12 janvier 2024

L’amour et les forêts (2023) de Valérie Donzelli

L'amour et les forêtsQuand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement, ils sont emportés par la passion. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, elle s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux…
L’amour et les forêts est un film français réalisé par Valérie Donzelli, sorti en 2023. Le scénario est écrit par Audrey Diwan (réalisatrice de L’Évènement) et Valérie Donzelli, d’après le roman d’Éric Reinhardt publié en 2014. L’histoire commence comme un conte de fées mais peu à peu le séducteur change de visage et enferme son épousée dans une relation possessive. Le glissement progressif vers l’oppression est bien mis en scène avec notamment cette façon inimaginable dont le bourreau parvient à se poser en victime. L’atmosphère devient de plus en plus angoissante. Virginie Efira est parfaite, elle parvient à exprimer ce qu’elle ressent sans artifice de jeu, il n’y a aucun excès mélodramatique. Melvin Poupaud campe un personnage de plus en plus monstrueux, lui aussi sans excès. Particulièrement bien dosé, L’amour et les forêts se montre aussi très puissant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Virginie Efira, Melvil Poupaud, Dominique Reymond, Romane Bohringer, Virginie Ledoyen, Marie Rivière
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Virginie Efira et Melvil Poupaud dans L’amour et les forêts de Valérie Donzelli.

3 février 2023

Vous ne désirez que moi (2021) de Claire Simon

Vous ne désirez que moiÀ Neauphle-le-Château au tout début des années 80, Yann Andréa, qui vit depuis deux ans avec l’écrivaine Marguerite Duras, raconte à une journaliste, voisine et amie, comment leur relation s’est établie et se poursuit…
Vous ne désirez que moi est un film français réalisé par Claire Simon. Il s’agit de l’adaptation de Je voudrais parler de Duras (Pauvert, 2016), un entretien inédit de Yann Andréa (décédé en 2014). Ce long monologue est très intéressant en soi, même s’il nous fait découvrir une facette peu reluisante de l’écrivaine. La relation qu’elle eut avec le jeune Yann Andréa (alors âgé d’à peine 30 ans, elle en avait presque 70) paraît en effet totalement déséquilibrée, reposant sur l’effacement de la personnalité du plus jeune. Marguerite Duras nous semble même monstrueuse (mais il faut tempérer ce jugement en se rappelant que le jeune homme est tout de même resté avec l’écrivaine pendant presque 15 ans après cet entretien, jusqu’à sa mort en 1996). Swann Arlaud fait une performance absolument remarquable, d’autant plus extraordinaire que Claire Simon a filmé les entretiens en longs plans-séquence. Emmanuelle Devos est en revanche bien plus fade, elle n’a cependant qu’une dizaine de lignes de texte. Les cadrages ne sont pas toujours bien adaptés et la réalisatrice a inséré quelques plans externes à l’entretien : si certains, ceux où l’on voit Duras par exemple, sont appropriés, de nombreux plans sont ce qu’il faut bien appeler du remplissage. Le film est donc bien plus intéressant par son contenu que par sa forme.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Christophe Paou, Philippe Minyana
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Vous ne désirez que moiSwann Arlaud dans Vous ne désirez que moi de Claire Simon.

1 octobre 2021

Vacances portugaises (1963) de Pierre Kast

Vacances portugaisesPour tromper l’ennui, Françoise et Jean-Pierre invitent plusieurs de leurs amis à passer un week-end dans leur grande villa de vacances sur la côte portugaise. Il s’ensuit un chassé-croisé amoureux pour certains, chaque personnage se découvrant un peu au fil de l’histoire…
Vacances portugaises (ou Les Égarements) est un film franco-portugais coécrit et réalisé par Pierre Kast. Cet ex-collaborateur aux Cahiers du Cinéma a réalisé de superbes courts-métrages sur l’Art dans les années cinquante mais l’on connait généralement moins ses longs métrages. L’amour est multiforme et le chemin pour le trouver peut présenter bien des méandres… Tel pourrait être l’enseignement de cette histoire. Le scénario parvient bien à placer dans un même lieu plusieurs types de relation amoureuse : l’amour possessif, la rupture, la réconciliation, l’amour irraisonné, l’amour sage etc. La forme générale du film pourra paraître trop intellectualisée à certains spectateurs car c’est une succession de discussions à deux ou trois personnages, rarement plus, entre marivaudage et philosophie. Le propos va souvent assez loin de telle sorte que limites et contradictions apparaissent. Bien écrit, le scénario montre une observation assez fine des comportements humains (même si on pourra lui reprocher de ne se situer que dans un seul milieu). Le film bénéficie d’une belle distribution, aucun acteur n’étant vraiment au premier plan ; presque tous les acteurs ont gardé leur prénom. A noter que la jeune Catherine Deneuve n’est pas encore connue. Jacques Doniol-Valcroze (fondateur des Cahiers du Cinéma) a coécrit le scénario, la photographie est de Raoul Coutard, la musique de Georges Delerue et le montage de Yannick Bellon. Du beau monde! Sans succès à sa sortie, le film reste aujourd’hui méconnu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Françoise Arnoul, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Jean-Marc Bory, Françoise Brion, Catherine Deneuve, Jacques Doniol-Valcroze, Daniel Gélin, Michèle Girardon, Barbara Laage, Françoise Prévost, Pierre Vaneck, Bernhard Wicki
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Vacances portugaisesFrançoise Brion et Barbara Laage dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

Vacances portugaisesCatherine Deneuve et Bernhard Wicki dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

Vacances portugaisesBarbara Laage et Daniel Gélin dans Vacances portugaises de Pierre Kast.

24 avril 2021

Colossal (2016) de Nacho Vigalondo

ColossalGloria décide de quitter New York après que son petit ami l’a chassée de chez lui. Gloria a un sérieux problème d’alcool et laisse sa vie dériver paresseusement. Elle retourne dans sa ville natale où elle retrouve Oscar, un ami d’enfance. Au même moment, à Séoul, une créature gigantesque détruit la ville…
Colossal est un film fantastique hispano-canadien écrit et réalisé par l’espagnol Nacho Vigalondo. A défaut d’être crédible, ce qu’il ne cherche manifestement pas, le scénario est assez inattendu, mêlant habilement la  comédie psychologique et le film de monstres japonais (kaiju). L’absence de rationalité donne au film une atmosphère très particulière. Le réalisateur prend à revers les codes de la comédie romantique tout en conservant la création d’un lien d’attachement des spectateurs envers les personnages. Le duo Anne Hathaway et Jason Sudeikis fonctionne particulièrement bien. On peut aussi y voir une allégorie sur les violences envers les femmes et sur la possession. Hélas, le film n’a pas eu le succès qu’il mérite, probablement parce qu’il déroute. Il est assurément très original.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anne Hathaway, Jason Sudeikis, Austin Stowell, Tim Blake Nelson, Dan Stevens
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 ColossalAnne Hathaway et Jason Sudeikis dans Colossal de Nacho Vigalondo.

18 août 2018

Nous ne vieillirons pas ensemble (1972) de Maurice Pialat

Nous ne vieillirons pas ensembleJean, qui est cinéaste, ne vit plus vraiment avec sa femme Françoise : depuis plusieurs années, il réside le plus souvent chez sa maîtresse Catherine sans se résoudre à divorcer de l’une pour épouser l’autre…
Nous ne vieillirons pas ensemble est le deuxième long métrage de Maurice Pialat. Il est adapté de son propre roman, qu’il a présenté comme étant autobiographique. C’est la description d’une relation tumultueuse qui se détériore de plus en plus, une relation marquée par l’égoïsme et les soudaines poussées de colère de l’homme. C’est une description brute des sentiments sous leurs aspects les plus cruels. Maurice Pialat filme cela avec une grande vérité, nue, sans artifice. Marlène Jobert est particulièrement émouvante en jeune femme finalement très forte, qui doit toujours encaisser. Et au-delà du caractère odieux et cruel de son personnage, Jean Yanne parvient à exprimer un profond désarroi, une insatisfaction chronique. L’acteur fut récompensé par le Prix d’interprétation masculine à Cannes.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marlène Jobert, Jean Yanne, Macha Méril
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Nous ne vieillirons pas ensemble
Marlène Jobert et Jean Yanne dans Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat.

21 février 2017

Contes italiens (2015) de Paolo Taviani et Vittorio Taviani

Titre original : « Maraviglioso Boccaccio »

Contes italiensEn 1348, alors que la peste frappe cruellement Florence, sept demoiselles et trois jeunes hommes décident de quitter la ville et de s’isoler à la campagne. Là, pour tromper l’ennui, ils décident que chaque jour, l’un d’entre eux devra raconter une histoire… Librement inspiré du Décaméron de Boccace, Contes italiens est un superbe hymne à l’amour, à la beauté et à la vie. Après un préambule sur les dégâts de la peste, les frères Taviani reprennent cinq contes, parmi les cent que compte le roman. Trois sont à caractère plutôt dramatiques sur le thème de la force de l’amour ; ce sont les plus beaux, les plus émouvants, les plus déchirants même pour le dernier. On est transportés par leur puissance évocatrice. Deux contes plus légers, et un peu plus courts, servent en quelque sorte d’intermède récréatif. La réalisation est parfaite, l’image est d’une grande beauté et la musique tient une grande place, apportant une dimension supplémentaire. Il est un peu désolant de voir la critique laminer un tel film, le qualifiant hâtivement d’ « académique ». Il ne faut pas les écouter : à plus de quatre-vingts ans, les frères Taviani ont signé un film étonnamment jeune ; il est en outre assez féminin (Paolo Taviani, lui-même, le confirme). Contes italiens est une petite merveille.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Carolina Crescentini, Flavio Parenti, Kim Rossi Stuart, Riccardo Scamarcio, Kasia Smutniak, Jasmine Trinca
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Précédente adaptation :
Le Décaméron (Il Decameron) de Pier Paolo Pasolini (1971), comportant dix contes et bien entendu très différent. Le réalisateur l’a renié par la suite.

Contes italiens
Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

Contes italiens
Conte 1 : Riccardo Scamarcio et Vittoria Puccini dans Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

Contes italiens
Conte 2 : Kim Rossi Stuart dans Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

Contes italiens
Conte 3 : Michele Riondino et Kasia Smutniak dans Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

Contes italiens
Conte 4 : Carolina Crescentini et Leonardo Santini Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

Contes italiens
Conte 5 : Jasmine Trinca dans Contes italiens de Paolo et Vittorio Taviani.

1 février 2017

La Rose tatouée (1955) de Daniel Mann

Titre original : « The Rose Tattoo »

La Rose tatouéeSicilienne ayant émigrée en Louisiane, Serafina Delle Rose (Anna Magnani) vit dans la plus pure adoration de son mari. Contrebandier poursuivi par la police, il périt dans un accident au volant de son camion. Serafina entre en deuil tout en surveillant sa fille qui est en âge de fréquenter les garçons… Tennessee Williams avait écrit cette pièce pour Anna Magnani en 1951 mais l’actrice italienne était alors trop peu sûre de son anglais pour la jouer et c’est Maureen Stapleton qui a tenu le rôle principal sur les planches, sous la direction (déjà) de Daniel Mann. Trois ans plus tard, Mann reprend le projet pour l’adapter à l’écran et, cette fois, Anna Magnani accepte. Comme toujours avec Tennessee Williams, le thème est celui du manque, de la solitude, de la frustration : Serafina s’enferme dans son chagrin et transpose ses frustrations sur sa fille. Son tempérament sicilien exacerbe l’extériorisation des sentiments, il y a beaucoup de gestes et beaucoup de cris, et il faut tout le talent d’une grande actrice comme Anna Magnani pour ne pas faire tomber ce type de personnage dans l’hystérie. L’actrice occupe tout le terrain et, face à elle, même Burt Lancaster peine à rester en surface. Il faut dire qu’il n’est pas aidé par son personnage de semi-bouffon qui tire maladroitement l’ensemble vers la comédie. Plus que l’interprétation, c’est (à mes yeux) la pièce en elle-même qui est le point faible de La Rose tatouée, avec ses personnages trop excessifs. Le visionnage du film est d’ailleurs plutôt épuisant!
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anna Magnani, Burt Lancaster, Marisa Pavan, Ben Cooper
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Remarques :
* Le film ne récolta pas moins de 3 Oscars : un (assez logiquement) pour Anna Magnani, un autre pour la photographie noir et blanc de James Wong Howe (pourquoi pas, il fait partie des grands mais c’est loin d’être son film le plus remarquable) et un troisième pour les décors et la direction artistique (hum… un peu plus étonnant).
* Daniel Mann aime les interprétations assez spectaculaires, style qui plaît aux Oscars : son premier film Come Back, Little Sheba (Reviens petit Sheba, 1952) avait déjà permis à son actrice Shirley Booth d’en récolter un et Butterfield 8 (La Vénus au vison, 1960) permettra à Elizabeth Taylor d’avoir le sien (son premier), films qui sont quelque peu tombés dans l’oubli aujourd’hui.
* Anna Magnani tournera à nouveau une pièce de Tennessee Williams en 1959 : The Fugitive Kind (L’Homme à la peau de serpent) réalisé par Sidney Lumet.
* Caméo : Dans la scène au Bar The Mardi Gras, lors du traveling latéral, Tennessee Williams est visible assis au bar (chemise à rayures). L’homme à côté de lui est le producteur Hal B. Wallis.

La Rose tatouée
Marisa Pavan, Anna Magnani et Ben Cooper dans La Rose tatouée de Daniel Mann.

La Rose tatouée
Burt Lancaster dans La Rose tatouée de Daniel Mann.

20 octobre 2016

Lolita (1962) de Stanley Kubrick

LolitaUn professeur cinquantenaire tombe désespérément amoureux de la fille de sa logeuse… La réputation sulfureuse du roman de Nobokov rendait son adaptation délicate. La première difficulté était bien entendu de pouvoir passer la censure et de faire accepter le projet par les ligues de vertu, alors très puissantes. Faire vieillir Lolita de quelques années fut le premier stratagème : au lieu d’avoir 12 ans comme dans le roman, l’actrice Sue Lyon en avait 14 au moment du tournage et en paraissait deux de plus. Il fallut bien aussi mettre en sourdine l’aspect érotique du récit. Mais la difficulté principale était d’avoir suffisamment de talent pour ne pas faire de cette description d’un amour obsessionnel une histoire salace ou sordide. Du talent, Kubrick en a et, tout comme le charme du roman de Nabokov doit beaucoup à la très grande qualité de son écriture, le film Lolita est plus séduisant par le traitement qu’en fait Kubrick. Sa façon de construire ses scènes est assez remarquable. Côté acteurs, il leur a laissé une part d’improvisation et cela augmente d’autant l’authenticité. James Mason a juste ce qu’il faut d’ironie distante et Kubrick accentue le ton sardonique du récit avec le personnage joué par Peter Sellers, dont l’humour peut paraître décalé mais qui participe à l’équilibre global. En quelque sorte, il nous fait prendre du recul. Kubrick est aussi ironique envers l’american way of life avec l’insupportable mère de Lolita, jouée par Shelley Winters. La jeune Sue Lyon est étonnante par son alliance de charme et de complexité, exprimant toute l’ambigüité de son rôle : dès sa première scène, on se demande s’il s’agit d’une ingénue ou d’une manipulatrice. On ne le saura jamais. En revanche, le glissement de James Mason vers la folie est patent et son obsession pour une chose qu’il ne peut posséder finit par nous émouvoir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Shelley Winters, Sue Lyon, Peter Sellers
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Lolita
Sue Lyon dans Lolita de Stanley Kubrick.

Lolita
James Mason et Sue Lyon dans Lolita de Stanley Kubrick.

Lolita
Marianne Stone et Peter Sellers (au premier plan) écoutent subrepticement James Mason et Sue Lyon (à l’arrière plan) dans Lolita de Stanley Kubrick.

Remarques :
* Kubrick avait demandé à Nabokov d’écrire le scénario et s’en mordit les doigts quand il reçut un manuscrit de 400 pages. Il entreprit alors de le simplifier et de le transformer… Nabokov a estimé que Kubrick n’avait utilisé qu’environ vingt pour cent de son texte tout en s’estimant heureux du résultat.

* Kubrick a beaucoup développé le personnage de Clare Quilty (Peter Sellers) .

* Stanley Kubrick raconte : « L’un des problèmes majeur avec le livre, et avec le film, même dans son adaptation, c’est que le principal intérêt de l’histoire se résume à la question : « Est-ce qu’Humbert va coucher avec Lolita ? » … Pour éviter ce problème dans le film, Nabokov et moi, nous sommes tombés d’accord pour qu’Humbert tue Quilty sans explication dès le début, pour faire en sorte que le public se demande pendant tout le film ce que Quilty avait bien pu faire. » (interview de Joseph Gelmis, 1970)

* A l’origine, Peter Sellers devait se déguiser en femme pour jouer le rôle du psychologue scolaire (il existe une photo de tournage où l’on voit Sellers ainsi déguisé). Mais au dernier moment, Sellers et Kubrick sont tombés d’accord pour dire que ce serait trop exagéré et le personnage du Docteur Zemph fut inventé sur place.

Remake :
Lolita d’Adrian Lyne (1997) avec Jeremy Irons, Dominique Swain, Melanie Griffith

13 janvier 2016

Les nuits de la pleine lune (1984) de Eric Rohmer

Les nuits de la pleine luneFraîchement sortie d’Arts déco, Louise (Pascale Ogier) vit avec Rémi (Tchéky Karyo) en banlieue. Lui est plutôt casanier et aspire à une vie calme. Elle a envie de sortir et voir du monde. Pour avoir un espace de liberté, Louise décide de retaper un studio en plein Paris où elle travaille et a des relations amicales avec un journaliste, Octave (Fabrice Luchini). Contraint, Remi l’accepte… Les nuits de la pleine lune est le quatrième volet de la série Comédies et Proverbes d’Eric Rohmer. Le cinéaste porte un regard sur une certaine jeunesse des années 80, volage et butineuse en amour. Même s’il s’en défend, il porte aussi un jugement et montre sa désapprobation. Le dicton populaire placé en exergue, « Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd sa raison », est sans équivoque. Mais il faut dépasser les aspects conformistes et moralisateurs du propos et jouir de la qualité du dialogue et des différents échanges, avec toujours cette connotation littéraire si plaisante. L’image est assez brute, empreinte d’une certaine austérité. Le film est illuminé par la prestation de Pascale Ogier, à la fois forte et fragile, déterminée, un personnage d’une belle complexité.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pascale Ogier, Tchéky Karyo, Fabrice Luchini
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Remarques :
* C’est Pascale Ogier qui a décoré et meublé le studio de Louise.
* Pascale Ogier est décédée d’une crise cardiaque, deux mois après la sortie du film, quelques semaines après avoir reçu le Prix d’interprétation féminine au festival de Venise pour ce film. L’actrice était âgée de 25 ans.

Les Nuits de la pleine lune
Fabrice Luchini et Pascale Ogier dans Les nuits de la pleine lune d’Eric Rohmer

Les Nuits de la pleine lune
Pascale Ogier et Tchéky Karyo dans Les nuits de la pleine lune d’Eric Rohmer

15 mars 2014

Péché mortel (1945) de John M. Stahl

Titre original : « Leave Her to Heaven »

Péché mortelUn écrivain fait la rencontre d’une jeune fille de bonne famille dans un train. Elle est fascinée par son visage car l’homme ressemble à son père décédé il y a peu de temps. A leur arrivée, ils s’aperçoivent qu’ils se rendent chez la même personne dans un ranch du Nouveau Mexique. L’attraction réciproque ne fait que grandir et aboutit rapidement à un mariage… Comme le montrent clairement l’affiche et le générique, Leave Her to Heaven est tiré d’un best-seller signé Ben Ames Williams. La Fox en a confié la réalisation à John Stahl, grand spécialiste du mélodrame. Mais, et c’est bien là que réside tout son attrait, Leave Her to Heaven est bien plus qu’un mélodrame puisque, à mesure que l’histoire avance, nous basculons dans le film noir. Très rarement, la symbiose de ces deux genres, mélodrame et film noir, n’a été si réussie. L’histoire est à rapprocher de la vogue des thèmes psychanalytiques à cette époque mais le monumental complexe d’Oedipe non résolu qui en est ici le noeud est toutefois inséré avec une certaine discrétion. L’image, signée Leon Shamroy (1), est absolument superbe avec un Technicolor de toute beauté (des rouges éclatants, une teinte générale brun doré et de belles nuances de bleus, les verts étant judicieusement en retrait). Gene Tierney - Péché mortel Et il y a Gene Tierney… belle et sublime, dont la douceur naturelle rend la noirceur de ses desseins encore plus terrifiante. Elle fait une très belle interprétation de ce personnage complexe sous une façade parfaitement lissée et maitrisée. Face à elle, Cornel Wilde peut paraître un peu fade mais cela correspond à son personnage et la toute jeune (20 ans) Jeanne Crain, alors étoile montante de la Fox, a également un rôle tout en retenue. De nombreuses scènes restent gravées dans nos mémoires : les cendres, la barque et surtout l’escalier… Bien qu’il reste peu connu (pas assez du moins), Leave Her to Heaven est un film vraiment remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gene Tierney, Cornel Wilde, Jeanne Crain, Vincent Price, Darryl Hickman
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Remarques :
Péché mortel * La fameuse scène de l’escalier a bien failli être coupée par la Censure mais elle a pu être sauvée in extremis.
* Le titre Leave Her to Heaven est tiré d’une phrase d’Hamlet de Shakespeare : le fantôme du père d’Hamlet lui enjoint de ne rien tenter contre sa mère mais de laisser le Ciel se charger de la punir (ce que les distributeurs français ont exprimé bien maladroitement en traduisant par Péché mortel…)
* Dans son autobiographie, Gene Tierney décrit le tournage comme ayant été assez difficile. Le lieu de tournage au bord du lac (Bass Lake en Californie) était difficilement accessible par la route. Le tournage de la scène de la barque eut lieu en novembre et l’eau était glacée : on lui donnait de petites rasades de whisky entre les prises pour réactiver sa circulation sanguine (d’ailleurs, d’après IMDB, le jeune Darryl Hickman aurait été atteint de pneumonie en tournant la scène).

(1) Le directeur de la photographie Leon Shamroy a été oscarisé pour ce film.