15 juin 2016

La Chair et le diable (1926) de Clarence Brown

Titre original : « Flesh and the Devil »

La Chair et le diable(Film muet) Leo et Ulrich sont deux inséparables amis d’enfance. De retour d’un entrainement militaire, Leo remarque une très belle femme à la gare. Il la retrouve quelques jours plus tard à un grand bal mondain…
A peine le tournage de La Tentatrice terminé, la MGM impose à Greta Garbo un nouveau scénario qui va encore plus loin dans l’utilisation de son image : cette fois, elle n’est plus une simple vamp mais une envoyée du diable ! Le scénario de La Chair et le diable est épouvantablement mauvais, bigot et misogyne. Il pourrait avoir été écrit par une de ces ligues de vertu qui sévissaient alors. Si le troisième film américain de Greta Garbo est notable, c’est surtout parce qu’il s’agit de son premier film sous la direction de Clarence Brown, avec lequel elle tournera sept fois, et de son premier film avec John Gilbert. La MGM lui avait précédemment opposé des acteurs qui étaient plutôt des latin-lovers alors que John Gilbert (à cette époque, l’acteur le mieux payé d’Hollywood) est un américain pur jus. Il va lui ouvrir de nouveaux horizons, lui donner de l’assurance grâce à une meilleure compréhension de la mentalité américaine. Les deux acteurs vont tout de suite très bien s’entendre, une grande amitié et même plus, au grand bonheur des services de publicité des studios qui vont transformer cette aventure en grande histoire d’amour (1). Si le scénario est affligeant, le film est beaucoup plus beau dans sa forme. Clarence Brown a de belles trouvailles : une scène d’amour dans la pénombre éclairée par la flamme d’une allumette, de superbes reflets de la pluie sur une vitre sur le visage de Greta Garbo et la scène la plus célèbre, la transformation d’une communion en un acte sensuel (il fallait oser !) Toutes les scènes entre Garbo et Gilbert sont belles, y compris leur première rencontre à la gare. La Chair et le diable fut un grand succès qui finit de propulser Greta Garbo au rang de star.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Gilbert, Greta Garbo, Lars Hanson, Barbara Kent, William Orlamond, George Fawcett, Marc McDermott
Voir la fiche du film et la filmographie de Clarence Brown sur le site IMDB.

Voir les autres films de Clarence Brown chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Greta Garbo

La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown. Pour simuler l’allumette, Clarence Brown a fait placer une petite lampe à arc dans la main de John Gilbert.

La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

Remarques :
* La Chair et le diable est adapté d’un roman d’Hermann Sudermann, écrivain et dramaturge allemand, dont les romans et pièces ont servi de base à de nombreux films dont notamment Le Cantique des cantiques de Mamoulian (1933) ou L’Aurore de Murnau (1927).
* Lasse de ce type de rôles, Greta Garbo rentra en Suède à la fin du tournage. Ce n’est qu’après plusieurs mois, et grâce au grand succès de La Chair et le diable sorti entre temps, que Greta Garbo put forcer la main à Louis B. Mayer et obtenir un meilleur contrat.
* On peut remarquer sur l’affiche ci-dessus la différence de taille des lettres pour « John Gilbert » et pour « Greta Garbo ». L’affiche de son film suivant portera son nom en aussi grosses lettres que John Gilbert. Voir…

(1) Ne reculant devant rien, la M.G.M. changera le titre de leur deuxième film ensemble de Anna Karenine en Love afin que sur les affiches cela donne « John Gilbert and Greta Garbo in Love » … ! (voir lien-dessus)

La Chair et le diable
Les reflets de la pluie sur une vitre forment un semblant de larme sur la joue de Greta Garbo dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

La Chair et le diable
Clarence Brown (debout derrière Miss Garbo), Greta Garbo et Lars Hanson sur le tournage de La Chair et le diable de Clarence Brown. Le caméraman (debout avec les lunettes) est une fois encore William H. Daniels. Le plan correspondant à cette photographie est le très gros plan sur l’écrin contenant un bracelet.

Une réflexion sur « La Chair et le diable (1926) de Clarence Brown »

  1. « …Et la Divine advint sur son divin divan… »

    Nous sommes toujours en 1926 et GG en est à son 3ème film hollywoodien avec la Mgm. La chair et le diable (c’est elle dans les deux rôles) va contribuer avec ce mélo balourd mais formellement inventif à hisser GG qui n’est encore qu’un petit nom sur l’affiche et au générique, au rang de star. Il faut tirer son chapeau aux artisans du muet qui surent parfois tisser visuellement des séquences forçant l’admiration pour des scénarios d’intérêt très relatif. Dans ce film, en un plan, une splendide séquence de duel dans la brume où la caméra avance et recule mettant les deux duellistes hors champ, empêchant d’en voir la finalité
    C’était dur pour GG qui avait auparavant été formée avec des auteurs européens, le suédois Mauritz Stiller, son mentor, et Pabst en Allemagne, de se retrouver confrontée à des méthodes, rythmes et contrats étrangers, sans contrôle sur ce qu’on lui faisait tourner. Mais c’est bien ce business hollywoodien réduisant tout le monde des studios aux statuts d’employés qui fera d’elle une déesse et une femme riche
    En 26 meurt a 31 ans le plus célèbre des Latin lovers d’alors, l’italien Rudolph Valentino « the great lover » : nul doute que les producteurs auraient associés ces deux là aux prochains génériques. On lui donne alors comme partenaire John Gilbert, star masculine du studio alors au sommet de sa gloire (le personnage – ou du moins son inspiration – est incarné par Brad Pitt dans Babylon de Damien Chazelle). Coup de foudre sur l’écran et dans la vie
    Dans le film Garbo « crève » l’écran à plusieurs reprises. Son regard capable de produire des sentiments multiples par une série d’attitudes improbables fait école. Elle semble improviser et on se demande si elle est vraiment dirigée par les réalisateurs. En tout cas Clarence Brown semble s’adapter à son jeu autant qu’elle crée un jeu dans le vide de son personnage, celui d’une comtesse hongroise – c’est difficile de lui faire jouer une américaine pur jus – qui devient veuve dès le début, partagée amoureusement entre deux hommes amis d’enfance liés par un pacte de frères de sang, et dont elle deviendra l’amante de l’un et l’épouse de l’autre, ce qui ne va pas sans complications ni rebondissements « mélodramatiques »
    dans les scènes intimes, de plus en plus c’est elle qui prend les devants, invitant ses partenaires à se laisser faire par surprise, masculinisant son personnage et féminisant ses partenaires qui se trouvent en position passive
    William Daniels le directeur de la photo amoureux la magnifie par des éclairages et cadrages audacieux
    Ce qui surprend le plus aujourd’hui dans cette sorte de préquel de Jules et Jim, en plus du talent que Garbo déploie, c’est l’attirance entre les deux hommes, militaires et aristocrates, amis et rivaux incarnés par John Gilbert et le suédois Lars Hanson (qui fut Gosta Berling) aux regards lourds d’attirance l’un envers l’autre sur leurs visages fardés. En les voyant redoubler d’accolades d’amitié virile, on se dit qu’on est devant le récit masqué et contrarié de deux hommes qui s’aiment sans le formuler, même sans le comprendre, et qui, une fois la femme tentatrice écartée, punie, anéantie – chair et diable – vont enfin – peut-être – assumer cet amour interdit que leur vie à oeillères à jusqu’ici empêcher..

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