8 août 2017

La fièvre monte à El Pao (1959) de Luis Buñuel

La Fièvre monte à El PaoUne île, appartenant à une dictature (fictive) d’Amérique Centrale, reçoit tous les prisonniers politiques et de droit-commun du pays. Le gouverneur est assassiné en plein discours. Ramón Vázquez, son secrétaire, aux idées libérales, le remplace temporairement… C’est Gérard Philipe qui a prié Buñuel d’accepter d’adapter ce roman d’Henri Castillou, La fièvre monte à El Pao. L’histoire de cet homme en proie aux contradictions entre ses convictions et l’exercice du pouvoir avait tout pour séduire l’acteur (qui, rappelons-le, était proche du Parti Communiste). Buñuel semble avoir été moins motivé : sa réalisation est certes sans défaut, mais sans fulgurances non plus (1). La critique des dictatures qui fleurissaient alors, ces libérateurs qui se transforment en despotes, se retrouve mêlée avec une histoire sentimentale, relevée par la sensualité de María Félix. Mais, l’atout du film reste la performance de Gérard Philipe : il apparaît tout d’abord peu crédible physiquement dans son rôle mais, en grand acteur qu’il est, nous fait rapidement oublier cette sensation. Sa prestation est remarquable. La fièvre monte à El Pao sera hélas son dernier film : quelques mois après la fin du tournage, il sera emporté par un cancer fulgurant du foie, à l’âge de 36 ans.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, María Félix, Jean Servais
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(1) Bunuel a déclaré par la suite qu’il n’aimait pas La fièvre monte à El Pao et, depuis, le film traîne une mauvaise réputation. Elle est assez injustifiée ou, du moins, excessive.

La fièvre monte à El Pao
Gérard Philipe et María Félix dans La Fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel.

La Fièvre monte à El Pao
Jean Servais et María Félix dans La Fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel.

2 juillet 2017

Bande à part (1964) de Jean-Luc Godard

Bande à partOdile raconte à Franz et Arthur que, dans la maison de sa tante où elle habite, se trouve une grosse somme d’argent appartenant semble t-il à un locataire. Les deux compères veulent cambrioler la maison pour s’en emparer… Comparé au Mépris, tourné juste avant par Jean-Luc Godard, Bande à part paraît bien plus mineur. Tournée rapidement, en noir et blanc, avec un budget réduit, cette histoire est très librement basée sur un roman de la Série Noire écrit par Dolores Hitchens. Mais l’histoire n’a que peu d’importance, c’est plutôt l’impression de liberté et d’insouciance que Godard a voulu insuffler qui tient le film. Les deux scènes les plus célèbres sont à ce titre assez emblématiques du propos : l’iconoclaste visite-éclair au Louvre et la danse du Madison improvisé. Ceci mis à part, ses personnages n’ont pas de choses très intéressantes à dire, ils revendiquent plutôt le fait de ne s’intéresser à rien et donc certaines scènes paraissent bien longues (le cours d’anglais bat tous les records). Cette liberté s’applique donc autant à Godard qu’à ses personnages, il considère qu’il n’a pas obligatoirement à intéresser le spectateur. Le film fut accueilli très fraîchement à sa sortie. En revanche, aujourd’hui, il est le plus souvent tenu en haute estime.
Elle: 1 étoile
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anna Karina, Sami Frey, Claude Brasseur
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Remarques :
* A l’époque Jean-Luc Godard et Anna Karina sont mariés mais leur couple va mal. Anna Karina est dépressive et avec Bande à part Godard veut lui « offrir un cadeau » pour qu’elle retrouve la joie de vivre. Il lui place même une scène où elle peut chanter car elle adore cela.

* Quentin Tarantino a appelé sa maison de production A Band Apart en référence à ce film dont il est grand fan.

Bande à part
Madison : Claude Brasseur, Anna Karina et Sami Frey dans Bande à part de Jean-Luc Godard.

Bande à Part
Visiter le Louvre en moins de 45 secondes ? C’est possible. Claude Brasseur, Sami Frey et Anna Karina dans Bande à part de Jean-Luc Godard.

20 juin 2017

Le Dirigeable (1931) de Frank Capra

Titre original : « Dirigible »

Le DirigeableAmis de longue date, Jack, commandant d’un dirigeable, et Frisky, pilote d’essai casse-cou, ont pour mission d’accompagner un explorateur tentant d’accéder au pôle Sud. Ayant peur de perdre son mari, la femme de Frisky demande à Jack de l’écarter de cette dangereuse… Aux alentours de 1930, les films sur l’aviation connurent une certaine vague de popularité (1). Le patron de la jeune Columbia, Harry Cohn, prend donc le risque d’une couteuse production, il  décide de ne pas regarder à la dépense pour ce Dirigible. C’est alors le film le plus couteux jamais réalisé par le studio. L’histoire écrite par Frank Wead (2) s’inspire du crash du dirigeable Italia près du pôle Nord en 1928. Un triangle amoureux y a été greffé mais l’essentiel du film repose sur l’action avec des scènes spectaculaires pour l’époque, comme ce crash d’un dirigeable pris dans une tempête. Bien fait, le film fut un succès commercial bienvenu pour la Columbia.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Holt, Ralph Graves, Fay Wray
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Le dirigeable
Fay Wray, Ralph Graves et Jack Holt dans Le Dirigeable de Frank Capra.

Le Dirigeable
Le dirigeable Los Angeles de la Marine américaine (oui les dirigeables sont des ships et dépendent de la Marine) a été utilisé pour le tournage de Le Dirigeable de Frank Capra. A noter que, dans la scène de l’accrochage de l’avion, certains plans ont été donnés par la Marine qui faisait alors de telles expérimentations.

Remarques :
* A l’époque du film, le pôle Sud avait déjà été atteint à pied par une expédition norvégienne en 1911 et survolé en avion en 1929. Ensuite, il faudra attendre 1956 pour qu’un avion s’y pose.

* Les scènes avec le Los Angeles ont été tournées à Lakehurst dans le New Jersey, son port d’attache (c’est là où le Hindenburg explosera quelques années plus tard). A la suite d’une grève des techniciens, le tournage a dû être déplacé. Les scènes du pôle Sud ont été tournées dans le désert californien sous un soleil de plomb, la neige étant simulée avec des cornflakes décolorés. Les acteurs avaient une poche de glace dans la bouche pour créer de la condensation ce qui posait quelques problèmes d’intelligibilité des paroles.

(1) Citons simplement Wings de Wellman (Paramount, 1927), Hell’s Angels d’Howard Hughes (United Artists, 1930), The Lost Zeppelin d’Edward Sloman (Tiffany, 1930) et bien entendu Flight (Columbia, 1929) dirigé par Frank Capra.
(2) Frank Wead est ce scénariste auquel John Ford a rendu hommage dans son film L’aigle vole au soleil (The Wings of Eagles, 1957).

11 juin 2017

César et Rosalie (1972) de Claude Sautet

César et RosalieAprès un séjour à l’étranger, David (Sami Frey) rentre à Paris. Il cherche à revoir Rosalie (Romy Schneider), la femme qu’il a aimée et qu’il aime encore. Rosalie, après avoir divorcé d’un ami de David, vit maintenant avec César (Yves Montand), un entrepreneur expansif et vaniteux, tout l’opposé de David… Le « triangle amoureux » est un thème souvent traité au cinéma. Dans César et Rosalie, le contraste entre les deux personnages masculins est vraiment très marqué, presque jusqu’à la caricature. Cette lourdeur scénaristique est toutefois largement compensée par l’habileté de Sautet à donner du corps à ses personnages et à les rapprocher de nous. Comme toujours, Sautet touche juste et les dialogues de Jean-Loup Dabadie sont remarquablement écrits. Le film a acquis le statut de classique du cinéma français ; il est devenu un film emblématique pour Yves Montand et Romy Schneider car leurs rôles correspondaient exactement à l’image que le public se faisait d’eux. Avec le recul, l’image de femme moderne et indépendante de Romy Schneider est moins nette toutefois, car on ressent plus les restes de machisme dans certains détails. Mais, l’acuité du regard porté par Sautet sur ses personnages reste toujours aussi forte et le film est toujours aussi plaisant à revoir.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Romy Schneider, Sami Frey
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Remarques :
* « Jean-Loup Dabadie et Claude Néron, les scénaristes, percevaient très bien César, mais il butait sur Rosalie. A leurs yeux, c’était une emmerdeuse. Telle était leur théorie sur le personnage et il m’a fallu les convaincre que c’était plutôt elle qui était emmerdée. Pour Dabadie ce renversement a été un déclic. » Claude Sautet.

* Claude Sautet dira de César et Rosalie que c’est le tournage où il fut le plus de mauvaise humeur… Vu la réputation de metteur en scène colérique qu’il a, on mesure ce que cela devait être !

* Le tournage, entre Paris, Sète et l’île de Noirmoutier, fut difficile, Yves Montand s’identifiant un peu trop à son personnage : lorsque César était humilié, Montand en faisait baver à Romy Schneider et Sami Frey qui se mirent rapidement à le détester. Et Montand ne comprenait pas que Rosalie puisse hésiter entre lui et David-Sami Frey.

César et Rosalie
Romy Scneider et Yves Montand dans César et Rosalie de Claude Sautet.

César et Rosalie
Isabelle Huppert (18 ans, l’un de ses tous premiers rôles), Sami Frey et Yves Montand dans César et Rosalie de Claude Sautet.

27 mai 2017

Caprice (2015) de Emmanuel Mouret

CapricePassionné de théâtre, un jeune instituteur timide a une liaison avec l’actrice de théâtre qu’il admire le plus. Il est sur un petit nuage lorsqu’ils emménagent ensemble. Mais tout se complique lorsqu’il rencontre une jeune femme un peu débordante qui s’éprend de lui… Ecrit, réalisé et interprété par Emmanuel Mouret, Caprice est une comédie romantique qui débute gentiment avec un petit parfum d’irréel. Cette sensation de conte de fées laisse ensuite la place à une impression de répétitivité. Emmanuel Mouret appuie trop sur le côté timide / lunaire / gauche / dominé par les évènements de son personnage et l’empathie qu’il génère s’efface rapidement du fait de la multiplication de ses maladresses. Le scénario reste un peu trop simple. Les films d’Emmanuel Mouret ont néanmoins toujours un petit côté attachant. On aimerait tant les aimer plus…
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Virginie Efira, Anaïs Demoustier, Laurent Stocker, Emmanuel Mouret
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Remarque :
Caprice (Opération Caprice en français) est également une comédie policière de Frank Tashlin (1967) avec Doris Day et Richard Harris.

Caprice
Emmanuel Mouret et Anaïs Demoustier dans Caprice de Emmanuel Mouret.

Caprice
Emmanuel Mouret, Laurent Stocker et Virginie Efira dans Caprice de Emmanuel Mouret.

20 février 2017

The Bigamist (1953) de Ida Lupino

Titre français parfois utilisé : « Bigamie »

BigamieA San Francisco, Harry et Eve font une demande pour adopter un enfant et acceptent donc que l’on enquête sur leur vie privée. L’enquêteur découvre qu’Harry a une autre vie à Los Angeles où il doit souvent se rendre pour affaires… S’écartant franchement des normes hollywoodiennes classiques, Ida Lupino aborde cette histoire de bigamie de façon vraiment non conventionnelle : d’une part, le bigame est montré comme non condamnable, comme s’il s’était embourbé malgré lui en voulant faire le bien, et d’autre part les deux femmes sont traitées avec la même bienveillance (alors que les conventions scénaristiques hollywoodiennes auraient voulu qu’il y ait une femme profiteuse antipathique et une femme victime sympathique). Il n’y a d’ailleurs pas de victime à proprement parler dans cette histoire. Le regard que porte Ida Lupino sur ces trois personnages est empreint de délicatesse et de compassion. Il n’y a aucune lourdeur, aucun effet scénaristique trop appuyé, simplement une description de sentiments, des forces et des faiblesses que tout être humain peut avoir. Elle aborde indéniablement la question avec sa sensibilité féminine mais sans aucun esprit de revanche. The Bigamist ne manque pas de qualités.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joan Fontaine, Ida Lupino, Edmund Gwenn, Edmond O’Brien
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Remarque :
* Ida Lupino est l’une des très rares femmes réalisatrices du cinéma hollywoodien classique.

The Bigamist
Ida Lupino et Edmund Gwenn dans Bigamie de Ida Lupino.

The Bigamist
Edmund Gwenn et Joan Fontaine dans Bigamie de Ida Lupino.

2 janvier 2017

Love (1919) de Roscoe Arbuckle

Love (2 bobines, 23 mn) Fatty et la fille du fermier voisin sont amoureux mais le père préfère le fils d’un fermier plus riche qui lui offre la moitié de ses terres… Love est un court métrage tout à fait dans le style de Fatty Arbuckle, c’est-à-dire du pur slapstick avec de bons gags jouant sur son côté grand enfant balourd. Certains gags sont classiques mais d’autres sont assez travaillés, parfois très acrobatiques et ayant visiblement demandé une certaine préparation. Comme souvent avec Fatty, certains gags semblent quelque peu étirés comme cette longue scène où le fermier tombe à de multiples reprises dans un puits très profond. Fatty se retrouve face à son acolyte de longue date, son neveu Al St. John. A noter que Fatty se déguise une nouvelle fois en femme à un moment de l’histoire. Ce court métrage a été redécouvert au début des années 2000.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Roscoe ‘Fatty’ Arbuckle, Al St. John
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Love Fatty
Fatty Arbuckle dans sa « Fordette » dans Love de Roscoe ‘Fatty’ Arbuckle.

27 décembre 2016

Friends and Lovers (1931) de Victor Schertzinger

Friends and LoversLe capitaine de l’armée anglaise Geoff Roberts tombe amoureux de la femme d’un escroc qui cherche à lui soutirer de l’argent. Envoyé aux Indes, il découvre que son meilleur ami est amoureux de la même femme… Adapté d’un roman du français Maurice Dekobra, Friends and Lovers est plus remarquable par sa distribution que par son scénario, classique et sans surprise. On ne peut que regretter qu’un tel plateau ne donne qu’un film si terne ; pourtant Adolphe Menjou est comme toujours excellent, le jeune (24 ans) Laurence Olivier a un jeu assez subtil et Erich von Stroheim exprime bien le côté retors de son personnage. Il ne faut pas s’étonner si la vedette féminine a un petit accent français : Lili Damita, Liliane Carré de son vrai nom, est née à Blaye. L’actrice française ne fera pas une grande carrière à Hollywood où elle se fera plus connaitre en épousant Errol Flynn en 1935 que par ses films. Victor Schertzinger a eu une carrière de chef d’orchestre, de compositeur et de réalisateur. Friends and Lovers fut un échec à sa sortie mais se laisse regarder sans ennui.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Adolphe Menjou, Lili Damita, Laurence Olivier, Erich von Stroheim, Hugh Herbert
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Fiends and Lovers
Adolphe Menjou, Hugh Herbert et Laurence Olivier dans Friends and Lovers de Victor Schertzinger.

Friends and Lovers
Erich von Stroheim et Lili Damita dans Friends and Lovers de Victor Schertzinger.

Friends and lovers
Erich von Stroheim et Lili Damita dans Friends and Lovers de Victor Schertzinger. Même s’il s’agit d’une photo publicitaire, nous sommes de toute évidence en présence d’un film pre-Code, c’est à dire d’avant la généralisation du code Hays…

16 novembre 2016

Un cottage dans le Dartmoor (1929) de Anthony Asquith

Titre original : « A Cottage on Dartmoor »

Un Cottage dans le DartmoorDans les landes du Devon, un homme court dans la pénombre. Il vient de s’évader de la prison voisine et va tout droit jusqu’à un petit cottage où une jeune femme berce un enfant. Apeurée, elle le reconnaît. Ils étaient employés dans le même salon de coiffure et il était éperdument amoureux d’elle. Elle revoit leur histoire… Un Cottage dans le Dartmoor est l’un des derniers films muets britanniques. Dans son quatrième long métrage, le jeune Anthony Asquith (26 ans) intègre d’ingénieuses recherches techniques et fait preuve d’une grande virtuosité. Il va indéniablement plus loin que son compatriote Hitchcock (le film peut être comparé à Blackmail, sorti à la même époque). Non seulement Anthony Asquith soigne ses éclairages à l’extrême mais il montre une inventivité de tous les instants. C’est un festival : il joue avec la profondeur de champ, multiplie les angles de vues étonnants, insère des scènes surréalistes de suggestion, pratique un montage audacieux. La scène la plus impressionnante dans sa perfection est celle de la tentative de meurtre où tout se met idéalement en place. On peut regretter que cette beauté formelle place le récit au second plan ; Asquith ne l’oublie pas toutefois, mais il se situe plutôt sur un plan intimiste (et en ce sens, il se démarque des grands cinéastes russes qu’il évoque immanquablement, Eisenstein, Poudovkine, … qui sont plus au service d’une certaine grandeur). Le film marque la fin d’une époque, celle du muet. Asquith n’y croyait pas. Dans une longue et étonnante scène dans un cinéma, sa condamnation du parlant est sans appel. Contrairement à Blackmail d’Hitchcock, Un Cottage dans le Dartmoor se révèlera impossible à transformer en film sonore. Cela lui sera fatal. On le redécouvre avec bonheur aujourd’hui. Le film a été restauré en 2016 par le British Film Institute (BFI). La qualité de la restauration est impressionnante et sa très grande beauté n’en est que plus séduisante.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Hans Adalbert Schlettow, Uno Henning, Norah Baring
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Un cottage dans le Dartmoor
Uno Henning et Hans Adalbert Schlettow dans Un cottage dans le Dartmoor de Anthony Asquith.

Remarques :
* La longue scène du cinéma montre la réaction des spectateurs (l’écran est hors champ) face à un film muet puis face à un film parlant. La première partie est un film muet accompagné par un orchestre dans la fosse. Les spectateurs s’esclaffent, réagissent abondamment (on peut supposer qu’il s’agit d’un film avec Harold Lloyd puisque deux gamins se moquent d’un spectateur qui a les mêmes lunettes). La seconde partie est un film parlant, les musiciens ne jouent plus et boivent une bière pendant que les spectateurs prennent une attitude cataleptique, ils semblent atterrés, totalement amorphes.

* Un Cottage dans le Dartmoor a très peu d’intertitres car Anthony Asquith multiplie les trouvailles pour ne pas en avoir besoin. Par exemple, dans le salon de coiffure, il insère quelques secondes d’un match de cricket au milieu d’un plan sur le garçon-coiffeur pour montrer qu’il parle de sport au client qu’il est en train de coiffer.

* Norah Baring est anglaise, Uno Henning est suédois, Hans Schlettow est allemand.

Un cottage dans le Dartmoor

Un cottage dans le Dartmoor
Jeux de miroir : Norah Baring dans Un cottage dans le Dartmoor de Anthony Asquith.

Un cottage dans le Darmoor
Plan aussi efficace que brillant : deux employées du salon de coiffure cancanent en champ-contrechamp au sujet de sa bien aimée alors que le futur meurtrier, placé entre les deux, affute son rasoir. Superbe scène de Un cottage dans le Dartmoor de Anthony Asquith.

8 août 2016

L’intruse (1935) de Alfred E. Green

Titre original : « Dangerous »

L'intruseDon Bellows est un brillant jeune architecte plein d’avenir. Il rencontre fortuitement une ancienne grande actrice de théâtre, Joyce Heath, dont la performance avait influé sur le cours de sa vie. L’actrice est devenue une paria, on dit d’elle qu’elle porte la poisse, elle traine dans des bars. Ne pouvant supporter de la voir dans une telle déchéance, il l’héberge dans sa maison de campagne… Le scénario de Dangerous n’est sans doute pas franchement remarquable mais le film est rendu assez prenant par l’interprétation très authentique de Bette Davis. L’actrice de 27 ans, alors en pleine ascension, se plaignait déjà auprès de la Warner de ne pas se voir offrir de grands rôles. Pour ce « petit » rôle, elle est néanmoins parvenue à imposer ses vues, par exemple de n’utiliser, dans la première moitié du film, que des vêtements simples et usagés qui la font paraître très ordinaire. Cela va dans le sens d’une plus grande authenticité, au détriment du glamour que le public de l’époque attendait. Bette Davis donne de l’intensité à toutes les scènes où elle apparait, c’est-à-dire presque toutes, sans surjouer. La réalisation d’Alfred Green n’a rien de remarquable. La fin a semble t-il été imposée par le Code Hays.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Franchot Tone, Margaret Lindsay, Alison Skipworth
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Bette Davis et Franchot Tone dans Dangerous / L’intruse de Alfred E. Green.

Remarques :
* Dangerous permit à Bette Davis de remporter son premier Oscar. Elle a toujours eu le sentiment qu’elle le devait surtout à sa prestation dans Of Human Bondage (L’Emprise) de John Cromwell l’année précédente. Elle remportera son second Oscar trois ans plus tard avec Jezebel (L’Insoumise) de Williams Wyler. Elle sera par la suite nominée pas moins de huit fois mais sans en remporter un troisième.
* Une liaison s’est nouée entre Bette Davis et Franchot Tone sur le tournage alors que l’acteur était déjà engagé avec Joan Crawford. La haine légendaire entre les deux actrices serait ainsi née.

* Remake :
Singapore Woman de Jean Negulesco (1941) avec Brenda Marshall et David Bruce.