28 février 2024

Les Amants sacrifiés (2020) de Kiyoshi Kurosawa

Titre original : « Supai no tsuma »

Les amants sacrifiés (Supai no tsuma)Kobe, 1941. Yusaku, dirigeant d’une entreprise internationale d’import-export, vit avec sa femme Satoko et tente de vivre en s’éloignant des tensions grandissantes de la Guerre entre le Japon et les pays occidentaux. Leur couple commence à être bouleversé quand Yusaku attire les soupçons de sa femme ainsi que des autorités locales…
Les Amants sacrifiés (1) est un film japonais réalisé par Kiyoshi Kurosawa (qui, rappelons-le, n’a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa). S’écartant de son registre habituel, l’épouvante, il en a coécrit le scénario avec le cinéaste Ryūsuke Hamaguchi (réalisateur de plusieurs très beaux films dont le remarqué Drive my car). Contrairement à ce que le titre français laisserait supposer, il s’agit surtout d’un portrait de femme en butte à l’énigme de comprendre son mari et aussi son époque. Le récit offre la vision de la guerre à travers les yeux d’une femme plutôt idéaliste et éprise de liberté, qui s’interroge sur les fondements de ce conflit. Politique et sentiments se heurtent en elle mais elle doit prendre des décisions. Le récit offre également une réflexion sur le thème de la trahison. La réalisation de Kiyoshi Kurosawa est précise et élégante.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yû Aoi, Issei Takahashi, Masahiro Higashide
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(1) A noter que la proximité phonétique du titre avec celui du très beau film de Mizoguchi (Les Amants crucifiés, 1954) n’existe qu’en français, elle a donc été créée par les distributeurs français. La traduction du titre original serait « La femme d’un espion », titre bien plus approprié repris dans toutes les autres langues (« Wife of a spy » en anglais).

Masahiro Higashide et Yû Aoi dans Les amants sacrifiés (Supai no tsuma) de Kiyoshi Kurosawa.

20 novembre 2019

Sans pitié (2017) de Sung-hyun Byun

Titre original : « Bulhandang »

Sans pitié (Bulhandang)Dans une prison, le jeune Jo Hyun-soo parvient à se faire remarquer par un mafieux respecté de tous qui le prend sous son aile. Après sa libération, il se met à son service, au sein d’un gang qui achète de la drogue à des trafiquants russes…
Sans pitié est le troisième long-métrage du jeune réalisateur sud-coréen Sung-hyun Byun, après un film musical et une comédie romantique. Il a écrit le scénario de ce polar mafieux sur la base d’une bande dessinée. Il se distingue des autres films du genre en premier par son style, très travaillé, avec une très belle photographie. Sur le thème de la fidélité/trahison, le scénario réserve constamment des surprises (à condition de ne pas avoir trop lu sur le film avant de le visionner) grâce à une habile construction qui nous dévoile peu à peu les intentions des protagonistes. Le fait de voir un acteur au visage poupin interpréter le rôle principal contribue à donner une atmosphère particulière, un peu irréelle (l’acteur est membre d’un boys band de pop sud-coréenne). L’ensemble évoque Scorsese ou même Tarantino. Peu distribué, Sans pitié est un film assez brillant… mais il n’a pas fait l’unanimité auprès de la critique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kyung-gu Sol, Si-wan Im, Kyeong-yeong Lee, Hye-jin Jeon
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Sans pitié (Bulhandang)Si-wan Im et Kyung-gu Sol dans Sans pitié (Bulhandang) de Sung-hyun Byun.

Homonymes :
Sans pitié (Senza pietà) d’Alberto Lattuada (1948) avec Carla Del Poggio, John Kitzmiller et Giulietta Masina
Sans pitié (No Mercy) de Richard Pearce (1986) avec Richard Gere et Kim Basinger

25 avril 2019

La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre (1939) de Michael Curtiz

Titre original : « The Private Lives of Elizabeth and Essex »

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre1596. Après avoir vaincu l’Armada espagnole, le comte d’Essex rentre en Angleterre sous les acclamations. Il est aussitôt reçu par la reine, heureuse de voir revenir l’homme qu’elle aime. Mais, à la surprise générale, au lieu de le féliciter, elle le tance publiquement et accorde des promotions à ses rivaux… Adaptation d’une pièce du dramaturge américain Maxwell Anderson, La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre met en scène une romance fictive entre la reine Elisabeth et Robert Devereux, 2e comte d’Essex. Le film réunit les deux plus grosses stars du moment de la Warner. Bette Davis aurait souhaité être opposée à Laurence Olivier mais les studios préfèrent opter pour Errol Flynn, alors au faîte de sa gloire après Robin des Bois. Bette Davis fait une personnification puissante et déterminée de son personnage, avec un petit grain de folie sous-jacent, parfois presque à la limite du grotesque. L’actrice s’est beaucoup investie dans son rôle, allant jusqu’à s’épiler elle-même les sourcils et travaillant longuement son accent. Son jeu est riche, complexe, intense. Face à elle, le jeu d’Errol Flynn paraît plus simple, jouant principalement sur le charme, le naturel. Cette opposition de jeu rend l’idylle plus improbable, déséquilibrée mais cela sert finalement le propos (de plus, les deux stars ne s’entendaient guère). Le film fut tourné en Technicolor et il est assez étonnant que la Warner ait mis tant de moyens à la disposition d’un film finalement assez statique. Le film fut un succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Errol Flynn, Olivia de Havilland, Donald Crisp, Vincent Price
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Remarques :
* Cette histoire d’amour n’a pas existé. La légende parle seulement d’une bague donnée par la Reine à Essex mais, même sur ce simple don, les historiens sont divisés car il n’y a aucune preuve, aucun témoignage pour attester de sa réalité.

* Bette Davis était âgée de 31 ans au moment de tournage alors que son personnage en avait 63 en 1596, d’où le maquillage important. Errol Flynn était alors âgé de 30 ans soit l’âge de son personnage.

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre
Bette Davis dans La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre de Michael Curtiz.

La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre
Bette Davis et Errol Flynn dans La Vie privée d’Elisabeth d’Angleterre de Michael Curtiz.

30 janvier 2019

Sainte nuit (1922) de Elvira Notari

Titre original : « ‘A Santanotte »

Sainte nuitTore et Gennariello, précédemment amis, tombent amoureux de la même jeune femme, Nanninella. Si le premier séduit la belle, le second soudoie en secret le père alcoolique pour qu’il lui accorde sa main…
Tourné juste après La Petite, Sainte nuit s’inspire d’une chanson populaire. Il s’agit d’un triangle amoureux particulièrement tragique qui met en relief des sentiments simples et des travers de la nature humaine : jalousie, trahison et perfidie sont au menu. Comme La Petite, il est en partie tourné en décors naturels dans les rues de Naples et utilise les mêmes acteurs principaux ; le personnage de l’un deux garde le même nom mais rien n’indique qu’il s’agit du même personnage. L’actrice Rosè Angione a un jeu excessivement théâtral, jusqu’à l’outrance, défaut qu’elle ne montrait pas vraiment dans le film précédent. Les deux acteurs masculins principaux ont un jeu plus naturel. Le film est beaucoup moins riche que La Petite : on ne retrouve ici ni le côté documentaire, ni les signes avant-coureurs du néoréalisme. (Film muet de 60 mn).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Eduardo Notari, Rosè Angione, Alberto Danza
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Sainte nuit
Rosè Angione dans Sainte nuit de Elvira Notari.

6 février 2017

Le Doulos (1963) de Jean-Pierre Melville

Le DoulosPeu après sa sortie de prison, Maurice Faugel (Serge Reggiani) se rend chez un receleur qu’il juge responsable de la mort de sa femme. Il le tue et s’empare des bijoux volés sur lesquels il travaillait. Le lendemain, son meilleur ami Silien (Jean-Paul Belmondo) lui apporte du matériel pour un cambriolage. Silien a mauvaise réputation car il fréquente un commissaire… En argot, un « doulos » est un chapeau mais  aussi un indicateur, nous explique t-on en début de film. C’est aussi le titre d’un roman de Pierre Lesou dont Jean-Pierre Melville a écrit et réalisé l’adaptation. Il y montre une nouvelle fois son attachement au cinéma américain tout en affirmant de plus en plus son style. La forme assez enthousiasmante : de longues séquences, chargées d’atmosphère, à l’éclairage travaillé, avec même parfois de petites prouesses techniques (comme ces panoramiques à 360° lors de l’interrogatoire de Silien). Sur le thème de l’amitié et de la trahison, l’histoire est joliment complexe, tout en restant épurée, avec rien d’inutile ; elle sait nous surprendre (évitez de trop lire avant de voir le film). Chez Melville, le monde des truands est idéalisé, c’est celui du code de l’honneur, policiers et gangsters étant autant respectables. Le Doulos bénéficie d’une très belle distribution, tous les rôles étant parfaitement tenus. Assez bizarrement, le film ne fait l’unanimité parmi les amateurs du genre probablement car il déroute un peu : il nous laisse sans aucune certitude.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Jean Desailly, René Lefèvre, Michel Piccoli
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Remarques :
* Tout comme pour Léon Morin, Prêtre, le film précédent de Melville, l’assistant-réalisateur est le jeune Volker Schlöndorff (22 ans). Le futur réalisateur fait aussi une petite apparition à l’écran en client du bar.

* Une citation détournée de Céline ouvre le film « il faut choisir, mourir ou mentir ? ». En réalité, la citation plus complète montre qu’il n’y est pas question de la trahison : « La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi. » (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit)

Le Doulos
Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans Le Doulos de Jean-Pierre Melville.

15 décembre 2016

Looking for Richard (1996) de Al Pacino

Looking for RichardSous une forme proche d’un documentaire, Looking for Richard nous plonge dans le processus créatif d’une adaptation moderne de la pièce de Shakespeare Richard III. Avec chewing-gum et casquette à l’envers, le très américain Al Pacino cherche comment rendre la pièce plus accessible à un public large, comment trouver une approche nouvelle de l’œuvre, comment transmettre sa signification. La forme est originale puisqu’elle juxtapose des scènes de répétition ou de réflexion sur les directions à donner avec des scènes de la pièce jouée en costumes dans divers décors, sautant de l’un à l’autre avec vivacité. Globalement, le film suit le déroulement de la pièce. Le travail de montage paraît donc remarquable, surtout lorsque l’on sait que Pacino avait accumulé près de 80 heures de rushes sur quelque trois années (le projet fut fréquemment interrompu du fait des engagements de l’acteur). Accompagné de son metteur en scène Frederic Kimball, Pacino s’est même rendu en Angleterre, interviewé des acteurs anglais et des grands spécialistes de William Shakespeare. L’ensemble est assez intéressant mais on peut se demander si les desseins pédagogiques sont atteints car l’intensité de la pièce n’est pas totalement perceptible du fait de l’inévitable fragmentation. L’interprétation de la pièce est assez appuyée, beaucoup semblant surjouer quelque peu (c’est particulièrement net pour Penelope Allen, la reine). Al Pacino en revanche est souvent splendide en Richard III. Entre autres, la scène où il se déclare à Lady Anne (Winona Ryder) est assez forte. Il ne peut toutefois faire oublier Laurence Olivier…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Al Pacino, Alec Baldwin, Kevin Spacey, Estelle Parsons, Winona Ryder
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Remarques :
* Grand acteur de théâtre, Al Pacino tient en très haute estime l’oeuvre de Shakespeare. Il avait déjà interprété Richard III sur les planches dans les années soixante-dix et animé des séminaires sur le sujet. Ce film est un projet très personnel.
* Parmi les acteurs anglais shakespeariens interviewés, on remarque : Vanessa Redgrave, John Gielgud, Kenneth Branagh, Rosemary Harris, Derek Jacobi et le metteur en scène Peter Brook.

Looking for Richard
Al Pacino met en scène et joue Richard III dans  Looking for Richard.

Les adaptations de Richard III au cinéma :
Richard III (1912) de André Calmette et James Keane avec Frederick Warde. En 1996, une copie en bon état de ce film précédemment inconnu a été découverte. Sa durée de 55 mn en fait l’un des tous premiers longs métrages.
Richard III (1955) de et avec Laurence Olivier, la version la plus remarquable.
Richard III (1995) de Richard Loncraine avec Ian McKellen, où la pièce est transposée au XXe siècle, dans une Angleterre fictive sous régime fasciste dans les années 1930.
Richard III (2008) de Scott Anderson avec Scott Anderson

1 juillet 2016

La Planète des singes: L’affrontement (2014) de Matt Reeves

Titre original : « Dawn of the Planet of the Apes »

La Planète des singes: L'affrontementDix ans après qu’un virus foudroyant ait exterminé la race humaine, des singes évolués vivent en Californie juste au nord de l’ancienne San Francisco. Un jour, ils se retrouvent nez à nez avec un petit groupe d’humains et découvrent ainsi l’existence d’une colonie humaine à l’emplacement de l’ancienne ville. Pour la plupart, les singes n’ont pas oublié les sévices subis et les expériences menées par les humains mais ils obéissent à leur libérateur, le sage César… La Planète des singes: L’affrontement fait directement suite à La planète des singes: Les origines (2011). Nous sommes donc toujours bien avant le récit original de La Planète de singes imaginé par Pierre Boulle et porté à l’écran par Franklin J. Schaffner en 1968 (1). Comme le titre français le dévoile sans subtilité, l’histoire se résume à un affrontement entre les singes et les humains. Les personnages sont typés de façon très classique avec dans chaque camp des gentils et des méchants, il y a ceux qui réfléchissent avant d’agir et des têtes-brûlées va-t-en-guerre. Le fond du propos repose sur de grandes valeurs humanistes : la compassion, le respect de l’autre même s’il est différent, la transmission des valeurs nobles. Certes, le scénario n’est guère inventif mais la qualité de la réalisation rend le film assez plaisant avec notamment une belle utilisation de la motion-capture (les singes principaux sont joués par des humains bardés de capteurs qui ont été ensuite « habillés » par ordinateur). La fin laisse ouverte la possibilité d’une suite qui est prévue pour 2017.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman, Keri Russell
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(1) Le récit se déroule dans un futur proche, 2030 environ. Celui du film original de Schaffner se déroule en 3978 (la fusée était partie de Cap Canaveral en 1972 et ils avaient voyagé 2000 ans à une vitesse proche de la lumière ce qui donnait pour l’équipage 18 mois de temps relatif).

Dawn of the Planet of the apes
Jason Clarke et Andy Serkis (sur le cheval) dans La Planète des singes: L’affrontement de Matt Reeves.

Tous les films :
A) Cinq films de 1968 à 1973 :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (1968) de Franklin J. Schaffner
Le Secret de la planète des singes (Beneath the Planet of the Apes) (1970) de Ted Post
Les Évadés de la planète des singes (Escape From the Planet of the Apes) (1971) de Don Taylor
La Conquête de la planète des singes (Conquest of the Planet of the Apes) (1972) de J. Lee Thompson
La Bataille de la planète des singes (Battle for the Planet of the Apes) (1973) de J. Lee Thompson.

B) Nouvelle adaptation du roman :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (2001) de Tim Burton.

C) Série « Reboot » :
La Planète des singes : Les Origines (Rise of the Planet of the Apes) (2011) de Rupert Wyatt
La Planète des singes : L’Affrontement (Dawn of the Planet of the Apes) (2014) de Matt Reeves
La Planète des singes : La Suprématie (War for the Planet of the Apes) (2017) de Matt Reeves.

28 avril 2016

Richard III (1955) de Laurence Olivier

Richard IIIA la fin du XVe siècle en Angleterre, Richard duc de Gloucester a oeuvré pour mettre sur le trône son frère aîné Edward IV non sans en ressentir une forte jalousie : difforme et bossu, il n’a pas tous les atouts pour prétendre lui-même au trône mais il sait qu’il peut y parvenir par la ruse. Il va d’abord s’attacher à écarter définitivement son second frère George… Oeuvre de jeunesse de William Shakespeare, Richard III dresse un portrait très sombre du souverain : un homme fourbe qui ne cesse de comploter et fait tuer ceux qui se mettent en travers de son chemin. Ce portrait ne correspond pas vraiment à la vérité historique mais donne de la matière à l’une des plus grandes pièces de Shakespeare. Après avoir brillamment adapté Henry V et Hamlet, Richard III était un choix assez logique pour Laurence Olivier. Le résultat est tout aussi intéressant même s’il est généralement moins bien considéré du fait d’une mise en scène jugée trop simple. Il y a certes moins de nouveautés, si ce n’est qu’il n’hésite pas à s’adresser directement à la caméra, procédé très rare au cinéma mais un peu plus courant au théâtre. L’ensemble a été tourné en studios à l’exception du dernier acte, la bataille de Bosworth, qui a été tournée… en Espagne. Laurence Olivier reste très fidèle à l’esprit et au texte ; son interprétation est à la fois intense et juste. Son Richard III est vraiment mémorable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Laurence Olivier, Cedric Hardwicke, Ralph Richardson, John Gielgud, Pamela Brown, Claire Bloom
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Remarque :
* Les mauvais résultats commerciaux du film aux Etats-Unis (en partie dus au fait que le film était sorti simultanément à la télévision) et la mort du producteur anglais Alexander Korda ont mis fin prématurément aux adaptations shakespeariennes de Laurence Olivier. Il n’a pas pu trouver le financement pour monter Macbeth, nous privant de ce qui aurait certainement été une très grande interprétation.

Autres adaptations de la pièce :
Richard III (1912) de André Calmette et James Keane avec Frederick Warde. En 1996, une copie en bon état de ce film précédemment inconnu a été découverte. Sa durée de 55 mn en fait l’un des tous premiers longs métrages.
Richard III (1995) de Richard Loncraine avec Ian McKellen, où la pièce est transposée au XXe siècle, dans une Angleterre fictive sous régime fasciste dans les années 1930.
Richard III (2008) de Scott Anderson avec Scott Anderson

À noter aussi :
Looking for Richard (1996) de Al Pacino qui est un documentaire autour de la pièce et de son impact sur le monde actuel.

Richard III
Laurence Olivier dans Richard III de Laurence Olivier.

2 février 2012

Ivan le terrible (1945) de Sergueï Eisenstein

Titre original : « Ivan Groznyy »

Ivan le terribleUltime œuvre d’Eisenstein, Ivan le terrible est un film en deux parties qui était prévu pour en comporter trois. Le décès du réalisateur a laissé l’œuvre à jamais inachevée. Bénéficiant à nouveau des faveurs du pouvoir après Alexandre Nevski (1938), Sergueï Eisenstein met en chantier une grande fresque destinée à exalter la nation alors face à la menace allemande. Objet de tous les soins d’Eisenstein que ce soit sur le plan de l’écriture, de la préparation ou encore du tournage, la première partie d’Ivan le terrible ne sortira qu’en janvier 1945. Bien reçue par le pouvoir, elle obtient le Prix Staline. La deuxième partie sera terminée un an plus tard mais sera vivement critiquée par les autorités culturelles. Eisenstein devra faire son autocritique et commencera à travailler sur les corrections, travail interrompu par sa mort. La seconde partie ne sortira en URSS qu’en 1958, soit bien après la mort de Staline.

Ivan le terribleLe thème du film est de faire revivre les années de pouvoir du tsar Ivan IV dit Le Terrible (XVIe siècle), le tsar qui rassembla et unifia toutes les terres de Russie. Mais Eisenstein s’écarte ouvertement des faits historiques, il crée une grande tragédie aux accents shakespeariens, un opéra visuel au service de son propos. Il exalte la grandeur : tout est vertical, démesuré à commencer par le tsar lui-même (Nicolai Tcherkassov, acteur déjà de grande taille, avait certainement plus que des talonnettes), les plafonds restent souvent hors de notre vue tellement ils sont élevés.

Ivan le terribleIvan le terrible est aussi une tragédie sur le pouvoir, sur la nécessaire intransigeance et l’isolement qui en découle, sur le doute qui s’insinue. Ivan a d’ailleurs plus à se défendre de ses proches que des ennemis de la nation. Ces éléments entraineront la condamnation officielle de la seconde partie. Il est plus que probable qu’Eisenstein ait voulu dépeindre Staline au travers d’Ivan, ou au moins a-t-il voulu mettre en garde contre les dérives du pouvoir d’un seul homme.

Ivan le terribleIvan le terrible est un film extrêmement abouti sur le plan visuel. Chaque plan était préparé, dessiné et Eisenstein ne filmait que lorsqu’il allait avoir exactement ce qu’il voulait. La beauté et la force des images est sans égal. Eisenstein n’a sans doute jamais été aussi loin dans ses plans de visages. Plus que les visages, ce sont les yeux… Dans aucun autre film, les yeux des personnages n’ont tant d’importance, il y a une incroyable force qui se dégage des yeux des personnages.

La première partie peut être jugée plus conventionnelle, il est d’ailleurs intéressant de noter qu’elle raconte plus. La seconde partie est plus forte, plus shakespearienne. Ivan le terribleLa couleur apparaît trente minutes avant la fin (grâce à une prise de guerre des russes : le stock de pellicules couleur d’une usine allemande Agfa). Nous avons alors un (hélas trop court) échantillon de l’utilisation de la couleur par Eisenstein. Il ne l’utilise pas pour montrer la réalité, non, il utilise la couleur comme un peintre : il peint ses scènes, les anime par la couleur, il utilise la couleur pour exprimer des sentiments.

Plus que tout film, Ivan le terrible est la fusion de toutes les composantes de l’art au service d’une idée, d’un propos. En ce sens, sa beauté n’a rien de formelle. C’est un film puissant, fascinant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Nikolai Cherkasov, Lyudmila Tselikovskaya, Serafima Birman, Mikhail Nazvanov, Mikhail Zharov
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