5 juillet 2024

Insomnia (2002) de Christopher Nolan

InsomniaDans une petite ville de pêcheurs d’Alaska, une jeune fille de 17 ans est retrouvée assassinée. Deux inspecteurs de la police de Los Angeles, le capitaine Will Dormer et son partenaire Hap Eckhart, sont envoyés sur place pour aider la police locale dans son enquête, à la demande du chef de la police, un ancien collègue de Dormer. Ellie Burr, une jeune détective de la police locale, qui est une grande fan du travail d’enquête de Dormer, vient les accueillir…
Insomnia est un film policier américain réalisé par Christopher Nolan. Il s’agit du remake du film norvégien Insomnia (1997) réalisé par Erik Skjoldbjærg, qui avait reçu de bonnes critiques mais une distribution limitée. Si elle ne recèle pas de grandes surprises, l’intrigue est bien tournée, évoluant rapidement en jeu du chat et de la souris, où la souris peut devenir chat et inversement. Il y a une belle profondeur dans les trois personnages principaux. Le travail de Christopher Nolan, qui travaillait ici pour la première fois avec des acteurs de premier plan, est assez remarquable. Sa mise en images montre une recherche sur les lumières (au pays où le soleil ne se couche jamais) et un cadrage qui crée une atmosphère ; il place souvent sa caméra très près des personnages comme pour mieux les sonder. Al Pacino met beaucoup d’intensité dans son personnage et Robin Williams, utilisé ici à contre-emploi, s’en sort plutôt bien (1). Le film a eu d’assez bonnes critiques même si Christopher Nolan a déclaré plus tard que c’était son film le plus sous-évalué.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Al Pacino, Robin Williams, Hilary Swank, Martin Donovan
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(1) Les deux acteurs ont des méthodes très différentes. Robin Williams a déclaré : « Ma rencontre avec Al, c’est « Monsieur Méthode » contre « Monsieur N’importe Quoi » ! » (en anglais, « Method » désigne les techniques de jeu de l’Actors Studio, Al Pacino est effectivement issu de l’Actors Studio qui préconise que les acteurs doivent intégrer totalement la psychologie de leur personnage). On raconte que, pour préparer les scènes, Al Pacino s’enfermait dans sa loge et ne sortait que lorsqu’on était prêt à tourner alors que Robin Williams restait avec l’équipe et faisait rire tout le monde.

Hilary Swank et Al Pacino dans Insomnia de Christopher Nolan.
Robin Williams et Al Pacino dans Insomnia de Christopher Nolan.

20 août 2022

Le Cercle des poètes disparus (1989) de Peter Weir

Titre original : « Dead Poets Society »

Le Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society)En 1959 aux États-Unis, Todd Anderson, un garçon timide, est envoyé dans la prestigieuse académie de Welton dans l’État du Vermont, réputée pour être l’une des plus fermées et austères du pays. Il y rencontre M. Keating, un professeur de littérature anglaise aux pratiques pédagogiques plutôt originales…
Le Cercle des poètes disparus est un film américain écrit par Tom Schulman et réalisé par Peter Weir. Le film a connu un grand succès international à sa sortie, plébiscité par toute une génération (et même plus) en faisant souffler un vent de liberté. Le récit prône l’art de profiter du moment présent (« carpe diem ») et le développement de la personnalité en refusant tout conformisme. Revu avec du recul, le propos paraît certes un peu simpliste et les procédés hollywoodiens sont très visibles mais le film garde sa fraîcheur de ton, son esprit de liberté toujours bienvenu. L’interprétation est parfaite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robin Williams, Robert Sean Leonard, Ethan Hawke, Josh Charles, Gale Hansen, Dylan Kussman, Allelon Ruggiero, James Waterston, Norman Lloyd
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Le Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society)Robin Williams et Robert Sean Leonard et Ethan Hawke dans Le Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society) de Peter Weir.

Le Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society)(de g. à d.) Gale Hansen, Allelon Ruggiero, Robin Williams, Robert Sean Leonard, Dylan Kussman, Ethan Hawke, Josh Charles et James Waterston
Photo publicitaire pour Le Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society) de Peter Weir.

1 avril 2017

Les Aventures du baron de Munchausen (1988) de Terry Gilliam

Titre original : « The Adventures of Baron Munchausen »

Les aventures du baron de MunchausenDans une ville assiégée par les Turcs, une pièce de théâtre conte les aventures du fameux baron de Münchhausen sous l’œil du dirigeant très bureaucrate de la ville. Surgit alors un vieillard affirmant être le vrai baron de Münchhausen. Tous le prennent pour un fou. Seule Sally, fille du directeur de la troupe de théâtre, le prend au sérieux. Il lui raconte… Les Aventures du baron de Munchausen est un sujet qui semble fait pour Terry Gilliam. Ces récits invraisemblables, imaginées en premier par Rudolf Erich Raspe à la fin du XVIIIe siècle, permettent à l’ex-Monty Python de créer un délire narratif et visuel permanent comme il les affectionne. Le fond du propos est une fois de plus de mettre l’accent sur les aspects absurdes de notre société réputée policée et sur l’importance du rêve comme unique moyen d’évasion. Le tournage fut, lui aussi, délirant : éprouvant pour les acteurs, il va finir par coûter deux fois plus cher que prévu. Les décors sont multiples, la figuration importante et les effets nombreux et variés, rien ne semble arrêter Terry Gilliam. Le résultat est une belle fantasmagorie, avec de belles envolées lyriques, même si on peut trouver certaines scènes moins réussies (à mes yeux, l’épisode sur la Lune est le plus faible… malgré toutes ses références littéraires). A la suite d’un changement de direction à la tête du studio, Columbia sabota la sortie américaine et le film fut un échec commercial aux Etats-Unis. Terry Gilliam eut bien des difficultés à obtenir de gros budgets par la suite.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: John Neville, Eric Idle, Sarah Polley, Oliver Reed, Jonathan Pryce, Uma Thurman, Robin Williams
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Les Aventures du baron de Munchausen

Les Aventures du baron de Munchausen
John Neville dans Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam.

Les Aventures du baron de Munchausen
Botticelli n’est pas loin : Uma Thurman en Vénus dans Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam.

Remarques :
* Le tournage eut lieu aux studios Cinecittà de Rome et aux studios Pinewood en Angleterre, les extérieurs étant tournés en Espagne.
* John Neville était alors surtout un acteur de théâtre.
* Les Aventures du baron de Munchausen est le premier rôle joué pour le cinéma par Uma Thurman. En revanche, ce n’est pas le premier pour Sarah Polley (8 ans), future réalisatrice.
* Sting fait une brève apparition en soldat ayant fait preuve de bravoure (Sting était alors voisin de Terry Gilliam et c’est ainsi que serait née l’idée).
* Terry Gilliam fait une brève apparition (le chanteur dans le poisson).
* La présence d’une annonce à la fin sur l’absence de lien avec le film de 1943 est juste une protection juridique : les ayant-droits de ce film prétendaient en effet que le film de Gilliam était un remake.

Autres adaptations :
Les Aventures du baron de Münchausen de Georges Méliès (1911)
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen de l’allemand de Josef Von Baky (1943) réalisé pour les 25 ans de la UFA à la demande de Goebbels.
Le Baron de Crac de Karel Zeman (1962)
Les fabuleuses aventures du légendaire Baron de Munchausen de Jean Image (1979), dessin animé
Le Secret des Sélénites de Jean Image (1984), dessin animé.
Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam (1988)

12 octobre 2016

Au-delà de nos rêves (1998) de Vincent Ward

Titre original : « What Dreams May Come »

Au-delà de nos rêvesAnnie et Chris forment un couple uni, avec le sentiment d’avoir un lien très fort qui les unit. La mort accidentelle de leurs deux enfants déstabilise le couple. Chris perd la vie dans un accident quatre ans plus tard. Il se retrouve au Paradis qui prend la forme des peintures de sa femme… Adapté d’un roman de Richard Matheson, Au-delà de nos rêves est avant tout une histoire d’amour, des personnages qui se cherchent, se trouvent, se perdent pour mieux se retrouver dans l’au-delà, une variation du mythe antique d’Orphée (l’idée d’un homme qui descend aux enfers pour retrouver l’être aimé et la ramener). C’est donc le thème de « l’amour plus fort que la mort » qui est exploité sur fond de notions religieuses chrétiennes du paradis et de l’enfer, l’idée métaphysique de la mort étant peu explorée. Le scénario utilise toute la panoplie des procédés mélodramatiques hollywoodiens, sans finesse ni subtilité. Si le film est, malgré cela, vraiment remarquable, et même assez unique en son genre, c’est par son traitement visuel et ses effets qui restent inégalés presque vingt ans après sa sortie : les images imitant la texture d’une peinture, les décors naturels grandioses, l’utilisation de la couleur (couleurs vives et saturées pour le Paradis, ternes et sombres pour l’Enfer), les scènes oniriques, tous ces éléments rendent le film assez inoubliable. Et finalement, il nous présente une représentation étonnante et plutôt convaincante du Paradis et de l’Enfer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robin Williams, Cuba Gooding Jr., Annabella Sciorra, Max von Sydow
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What dreams may come
Le Paradis de Au-delà de nos rêves de Vincent Ward.

what dreams may come

What dreams may come
Une des scènes de l’Enfer de Au-delà de nos rêves de Vincent Ward (scène qui fait furieusement penser à une scène de Metropolis de Fritz Lang).

Remarques :
* What Dreams May Come est l’un des rares films tourné sur pellicule Fuji Velvia, pellicule bien connue de tous les photographes pour ses couleurs saturées.

* Dans la scène de la mer de visages, l’homme que Robin Williams prend pour son père est joué par le réalisateur Werner Herzog. Il dit « attendre Klaus », il s’agit de Klaus Kinski mort en 1991 avec lequel Herzog a eu des relations étroites mais tumultueuses.

* Une fin alternative présente en bonus sur les éditions DVD est plus proche de celle du roman (pour expier le suicide, Annie renaît au Sri Lanka tandis que Chris renaît à Philadelphie).

* La phrase-titre What Dreams May Come est tirée du monologue d’Hamlet To be or not to be:
« To die, to sleep,
To sleep, perchance to Dream; aye, there’s the rub,
For in that sleep of death, What Dreams May Come,
When we have shuffled off this mortal coil »

(« Mourir… dormir.
Dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras.
Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort,
quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? »)

7 novembre 2015

Good Morning, Vietnam (1987) de Barry Levinson

Good Morning, VietnamUn nouveau disc jockey, connu pour son humour, arrive au Vietnam pour animer la radio des forces armées. Son ton irrévérencieux va le rendre instantanément populaire chez les soldats au grand dam de ses supérieurs directs… Les films abordant la guerre du Vietnam sous un angle humoristique ne sont pas légion et Barry Levinson parvient à trouver le juste équilibre grâce à une belle utilisation des talents comiques de Robin Williams. Tout le film repose sur la performance assez spectaculaire de l’acteur où l’improvisation, a-t-on affirmé, tient une place importante : certains trouveront qu’il en fait beaucoup mais c’est justement quand il en fait trop qu’il excelle… Hormis cela, le film a des ressorts assez classiques, le gentil trublion en prise à des chefs bornés et imbéciles, et se charge d’une intrigue sentimentale assez inutile qui relève d’un certain idéalisme. Sur la guerre en elle-même, le propos est finalement assez édulcoré, teinté d’une ironie bienveillante, jamais mordante. Si le film met en évidence la censure des informations diffusées (ce qui est difficilement qualifiable de révélation), il n’atteint vraiment une dimension que lors de la scène emblématique où l’on voit des bombardements de villages alors que Louis Armstrong chante « It’s a wonderful world » : ce spectaculaire télescopage crée une image forte. Pour le reste, Good Morning, Vietnam est un surtout un excellent divertissement, assez unique en son genre toutefois.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robin Williams, Forest Whitaker, Bruno Kirby
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Good morning Vietnam
Robin Williams et Forest Whitaker dans Good Morning, Vietnam de Barry Levinson.

25 février 2015

Fisher King – Le Roi pêcheur (1991) de Terry Gilliam

Titre original : « The Fisher King »

Fisher King - Le roi pêcheurJack est un animateur de radio populaire pour son franc parler mais très imbu de sa personne. Lorsqu’un déséquilibré prend certains de ses propos désinvoltes comme une incitation à aller tuer sept personnes dans un restaurant, il abandonne tout et se laisse aller. Il rencontre un clochard dans lequel il entrevoit un moyen de se racheter… Pour la première fois, Terry Gilliam n’a pas écrit lui-même le scénario de Fisher King, il est signé par Richard LaGravenese. Le projet était visiblement ambitieux, il est patent que Terry Gilliam désirait réussir à la fois sur le plan artistique et commercial (son film précédent Münchhausen avait été un échec) et mettant sur pied un grand film riche aux connotations fantastiques. Il semble vouloir revisiter le mythe du Graal mais surtout celui de Don Quichotte qui lui permet de nous gratifier de très belles scènes comme celle où il transforme l’immense hall de la Gare centrale de New York en une gigantesque piste de danse. Outre les superbes plans dont Gilliam a le secret (ah, cette plongée vertigineuse sur une limousine noire aux milieu de taxis jaunes), Fisher King est aussi l’occasion de puissantes prestations d’acteur : Robin Williams et Jeff Bridges sont ici dans l’un de leurs meilleurs rôles et on peut en dire autant de Mercedes Ruehl (c’est elle qui gagnera l’Oscar). Le quatrième personnage principal, Lydia (Amanda Plummer), est étonnamment traité comme un personnage de dessin animé, on peut sans doute y voir là certaines intentions commerciales. Elles sont encore plus nettes lors du dénouement, en parfait happy end. Malgré ces petites faiblesses, Fisher King reste un film assez puissant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robin Williams, Jeff Bridges, Mercedes Ruehl, Amanda Plummer
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Fisher King
Robin Williams et Jeff Bridges dans Fisher King de Terry Gilliam.

28 décembre 2014

Harry dans tous ses états (1997) de Woody Allen

Titre original : « Deconstructing Harry »

Harry dans tous ses étatsHarry dans tous ses états (Deconstructing Harry) est une comédie qui a parfois été jugée comme étant un peu plus sombre que les précédentes immédiates mais elle est aussi plus profonde. Le Harry dont il est question est un écrivain qui s’inspire directement de sa vie et des gens qui l’entourent pour écrire des romans à succès, ne faisant plus très bien la différence entre les personnages qu’il invente et ceux de la vie réelle. Ces derniers sont furieux de voir ainsi leur vie privée exposée et leurs secrets dévoilés. Pour ne rien arranger, l’écrivain doit pour la première fois faire face à une panne d’inspiration (1). On retrouve donc ici des thèmes chers à Woody Allen : les affres de la création et la séparation entre réel et fiction : N’est-il pas plus simple pour l’écrivain de vivre dans la fiction ? Harry dans tous ses états est assez ambitieux car les situations sont nombreuses et les personnages le sont encore plus puisque souvent interprétés par deux acteurs différents (un pour le réel et un pour la fiction). L’humour est toujours présent, par petites touches, parfaitement intégré à l’ensemble. Le montage est assez particulier, décousu en apparence pour signifier que la réalité est intrinsèquement décousue, relative (ce que nous croyons être la réalité devient la réalité pour nous), indéterminée, une approche qui favorise la déconstruction de Harry Block (alias Woody Allen ?)
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Judy Davis, Julia Louis-Dreyfus, Woody Allen, Robin Williams, Kirstie Alley, Demi Moore, Stanley Tucci, Elisabeth Shue, Billy Crystal
Voir la fiche du film et la filmographie de Woody Allen sur le site IMDB.
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Le scénario (bilingue) de Deconstructing Harry est sorti en 2000 dans la Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma… Voir le livre

Remarques :
* Harry dans tous ses états évoque Les Fraises sauvages de Bergman (le voyage pour recevoir un hommage), Le Septième Sceau du même réalisateur (la Mort qui vient frapper) et 8 ½ de Fellini (le créateur en panne sur un projet du fait de ses problèmes personnels).

* Le titre original Deconstructing Harry est une référence à la déconstruction, pratique philosophique assez complexe d’analyse textuelle introduite par Heidegger et développée par Derrida. Cet attrait de Woody Allen pour la philosophie européenne moderne était déjà visible dans Une autre femme et dans Crimes et délits.

* Certaines personnes ont reconnu dans le personnage de Harry Block non pas Woody Allen lui-même mais l’écrivain Philip Roth.

Deconstructing Harry
(g. à d.) Woody Allen, Elisabeth Shue et Billy Crystal.

Deconstructing Harry
Mel, un ami acteur, n’est pas dans son assiette : il est flou, comme s’il était en équilibre instable entre réel et fiction (g. à d. : Judy Bauerlein et Robin Williams).

(1) Panne d’inspiration = « writer’s block » en anglais… et l’écrivain s’appelle Harry Block.