5 septembre 2012

La chambre de l’évêque (1977) de Dino Risi

Titre original : « La stanza del vescovo »

La chambre de l'évèqueMarco navigue au gré de ses envies sur le Lac Majeur. Il est abordé par un riche avocat qui l’emmène dans sa magnifique villa au bord du lac où il vit avec sa femme ombrageuse et sa jeune et jolie belle-sœur… Œuvre de commande, La chambre de l’évêque est l’adaptation d’un roman de Piero Chiara. Développant subtilement son intrigue, le film oscille entre la farce et le drame. Patrick Dewaere est totalement écrasé par Ugo Tognazzi, au jeu très expansif et qui excelle dans ce rôle de roublard aux instincts lubriques. Il y a plusieurs scènes vraiment savoureuses. Ornella Muti dégage beaucoup de sensualité tout en restant assez fragile. C’est son premier film avec Risi. Le film fut méprisé par la critique au festival de Cannes 77, jugé misogyne et raté. C’est excessif car, sans être un grand Risi, La chambre de l’évêque est un film très plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ugo Tognazzi, Ornella Muti, Patrick Dewaere
Voir la fiche du film et la filmographie de Dino Risi sur le site IMDB.

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Remarque :
La chambre de l’évêque a été tourné sur le Lac Majeur, notamment à Stresa juste en face d’Isola Superiore et Isola Bella que l’on voit largement depuis le jardin. Le château qu’ils visitent sur une petite île est le Castelli di Cannero, un peu plus au nord.

28 juillet 2012

Fripouillard et Cie (1959) de Steno

Titre original : « I tartassati »

Fripouillard et CieHector (Louis de Funès) est « conseiller fiscal ». L’un de ses clients, le commerçant Pezzella (Totò), reçoit la visite d’un contrôleur des impôts (Aldo Fabrizi) qui vient vérifier sa comptabilité… Dans ce Fripouillard et Cie, un spectateur français pourra penser voir « un De Funès » mais en réalité il s’agit d’un film surtout marqué par Totò : ce fabuleux comique italien était d’ailleurs alors au sommet de sa gloire (1) alors que De Funès en était encore loin. Le duo ainsi formé est assez réussi, même si le revers de la médaille de ces productions internationales est d’avoir la moitié des acteurs doublés (le film était vu ici en français, hélas). Heureusement, Totò c’est surtout un visage et il est ici en assez bonne forme dans la peau de ce commerçant qui cherche à tout prix à se faire bien voir de son contrôleur des impôts. De Funès avait alors un jeu bien plus sage que celui qu’il développera par la suite. Fripouillard et CieDe plus, on le sent impressionné par Totò : dans les scènes communes, De Funès est assez retenu alors qu’il se lâche un peu plus dans celles où il n’est pas face à Totò. Et il ne faut pas oublier Aldo Fabrizi, grande personnalité du cinéma italien, très populaire lui aussi : l’acteur-réalisateur a cosigné le scénario en plus d’interpréter avec toute sa bonhommie cet inflexible contrôleur des impôts. Steno a dirigé de nombreuses fois Totò (il est toutefois probable que c’est plus Totò qui dirigeait Totò…) Ce Fripouillard et Cie reste très amusant, classique certes mais amusant, assurément.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Aldo Fabrizi, Louis de Funès, Jacques Dufilho
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Remarque :
Louis De Funès tournera la même année un autre film avec Totò :
Un coup fumant (Totò, Eva e il pennello proibito) également réalisé par Steno (1959).

(1) Immensément populaire en Italie, Totò a tourné dans plus de 100 films entre 1937 et 1967.

8 juillet 2012

Soul Kitchen (2009) de Fatih Akin

Soul KitchenAllemand d’origine grecque, Zinos Kazantsakis est propriétaire d’un petit restaurant appelé Soul Kitchen, dans une zone industrielle à Hambourg. C’est un ancien hangar qu’il a reconverti de ses propres mains. Le départ de sa petite amie pour la Chine et sa rencontre avec un cuisinier brillant mais un peu fantasque vont changer beaucoup de choses… Soul Kitchen n’est pas le troisième film de la trilogie commencée avec Head-on et De l’autre côté. C’est un film que Fatih Akin qualifie lui-même de « plus léger ». Il en a écrit le scénario avec son ami Adam Bousdoukos qui tient le rôle principal. Nous sommes dans l’univers de la débrouille mais aussi de l’amitié, de la complicité et des aventures qui peuvent se transformer en réussite humaine. Fatih Akin crée l’humour en jouant avec les obstacles et les revers. Même si le film pêche par quelques longueurs en son milieu, il se dégage de Soul Kitchen une chaleur qui rend le film attachant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Adam Bousdoukos, Moritz Bleibtreu, Birol Ünel, Anna Bederke
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4 juillet 2012

Le nom des gens (2010) de Michel Leclerc

Le nom des gensFille d’une militante radicale et d’un immigré algérien, la jeune et volubile Bahia a décidé de convaincre les « gens de droite » à ses idées en couchant avec eux. Elle rencontre Arthur qui a un tempérament tout à fait opposé, très mesuré dans tout ce qu’il fait… Qualifier Le nom des gens de comédie politique est certainement un peu exagéré ; disons qu’il s’agit d’un divertissement assez racoleur, doté de bonnes intentions et qui joue sur la surenchère et l’outrance pour créer l’humour. Michel Leclerc a typé ses personnages à l’extrême, à commencer par son héroïne jouée par Sara Forestier dont le jeu tonitruant peut lasser assez rapidement. Il y a bien quelques traits d’humour bien trouvés, souvent sur des petits détails, mais l’ensemble apparaît très inégal avec, pour seule cohérence, une ostensible légèreté plutôt forcée. Le plus inattendu est la participation de Lionel Jospin dans une scène qui apporte une surprenante bulle de civilité.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jacques Gamblin, Sara Forestier, Zinedine Soualem, Carole Franck, Jacques Boudet, Michèle Moretti
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29 juin 2012

Bancs publics – Versailles rive droite (2009) de Bruno Podalydès

Bancs publicsFace à un immeuble de bureaux, un homme a mis sa fenêtre une large  banderole : « Homme seul »… Tel est le point de départ de Bancs publics (Versailles rive droite), le troisième et ultime film de la trilogie de Bruno Podalydès dite des « gares de Versailles ». Cette fois, il est totalement sur le registre de l’humour, le film étant une succession de saynètes à peine reliées par un fil conducteur. L’humour s’installe doucement, lors de la première partie dans les bureaux, et s’intensifie au fur et à mesure que le film avance. Dans le square, nous avons une succession de situations jouant sur les rapports humains et la dernière partie, dans le magasin de bricolage, est une suite ininterrompue de mini-scènes utilisant beaucoup nos rapports aux objets (et aux outils !) D’une manière générale, la quantité de gags est impressionnante, c’est un humour qui semble jouer avec l’absurde mais en réalité toutes les situations sont plausibles, on peut les rencontrer dans la vie réelle. Le film nous donne un recul énorme et c’est alors qu’elles nous paraissent absurdes voire anachroniques. Le type d’humour est assez proche de celui du regretté Raymond Devos. L’humour très fin, parfois par petites touches, le jeu avec les objets, la petite dose de poésie, tout cela nous fait aussi inévitablement penser à Jacques Tati. La liste des acteurs qui ont participé est impressionnante, chacun apportant son jeu personnel ce qui donne au film une grande richesse. Bancs publics (Versailles rive droite) n’a pas eu le succès qu’il méritait, c’est dommage car c’est une petite merveille d’humour.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Denis Podalydès, Florence Muller, Samir Guesmi, Olivier Gourmet, Bruno Podalydès
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Liste des acteurs les plus connus ayant participé :
Mathieu Amalric, Pierre Arditi, Michel Aumont, Josiane Balasko, Didier Bourdon, Bernard Campan, Micheline Dax, Catherine Deneuve, Julie Depardieu, Emmanuelle Devos, Vincent Elbaz, Nicole Garcia, Hippolyte Girardot, Chantal Lauby, Pascal Légitimus, Thierry Lhermitte, Michael Lonsdale, Chiara Mastroianni, Benoît Poelvoorde, Catherine Rich, Claude Rich, Elie Semoun, Bruno Solo

Ce film fait partie d’une trilogie de Bruno Podalydès portant le nom des gares de Versailles :
Versailles Rive Gauche (1992), court-métrage de 45 mn
Dieu seul me voit – Versailles-Chantiers (1998) série de 6 x 1h tournée en 1996 ramenée à 2 heures pour la sortie en salles en 1998.
Bancs publics – Versailles Rive Droite (2009)

2 juin 2012

Les Barbouzes (1964) de Georges Lautner

Les BarbouzesLa jeune veuve d’un trafiquant d’armes hérite de documents et de brevets assez dangereux. Quatre agents secrets, un français, un suisse, un allemand et un russe, rivalisent pour mettre la main sur les documents… Un an après Les Tontons Flingueurs, Georges Lautner poursuit dans la satire des films d’espionnage avec Les Barbouzes. Il va encore plus loin dans la loufoquerie, laissant de côté toute vraisemblance pour exploiter à fond le potentiel comique des situations. L’humour est ici tout à fait dans l’esprit du cinéma muet (l’humour slapstick) ou des dessins animés : on prend beaucoup de coups et on en donne beaucoup mais on se relève toujours (du moins quand on a un premier rôle car les seconds rôles ont une espérance de vie plus limitée). L’ensemble reste bon enfant. Michel Audiard signe une fois de plus les dialogues, alimentant le film en répliques savoureuses (pas toujours bien mises en valeur, hélas). Côté interprétation, nous avons ici un Lino Ventura au mieux de sa forme et Mireille Darc apporte une note de charme, parfois assez tapageur : ses décolletés jusqu’au bas du dos électrisaient les spectateurs des années soixante. Par rapport à son aîné d’un an, Les Barbouzes est plus centré sur l’action, il est aussi plus débridé. Son humour est toujours aussi délectable aujourd’hui.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lino Ventura, Francis Blanche, Bernard Blier, Mireille Darc, Jess Hahn, André Weber, Charles Millot, Noël Roquevert
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Relire certaines bonnes répliques

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23 février 2012

Je ne suis pas un ange (1933) de Wesley Ruggles

Titre original : « I’m No Angel »

Je ne suis pas un angeLa belle Tira est danseuse et dompteuse de lions dans une foire ambulante. Par besoin d’argent pour se tirer d’un mauvais pas, elle accepte de faire un numéro dangereux où elle met sa tête dans la gueule d’un lion. Se basant sur les prédictions d’un fakir de foire, elle attend de rencontrer un homme riche et, en attendant, multiplie les conquêtes… Troisième film de Mae West, Je ne suis pas un ange cherchait à capitaliser sur le succès de She Done Him Wrong. L’actrice se remet en tandem avec le jeune Cary Grant et, bien entendu, continue à jouer son personnage de femme provocante au déhanchement exagéré, personnage proche de la caricature qui aligne les répliques à double sens sexuel. L’histoire s’enlise un peu pendant la première moitié du film, où Mae West s’amuse à jouer la dompteuse, Je ne suis pas un ange mais tient ses promesses sur la seconde avec une scène de procès absolument jubilatoire : Mae West décide en effet d’interroger elle-même les témoins de l’accusation et c’est un festival de bons mots. Bien entendu, il y a là largement de quoi réveiller la censure et énerver la League of Decency : les films de Mae West ont indéniablement renforcé leur détermination à agir. Je ne suis pas un ange connut un très grand succès, Mae West apportant un succès supplémentaire à Paramount qui était alors mal en point.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mae West, Cary Grant, Edward Arnold, Ralf Harolde
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Remarques :
C’est Mae West qui écrivait elle-même ses scénarios et ses dialogues.
Exemple-type de réplique :
– Tira, comment avez-vous fait pour avoir une telle quantité d’hommes dans votre vie ?
– Vous savez, ce n’est pas la quantité d’hommes dans votre vie qui est important, c’est la quantité de vie qu’il y a dans vos hommes !
(It’s not the men in your life that matters, it’s the life in your men.)
D’autres sont plus difficiles à traduire sans casser le jeu de mots :
– Tira, you’ve been very good
– When I’m good, I’m very good. When I’m bad, I’m better.

C’est dans Je ne suis pas un ange que Mae West dit sa célèbre phrase « Beulah, peel me a grape » (Beulah est le nom de sa femme de chambre). Cette phrase lui aurait été inspirée par l’observation de son singe apprivoisé qui raffolait de raisin et qui pelait tous les grains avant de les engloutir. Cette phrase est devenue ultra-célèbre pour exprimer une certaine langueur luxueuse. Dave Frishberg a écrit une chanson intitulée « Peel me a grape », chantée par Anita O’Day dans les années 60 et reprise plus récemment par Diana Krall qui en fait un grand succès.

12 février 2012

L’amour c’est gai, l’amour c’est triste (1971) de Jean-Daniel Pollet

L'amour c'est gai, l'amour c'est tristeLéon est tailleur. Il vit dans son atelier avec sa sœur qui reçoit beaucoup de clients en tant que cartomancienne. En réalité, elle se livre avec eux à d’autres exercices et Léon va le comprendre… Jean-Daniel Pollet est un cinéaste de la Nouvelle Vague. Rémo Forlani est ici à ses côtés pour l’écriture du scénario et des dialogues. Même s’il y a une histoire avec une progression, le film ne déroule pas de façon traditionnelle. il est structuré plutôt comme une succession de saynètes. Plus que sur une histoire, L’amour c’est gai, l’amour c’est triste est centré sur les personnages, notamment sur son personnage principal interprété par Claude Melki. Il y a une relation forte entre Jean-Daniel Pollet et Claude Melki (on a souvent comparé cette relation avec celle qui existait entre Truffaut et Jean-Pierre Léaud). Claude Melki est un merveilleux acteur ; clown triste du cinéma français, il fait penser à Buster Keaton. Il donne ici une vraie dimension à son personnage, timide, gauche, touchant par sa très grande naïveté. Le film a été écrit pour lui. Il y a aussi beaucoup d’humour mais c’est un humour très subtil, délicat, qui passe beaucoup par les dialogues. Comme le titre l’indique, il y a un mélange de gaité et de tristesse, c’est même une fusion : toutes les scènes sont à la fois gaies et tristes, c’est assez remarquable. Les dialogues sont en tous cas savoureux, souvent brillants. L’amour c’est gai, l’amour c’est triste est un film plein de subtilités qui mériterait d’être plus connu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Claude Melki, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Marielle, Chantal Goya, Marcel Dalio
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Remarques :
Gilbert Melki est le neveu de Claude Melki.

19 janvier 2012

Une femme disparaît (1938) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Lady Vanishes »

Une femme disparaîtDe façon plutôt inhabituelle pour Hitchcock, Une femme disparaît démarre comme une comédie : dans les Balkans, un train est bloqué par la neige et toute une troupe cosmopolite de voyageurs envahit le seul hôtel disponible. Cela crée des situations assez cocasses. L’humour laisse la place à l’intrigue lorsque le train repart le lendemain et qu’une jeune femme constate la disparition du train d’une vieille dame avec qui elle avait sympathisé. Tout le monde nie l’avoir vue… L’histoire a été adaptée par Sidney Gilliat et Frank Launder d’un roman d’Ethel Lina White. Par sa progression et la merveilleuse variété de ses personnages, l’histoire est particulièrement prenante, même après avoir vu le film plusieurs fois. Un déroulement de scénario quasi parfait. Une femme disparaît est aussi une prouesse technique : la très grande majorité du film a été tournée dans un studio de trente mètres de long. Hitchcock utilise merveilleusement les transparences, Une femme disparaît les projections pour recréer l’environnement du train. On note aussi quelques belles utilisations de maquettes, à commencer par le tout premier plan du film. Une femme disparaît est l’avant-dernier film de la période anglaise d’Hitchcock. Ce fut un énorme succès. Bien entendu, on peut reprocher au film son manque de vraisemblance… mais, à ce niveau, cela n’a aucune importance !
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margaret Lockwood, Michael Redgrave, Paul Lukas, Dame May Whitty, Naunton Wayne, Basil Radford
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Remarques :
* L’apparition d’Hitchcock dans ce film est située vers la fin, sur le quai de Victoria Station à Londres.
* Le couple des deux anglais amateurs de cricket (joués par Basil Radford et Naunton Wayne) fut si populaire qu’il réapparût dans d’autres films comme Train de nuit pour Munich de Carol Reed (1940) ou Ceux de chez nous (Millions like us) de Frank Launder et Sidney Gilliat (1943).

Remake :
The Lady Vanishes d’Antony Page (1979) avec Elliott Gould et Cybill Shepherd, remake bien fade, hélas.

9 janvier 2012

Docteur Folamour (1964) de Stanley Kubrick

Titre original : « Dr. Strangelove or: How I learned to stop worrying and love the bomb »

Docteur FolamourAtteint de paranoïa aigue, un général américain lance une flotte de bombardiers porteurs de bombes nucléaires sur l’U.R.S.S. Il coupe toute communication pour empêcher de les rappeler. Son but est de forcer son pays à entrer en guerre générale… Avec Docteur Folamour, Stanley Kubrick choisit l’humour pour souligner les dangers de l’escalade de l’armement nucléaire (1). La force de cette histoire est de reposer sur des bases assez réalistes, presque documentaires par certains aspects, et d’avoir des personnages particulièrement haut en couleur. Dépeindre les dirigeants politico-militaires comme des fous qui ne contrôlent rien est hautement subversif. Côté acteurs, le plus remarquable est bien entendu Peter Sellers qui interprète trois rôles différents (2), dont le fameux Docteur Folamour, transfuge allemand qui ne peut s’empêcher de faire le salut nazi quand il s’enthousiasme un peu trop… Tout aussi savoureuse est la performance de George C. Scott qui réussit à ne jamais trop surjouer son personnage caricatural de général belliciste (3). Slim Pickens est également assez mémorable en pilote texan à l’accent à couper au couteau. Il est difficile de ne pas noter les nombreuses allusions sexuelles, à commencer par le générique (le ravitaillement en vol d’un bombardier sur une chanson d’amour), le nom des personnages (4), la petite amie du général (scène mémorable du coup de téléphone pendant qu’il est aux toilettes), etc. Comme l’ont fait remarquer certains historiens, cette façon de faire la collusion entre sexe et politique rapproche Kubrick de Buñuel. Le film eut beaucoup de succès et reste toujours aussi drôle aujourd’hui. Docteur Folamour est un petit chef d’œuvre d’humour noir.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Hayden, Slim Pickens, Peter Bull, James Earl Jones, Tracy Reed
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Remarques :
(1) L’humour n’était pas l’intention première de Kubrick. Le roman dont l’histoire est tirée est un livre très sérieux : « Red Alert » (ou « Two hours to doom ») de l’anglais Peter George (alias Peter Bryant, un ex-militaire). Mais après le choix de Peter Sellers comme acteur principal et une première approche du scénario, Kubrick engagea Terry Southern, le roi de la comédie satirique, pour réécrire le tout dans une optique plus loufoque.
(2) C’est la Columbia qui a insisté pour que Peter Sellers joue plusieurs rôles. Il l’avait déjà fait avec grand succès dans La souris qui rugissait de Jack Arnold (1959). Il était même prévu qu’il joue aussi le pilote de l’avion mais l’acteur refusa.
(3) George C. Scott et Kubrick n’étaient pas pleinement d’accord sur l’orientation à donner au personnage. Pour avoir ce qu’il voulait, Kubrick aurait demandé à Scott d’exagérer son personnage dans les premières prises comme entrainement, en promettant de ne pas utiliser ces prises. Bien entendu, il les utilisa. Quand le film fut terminé, George C. Scott aurait juré de ne plus jamais travailler pour Kubrick. Il faut noter également que George C. Scott n’est pas exactement un antimilitariste…
(4) Le général s’appelle Buck Turgidson (Buck = mâle, Turgid = enflé) alors que sa partie de jambes en l’air est toujours remise. Le président se nomme Merkin Muffley (Merkin = faux poils pubiens, Muff= grosse bourde mais aussi, toujours en argot, le sexe féminin) et il est chauve ! (Merkin est aussi un terme péjoratif utilisé par les anglais pour désigner un américain.) On peut aussi noter que Mandrake = mandragore qui est un aphrodisiaque, que le nom de l’ambassadeur russe, De Sadeski, est évidemment une référence à Sade, etc.

A voir aussi, sorti la même année,  le même sujet traité de façon très différente :
Point Limite le très beau film de Sidney Lumet (1964) avec Henri Fonda