16 juin 2016

Intrigues (1928) de Clarence Brown

Titre original : « A Woman of Affairs »

Intrigues(Film muet) Au sein de l’aristocratie britannique, Diana et son frère Jeffrey sont les seuls membres de la famille Merrick. Jeffrey a une grande admiration pour son ami David qui est amoureux de Diana mais celle-ci reste insensible car elle est amoureuse de son ami d’enfance Neville. Hélas, le père de Neville s’oppose à toute idée de mariage car ce serait un déshonneur pour lui de marier son fils à une femme bien plus riche que lui. Il s’arrange pour envoyer Neville au loin… A Woman of Affairs (affairs est à prendre dans le sens de love affair) est le deuxième film de Garbo sous la direction de Clarence Brown, le troisième avec John Gilbert. Le film est basé sur un best-seller à scandales de Michael Arlen dont la censure refusait toute adaptation ; la scénariste Bess Meredyth en a donc modifié de nombreux éléments (1). Bien entendu, on ne peut voir dans cette histoire qu’un mélo assez classique (certains critiques ont même des mots plus durs) mais il est illuminé par Greta Garbo. Dès les premières minutes, on tombe sous le charme de l’actrice qui montre une extraordinaire présence à l’écran. A l’époque du tournage, l’actrice avait repris de la vitalité et cela se sent à l’écran, surtout au début du film où son personnage est radieux. Garbo est de presque toutes les scènes et Clarence Brown la met merveilleusement en valeur. Son jeu est tout aussi fascinant que sa prestance car elle parvient à exprimer tant de choses en faisant si peu : de petits mouvements de son visage, parfois presque imperceptibles. Clarence Brown a dit d’elle qu’il lui suffisait de penser à un sentiment pour l’exprimer. A côté d’elle, tous les autres acteurs paraissent bien fades, même John Gilbert qui était alors le plus grand séducteur d’Hollywood (il faut reconnaître que son personnage n’a pas beaucoup de caractère, on se demande comment l’acteur a pu accepter un tel rôle). Tous les rôles sont toutefois très bien tenus. A Woman of Affairs est donc un film qui mérite plus de considérations qu’il n’en a : c’est un des meilleurs films muets de Greta Garbo.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, John Gilbert, Lewis Stone, Johnny Mack Brown, Douglas Fairbanks Jr., Dorothy Sebastian
Voir la fiche du film et la filmographie de Clarence Brown sur le site IMDB.

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Woman of affairs
John Gilbert et Greta Garbo dans A Woman of affairs (Intrigues) de Clarence Brown (dans le cadre : Dorothy Sebastian).

Remarques :
* La censure a imposé que le générique indique simplement « from the novel by Michael Arlen » sans préciser le titre du roman : The Green Hat.

* Pendant le tournage, l’aventure entre Greta Garbo et John Gilbert touchait à sa fin et les deux acteurs se querellaient souvent. Douglas Fairbanks, Jr. (qui avait alors 18 ans) a raconté avoir souvent servi d’intermédiaire pour porter des messages écrits de l’un à l’autre. John Gilbert s’est marié l’année suivante et Greta Garbo ne s’est jamais mariée.

* C’est le premier film où Garbo est habillée par le couturier Adrian qui deviendra le couturier attitré de la star. Finies les robes trop tapageuses des films précédents et Greta Garbo n’en est que plus belle.

* Une scène est célèbre par la palette des sentiments que montre Greta Garbo en très peu de temps : c’est celle où elle étreint un bouquet de fleurs à deux reprises dans le couloir de l’hôpital, d’abord comme un amant et ensuite comme un enfant.

(1) Dans le livre, David se suicide parce qu’il est atteint de syphilis, la nuit illicite de Diana chez Neville est plus explicitement décrite, Diana est hospitalisée parce qu’elle a donnée naissance à un fils illégitime. De plus, certains personnages consomment de l’héroïne, autant d’éléments totalement interdits par la censure de l’époque. Seul l’alcool est resté (malgré la Prohibition) à la condition qu’aucune bouteille ne soit reconnaissable.

A Woman of affairs
Sur le tournage de A Woman of affairs (Intrigues) de Clarence Brown. Le chef-opérateur William H. Daniels est à la caméra, juste derrière lui se tient Clarence Brown. Greta Garbo est au volant, John Gilbert est à ses côtés. On peut remarquer tout le travail sur les éclairages : Clarence Brown a fait placer la voiture à l’ombre d’un grand arbre, de plus la lumière venant du dessus est bloquée par un large panneau, un spot avant et un spot arrière constituent l’éclairage. Une lumière générale a été placée en retrait à hauteur d’homme. Résultat :
A Woman of Affairs
La lumière forme un écrin pour Greta Garbo et John Gilbert dans A Woman of affairs (Intrigues) de Clarence Brown. Le spot arrière crée un halo autour du visage de Greta Gabo et contribue à créer une ambiance de fin d’après-midi. C’est du grand art. (Scène à environ 3’50, « There is our tree, Neville. »)

 

A woaman of affairs
Sur le tournage de A Woman of affairs (Intrigues) de Clarence Brown. Dans le couloir de l’hôpital, la femme de John Gilbert attend son mari qui est dans la chambre de Greta Garbo. Lewis Stone la réconforte. Le chef-opérateur  William H. Daniels (sur l’escabeau) filme Lewis Stone et Dorothy Sebastian en plongée (l’homme à gauche pourrait être Charles Dorian, l’assistant-réalisateur).

15 juin 2016

La Chair et le diable (1926) de Clarence Brown

Titre original : « Flesh and the Devil »

La Chair et le diable(Film muet) Leo et Ulrich sont deux inséparables amis d’enfance. De retour d’un entrainement militaire, Leo remarque une très belle femme à la gare. Il la retrouve quelques jours plus tard à un grand bal mondain…
A peine le tournage de La Tentatrice terminé, la MGM impose à Greta Garbo un nouveau scénario qui va encore plus loin dans l’utilisation de son image : cette fois, elle n’est plus une simple vamp mais une envoyée du diable ! Le scénario de La Chair et le diable est épouvantablement mauvais, bigot et misogyne. Il pourrait avoir été écrit par une de ces ligues de vertu qui sévissaient alors. Si le troisième film américain de Greta Garbo est notable, c’est surtout parce qu’il s’agit de son premier film sous la direction de Clarence Brown, avec lequel elle tournera sept fois, et de son premier film avec John Gilbert. La MGM lui avait précédemment opposé des acteurs qui étaient plutôt des latin-lovers alors que John Gilbert (à cette époque, l’acteur le mieux payé d’Hollywood) est un américain pur jus. Il va lui ouvrir de nouveaux horizons, lui donner de l’assurance grâce à une meilleure compréhension de la mentalité américaine. Les deux acteurs vont tout de suite très bien s’entendre, une grande amitié et même plus, au grand bonheur des services de publicité des studios qui vont transformer cette aventure en grande histoire d’amour (1). Si le scénario est affligeant, le film est beaucoup plus beau dans sa forme. Clarence Brown a de belles trouvailles : une scène d’amour dans la pénombre éclairée par la flamme d’une allumette, de superbes reflets de la pluie sur une vitre sur le visage de Greta Garbo et la scène la plus célèbre, la transformation d’une communion en un acte sensuel (il fallait oser !) Toutes les scènes entre Garbo et Gilbert sont belles, y compris leur première rencontre à la gare. La Chair et le diable fut un grand succès qui finit de propulser Greta Garbo au rang de star.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Gilbert, Greta Garbo, Lars Hanson, Barbara Kent, William Orlamond, George Fawcett, Marc McDermott
Voir la fiche du film et la filmographie de Clarence Brown sur le site IMDB.

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La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown. Pour simuler l’allumette, Clarence Brown a fait placer une petite lampe à arc dans la main de John Gilbert.

La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

Remarques :
* La Chair et le diable est adapté d’un roman d’Hermann Sudermann, écrivain et dramaturge allemand, dont les romans et pièces ont servi de base à de nombreux films dont notamment Le Cantique des cantiques de Mamoulian (1933) ou L’Aurore de Murnau (1927).
* Lasse de ce type de rôles, Greta Garbo rentra en Suède à la fin du tournage. Ce n’est qu’après plusieurs mois, et grâce au grand succès de La Chair et le diable sorti entre temps, que Greta Garbo put forcer la main à Louis B. Mayer et obtenir un meilleur contrat.
* On peut remarquer sur l’affiche ci-dessus la différence de taille des lettres pour « John Gilbert » et pour « Greta Garbo ». L’affiche de son film suivant portera son nom en aussi grosses lettres que John Gilbert. Voir…

(1) Ne reculant devant rien, la M.G.M. changera le titre de leur deuxième film ensemble de Anna Karenine en Love afin que sur les affiches cela donne « John Gilbert and Greta Garbo in Love » … ! (voir lien-dessus)

La Chair et le diable
Les reflets de la pluie sur une vitre forment un semblant de larme sur la joue de Greta Garbo dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

La Chair et le diable
Clarence Brown (debout derrière Miss Garbo), Greta Garbo et Lars Hanson sur le tournage de La Chair et le diable de Clarence Brown. Le caméraman (debout avec les lunettes) est une fois encore William H. Daniels. Le plan correspondant à cette photographie est le très gros plan sur l’écrin contenant un bracelet.

4 juin 2016

Le Voile des illusions (1934) de Richard Boleslawski

Titre original : « The Painted Veil »

Le Voile des illusions Une jeune femme autrichienne épouse un médecin-chercheur, collaborateur de son père, et le suit à Hong Kong où il va soigner le choléra. Là, son mari étant accaparé par son travail, elle se laisse séduire par un diplomate anglais… Le Voile des illusions est adapté du roman de Somerset Maugham. Ce mélodrame fortement teinté d’exotisme repose sur un triangle amoureux. Si le film n’est aussi puissant qu’espéré, ce n’est pas tant du fait de Greta Garbo qui fait une belle prestation, d’une grande expressivité, notamment de son visage, dans le dernier tiers du film, mais plutôt de ses deux partenaires masculins. George Brent est particulièrement fade et sans saveur et Herbert Marshall, tout en ayant un jeu bien supérieur, n’est pas ici à son meilleur. De ce fait, Le Voile des illusions est souvent décrit, assez injustement, comme un film assez mou. Le film rencontra un franc succès en Europe mais, tout comme le précédent film de Garbo, le très beau La Reine Christine, ne toucha pas le public américain et fut donc considéré par ses producteurs comme un échec.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Herbert Marshall, George Brent, Warner Oland
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Boleslawski sur le site IMDB.

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Remarques :
* Certaines scènes ont été tournées par George Hill en Chine. Elles seront réutilisées par The Good Earth (Visages d’Orient) de Sidney Franklin (1937).
* Durant le tournage, Garbo s’est prise d’amitié pour George Brent qui était, comme elle, assez solitaire. Ils passaient tant de temps ensemble que des rumeurs de liaison ont commencé à circuler. George Brent a raconté à des amis qu’il allait épouser Greta Garbo mais ce n’était visiblement pas dans les projets de l’actrice puisqu’ils se virent de moins en moins une fois le tournage terminé.

Remakes :
La passe dangereuse (The seventh sin) de Ronald Neame (1957) avec Eleanor Parker et Jean-Pierre Aumont
le Voile des illusions (The Painted Veil) (2006), beau film de John Curran avec Naomi Watts, Edward Norton

Le Voile des illusions
Greta Garbo dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et George Brent : 5 ans avant Ninotchka, Garbo rit dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et Herbert Marshall dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski (photo publicitaire, le film n’est pas en couleurs).

10 mars 2016

Les Ailes (1927) de William A. Wellman

Les ailes1917. Dans leur petite ville américaine, Jack et David sont rivaux dans leur intérêt pour la jeune et jolie Sylvia. Jack ne se rend pas compte que sa voisine Mary est amoureuse de lui. Lorsque survient la mobilisation, les deux garçons s’engagent dans l’aviation. Leur hostilité fait place à une indéfectible amitié… Ce n’est pas le scénario qui rend Wings si remarquable : il est aussi prévisible que mal développé. En revanche, la reconstitution des batailles terrestres et surtout aériennes de la Première Guerre mondiale ont marqué à jamais le genre du film d’aviation. Des milliers de figurants, le concours de l’armée et toute une région du Texas comme terrain de jeu… il est assez étonnant que la Paramount ait confié un tel projet à un jeune réalisateur d’à peine trente ans : « J’étais le seul réalisateur qui ait été pilote combattant, j’étais le seul qui savait de quoi il s’agissait » (1) Le résultat est époustouflant, les scènes de combats aériens filmés en conditions réelles sans trucage nous placent littéralement dans le cockpit, face au pilote. Le ballet des avions, le survol des champs de bataille, les batailles au sol sont saisissant de réalisme. Wings est avant tout un spectacle : si on le compare à La Grande Parade (1925) ou à À l’ouest rien de nouveau (1930), on mesure à quel point il est dépourvu de vision sur la guerre. Mais cela ne l’empêche pas d’être intéressant à visionner et très prenant. A l’époque, le succès fut immense, la traversée de l’Atlantique que Lindbergh venait tout juste de réussir amplifiant l’attrait de l’aviation pour le public. (film muet).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Clara Bow, Charles ‘Buddy’ Rogers, Richard Arlen, Gary Cooper
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Remarques :
Les ailes* Cameo : William Wellman apparaît vers la fin du film. Il est le soldat qui s’exclame en mourant : « Attaboy. Them buzzards are some good after all. » (Bien joué! Finalement ces busards sont vraiment doués)
* Les deux minutes où Gary Cooper apparaît lui ont valu de pouvoir signer un contrat avec la Paramount. Il faut dire qu’il montre une belle présence dans cette scène. A noter que  son nom apparaîtra sur les affiches plus tardives, postérieures à son succès (voir ci-contre).
* La grande offensive reconstituée est la Bataille de Saint-Mihiel (Meuse) du 12 et 13 septembre 1918. Plus de 200 000 soldats américains ont été engagés dans cette vaste offensive qui fut victorieuse.
* Comme William Wellman, Richard Arlen avait été pilote pendant la guerre mais Charles Rogers, lui, n’avait jamais piloté auparavant. Il a appris  en cours de tournage. Pour ses premières sorties, un pilote-instructeur contrôlant l’avion était caché derrière lui.
* Clara Bow était particulièrement insatisfaite de son personnage (on la comprend, elle fait tapisserie).
* La scène aux Folies Bergères contient au tout début une utilisation étonnante de la grue qui nous fait voler en rase-mottes au dessus des tables.
* Le film est bien entendu en noir et blanc mais les flammes des armes et des avions en feu sont colorées en jaune avec la méthode Handschiegl (très globalement, un système reposant sur un système de pochoir). Certaines versions comportaient des séquences en Magnascope (un des premiers systèmes d’écran large) et certaines projections bénéficiaient d’un son synchronisé (musique et bruitages) avec le système Kinegraphone (alias Photophone, un système qui sera plus tard abandonné qui plaçait le son sur la pellicule pour une lecture optique).
* Les cascades, notemment les crash d’avions, sont réelles, aucun film d’archives de guerre n’a été utilisé. A ce sujet, Wellman raconte que lorsqu’un cascadeur a refusé de faire une cascade qu’il jugeait trop dangereuse, il a sauté dans l’avion pour aller la faire lui-même ! Un cascadeur a dû être hospitalisé à la suite d’une cascade ratée.
* Wings a remporté le premier Oscar de l’histoire du cinéma (en 1929) avec L’Aurore de Murnau.

(1) Entretien de William Wellman avec Kevin Brownlow dans « La parade est passée » (Actes Sud 2011 pour la traduction française.)

wings
Charles Rogers, Clara Bow et Richard Arlen dans Wings de William A. Wellman (photo publicitaire)

Wings

Wings
Charles Rogers, Richard Arlen et Gary Cooper dans Wings de William A. Wellman (photo de tournage assez proche de la scène vue dans le film)

Voir aussi la présentation du film sur DVDClassik (avec de nombreuses photos)…

27 février 2016

Pauvres mais beaux (1957) de Dino Risi

Titre original : Poveri ma belli

Pauvres mais beauxRomolo et Salvatore sont voisins et amis depuis toujours. Ils font tout ensemble, y compris draguer les filles après le travail. Mais après avoir fait la connaissance de Giovanna, leur amitié est mise durement à l’épreuve car ils sont tous deux amoureux d’elle… Parmi les premiers films de Dino Risi (il s’agit de son 6e long métrage), Pauvres mais beaux est l’un des plus personnels. Ecrit par une nouvelle génération de scénaristes (le tandem Pasquale Festa Campanile et Massimo Franciosa), il montre un ton nouveau. Avec le recul, on mesure mieux à quel point cette comédie est le reflet d’un profond changement dans la société italienne et annonce la révolution sociale des années soixante. Même s’ils sont pauvres, et le décor pourrait être celui d’un film néoréaliste, ses personnages ne sont pas des victimes des mutations économiques mais bénéficient d’une modernité où l’insouciance retrouve une place prépondérante (1). L’autre élément marquant est le personnage de jeune fille très émancipée et sûre d’elle-même qui, dans un environnement pourtant très machiste, entend choisir son prétendant et n’hésite pas à les mettre en compétition. C’est un personnage de femme très moderne. Mais Pauvres mais beaux est avant tout une comédie avec une bonne dose d’humour. Les dialogues et situations sont savoureux. L’ensemble est très positif. Le film connut un grand succès, à tel point que Dino Risi lui a donné deux suites : Beaux mais pauvres (Belle ma povere, 1957) et Poveri milionari (1959).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marisa Allasio, Maurizio Arena, Renato Salvatori
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Remarques :
* Le film a été tourné directement dans les rues de Rome.
* Marisa Allasio, qui montre à la fois beaucoup de charme et beaucoup de présence à l’écran, n’a pas eu une grande carrière au cinéma. Elle n’a que peu tourné après s’être mariée en 1958 à un comte.

(1) On peut ainsi situer ce film dans la lignée de Dimanche d’Août de Luciano Emmer (1950).

Pauvres mais beaux
Renato Salvatori, Marisa Allasio et Maurizio Arena dans Pauvres mais beaux de Dino Risi (photo publicitaire).

21 janvier 2016

Plein soleil (1960) de René Clément

Plein soleilLe jeune Tom Ripley est payé par un milliardaire américain pour convaincre son fils, qui mène une vie oisive et dépensière en Italie, de rentrer chez lui. Il devient son ami et accepte apparemment de subir ses sautes d’humeur et ses humiliations. En réalité, il envie sa vie facile, sa fiancée, son argent…
Plein soleil est adapté d’un roman de Patricia Highsmith Monsieur Ripley. Pour en écrire l’adaptation, René Clément travaille avec Paul Gégauff, très lié à la Nouvelle Vague dont l’influence est assez nette sur le film, ne serait-ce que dans les scènes extérieures, souvent tournées in-situ. L’histoire s’attarde d’ailleurs autant sur la langueur des personnages et les corps bronzés par le soleil que sur l’intrigue policière elle-même. Plein soleil Les images d’Henri Decae sont très belles, magnifiées par le décor naturel de l’île d’Ischia (au large de Naples). Alain Delon, alors âgé de 24 ans à peine, y fait une remarquable prestation, son charme naturel rendant son personnage complexe : d’haïssable, il devient séduisant et l’histoire devient ainsi assez troublante. Le film va vraiment lancer sa carrière. Plein soleil est un très beau film de René Clément mais il ne fait pas l’unanimité : ses détracteurs lui reprochent d’être trop accès sur le magnétisme des comédiens et une mise en retrait de l’intrigue. Le film me semble plutôt à considérer comme un ensemble, un très bel ensemble.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Maurice Ronet, Marie Laforêt
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Remarques :
* Romy Schneider fait une petite apparition au début du film. L’actrice (déjà très célèbre) a ainsi une courte scène avec son fiancé, Alain Delon.
* Autre adaptation :
Le Talentueux Mr Ripley (The Talented Mr. Ripley) d’Anthony Minghella (1999)

Plein soleil
Maurice Ronet, Marie Laforêt et Alain Delon dans Plein soleil de René Clément.

8 février 2015

Tirez la langue, mademoiselle (2013) de Axelle Ropert

Tirez la langue, mademoiselleBoris et Dimitri Pizarnik sont médecins dans le quartier chinois à Paris. Ils sont frères et c’est ensemble qu’ils pratiquent leur métier, consacrant tout leur temps à leurs patients. Une nuit, ils sont amenés à soigner une petite fille diabétique que sa mère, Judith, élève seule… Ecrit et réalisé par Axelle Ropert, Tirez la langue, mademoiselle est un film assez original. Ses personnages frappent d’emblée : ces deux frères quarantenaires font tout ensemble, habitent l’un en face de l’autre, donnent ensemble leurs consultations ; ils semblent presque interchangeables. Il était inévitable qu’ils tombent amoureux au même moment et de la même femme. Le thème du triangle amoureux prend de ce fait une tonalité nouvelle, d’autant plus que les dialogues ont une plaisante facture littéraire et qu’une place est laissée à la rêverie, au mystère. Les décors parisiens expriment un certain isolement. On peut reprocher des scènes d’ambiance un peu longues, un environnement sonore trop présent et peut-être regretter que les personnages (premiers et seconds rôles) ne soient pas plus approfondis. Même s’il n’est pas parfait, Tirez la langue, mademoiselle est à la fois original et séduisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Cédric Kahn, Laurent Stocker, Louise Bourgoin
Voir la fiche du film et la filmographie de Axelle Ropert sur le site IMDB.

Tirez la langue, Mademoiselle
Laurent Stocker et Cédric Kahn sont deux frères dans Tirez la langue, mademoiselle d’Axelle Ropert.

21 janvier 2015

Hannah et ses soeurs (1986) de Woody Allen

Titre original : « Hannah and Her Sisters »

Hannah et ses soeursUne famille réunie pour un repas de fin d’année, c’est le point de départ de Hannah et ses soeurs qui nous fait suivre les hésitations sentimentales et les angoisses existentielles des participants à ce repas sur une période de deux années. Dans la filmographie de Woody Allen, le film marque un retour au temps présent et se démarque par rapport aux précédents par le fait qu’il n’y a pas ici un personnage principal mais cinq, voire six. Cette multiplicité permet à Woody Allen de signer un film très riche où les situations sont nombreuses. Pour l’écrire, il a puisé en grande partie dans sa vie personnelle et celle de Mia Farrow. Très new-yorkais, c’est aussi un film très vivant et parfaitement équilibré, mêlant habilement l’humour au dramatique. Très allénien en quelque sorte… Hannah et ses soeurs fut un grand succès couronné par pas moins de trois Oscars. Il est certainement à classer parmi les meilleurs films de Woody Allen.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mia Farrow, Dianne Wiest, Barbara Hershey, Michael Caine, Maureen O’Sullivan, Lloyd Nolan, Max von Sydow, Woody Allen
Voir la fiche du film et la filmographie de Woody Allen sur le site IMDB.

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Hannah et ses soeurs (1986) de Woody Allen

Remarques :
* De nombreuses scènes furent tournées dans le propre appartement de Mia Farrow. En outre, les quatre enfants de Mia Farrow apparaissent dans le film, y compris Soon-Yi Previn.

* Comme son personnage, Woody Allen a cru avoir une tumeur au cerveau (à l’époque du tournage de Manhattan).

* Comme Mia Farrow lui reprochait de mettre des éléments de leur vie personnelle dans le film, Woody Allen a modifié le scénario pour qu’Hannah reproche à sa soeur de mettre sa vie personnelle dans le scénario qu’elle écrivait ! La colère de Mia Farrow est ainsi autant celle de son personnage envers sa soeur que la sienne propre envers son compagnon Woody Allen.

* Les parents des trois soeurs sont interprétés par deux grands vétérans d’Hollywood : la mère par Maureen O’Sullivan (l’affriolante Jane des Tarzan dès 1932) qui, rappelons-le, est la mère de Mia Farrow dans la vraie vie… et le père par Lloyd Nolan (160 films au compteur dont nombre films de gangsters des années 30 et films noirs des années 40). C’est hélas son dernier film puisque l’acteur est décédé peu après la fin du tournage, avant même la sortie du film, à l’âge de 83 ans.

* Hannah et ses soeurs est le premier film de Woody Allen sans son directeur de la photographie habituel Gordon Willis, retenu sur un autre tournage. C’est ainsi le premier film du réalisateur avec Carlo Di Palma qui a été le directeur de la photo d’Antonioni. C’est un changement important pour Woody Allen qui désire donner un style plus européen à ses films, privilégier le mouvement et la mobilité. Di Palma restera son directeur de la photo pendant plus de dix ans.

Hannah et ses soeurs (1986) de Woody Allen
Hannah (Mia Farrow) et ses soeurs Lee (Barbara Hershey) et Holly (Dianne Wiest).

3 décembre 2014

J’accuse (1919) de Abel Gance

J'accuse!(film muet) Poète et amoureux de la vie, Jean Diaz aime Edith qui a été contrainte par son père de se marier avec François Laurin. Quand la guerre est déclarée, tous les hommes de leur petit village de Provence doivent partir au front où les deux hommes vont se retrouver… Alors que la guerre n’est pas encore terminée, Abel Gance reprend le titre du célèbre article de 1898 d’Emile Zola pour la défense de Dreyfus, pour dénoncer les méfaits de la guerre sur les êtres humains. Il se base sur l’histoire d’un poilu devenu pacifiste pour écrire un grand mélodrame où deux hommes sont amoureux de la même femme.

J’accuse est toujours présenté comme un film pacifiste, ce qu’il est indéniablement mais il l’est d’une façon qui peut nous sembler assez inhabituelle, nous qui avons un siècle de recul. S’il dénonce bien le cortège de morts inutiles, la scène finale éclaire de façon étonnante son propos : si les morts se relèvent, c’est pour venir accuser les vivants de s’être mal comportés en leur absence (femmes infidèles, profiteurs), ils veulent que ceux qui leur survivent soient dignes d’eux, et ainsi ils « ne seront pas morts pour rien ». On peut même trouver que certaines scènes ont une connotation patriotique. Mais en fait, son propos est surtout humaniste, il se place du côté de ces poilus et de leurs vies brisées. Il refuse de faire une approche politique.

J’accuse est un film également remarquable d’inventivité dans la forme. Dès les premières minutes, c’est un festival et cela continue pendant les quelque 2h45 du film : un montage très dynamique, étonnamment moderne, de nombreux effets (différents) de superposition, des scènes de bataille d’un réalisme inégalé, utilisation d’images réelles, utilisation du clair-obscur, nombreuses métaphores visuelles, etc. La célèbre (et inoubliable) scène finale voit sa force décuplée par son traitement. Abel Gance, qui a bénéficié de moyens importants, est alors très largement devant tout le monde. On ne voit pas quel réalisateur (américain ou autre) est à ce niveau de modernisme et d’inventivité. Le succès de J’accuse fut important et international, ce qui permit à Abel Gance de mettre sur pied un film encore plus remarquable et abouti, La Roue.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Romuald Joubé, Séverin-Mars, Maryse Dauvray
Voir la fiche du film et la filmographie de Abel Gance sur le site IMDB.
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Remarques :
* Film en grande partie perdu, J’accuse a été magnifiquement restauré en 2007 à partir de plusieurs morceaux de provenances différentes. Alors qu’un DVD est sorti aux Etats-Unis dès 2008 (chez Flicker Alley, le même éditeur que pour La Roue qui n’est à ce jour seulement disponible aux Etats Unis), il aura fallu attendre 7 années (!) pour que le film soit enfin visible en France.

* Arte a récemment diffusé le film avec une musique composée par Philippe Schoeller (concert  du 8 novembre 2014 Salle Pleyel). Ce style de musique conceptuelle ne convient pas du tout à l’esprit d’Abel Gance et (à mes yeux) dénature son oeuvre : elle en accentue inutilement les aspects les plus noirs et atténue l’humanité du propos. J'accuse!Il s’agit plus d’un concert illustré par un film que d’un film accompagné par une musique.
En revanche, il ne faut pas hésiter à se procurer le DVD qui vient sortir chez Lobster Films qui comporte la nouvelle musique orchestrale composée par le toujours excellent Robert Israel (toutes les musiques qu’il compose pour accompagner les restaurations de films muets sont parfaites). A noter que Serge Bromberg de Lobster Films a été l’un des artisans de la restauration.

* Détail terrifiant : Les figurants interprétant les morts de la scène finale sont des soldats qui revenaient de Verdun et qui devaient retourner au front huit jours plus tard. 80% n’en sont pas revenus.

* Blaise Cendrars a été assistant sur la tournage. L’écrivain, qui avait perdu un bras au combat en 1915, est également l’un des morts de la scène finale.

* Abel Gance a refait son film en 1938, alors qu’une autre guerre s’annonçait, une version sonore qui reprend certaines images de la version de 1919 :
J’accuse d’Abel Gance avec Victor Francen (1938).

Lire aussi : article sur le blog Ann Harding’s Treasures … (dont l’auteure est la traductrice du livre de Kevin Brownlow La Parade est passée, livre qui comporte un chapitre de 60 pages consacré à Abel Gance).

J'accuse d'Abel Gance
Plan très court mais qui se remarque : des soldats alignés pour former le mot « J’accuse ».

Abel Gance salué par David W. Griffith
Abel Gance (à g.) félicité par David W. Griffith peu après la première américaine de J’accuse.

20 octobre 2014

L’Opinion publique (1923) de Charles Chaplin

Titre original : « A Woman of Paris: A Drama of Fate »

L'opinion publiqueDans un petit village de France, Marie Saint-Clair désire fuir un père tyrannique pour se rendre à Paris avec Jean, son fiancé. Ce dernier lui ayant fait faux bond, c’est seule qu’elle doit se chercher une nouvelle vie. Un an plus tard, elle mène une vie de courtisane mondaine…
Aspirant à plus de liberté créative que ne lui offrait son personnage de vagabond, Charles Chaplin écrit et réalise L’Opinion publique, son deuxième long métrage, un film assez atypique dans sa filmographie. C’est un film dramatique, dans lequel il n’apparait pas (1)(2), sans ressort comique (3). Il a tourné cette histoire de triangle amoureux quasi tchékhovien sans scénario formel et sa mise en scène est à la fois sobre, d’une simplicité limpide et assez moderne dans son approche. Le film est remarquable d’équilibre, l’intensité dramatique est forte, sans effet trop appuyé et surtout bien contrebalancée par la folle insouciance des personnages. Premier film de Chaplin pour les Artistes Associés dont il est l’un des quatre fondateurs, L’opinion publique fut un échec commercial, le public n’acceptant ce changement de registre et son absence à l’écran. Chaplin était en quelque sorte prisonnier de son personnage. Il ne renouvellera pas l’expérience. (film muet)
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Edna Purviance, Carl Miller, Adolphe Menjou
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Remarques :
* Le premier titre prévu pour le film était Destiny, puis Public Opinion ce qui explique le titre français.

* Le film avait une préface qui éclaire bien la vision de Chaplin :
« L’humanité est composée, non de héros et de traitres, mais simplement d’hommes et de femmes. Et les passions qui les agitent, bonnes ou mauvaises, c’est la nature qui les leur a données. Ils errent dans l’aveuglement. L’ignorant condamne leurs fautes, le sage les prend en pitié. »
A propos de cette dernière phrase, on pourra remarquer que tout jugement moral est effectivement absent du film.

* La scène qui fut la plus remarquée est celle de l’arrivée du train en gare : le train n’apparait pas à l’image, nous ne voyons que les lumières des wagons (c’est un train de nuit) qui se déplacent sur le mur de la gare alors que la caméra reste centrée sur Edna Purviance qui s’apprête à monter dans le train. Cette façon de placer l’action hors champ était inhabituelle dans le cinéma de l’époque (et rappelons qu’il n’y a pas de bruitages de train non plus puisqu’il s’agit d’un film muet).

* Deux fins ont été tournées : celle que l’on connait (le croisement anonyme) destinée au public américain et une autre, moins morale, pour le public européen : Marie revient vers Pierre après le suicide de Jean.

* Dans l’esprit de Chaplin, A Woman of Paris devait donner un nouvel élan à la carrière d’Edna Purviance en lui ouvrant la possibilité de rôles dramatiques car lui-même ne désirait plus la faire apparaitre dans ses films. Ce ne fut pas le cas mais Chaplin ne l’abandonna pas pour autant car il continua à donner un salaire à l’actrice jusqu’à la fin de ses jours.

* En revanche, le film fut un tremplin pour la carrière d’Adolphe Menjou (américain de naissance, français par son père et irlandais par sa mère) et il continuera à exceller dans ces rôles de playboy mondain, hédoniste et jouisseur.

(1) En réalité, Chaplin apparaît à l’écran quelques secondes en porteur à la gare mais il est impossible de le reconnaitre.
(2) Il faudra attendre 1967 et La Comtesse de Hong Kong, son dernier film, pour voir un autre film de Chaplin dans lequel il ne joue pas.
(3) Au registre de l’humour, il faut quand même citer la scène où la femme jette son collier par la fenêtre pour montrer son détachement des choses matérielles à son amant… avant de se précipiter dans la rue pour l’arracher des mains d’un vagabond qui venait de le ramasser. Et, touche sublime, après quelques pas, elle fait demi-tour et revient donner une pièce au vagabond.

L'Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate)Carl Miller et Edna Purviance dans L’Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate) de Charles Chaplin.