30 décembre 2014

Sailor et Lula (1990) de David Lynch

Titre original : « Wild at Heart »

Sailor & LulaLa mère de Lula devient folle de voir sa fille partir en cavale avec Sailor lors de sa permission de sortie de prison. Elle finit par engager des tueurs… Sailor et Lula est adapté d’un roman de Barry Gifford que David Lynch enrichit de son univers pour en faire un road-movie très rock’n’roll, doté d’un certain lyrisme, imprégné de fantastique (et de références au Magicien d’Oz). Le cinéaste sait créer des images fortes, parfois cauchemardesques, frôlant la démesure. Si le film a pu nous ravir à sa sortie, il apparaît moins riche avec le recul, l’histoire semblant complexifiée artificiellement, avec les leitmotivs plutôt insistants, un contenu finalement bien plus pauvre que celui des films ultérieurs de David Lynch. Malgré tout, par son style, Sailor et Lula reste un film assez marquant.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nicolas Cage, Laura Dern, Willem Dafoe, Diane Ladd, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton
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Remarques :
* Palme d’Or à Cannes en 1990
* Connu pour ses imitations d’Elvis Presley dont il est un grand fan (et dont il épousera brièvement la fille quelque douze ans plus tard), Nicolas Cage chante lui-même dans le film.
* La veste en peau de serpent est celle de Nicolas Cage. L’acteur a demandé à David Lynch s’il pouvait la porter en hommage à Marlon Brando dans The Fugitive Kind (L’homme à la peau de serpent) de Sydney Lumet (1960) d’après Tennessee Williams (qui est soit-dit en passant un cousin éloigné de Diane Ladd).
* Diane Ladd est la mère de Laura Dern dans la vraie vie.
* Sailor & Lula a eu une suite : Perdita Durango du mexicain Álex de la Iglesia avec Javier Bardem.

Sailor & Lula de David Lynch
Laura Dern et Nicolas Cage dans Sailor et Lula de David Lynch.

28 décembre 2014

Harry dans tous ses états (1997) de Woody Allen

Titre original : « Deconstructing Harry »

Harry dans tous ses étatsHarry dans tous ses états (Deconstructing Harry) est une comédie qui a parfois été jugée comme étant un peu plus sombre que les précédentes immédiates mais elle est aussi plus profonde. Le Harry dont il est question est un écrivain qui s’inspire directement de sa vie et des gens qui l’entourent pour écrire des romans à succès, ne faisant plus très bien la différence entre les personnages qu’il invente et ceux de la vie réelle. Ces derniers sont furieux de voir ainsi leur vie privée exposée et leurs secrets dévoilés. Pour ne rien arranger, l’écrivain doit pour la première fois faire face à une panne d’inspiration (1). On retrouve donc ici des thèmes chers à Woody Allen : les affres de la création et la séparation entre réel et fiction : N’est-il pas plus simple pour l’écrivain de vivre dans la fiction ? Harry dans tous ses états est assez ambitieux car les situations sont nombreuses et les personnages le sont encore plus puisque souvent interprétés par deux acteurs différents (un pour le réel et un pour la fiction). L’humour est toujours présent, par petites touches, parfaitement intégré à l’ensemble. Le montage est assez particulier, décousu en apparence pour signifier que la réalité est intrinsèquement décousue, relative (ce que nous croyons être la réalité devient la réalité pour nous), indéterminée, une approche qui favorise la déconstruction de Harry Block (alias Woody Allen ?)
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Judy Davis, Julia Louis-Dreyfus, Woody Allen, Robin Williams, Kirstie Alley, Demi Moore, Stanley Tucci, Elisabeth Shue, Billy Crystal
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Le scénario (bilingue) de Deconstructing Harry est sorti en 2000 dans la Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma… Voir le livre

Remarques :
* Harry dans tous ses états évoque Les Fraises sauvages de Bergman (le voyage pour recevoir un hommage), Le Septième Sceau du même réalisateur (la Mort qui vient frapper) et 8 ½ de Fellini (le créateur en panne sur un projet du fait de ses problèmes personnels).

* Le titre original Deconstructing Harry est une référence à la déconstruction, pratique philosophique assez complexe d’analyse textuelle introduite par Heidegger et développée par Derrida. Cet attrait de Woody Allen pour la philosophie européenne moderne était déjà visible dans Une autre femme et dans Crimes et délits.

* Certaines personnes ont reconnu dans le personnage de Harry Block non pas Woody Allen lui-même mais l’écrivain Philip Roth.

Deconstructing Harry
(g. à d.) Woody Allen, Elisabeth Shue et Billy Crystal.

Deconstructing Harry
Mel, un ami acteur, n’est pas dans son assiette : il est flou, comme s’il était en équilibre instable entre réel et fiction (g. à d. : Judy Bauerlein et Robin Williams).

(1) Panne d’inspiration = « writer’s block » en anglais… et l’écrivain s’appelle Harry Block.

27 décembre 2014

Tout le monde dit I Love You (1996) de Woody Allen

Titre original : « Everyone Says I Love You »

Tout le monde dit I love youTout le monde dit I Love You nous fait suivre les aventures amoureuses des membres d’une famille recomposée de la bourgeoisie newyorkaise très aisée. Woody Allen a choisi ici d’en faire une comédie musicale, un format franchement inhabituel pour le cinéaste. Les chansons, interprétées de façon peu assurée par les acteurs eux-mêmes, ne sont pas particulièrement remarquables ; les ballets sont plus originaux et réussis (merveilleuse danse des Groucho). Les personnages sont très superficiels et il est bien difficile de s’intéresser à leurs petits problèmes. Woody Allen réutilise certains ressorts de scénario comme le fait de pouvoir entendre les confessions d’une jeune femme à son psy. Il y a tout de même de bons moments, de beaux traits d’humour mais ils sont fugaces. Tout le monde dit I love you est certainement l’un des films les plus légers en terme de contenu du cinéaste.
Elle: 1 étoile
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Julia Roberts, Goldie Hawn, Edward Norton, Drew Barrymore, Alan Alda, Tim Roth, Natalie Portman, Woody Allen
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Remarques :
* Seule Drew Barrymore est doublée dans les chansons. Trouvant que Edward Norton et Goldie Hawn chantaient trop bien, Woody Allen leur a demandé de fausser un peu pour que ce soit plus authentique…
* Le titre du film viendrait d’une chanson du film des Marx Brothers Horse Feathers (1932).

 

Toput le monde dit I Love You
Hommage aux Marx Brothers, la danse des Groucho est un grand moment… Dans le dialogue qui suit, Woody Allen fait aussi une (très courte hélas) imitation de Groucho Marx (juste avant qu’ils quittent la soirée).

23 décembre 2014

Avanti! (1972) de Billy Wilder

Avanti!Un industriel américain se rend en catastrophe en Italie pour rapatrier le corps de son père décédé lors de vacances sur la petite île d’Ischia en face de Naples. Il va y découvrir une facette de la vie de son père dont il ne soupçonnait pas l’existence… Adapté d’une pièce de Samuel Taylor(1), Avanti! est une amusante comédie romantique teintée de satire sociale. Le scénario est remarquablement écrit, tout s’y imbrique parfaitement pour un déroulement savoureux. Il y a là beaucoup d’humour, de belles répliques. L’histoire joue avec les stéréotypes nationaux ; le puritanisme et le pouvoir sont passés sur le grill. Au début des années soixante-dix, le film fut un échec commercial, jugé trop classique par la critique. Peu nous importe aujourd’hui car Avanti! est un film franchement délicieux.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Juliet Mills, Clive Revill, Edward Andrews
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(1) Billy Wilder avait auparavant adapté une autre pièce de Samuel Taylor : Sabrina (1954).

Avanti de Billy Wilder
Jack Lemmon et Juliet Mills dans Avanti! de Billy Wilder (le personnage joué par Juliet Mills suit un régime car elle se trouve trop grosse, elle prend « juste une bouchée… pour goûter »).

21 décembre 2014

Le Mouchard (1935) de John Ford

Titre original : « The Informer »

Le mouchardDans l’Irlande des années 20 sous domination anglaise, Gypo Nolan vit misérablement et rêve de pouvoir impressionner Katie qui désire tant partir en Amérique. Il est ami avec Frankie qui appartient à l’Armée Républicaine clandestine et dont la tête est mise à prix… Il n’est guère surprenant que John Ford ait eu des difficultés à faire accepter cette adaptation d’un roman de Liam O’Flaherty (1). Pour réaliser cette oeuvre anti-commerciale par excellence, John Ford n’eut finalement droit qu’à un plateau de second ordre, un « couloir » dont l’état de vétusté l’obligea à utiliser beaucoup de brouillard. Il demanda à son directeur de la photographie Joseph August de lui donner des tonalités similaires à celle de L’Aurore de Murnau. John Ford donne à cette histoire d’une belle simplicité une très grande force. Victor McLaglen a ici une présence phénoménale. Après des débuts difficiles, le film connut un grand succès et rafla quatre Oscars.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor McLaglen, Heather Angel, Preston Foster, Wallace Ford
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Remarques :
* Anecdote célèbre rapportée par Robert Parrish (qui fut figurant et assistant-monteur sur ce film) :
Le premier jour de tournage, John Ford fit réunir toute l’équipe pour présenter le producteur délégué : « Le monsieur que voici est un producteur délégué ». Il lui fit doucement tourner la tête pour que tout le monde puisse le voir de face et de profil. « Regardez-le bien parce que vous ne le reverrez plus sur le plateau d’ici la fin du tournage ! ». Et il serra la main du producteur en lui disant : « Merci d’être venu, Cliff ! Nous nous reverrons au moment des rushes. » (in J’ai grandi à Hollywood de Robert Parrish, Stock 1980). A noter que le producteur en question est Cliff Reid.

* Autre anecdote tout aussi célèbre :
Lorsque, le dernier jour, le même producteur vint sur le plateau pour dire sa satisfaction que le tournage soit fini dans les temps et, chose très imprudente, qu’il trouvait les derniers rushes de la scène de l’interrogatoire fantastiques, John Ford (qui, lui, n’avait pas encore regardé les rushes en question) fit revenir l’équipe : « Ce n’est pas fini : on refait la scène de l’interrogatoire ! » Et le tournage dura deux jours de plus.

* On peut noter l’utilisation ponctuelle de la caméra subjective.

* Précision : 1 livre de 1920 équivaut environ à 50 euros actuel, ce qui met par exemple le prix de la traversée (10 £) à 500 euros.

Précédente adaptation :
The Informer de Arthur Robison (1929) avec Lars Hanson, film anglais mi-muet, mi-parlant.
Remake :
Point noir (Uptight) de Jules Dassin (1968) avec Raymond St. Jacques, l’histoire étant transposée dans le milieu des militants révolutionnaires noirs.

(1) Le film a finalement été financé par Joe Kennedy, le père du futur président, pour la RKO qui pensait que le film pouvait faire office d’oeuvre de prestige.

The Informer de John Ford
Victor McLaglen est le mouchard dans le film The Informer de John Ford.

20 décembre 2014

Le Survivant (1971) de Boris Sagal

Titre original : « The Omega Man »

Le survivantAu volant de sa décapotable, Robert Neville sillonne les rues désertes de Los Angeles. Une guerre bactériologique a décimé la population mais il n’est pas le seul survivant : un groupe de mutants le chasse inlassablement, la nuit seulement car leurs yeux se sont modifiés et ne supportent pas la pleine lumière…
The Omega Man est la seconde tentative d’adapter le célèbre roman post-apocalyptique de Richard Matheson Je suis une légende (I am Legend) . « Le premier film était très mal fait mais était fidèle au livre, le second ne ressemble en rien à mon livre » a déclaré Matheson. Le propos est effectivement simplifié à l’extrême pour privilégier l’action et Charlton Heston est armé jusqu’aux dents pour tenir tête à une bande de va-nu-pieds hostiles et passablement teigneux. Tout autre propos a été évacué.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Charlton Heston, Anthony Zerbe, Rosalind Cash
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Remarques :
* Le baiser entre Charlton Heston et Rosalind Cash serait l’un des premiers baisers interraciaux sur grand écran.
* Les scènes de rues désertes ont été tournées principalement dans le quartier des affaires de Los Angeles le dimanche matin.

* Précédente adaptation :
Je suis une légende (The Last Man on Earth) de Sidney Salkow et Ubaldo Ragona (1964) avec Vincent Price. Richard Matheson avait contribué au scénario (sous le pseudonyme Logan Swanson).
* Adaptation ultérieure :
Je suis une légende (I am Legend) de Francis Lawrence (2007) avec Will Smith

Le Survivant
Evitez de vous promener dans la rue lorsque Charlton Heston pense être le dernier survivant…

18 décembre 2014

Le crime était presque parfait (1954) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Dial M for Murder »

Le crime était presque parfaitAyant découvert que sa femme le trompe, un ancien champion de tennis a projeté de la tuer. Il a mis au point un plan qui lui permet d’avoir un alibi parfait et pour lequel il recrute les services d’un ancien camarade de collège au passé trouble… Bien qu’il soit l’un des films les plus connus d’Alfred Hitchcock, Le crime était presque parfait n’est guère apprécié du cinéaste (1). En panne sur un nouveau scénario alors qu’il devait un film à la Warner, il n’a en effet choisi de faire cette adaptation d’une pièce de théâtre que par défaut. Plutôt que d’en gommer les origines théâtrales, il les accentue : il situe tout le film dans une seule et unique pièce et va jusqu’à utiliser un plancher en bois pour garder l’impression d’une scène. Le plus extraordinaire est que l’on ne ressent jamais cet espace limité tant le scénario se déroule à la perfection. Le crime était presque parfait est un film de dialogues. La scène où Ray Milland prend au piège son ancien camarade de collège pour le forcer à exécuter son plan est assez remarquable : très longue et extrêmement passionnante, on ne raterait une phrase pour rien au monde. Le crime était presque parfait est sans aucun doute l’une des plus belles réussites de « théâtre filmé ». Il se revoit toujours avec le même plaisir.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ray Milland, Grace Kelly, Robert Cummings, John Williams, Anthony Dawson
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Remarques :
* La pièce originale a été écrite par Frederick Knott. Elle a été jouée 552 fois (10/1952 – 02/1954) ce qui en fait un franc succès. John Williams (le policier) et Anthony Dawson (le tueur) y tenaient le même rôle.
* Alfred Hitchcock a quelque peu modifié l’histoire : sans doute pour la rendre plus troublante, le cinéaste a rendu le mari plus sympathique que dans la pièce où il tuait sa femme surtout pour l’argent, la liaison de sa femme avec son amant étant terminée. De plus, le personnage de l’amant paraît ici bien superficiel et moins intelligent que le mari. La femme est particulièrement hypocrite. Sans doute, Hitchcock voulait-il faire germer en nous l’idée troublante que le mari méritait peut-être de réussir un plan si bien préparé…
* Cameo : Alfred Hitchcock est visible sur la photographie du banquet (environ à 12’30). A noter qu’il est assez net que les visages de Ray Milland, d’Anthony Dawson et d’Alfred Hitchcock ont été collés après coup sur une photo…
* Hitchcock souligne que les robes portées par Grace Kelly sont de couleurs vives au début du film et deviennent de plus en plus foncées au fur et à mesure que l’intrigue devient plus sombre.
* Dans certaines scènes, Hitchcock a placé la caméra dans une fosse pour accentuer l’effet de contre-plongée.
* Le crime était presque parfait a été tourné en 3D, version qui fut peu visible avant qu’elle ressorte en 1980.

Remake :
Meurtre parfait (A Perfect Murder) de Andrew Davis (1998) avec Michael Douglas et Gwyneth Paltrow.

Homonyme :
Le crime était presque parfait (The Unsuspected) de Michael Curtiz (1947) avec Claude Rains, Joan Caulfield et Audrey Totter.

(1) Lors de ses entretiens avec François Truffaut, Alfred Hitchcock dit « Nous pouvons passer rapidement sur ce film car il n’y a pas grand-chose à en dire » et ce n’est qu’à l’insistance de Truffaut qu’il consent à en parler un peu.

Le crime était presque parfait
La scène la plus célèbre du film Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock (de g. à d.: Anthony Dawson et Grace Kelly)

12 décembre 2014

L’Impératrice rouge (1934) de Josef von Sternberg

Titre original : « The Scarlet Empress »

L'impératrice rougeJeune princesse prussienne, Sophie Frédérique d’Anhalt, a été choisie par l’impératrice de toutes les Russies Elisabeth pour épouser son neveu, grand duc et futur empereur. Après un long voyage, elle arrive à la cour de Russie où elle découvre que son futur époux n’est qu’un simple d’esprit… Réponse de la Paramount à La Reine Christine avec Greta Garbo (grande rivale de Marlene), L’Impératrice rouge raconte le parcours de Catherine II de Russie jusqu’à son arrivée au pouvoir. Plus qu’un film historiquement fidèle, c’est surtout l’oeuvre d’un grand créateur qui modèle l’Histoire pour en faire un spectacle assez unique, d’un esthétisme très personnel. Par les décors, Josef von Sternberg a créé un univers tourmenté, morbide, extravagant dans sa démesure, peuplé de statues grimaçantes tout en contraste avec la beauté des visages, particulièrement celui de Marlene Dietrich magnifié par un éclairage travaillé. Entre les mains de son pygmalion, l’actrice est absolument superbe, L'impératrice rouged’une grande prestance qui semble naturelle. Son personnage se joue des hommes. L’érotisme sous-jacent de certaines scènes est patent. La mise en scène baroque et très personnelle a dérouté : L’Impératrice rouge fut mal reçu par la critique à sa sortie, jugé trop extravagant. Si les opinions ont changé depuis, il ne fait toujours pas l’unanimité, loin de là. C’est certainement pourtant le plus beau (avec Shanghai Express) des sept films que Josef von Sternberg a tourné avec Marlene Dietrich…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, John Lodge, Sam Jaffe, Louise Dresser, C. Aubrey Smith
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Remarques :
* Dans les toutes premières scènes, Sophie enfant est interprétée par Maria Riva, la propre fille de Marlene Dietrich. Elle avait alors neuf ans (en outre, la fillette travaillait déjà avec sa mère au choix de ses robes). Maria Riva raconte le tournage dans son (volumineux) livre Marlene Dietrich (Flammarion, 1993).

Marlene Dietrich dans L'Impératrice Rouge, The Scarlet Empress de Josef von Sternberg (1934)
Marlene Dietrich et les sculptures tourmentées conçues par Josef von Sternberg pour L’Impératrice Rouge (The Scarlet Empress, 1934)

L'impératrice rouge
Sam Jaffe (l’à demi-fou grand-duc Pierre III de Russie) et Marlene Dietrich (Catherine II de Russie) dans L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg (The Scarlet Empress, 1934)

Marlene Dietrich dans Scarlet Empress
Marlene Dietrich (Catherine II passant en revue d’un oeil gourmand sa garde personnelle…) dans L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg (The Scarlet Empress, 1934)

11 décembre 2014

Alice (1990) de Woody Allen

AliceAlice est une jeune quarantenaire de la haute bourgeoisie new yorkaise qui mène une vie aisée mais futile. Elle consulte le Docteur Yang pour un vague mal de dos. Ce docteur qui a des ressources étonnantes et la rencontre fortuite d’un homme vont l’amener à reconsidérer sa vie… Le thème d’Alice n’est pas original en soi mais son traitement l’est beaucoup plus. Non seulement, Woody Allen choisit la légèreté et l’humour mais en plus il fait intervenir une bonne dose d’irrationnel dans ce portrait de femme, nouvelle preuve de cet amour du cinéaste pour la magie (1). Il parvient à mêler les genres et c’est ce mélange qui rend le film attrayant malgré la grande superficialité de son personnage principal. En filigrane, on retrouve cette même recherche de la vraie vie que l’on trouvait dans plusieurs de ses films précédents : Alice est finalement assez proche sur le fond de Une autre femme, même si les formes sont bien différentes : ici, c’est la satire et l’humour qui soutiennent le propos.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mia Farrow, William Hurt, Joe Mantegna, Keye Luke, Judy Davis
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(1) Si Alice est l’un des plus marqué sur ce plan, il est facile de remarquer que la plupart de ses films comportent une ou plusieurs petites touches de magie. Cet amour de la magie remonte à son adolescence : Woody Allen était alors très habile et impressionnait tout son entourage par ses tours de cartes et de magie.

Mia Farrow et Keye Luke dans Alice (1990)
(ci-dessus) Mia Farrow et Keye Luke dans Alice
Mia Farrow et Joe Mantegna dans Alice (1990)
(ci-dessus) Mia Farrow et Joe Mantegna dans Alice.

9 décembre 2014

La Déesse (1958) de John Cromwell

Titre original : « The Goddess »

La déesseLa Déesse (The Goddess) raconte le parcours d’une jeune fille en manque d’amour qui devient une actrice adulée mais extrêmement perturbée psychiquement. Bien entendu, la production a nié toute ressemblance avec une actrice existante mais tout le monde a reconnu Marilyn Monroe dans ce portrait. Le choix du sujet est étrange car, rappelons-le, Marilyn était alors toujours en vie et on peut se demander s’il n’y avait pas de la part de la Columbia une volonté délibérée d’éreinter l’image de la grande star qui lui avait échappée (1). Le choix de l’interprète principale est tout aussi étrange : Kim Stanley est alors une actrice assez inconnue (elle l’est d’ailleurs restée, hélas) qui n’a ni l’âge ni le physique pour le rôle. Malgré ces handicaps, sa performance est franchement remarquable. Kim Stanley est passée par l’Actors Studio et cela se sent : elle se donne à fond et montre une palette étonnamment riche de sentiments. Les seconds rôles sont en outre très bien tenus. The Goddess est structuré en trois parties, bien séparées avec des titres : l’enfance, l’adolescence et la starification. L’histoire montre comment l’accession au statut de star n’a fait qu’amplifier les manques de la jeune femme qui se retrouve comme enfermée dans son mal-être, sans issue possible. Le film est étrangement prémonitoire du futur destin de Marilyn, quelque quatre années plus tard. Pour sa particularité et pour la performance de Kim Stanley, The Goddess mérite notre intérêt.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kim Stanley, Lloyd Bridges, Steven Hill, Betty Lou Holland
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Remarques :
* John Cromwell est avant tout un réalisateur de mélodrames. Il a débuté avec le parlant à la toute fin des années vingt. Les cinéphiles le connaissent surtout pour The Goddess et pour Dead Reckoning, un film noir très classique de 1947 avec Humphrey Bogart et Lizabeth Scott mais on lui doit aussi une des versions du Prisoner of Zenda, celle de 1937, une biographie de Lincoln, Abe Lincoln in Illinois (1940), et l’intéressant Of Human Bondage avec Bette Davis (1935).

* Le scénario a été écrit par Paddy Chayefsky, à qui l’on doit également The Americanization of Emily (1964).

* John Cromwell a déclaré que son film avait été massacré au montage par Paddy Chayefsky qui a supprimé de nombreuses scènes montrant la réaction des personnages.

* The Goddess est le premier long métrage de Kim Stanley qui avait auparavant beaucoup joué à Broadway et à la télévision. Après ce film, elle y retournera pour continuer sa carrière, ne tournant que très peu de films (5 en tout, le dernier étant L’Etoffe des Héros (1983) où elle tient le bar des pilotes). Au moment du tournage de The Goddess, elle a presque 33 ans, soit le double de son personnage dans la partie « adolescence », ce qui est un peu beaucoup…

(1) La Columbia a eu Marilyn Monroe sous contrat en 1948 mais ne l’a pas gardée, une bévue de plus pour le rustre et borné Harry Cohn (patron de la Columbia) qui l’avait alors déclarée avec sa délicatesse habituelle « pataude et sans aucun talent ».

The Goddess
Kim Stanley dans The Goddess de John Comwell