8 janvier 2024

Jimmy’s Hall (2014) de Ken Loach

Jimmy's HallEn 1932, après dix ans passés aux États-Unis, l’activiste républicain Jimmy Gralton revient dans son Irlande natale pour aider sa mère à exploiter la ferme familiale. Jimmy veut oublier les luttes de jadis. Il dit aspirer à une vie paisible mais les jeunes du village lui demandent de ré-ouvrir le Pearse-Connolly Hall qu’il avait fondé. C’était une salle de danse de campagne, mais aussi un lieu communautaire…
Jimmy’s Hall est un film britannique réalisé par Ken Loach. Le scénario est écrit par son scénariste habituel Paul Laverty, basé sur l’histoire authentique de James Gralton, militant communiste qui reste le seul irlandais expulsé de son pays après l’indépendance. C’est un film plutôt mineur dans la filmographie du cinéaste, en grande partie parce que le récit est assez confus. Ken Loach ne nous donne pas toutes les clefs pour bien comprendre la situation, ou passe très rapidement sur certains points ou même les omet. C’est en lisant des articles sur le sujet après la projection que l’on peut comprendre pleinement la situation (et mesurer la partialité de la présentation qui en est faite…) Ken Loach dresse un portrait très angélique de son personnage principal mais ne réussit qu’à embrouiller l’ensemble.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton, Andrew Scott
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Cadre historique :
De 1919 à 1921, en parallèle à la guerre d’indépendance, le syndicalisme se développe fortement en Irlande. Les mobilisations se multiplient chez les ouvriers, mais aussi en milieu rural. On occupe des terres. Des comités prennent le nom de soviets — comme le soviet de Gowel, là où se déroule le film de Ken Loach. On compte, dans les années 1918-1920, plus de 100 soviets dans le pays. (Extrait Wikipédia, lire aussi l’entrée sur James Gralton … Il est aussi important de savoir qui est James Connolly dont Gralton s’inspire : Wikipédia)

Barry Ward dans Jimmy’s Hall de Ken Loach.

20 octobre 2023

Les Banshees d’Inisherin (2022) de Martin McDonagh

Titre original : « The Banshees of Inisherin »

Les Banshees d'Inisherin (The Banshees of Inisherin)En 1923, la guerre civile irlandaise touche à sa fin. Pádraic vit sur une petite île au large de la côte ouest de l’Irlande. Du jour au lendemain, Colm, son meilleur ami, décide de ne plus lui parler. Qu’a-t-il fait ou dit pour mériter ça ? Rien : Colm estime juste que Pádraic est ennuyeux et il préfère consacrer les années qui lui restent à composer de la musique…
Les Banshees d’Inisherin (1)(2) est un film irlandais écrit et réalisé par Martin McDonagh. La mise en place est plaisante, elle nous surprend, nous amuse et nous laisse augurer une comédie originale. Les paysages sont très beaux et le microcosme de cette île minuscule permet des situations cocasses. Hélas, le film tourne ensuite en rond, rien n’est apporté de nouveau et le scénario sombre bêtement dans la surenchère avec des scènes d’automutilation pénibles à supporter. L’histoire se finit un peu n’importe comment, très pauvrement. Le film a été bien accueilli. Il est vrai qu’il est original par sa situation de départ mais pêche par son manque de développement intéressant.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon, Barry Keoghan
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(1) Une banshee est une créature féminine surnaturelle de la mythologie celtique irlandaise, considérée comme une magicienne ou une messagère de l’Autre monde. Elle pleure la nuit pour annoncer une mort prochaine.
(2) L’île d’Inisherin n’existe pas en tant que telle mais les îles d’Aran forment un groupe de trois îles qui barrent l’entrée de la baie de Galway : Inishmore (31 km2, 800 habitants) (où le film a été en grande partie tourné), Inishmaan (10 km2, 180 habitants) et Inisheer (6 km2, 340 habitants), l’île du film étant censée être l’une de ces deux dernières.

Colin Farrell et Brendan Gleeson dans Les Banshees d’Inisherin (The Banshees of Inisherin) de Martin McDonagh.

4 décembre 2021

Sing Street (2016) de John Carney

Sing StreetDublin, en 1985, Conor Lawlor, un jeune lycéen de 15 ans, est contraint de changer de lycée et de rejoindre le lycée religieux « Synge Street ». Pour impressionner une jeune fille plus âgée, il forme un groupe de musique en s’inspirant des groupes que son grand frère adore tels que The Cure, Duran Duran ou A-ha…
Sing Street est écrit et réalisé par l’irlandais John Carney dont les précédents Once (2006) et New York Melody (2013) avaient été de beaux succès. Il s’agit à nouveau d’un film où la musique a une grande importance. Le récit nous replonge dans l’atmosphère des années quatre-vingt. Nous suivons les tâtonnements musicaux et amoureux de ce petit groupe de garçons. L’ensemble est charmant, bien équilibré avec son humour par petites touches tout en laissant entrevoir les difficultés économiques environnantes. Les chansons originales sont remarquablement bien écrites. Un film sympathique et positif.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor, Mark McKenna
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Sing StreetMark McKenna et Ferdia Walsh-Peelo dans Sing Street de John Carney.

Sing StreetLucy Boynton dans Sing Street de John Carney.

25 janvier 2020

Philomena (2013) de Stephen Frears

PhilomenaLe journaliste de la BBC Martin Sixsmith vient de perdre son emploi de conseiller du gouvernement travailliste de Tony Blair. Aigri et désabusé, il ne sait quelle orientation donner à sa carrière jusqu’à ce qu’il rencontre Philomena Lee, une femme irlandaise qui désire retrouver son fils qu’elle a été forcée d’abandonner il y a cinquante ans alors qu’elle avait été placée par sa famille dans un couvent…
Philomena est l’adaptation du roman Philomena: The True Story of a Mother and the Son She Had to Give Away (= Philomena : L’histoire vraie d’une mère et du fils qu’elle a dû abandonner) écrit par Martin Sixsmith, basé sur sa propre enquête. Il s’agit donc d’une histoire vraie qui met au grand jour les pratiques révoltantes de la société et de l’Eglise irlandaise vis-à-vis des filles-mères. Mais tout l’art de Stephen Frears est d’avoir introduit un soupçon de comédie dans ce drame en exploitant l’opposition entre ses deux personnages principaux : Philomena est une femme simple qui n’a pas beaucoup étudié mais qui a le contact facile alors que Martin, le journaliste, sort d’Oxford et se montre plutôt méprisant (ou au moins condescendant) envers ses semblables. Il est rare de voir un film mêler si subtilement le drame et la comédie. Le film n’est absolument pas un « tire-larmes ». Il est même assez léger, mais sans que soit entamée la force de la dénonciation. Le film a décuplé l’impact du livre.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Judi Dench, Steve Coogan
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Remarques :
* L’adaptation a été co-écrite par Steve Coogan, qui joue le rôle de Martin Sixsmith dans le film, un acteur qui officie habituellement dans le genre comique. Il n’est certainement pas étranger à l’introduction des éléments de comédie.
* Les noms réels des personnages principaux ont été gardés mais l’adaptation a bien entendu pris quelques libertés. Dans la réalité, l’enquête de Martin Sixsmith et Philomena s’est étalée sur plusieurs années et Philomena n’est jamais allé aux Etats Unis. Le compagnon de Michael Hess a affirmé que le livre Philomena était vrai à 30%, tandis que, dans l’esprit, le film était vrai à 100%.
* Le programme des adoptions contraintes géré par les autorités catholiques en Irlande durant les années 1950 a soulevé des débats houleux et le cas de Philomena y a joué un rôle proéminent. La plupart des documents concernant ces enfants ayant été détruits, l’accès aux archives est impossible.

PhilomenaJudi Dench et Steve Coogan dans Philomena de Stephen Frears.

21 décembre 2014

Le Mouchard (1935) de John Ford

Titre original : « The Informer »

Le mouchardDans l’Irlande des années 20 sous domination anglaise, Gypo Nolan vit misérablement et rêve de pouvoir impressionner Katie qui désire tant partir en Amérique. Il est ami avec Frankie qui appartient à l’Armée Républicaine clandestine et dont la tête est mise à prix… Il n’est guère surprenant que John Ford ait eu des difficultés à faire accepter cette adaptation d’un roman de Liam O’Flaherty (1). Pour réaliser cette oeuvre anti-commerciale par excellence, John Ford n’eut finalement droit qu’à un plateau de second ordre, un « couloir » dont l’état de vétusté l’obligea à utiliser beaucoup de brouillard. Il demanda à son directeur de la photographie Joseph August de lui donner des tonalités similaires à celle de L’Aurore de Murnau. John Ford donne à cette histoire d’une belle simplicité une très grande force. Victor McLaglen a ici une présence phénoménale. Après des débuts difficiles, le film connut un grand succès et rafla quatre Oscars.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor McLaglen, Heather Angel, Preston Foster, Wallace Ford
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Remarques :
* Anecdote célèbre rapportée par Robert Parrish (qui fut figurant et assistant-monteur sur ce film) :
Le premier jour de tournage, John Ford fit réunir toute l’équipe pour présenter le producteur délégué : « Le monsieur que voici est un producteur délégué ». Il lui fit doucement tourner la tête pour que tout le monde puisse le voir de face et de profil. « Regardez-le bien parce que vous ne le reverrez plus sur le plateau d’ici la fin du tournage ! ». Et il serra la main du producteur en lui disant : « Merci d’être venu, Cliff ! Nous nous reverrons au moment des rushes. » (in J’ai grandi à Hollywood de Robert Parrish, Stock 1980). A noter que le producteur en question est Cliff Reid.

* Autre anecdote tout aussi célèbre :
Lorsque, le dernier jour, le même producteur vint sur le plateau pour dire sa satisfaction que le tournage soit fini dans les temps et, chose très imprudente, qu’il trouvait les derniers rushes de la scène de l’interrogatoire fantastiques, John Ford (qui, lui, n’avait pas encore regardé les rushes en question) fit revenir l’équipe : « Ce n’est pas fini : on refait la scène de l’interrogatoire ! » Et le tournage dura deux jours de plus.

* On peut noter l’utilisation ponctuelle de la caméra subjective.

* Précision : 1 livre de 1920 équivaut environ à 50 euros actuel, ce qui met par exemple le prix de la traversée (10 £) à 500 euros.

Précédente adaptation :
The Informer de Arthur Robison (1929) avec Lars Hanson, film anglais mi-muet, mi-parlant.
Remake :
Point noir (Uptight) de Jules Dassin (1968) avec Raymond St. Jacques, l’histoire étant transposée dans le milieu des militants révolutionnaires noirs.

(1) Le film a finalement été financé par Joe Kennedy, le père du futur président, pour la RKO qui pensait que le film pouvait faire office d’oeuvre de prestige.

The Informer de John Ford
Victor McLaglen est le mouchard dans le film The Informer de John Ford.

7 juin 2014

Huit heures de sursis (1947) de Carol Reed

Titre original : « Odd Man Out »

Huit heures de sursisEn Irlande du Nord, peu après la guerre, un petit groupe membre d’une organisation politique s’apprête à commettre un hold-up dans une usine. A sa tête, Johnny McQueen, fraîchement évadé de prison, veut effectuer ce dernier coup avant de renoncer à la violence. Mais le hold-up tourne mal… Odd Man Out est un film britannique adapté d’un roman de F.L. Green (Frederick Laurence Green). Le propos n’est pas tant politique sur une situation précise, il est plus généralement sur l’engagement et surtout le désengagement. Le héros de cette histoire est las d’un certain type de combat pour la cause et désire ne plus avoir à constamment se cacher et fuir. Les évènements vont pourtant le placer dans la position d’un homme traqué et blessé pendant huit heures pendant lesquelles il va avoir une nouvelle vision de son parcours. Le personnage de Kathleen est quant à lui assez complexe, mélange d’amour et de (très) forte détermination comme en témoigne la fin, assez puissante. Une grande partie du film se déroule après la tombée de la nuit et Carol Reed soigne à l’extrême ses éclairages, jouant parfois très fortement avec les contrastes entre l’ombre et la lumière. Sur ce plan, le film préfigure ce qu’il fera peu après sur Le Troisième Homme et il parvient parfaitement à créer une atmosphère, parfois presque irréelle, dans laquelle la peinture qu’il fait de quelques marginaux (le clochard, le peintre, le médecin qui n’a pu finir ses études) prend une indéniable dimension.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Robert Newton, Cyril Cusack, Kathleen Ryan, Dan O’Herlihy
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Remarques :
* Bien que le nom ne soit jamais clairement cité, il ne fait nul doute que « l’organisation » dont font partie ces hommes est le Sinn Fein, ancêtre de l’IRA.
* En anglais, l’expression « odd man out » désigne une personne assez différente des autres dans un groupe. Sa traduction littérale pourrait être : « celui qui sort du lot ».

25 juin 2013

Le Piège (1973) de John Huston

Titre original : « The MacKintosh Man »

Le piègeAgissant pour le compte du contre-espionnage, Rearden vole un lot de diamants. A la suite d’un appel anonyme, la police l’arrête et le condamne à vingt ans de prison. Là, il est contacté par un groupe mystérieux qui se propose de le faire évader… Le scénario de Walter Hill est basé sur un livre de Desmond Bagley, lui-même inspiré d’une histoire vraie. Mais John Huston ne le suivra pas vraiment, il en réécrira une bonne partie au fur et à mesure du tournage, ne trouvant une fin satisfaisante que peu de temps avant de la tourner (1). Le piège est un film d’espionnage bien mis en place qui intrigue et nous tient en haleine. La réalisation de Huston est parfaite, les scènes d’action sont efficaces et l’ensemble bien rythmé. Le film bénéficie d’une bonne distribution. C’est le premier film de Dominique Sanda à Hollywood.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Dominique Sanda, James Mason, Harry Andrews
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(1) Dans ses mémoire, John Huston affirme que si la fin avait été trouvée plus tôt, au moins avant de le début du tournage, The MacKintosh Man aurait pu être un bien meilleur film.

9 août 2011

L’homme tranquille (1952) de John Ford

Titre original : « The Quiet Man »

L'homme tranquilleAu retour dans son village natal en Irlande, un américain tombe amoureux de la sœur de son plus grand ennemi… John Ford se penche avec humour et bienveillance sur les traditions irlandaises, avec leurs codes sociaux et leurs pesanteurs. Il y a beaucoup d’humanité et de chaleur dans son film. Ceci dit, L’homme tranquille n’est pas à recommander aux féministes car, même en considérant tout l’humour et la caricature que John Ford a placé dans son film, on ne peut pas dire que l’image de la femme en sorte vraiment grandie… (1) On peut aussi ne pas adhérer pleinement à sa façon de prôner l’acceptation des pires règles sociales pour parvenir à l’intégration. Mais, comme on le sait, le charme des films de John Ford ne réside pas vraiment dans l’idéologie qu’ils véhiculent… et, du charme, L’homme tranquille en a : une construction parfaite, un déroulement limpide, un bel équilibre entre humour et drame, de superbes images et beaucoup, beaucoup de chaleur. Le réalisateur mit de nombreuses années pour trouver un financement pour L’homme tranquille, une histoire jugée trop simple par les producteurs. Le film connut un très grand succès.
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Maureen O’Hara, Barry Fitzgerald, Ward Bond, Victor McLaglen
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(1) Sur ce point, L’homme tranquille a souvent été comparé à La Mégère Apprivoisée, même si le propos est assez différent.

Remarques :
* Le monteur Jack Murray a déclaré n’avoir pratiquement rien eu à faire : John Ford avait tourné le film déjà monté, aucun plan ni aucune image n’avait besoin d’être enlevé.
* Anecdote : La phrase que Maureen O’Hara murmure à l’oreille de John Wayne dans le tout dernier plan et qui nous vaut une authentique expression de surprise de celui-ci, n’a jamais été connue. L’actrice n’a accepté de la dire qu’à la condition expresse qu’elle ne soit jamais divulguée…