. Il va aussi découvrir son pouvoir, sa fonction au sein d’une société, la force du documentaire, sa portée politique, avec comme inévitable corollaire (du moins en pays communiste comme l’était la Pologne), la censure. L’Amateur est ainsi une belle réflexion sur le rôle du cinéma, sur l’implication de l’artiste dans son art et ses interrogations, tout cela presque sans en avoir l’air car Kieslowski reste très près de son personnage.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Stuhr, Malgorzata Zabkowska, Stefan Czyzewski
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Remarque :
* Le réalisateur Krzysztof Zanussi (l’un des grands représentants de la Nouvelle Vague polonaise et par ailleurs ami dans la vraie vie de Kieslowski) interprète lui-même son propre rôle.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Jerzy Stuhr est le cinéaste amateur dans le film L’Amateur de Kieslowski. Il utilise ici une caméra 8mm Quartz 2 de fabrication russe. Derrière lui se tient Malgorzata Zabkowska.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Vers la fin du film, la seconde caméra qu’il utilise est la légendaire Krasnogorsk K3, caméra 16mm à visée reflex de fabrication russe avec zoom Meteor (une caméra que Kieslowski a lui-même utilisée à ses débuts… mais pas pour L’Amateur qui est tourné en 35mm).
En savoir plus sur cette caméra

3 février 2015

Anna et les loups (1972) de Carlos Saura

Titre original : « Ana y los lobos »

Ana y los lobosAnna, une jeune institutrice étrangère, trouve un emploi de gouvernante dans une riche famille espagnole. Elle doit composer avec les trois frères qui régissent la maison… Pour tous ses films, Carlos Saura a été en prise avec la censure franquiste et doit user d’allégories pour parler des forces qui paralysent l’Espagne. Dans Anna et les loups, cette allégorie est plus immédiate que dans ses films précédents et c’est peut-être pour cette raison qu’il a du attendre un an pour que son scénario soit accepté et avoir l’autorisation de tourner. Les trois frères frustrés sont les loups, ils représentent l’armée, la religion et le sexe, les trois grandes forces oppressives du pays ; la grand-mère à demi-paralysée symbolise l’Espagne franquiste et la jeune Anna la nouvelle génération. Cette dernière tente de jouer un rôle sans comprendre tous les rouages ; on ne sait très bien qui complote avec qui. Les tabous sont forts, sclérosants. Carlos Saura trouve un équilibre parfait entre un certain mal à l’aise et un humour insolite, le cinéaste montrant là une certaine filiation avec Buñuel. La fin est-elle réelle ou un cauchemar éveillé ? Les acteurs ont tous le ton juste ; Geraldine Chaplin trouve là l’un de ses plus beaux rôles. Anna et les Loups apparaît comme l’un des films les plus aboutis de Carlos Saura.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Geraldine Chaplin, Fernando Fernán Gómez, José María Prada, José Vivó, Rafaela Aparicio
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Anna et les loups (1972) de Carlos Saura
Geraldine Chaplin et José María Prada dans Anna et les loups de Carlos Saura.

14 janvier 2015

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore

Titre original : « Nuovo Cinema Paradiso »

Cinéma ParadisoEn Sicile, juste après la guerre, un jeune enfant de choeur est fasciné par le projecteur de cinéma dans la salle paroissiale que manie Alfredo. Le curé d’alors imposait de couper les passages où les personnages s’embrassaient et tout autre passage litigieux avant de projeter les films devant une salle pleine à craquer… Ecrit et réalisé par Giuseppe Tornatore, Cinéma Paradiso nous fait revivre le pittoresque engouement pour le cinéma dans l’Italie rurale du milieu du XXe siècle. Si le film comporte indéniablement de bons moments (tous situés lors des projections où nous pouvons voir des extraits de films et leur impact sur le public), Tornatore reste dans la facilité, joue de façon insistante sur l’émotion et appuie ses effets. La seconde partie, consacrée aux amours du garçon devenu adolescent, est particulièrement inintéressante. Par ses côtés bon enfant et sa célébration du cinéma, Cinéma Paradiso a su plaire (j’avoue l’avoir moi-même beaucoup plus apprécié à sa sortie). Le film est d’ailleurs aussi médaillé qu’un général russe…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Salvatore Cascio, Jacques Perrin
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Remarques :
* Dans l’excellent Dictionnaire du cinéma italien, Olivier Maillart dit de Tornatore qu’il a « souvent une excellente idée de mise en scène par film, qu’il lui arrive de gâcher mais dont il faut savoir le créditer ». Dans Cinéma Paradiso, c’est incontestablement le montage de toutes les scènes coupées de baisers mises les unes à la suite des autres (qu’il gâche effectivement par un contrechamp sur Jacques Perrin la larme à l’oeil pour créer l’émotion…) Personnellement, j’ajouterais une seconde scène : celle où le film est projeté par reflet sur le mur de la maison d’en face dont l’occupant ouvre le volet et se retrouve ainsi dans l’image.
* Dans la version originale, Philippe Noiret est doublé en italien et, lui qui a l’une des plus belles voix du cinéma, se retrouve affublé d’une voix bien fluette (le film est une coproduction franco-italienne).
* Dans la première moitié des années cinquante, c’est l’Italie qui avait en Europe le plus grand nombre de salles de cinémas (17 000 en 1956).

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Le film projeté est (me semble t-il) I pompieri di Viggiù (Les pompiers chez les pin-up) de Mario Mattoli (1949) avec Totò et Nino Taranto à l’écran.

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Philippe Noiret et Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso.

6 décembre 2013

Livre : La Comédie Screwball hollywoodienne 1934-1945

« Sexe, amour et idéaux démocratiques » par Grégoire Halbout

La Comédie Screwball hollywoodienne 1934-1945 de Grégoire Halbout De toute l’histoire du cinéma hollywoodien, l’explosion de la comédie américaine dite « Screwball » entre 1934 et 1945 est l’une des plus fascinantes qui soient. Elle est fascinante par l’ampleur et la rapidité de son succès populaire, par sa nouveauté, par son inventivité et sa liberté de ton malgré la censure. Elle a permis à l’Hollywood vacillant du début des années trente de cimenter son rétablissement. Ces quelque dix années nous ont fourni les plus grandes comédies américaines.

C’est une étude approfondie de ce phénomène que l’universitaire Grégoire Halbout nous offre ici, la première étude en langue française sur le sujet avec une telle profondeur. Son approche est méthodique. Dans un premier temps, il cherche à dresser une carte d’identité du genre, en identifiant les répétitions et les stéréotypes narratifs. Pour ce faire, il prend appui sur l’étude minutieuse du contenu de quarante films, ce qui constitue un échantillon particulièrement étoffé puisqu’on y trouve largement tous les films les plus influents (on peut estimer la totalité de la production de comédies screwball à environ 150 en dix ans).

Dans un deuxième temps, Grégoire Halbout se penche sur l’influence de la censure sur les contenus. En effet, la période de l’instauration du Code Hays coïncide étrangement avec celle des premières comédies screwball. En se basant sur les correspondances (courriers) entre le comité de censure PCA et les studios, l’auteur peut décrire en détail la façon dont cette influence s’exerçait. Il nous montre ensuite comment les auteurs parvinrent à développer un style subtil et allusif pour contourner les interdictions. Cette partie est assez passionnante.

Dans une non moins intéressante troisième partie, l’auteur analyse la façon dont la comédie screwball s’inscrit dans son époque de renouveau économique et œuvre à la consolidation d’un idéal : le « rêve de la réussite dans une société forte et ouverte qui promet à chacun une part légitime du bonheur ». Il montre comment la comédie screwball peut ainsi être vu comme « une relecture du contrat social à travers la fictionnalisation de l’intimité », aboutissant à « une émergence du privé dans la sphère publique ».

La Comédie Screwball hollywoodienne est une étude brillante de ce genre qui a tant marqué le développement du cinéma et dont l’influence se ressent jusqu’à aujourd’hui dans les comédies.
( Editions Artois Presses Université 2013, 423 pages, 28 € )
Voir sur le site de l’éditeur…
Voir sur Amazon…

Quelques grands réalisateurs de comédies screwball : Frank Capra, George Cukor, Tay Garnett, Howard Hawks, Garson Kanin, Gregory La Cava, Mitchell Leisen, Ernst Lubitsch, Leo McCarey, Preston Sturges, W.S. Van Dyke, Billy Wilder.

En couverture : Katharine Hepburn et Cary Grant posant pour une photo promotionnelle du film Holiday (1938) de George Cukor.